Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 01-02-2024, n° 20/06375, Confirmation


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5


ARRÊT AU FOND

DU 01 FEVRIER 2024

ph

N° 2024/ 37


Rôle N° RG 20/06375 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGARA


[Z]Aa[Y] [O]


C/


Commune [Localité 3]


Copie exécutoire délivrée

le :

à :


Me Lou GODARD


SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD ROBERT


Décision déférée à la Cour :


Jugement du Tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 29 Avril 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00553.



APPELANTE


Madame [Z] [Aa] [O]

demeurant [… …]


représentée par Me Lou GODARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Onur BAYSAN, avocat au barreau de PARIS, plaidant


INTIMEE


Commune [Localité 3] prise en la personne de son maire, en cette qualité demeurant [… …]


représentée par Me Laurine GOUARD-ROBERT de la SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD ROBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laurent BERGUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant


*-*-*-*-*



COMPOSITION DE LA COUR


L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile🏛, Madame Patricia HOARAU, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.


La Cour était composée de :


Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller


qui en ont délibéré.


Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Février 2024.


ARRÊT


Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Février 2024,


Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


***



FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES


Mme [Ab] [Aa] est propriétaire d'un logement [Adresse 1], acquis le 3 octobre 2011, qui donne plein Sud sur l'immeuble appartenant à la commune de [Localité 3] sis à l'angle des rues [Localité 5] et [Adresse 2].


La commune de [Localité 3] a obtenu le 21 juin 2012, un permis de construire pour des travaux de confortement et de restructuration de cet immeuble, dont il est résulté la création d'une terrasse tropézienne, permis de construire que Mme [Aa] a contesté.


Par un arrêt du 6 avril 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le permis de construire du 21 juin 2012 au motif, notamment, qu'il autorisait une surélévation du bâtiment, prohibée par le plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 3].


La commune s'est délivrée un nouveau permis de construire le 17 octobre 2016, qui a été annulé par le tribunal administratif de Marseille par jugement du 25 juillet 2019, au motif que les plans de coupe du dossier de permis de construire ne font apparaître aucune surélévation de la construction, alors que les travaux entraînent une surélévation du bâtiment en méconnaissance des articles UA 10 et UA 11 du plan local d'urbanisme, ainsi que l'a relevé la cour administrative d'appel de Marseille dans son arrêt du 6 avril 2016 portant sur un permis du 21 juin 2012.



Par exploit d'huissier du 20 janvier 2017, Mme [Aa] a fait assigner la commune de [Localité 3] devant le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains afin d'obtenir la remise en état de la toiture et l'indemnisation de ses préjudices.


Par jugement du 29 avril 2020, le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains a :

- débouté Mme [Aa] de sa demande en démolition fondée sur l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme🏛,

- déclaré prescrite la demande indemnitaire présentée par Mme [Aa] sur le fondement de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme,

- constaté que l'aménagement par la commune de [Localité 3] au troisième niveau de l'immeuble B 808 d'une terrasse en toiture en remplacement de l'ancienne toiture, a créé pour Mme [Aa] occupant de troisième étage des immeubles B 882 et 883, un vis-à-vis constitutif d'un trouble anormal du voisinage,

- condamné en réparation du préjudice subi, la commune de [Localité 3] à verser à Mme [Aa] la somme de 8 000 euros de dommages et intérêts,

- condamné la commune de [Localité 3] à payer à Mme [Aa] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- rejeté toutes autres demandes des parties,

- condamné la commune de [Localité 3] aux dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire.


Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu, sur la mise en œuvre de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme,

- que Mme [Aa] a assigné la commune de [Localité 3] devant la juridiction judiciaire le 13 février 2017 dans le délai prescrit de deux ans de l'annulation définitive du premier permis de construire par la cour administrative d'appel de Marseille du 6 avril 2016, que toutefois un second permis de construire a été obtenu pour régulariser la construction réalisée, également contesté devant les juridictions administratives, annulé par le tribunal administratif de Marseille par jugement du 25 juillet 2019, dont la commune de [Localité 3] a interjeté appel le 18 septembre 2018, qu'en raison du lien étroit entre ces deux instances, il ne peut être considéré que Mme [Aa] justifie d'une décision définitive,

- que la demande indemnitaire sur le même fondement, devait être engagée dans les deux ans suivant l'achèvement des travaux, qui peut être situé au cours de l'été 2013, qu'au regard de l'introduction de l'instance le 13 février 2017, la demande est prescrite.


