Jurisprudence : TA Montreuil, du 02-02-2024, n° 2116249


Références

Tribunal Administratif de Montreuil

N° 2116249

3ème chambre
lecture du 02 février 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2021, Mme A B, représentée par Me Cassel, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 30 septembre 2021 par laquelle le receveur interrégional des douanes et droits Indirects de Paris-aéroports a rejeté sa demande du 10 septembre 2021 tendant à obtenir une autorisation de télétravail pérenne à raison de 12 jours par an ;

2°) d'enjoindre à titre principal, à la direction interrégionale des douanes et droits indirects de Paris-Aéroports de lui accorder une autorisation de télétravail pérenne de 12 jours par an, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai deux mois à compter du jugement ;

3°) de mettre à la charge de la direction interrégionale des douanes et droits indirects de Paris-Aéroports la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision attaquée constitue en réalité une sanction disciplinaire déguisée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 6 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984🏛 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012🏛 ;

- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016🏛 ;

- l'arrêté du 22 juillet 2016 portant application, dans les ministères économiques et financiers, de l'article 7 du décret n° 2016-151 du 11 février 2016🏛 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caro,

- et les conclusions de Mme de Bouttemont, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B, directrice principale des services douaniers, exerce les fonctions d'adjointe au receveur interrégional des douanes et droits indirects à Roissy. Le 10 septembre 2021, elle a déposé dans l'application informatique " Sirhius " une demande de télétravail pérenne à hauteur de 12 jours flottants par an. A l'issue de l'entretien organisé par son supérieur hiérarchique le 30 septembre 2021, celui-ci lui a transmis un courriel exposant les motifs pour lesquels il rejetait sa demande, le refus d'autorisation ayant par ailleurs été matérialisé dans l'application informatique " Sirhius " le même jour. Par la présente requête, Mme B demande l'annulation du refus qui lui a ainsi été opposé.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 133 de la loi du 12 mars 2012🏛 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, alors applicable : " Les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu'il est défini au premier alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail🏛. L'exercice des fonctions en télétravail est accordé à la demande du fonctionnaire et après accord du chef de service. Il peut y être mis fin à tout moment, sous réserve d'un délai de prévenance. Les fonctionnaires télétravailleurs bénéficient des droits prévus par la législation et la réglementation applicables aux agents exerçant leurs fonctions dans les locaux de leur employeur public. / Un décret en Conseil d'Etat fixe, après concertation avec les organisations syndicales représentatives de la fonction publique, les conditions d'application du présent article, notamment en ce qui concerne les modalités d'organisation du télétravail et les conditions dans lesquelles la commission administrative paritaire compétente peut être saisie par le fonctionnaire intéressé en cas de refus opposé à sa demande de télétravail ainsi que les possibilités de recours ponctuel au télétravail. ".

3. Aux termes de l'article 2 du décret du 11 février 2016🏛 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature : " Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux où il est affecté sont réalisées hors de ces locaux en utilisant les technologies de l'information et de la communication. / Le télétravail peut être organisé au domicile de l'agent, dans un autre lieu privé ou dans tout lieu à usage professionnel. / Un agent peut bénéficier au titre d'une même autorisation de ces différentes possibilités. / () ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " L'exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l'agent. Celle-ci précise les modalités d'organisation souhaitées. Lorsque le télétravail est organisé au domicile de l'agent ou dans un autre lieu privé, une attestation de conformité des installations aux spécifications techniques, établie conformément aux dispositions prises en application du 9° du I de l'article 7, est jointe à la demande. / Le chef de service, l'autorité territoriale ou l'autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées et l'intérêt du service. () / Une réponse écrite est donnée à la demande de télétravail dans un délai d'un mois maximum à compter de la date de sa réception ou de la date limite de dépôt lorsqu'une campagne de recensement des demandes est organisée. / En cas de changement de fonctions, l'agent intéressé doit présenter une nouvelle demande. / L'autorisation peut prévoir une période d'adaptation de trois mois maximum. / Il peut être mis fin à cette forme d'organisation du travail, à tout moment et par écrit, à l'initiative de l'administration ou de l'agent, moyennant un délai de prévenance de deux mois. Dans le cas où il est mis fin à l'autorisation de télétravail à l'initiative de l'administration, le délai de prévenance peut être réduit en cas de nécessité du service dûment motivée. Pendant la période d'adaptation, ce délai est ramené à un mois. / Le refus opposé à une demande d'autorisation de télétravail ainsi que l'interruption du télétravail à l'initiative de l'administration doivent être motivés et précédés d'un entretien. "

4. Il ressort des pièces du dossier que pour prendre la décision litigieuse, le supérieur hiérarchique de Mme B s'est fondé sur l'absence de respect par cette dernière des conditions de la précédente autorisation de télétravail qui lui avait été accordée le 23 novembre 2020 lors de la crise sanitaire liée au Covid, ce qui a conduit à son retrait le 8 février 2021, et sur la circonstance que l'éloignement du domicile de l'intéressée ne permettait pas un retour rapide au service en cas de besoin.

5. En premier lieu, il résulte des dispositions du décret du 11 février 2016🏛 citées au point 3 que les chefs de service apprécient la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées et l'intérêt du service. Il s'ensuit qu'en examinant les circonstances particulières et personnelles propres à la requérante, au regard de l'intérêt du service, le supérieur hiérarchique de Mme B n'a pas méconnu, au titre de ses prérogatives d'organisation des services placés sous son autorité, le cadre applicable à la mise en œuvre du télétravail au sein de son administration. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le Tribunal par un jugement définitif n° 2109729 du 13 octobre 2023, c'est sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation que le directeur interrégional des douanes et droits indirects de Paris Aéroports lui a retiré, par sa décision du 8 février 2021, l'autorisation de télétravail accordée le 23 novembre 2020, l'intéressée n'ayant en particulier pas sollicité à plusieurs reprises l'accord préalable de son supérieur hiérarchique pour fixer les dates des jours envisagés de télétravail. Eu égard notamment au caractère récent des manquements ainsi constatés et à l'atteinte portée au bon fonctionnement du service à cette occasion, elle n'est pas fondée à soutenir que le motif de refus opposé à sa demande tiré du non-respect des conditions de sa précédente autorisation de télétravail est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte par ailleurs de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur ce motif, lequel suffisait à lui seul, eu égard à l'atteinte portée au bon fonctionnement du service, à justifier, indépendamment de l'éloignement géographique de son domicile, la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

7. En troisième lieu, la requérante considère que la décision litigieuse du 30 septembre 2021 constitue en réalité une sanction disciplinaire déguisée et procède d'une mesure de rétorsion liée à la dégradation de ses relations avec son supérieur hiérarchique, depuis son retour de congé maladie le 11 mai 2020. Or, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'en prenant la décision en litige, qui est uniquement motivée par des considérations tirées de la bonne organisation du service et a été édictée dans l'intérêt du service, l'administration aurait entendu sanctionner l'intéressée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision du 30 septembre 2021 serait une sanction disciplinaire déguisée manque en fait et doit être écarté.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative🏛 : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

9. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B, n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à Mme B la somme que celle-ci réclame au titre des frais qu'elle y a exposés.

11. La présente instance n'a entraîné aucun dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative🏛. Par suite, les conclusions de Mme B relatives à la condamnation aux dépens doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Ribeiro-Mengoli, présidente,

Mme Van Maele, première conseillère,

Mme Caro, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2024.

La rapporteure,

N. CARO

La présidente,

N. RIBEIRO-MENGOLI

La greffière,

P. DEMOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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