Par déclaration du 10 juillet 2020, Mme [Aa] a relevé appel de ce jugement.


Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées sur le RPVA le 4 août 2021, Mme [Aa] demande à la cour :


- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande de démolition,

- d'ordonner la démolition des travaux irrégulièrement effectués et la remise dans son état initial de la toiture du bâtiment, sans terrasse tropézienne, dans un délai d'un mois courant à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, le tout aux frais avancés et risques de la commune de [Localité 3],

- d'assortir cette condamnation d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard, jusqu'à la parfaite mise en conformité du bâtiment avec la décision à intervenir,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité à 8 000 euros le montant de l'indemnité lui revenant,

- de condamner la ville de [Localité 3] à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du trouble anormal de voisinage créé par la construction illégalement réalisée,

- de condamner la commune de [Localité 3] à lui verser une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la commune de [Localité 3] aux entiers dépens de la présente instance,

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.


Mme [Aa] fait valoir en substance :


Sur la demande de démolition,

- que par arrêt du 25 mars 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel de la commune de [Localité 3] et que cet arrêt est définitif faute de pourvoi exercé,

- que les conditions de l'article L. 480-13 sont réunies, à savoir l'annulation préalable du permis de construire, le délai d'action de deux ans, le terrain du projet litigieux situé dans un des secteurs protégés listés, la méconnaissance des règles d'urbanisme,


Sur la demande de dommages et intérêts,

- qu'elle subit d'importants troubles et préjudices du fait de la construction litigieuse et notamment du vis-à-vis et des nuisances sonores créés par la surélévation illégale,

- qu'elle a acquis son appartement antérieurement à la demande de dépôt de permis de construire intervenu le 13 mars 2012,

- que ce sont les travaux de surélévation illégale, qui ont permis la création de la terrasse en toiture, conséquence de cette surélévation,

- que la commune de [Localité 3] lui impose cette situation, qui n'a pas lieu d'être depuis 2013, soit huit ans à ce jour,

- que la somme allouée est insuffisante au vu des très graves troubles subis,

- que contrairement à ce que soutient la commune de [Localité 3], l'actuel PLU interdit expressément les terrasses en toiture et les toitures terrasses (c'est-à-dire, les constructions avec une toiture plate), ce qui exclut toute régularisation.


Dans ses conclusions d'intimée déposées et notifiées par le RPVA le 10 décembre 2020, la commune de [Localité 3] demande à la cour :


Vu l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme,

Vu l'article 1240 du code civil🏛,


- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de démolition présentée par Mme [Aa],

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il déclare prescrite la demande indemnitaire présentée sur le fondement de l'article L. 480-13,

- d'infirmer ce même jugement en ce qu'il constate que l'aménagement au troisième niveau de l'immeuble G 808 d'une terrasse en toiture est constitutif d'un trouble anormal de voisinage au préjudice de Mme [Aa], et en ce qu'il la condamne, pour ce motif, au paiement d'une somme de 8 000 euros à titre de dommages intérêts,


- de débouter Mme [Aa] de ses conclusions tendant à sa condamnation au paiement d'une somme de 15 000 euros en réparation de ce même préjudice,

- de débouter Mme [Aa] en tout état de cause de ses conclusions afin de démolition,

- de condamner Mme [Aa] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.


La commune de [Localité 3] soutient pour l'essentiel :


Sur la demande de démolition,

- qu'il ressort notamment de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, que l'action en démolition devant le juge civil est irrecevable si les demandeurs n'ont pas obtenu l'annulation préalable du permis de construire par le tribunal administratif,

- qu'en l'espèce, suite à l'annulation par la cour administrative d'appel d'un précédent permis de construire, elle a régularisé la construction en délivrant un nouveau permis de construire le 17 octobre 2016 et que Mme [Aa] a introduit son action en démolition, non seulement avant d'avoir attaqué pour excès de pouvoir le dit permis de construire, mais encore à une date à laquelle celui-ci était pleinement exécutoire,

- que la circonstance que le tribunal administratif, par jugement du 18 septembre 2019, a annulé ce deuxième permis de construire, est inopérante dès lors, d'une part, que la recevabilité d'une prétention s'apprécie au moment de l'exercice de l'action, d'autre part que ce jugement n'est en aucun cas une décision définitive, puisqu'elle en a relevé appel devant la cour administrative d'appel de Marseille,


Subsidiairement,

- que le demandeur doit établir que l'irrégularité précisément sanctionnée par le juge administratif est elle-même à l'origine du préjudice qu'elle indique subir,

- que la demanderesse se plaint exclusivement des nuisances liées à la présence d'une terrasse tropézienne, alors qu'auparavant existait une toiture aveugle, mais que si le précédent permis de construire a été censuré par la juridiction administrative, ce n'est nullement en raison de la réalisation d'une telle terrasse ouvrant des vues sur les pièces à vivre de la requérante, mais en raison d'une supposée surélévation de la toiture, proscrite par les articles UA10 et 11 du PLU, déduite sur plan,

- que la requérante estime en réalité, sans en apporter la moindre preuve, que seule cette surélévation a pu permettre la création de cette terrasse tropézienne, ce qui est techniquement inexact, que les règles d'urbanisme ne régissent pas l'aménagement intérieur des bâtiments,

- que sur le plan technique, la terrasse tropézienne dont la présence est seule à l'origine du préjudice dont se prévaut Mme [Aa], aurait ainsi parfaitement pu être réalisée avec une hauteur de faîtage inférieure de plusieurs dizaines de centimètres,

- que les dispositions du PLU alors applicables, si elles prohibaient les surélévations, autorisaient expressément la création de terrasses en toiture dans le secteur,

- qu'il est d'ailleurs loisible de penser qu'en l'absence de création de la terrasse, la surélévation de la toiture au faîtage n'aurait pas été dénoncée, ni même perçue par MAae [O],

- qu'en tout état de cause, il est constant que la méconnaissance de règles de prospect, qu'il s'agisse d'implantation, de distance ou de hauteur, ne présente pas de lien de causalité direct avec les préjudices tirés de la création de vues ou de la perte d'ensoleillement, les dispositions d'urbanisme édictant de telles règles étant étrangères aux questions relatives aux vues sur les fonds voisins,


Sur le trouble anormal de voisinage,

- qu'à titre liminaire, l'indemnisation des préjudices par le versement de dommages intérêts, prive le demandeur à agir en démolition (En ce sens Cass. Civ. 3ème, 19 novembre 2008, ASL du lotissement du Val Seyton, n° 07-18.414⚖️), que Mme [Aa] n'est donc pas fondée à réclamer cumulativement la démolition, ou remise en état des lieux, sur le fondement de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, et l'octroi d'une indemnité couvrant l'ensemble de ses préjudices,

- que c'est à tort que le tribunal a retenu le trouble anormal de voisinage, sans prendre en compte l'environnement exclusivement urbain du bien de la demanderesse, ni la réalité des aménagements effectués par la commune sur sa propriété,


- que les considérations relatives aux intentions de la requérante, sont des éléments purement subjectifs ne pouvant entrer en compte dans l'appréciation de l'existence d'un trouble normal de voisinage,

- que les premiers juges ne pouvaient pas davantage se fonder, pour statuer en matière de trouble anormal de voisinage, sur la circonstance que le permis de construire du bâtiment à l'origine du trouble aurait été censurée par le juge administratif, alors que les irrégularités relevées par ce dernier ne concernaient nullement la présence de la terrasse tropézienne,

- que les troubles ne sont regardés comme « anormaux » que lorsque que le bien du plaignant est « affecté dans des proportions excédant le risque nécessairement encouru du fait de l'installation en milieu urbain »,

- qu'en milieu urbain, nul ne dispose d'un droit acquis au maintien d'un environnement exempt de création de vue par l'édification de bâtiments,

- que la distance de 8,28 mètres, retenue par le tribunal, entre les deux immeubles, n'a rien d'anormale de part et d'autre d'une ruelle dans le centre ancien d'un village provençal,

- que la toiture terrasse ' loin d'être le prolongement d'une pièce à vivre, dans laquelle sont susceptibles d'être accueillies un nombre significatif de personnes ou des activités bruyantes ' donne en réalité sur une chambre sous combles d'une douzaine de mètres carrés (Plan PC03 du permis de construire PJ4),

- que l'affirmation de Mme [Aa] sur l'existence de nuisances sonores régulières est donc simplement fausse.


L'instruction a été clôturée par ordonnance du 21 novembre 2023.


La décision sera contradictoire, puisque toutes les parties ont constitué avocat.



MOTIFS DE LA DECISION


Sur la demande de démolition


Mme [Aa] poursuit la démolition des travaux réalisés par la commune de [Localité 3] en arguant des troubles et préjudices subis du fait de la construction litigieuse en raison du vis-à-vis et des nuisances sonores.


Aux termes de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de l'assignation, « Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

1° Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans l'une des zones suivantes :

(')

g) Les sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 dudit code ;

(')

L'action en démolition doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative (') »


Il est constant que si ce texte subordonne l'exercice de l'action en démolition à des conditions particulières, l'action en démolition demeure fondée sur la responsabilité civile de droit commun et continue à obéir aux conditions habituelles de cette responsabilité.


Ainsi, la méconnaissance des règles d'urbanisme peut servir de fondement à l'action en démolition, dès lors que le demandeur à l'action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec la violation.


En l'espèce, il est établi et non discuté que la construction litigieuse, est située en site inscrit ou classé.


Mme [Aa] a obtenu l'annulation du premier permis de construire du 21 juillet 2012, par arrêt du 6 avril 2016 et justifie que son recours contre le deuxième permis de construire du 17 octobre 2016, de régularisation du premier, a abouti à son annulation prononcée par jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 juillet 2019, que par arrêt du 25 mars 2021 la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel de la commune de [Localité 3] contre ce jugement, et qu'aucun pourvoi n'a été formé contre cet arrêt.


Il n'est pas contestable que Mme [Aa], qui a assigné la commune le 20 janvier 2017, a bien agi dans le délai de deux ans de la première annulation du permis de construire.


Le second permis de construire octroyé tendant à la régularisation du premier annulé, présentant de ce fait, un lien étroit avec le premier, la commune de [Localité 3] ne peut reprocher à Mme [Aa] de l'avoir assignée à tort en démolition, avant qu'il soit définitivement statué sur le recours contre celui-ci, étant acquis qu'en dernier lieu, la décision d'annulation du second permis de construire est devenue définitive.


Il s'agit bien d'une annulation du permis de construire initial et modificatif, pour violation des règles d'urbanisme, en l'occurrence les articles UA 10 et UA 11 du plan local d'urbanisme alors applicables, l'article « UA 10 ' Hauteur des constructions » interdisant toute augmentation des hauteurs à l'égout et au faîtage pour les constructions existantes et l'article « UA 11 ' Aspect extérieur des constructions et aménagement de leurs abords » interdisant toute surélévation et admettant la création de terrasses en toiture sous certaines conditions.


Sur les troubles et préjudices allégués, Mme [Aa] verse aux débats :

- des photographies avant et après la construction litigieuse, faisant apparaître un vis-à-vis évident, sa fenêtre donnant directement sur la terrasse construite et réciproquement,

- des témoignages faisant état d'une proximité sonore créée par la construction de la terrasse, portant atteinte à l'intimité de l'appartement deAaMme [O].


La commune de [Localité 3] oppose que la demanderesse se plaint exclusivement des nuisances liées à la présence d'une terrasse tropézienne alors qu'auparavant existait une toiture aveugle, que le précédent permis de construire a été censuré par la juridiction administrative pour la surélévation interdite mais pas en raison de la réalisation de la terrasse, que Mme [Aa] ne rapporte pas la preuve que seule la surélévation a pu permettre la création de cette terrasse tropézienne, que sur le plan technique, la terrasse tropézienne dont la présence est seule à l'origine du préjudice dont se prévaut Mme [Aa] aurait pu être réalisée avec une hauteur de faîtage inférieure de plusieurs dizaines de centimètres, que les dispositions du PLU alors applicables, si elles prohibaient les surélévations, autorisaient expressément la création de terrasses en toiture dans le secteur.


Il ressort des pièces produites que Mme [Aa] subit des préjudices en lien avec la réalisation de la terrasse en toiture, alors que le plan local d'urbanisme antérieur à celui approuvé le 11 juillet 2019 qui interdit la création de terrasses en toiture, permettait la construction de terrasse sous certaines conditions.


Les décisions administratives d'annulation du permis de construire initial et modificatif sont motivées sur la surélévation interdite uniquement.


Il n'est pas établi que la surélévation interdite a causé le préjudice de vis-à-vis et de nuisances sonores, en présence d'un doute sur la possibilité ou pas de réaliser une terrasse sans surélévation, la seule affirmation de Mme [Aa] étant insuffisante à le démontrer.


En conséquence, Mme [Aa] sera déboutée de sa demande de démolition et le jugement confirmé sur ce point, par substitution de motifs.


Sur la demande d'indemnisation


Aux termes de l'article 544 du code civil🏛 « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »


La limite de ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.


L'anormalité du trouble doit s'apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et/ou répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.


Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d'en rapporter la preuve.


Il ressort des développements ci-dessus que Mme [Aa] subit du fait de la construction réalisée irrégulièrement par la commune de [Localité 3], un vis-à vis important ainsi que des nuisances sonores, qui n'existaient pas avant la construction litigieuse, ses fenêtres Ouest (salon) et Est (salle à manger et cuisine) donnant alors sur une toiture, selon le procès-verbal de constat d'huissier produit.


Même s'il est indiqué qu'une terrasse aurait pu être installée sans surélévation et que dans l'ancien plan local d'urbanisme, la construction de terrasses en toiture était permise, la conséquence en est que la terrasse donnant directement sur les fenêtres des pièces à vivre de Mme [Aa], crée un grave vis-à vis, qui sera constitué à chaque période de beau temps, nombreuses dans la région, pendant lesquelles la terrasse sera utilisée, source de nuisances visuelles et sonores et d'atteintes à l'intimité de la vie privée de Mme [Aa]. L'intérêt de disposer d'une terrasse est évidemment de l'utiliser et pouvoir vivre en extérieur, ce qui génèrera des troubles répétés àAaMme [O].


C'est donc par une juste appréciation des faits et du droit, que le premier juge a considéré qu'était constitué un trouble anormal de voisinage, qu'il a indemnisé à hauteur de 8 000 euros, Mme [Aa] n'apportant pas d'élément d'information supplémentaire, de nature à modifier le quantum alloué.


Sur les demandes accessoires


En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile🏛 et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement entrepris sur les dépens ainsi que sur les frais irrépétibles.


En cause d'appel, la commune de [Localité 3] qui succombe, sera condamnée aux dépens et aux frais irrépétibles.


L'exécution provisoire n'a lieu que contre les jugements de première instance, à l'exclusion des arrêts d'appel susceptibles de pourvoi en cassation, voie extraordinaire de recours non suspensive d'exécution, si bien que la demande tendant à l'exécution provisoire de la décision, n'a aucun intérêt.



PAR CES MOTIFS


Confirme le jugement entrepris


Y ajoutant,


Condamne la commune de [Localité 3] aux dépens d'appel ;


Condamne la commune de [Localité 3] à payer à Mme [Ab] [Aa], la somme de 3 000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


LE GREFFIER LE PRESIDENT

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