Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 01-02-2024, n° 473979, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/4 ch.-r., 01-02-2024, n° 473979, mentionné aux tables du recueil Lebon

A92522II

Référence

CE 1/4 ch.-r., 01-02-2024, n° 473979, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/104608248-ce-14-chr-01022024-n-473979-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
Copier

Abstract

62-03-01 1) Il résulte des articles L. 243-7-1 A et L. 243-7-4 du code de la sécurité sociale (CSS) que, afin d’assurer le caractère contradictoire de la procédure, il incombe à l’organisme de recouvrement qui envisage de procéder à un redressement des cotisations ou contributions qui lui sont dues en se fondant sur des documents ou informations obtenus lors du contrôle de personnes appartenant au même groupe que la personne contrôlée d’informer cette dernière, avant la mise en recouvrement, de la teneur et de l’origine de ces documents ou informations. Il doit en outre préciser à cette personne qu’elle a la faculté de demander la communication de ces documents....2) L’article L. 234-7-4 du CSS n’impose pas au pouvoir réglementaire de prévoir, dès lors que les précisions apportées à la personne contrôlée lui ont déjà permis d’en discuter l’origine, la teneur ou la portée au cours de la procédure contradictoire, que cette procédure contradictoire puisse se poursuivre à la suite de la communication de cette copie.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 473979

Séance du 17 janvier 2024

Lecture du 01 février 2024

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 4ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 mai et 10 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Le Cercle Lafay demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le d) du 3° et le 8° de l'article 1er du décret n° 2023-262 du 12 avril 2023🏛 portant diverses améliorations relatives aux contrôles réalisés par les organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales du régime général et du régime agricole ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale🏛 confie aux organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général le contrôle de l'application des dispositions du code de la sécurité sociale par les employeurs, les travailleurs indépendants ainsi que toute personne qui verse des cotisations ou contributions auprès de ces organismes, les agents chargés du contrôle, assermentés et agréés, ayant qualité pour dresser, en cas d'infraction à ces dispositions, des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire. Ces agents sont également compétents, en vertu des articles L. 8271-1 et L. 8271-1-2 du code du travail🏛🏛, pour rechercher et constater, dans la limite de leurs compétences en la matière, les infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 de ce code, au nombre desquelles figure le travail dissimulé. L'article L. 8271-6-4 du même code🏛 prévoit en outre que, dans les conditions qu'il définit, les procès-verbaux relevant une infraction constitutive de travail illégal dressés par l'ensemble des agents compétents pour ce faire, dont la liste figure à l'article L. 8271-1-2, sont communiqués pour mise en recouvrement des cotisations et contributions qui leur sont dues aux organismes de recouvrement. L'association Le Cercle Lafay demande l'annulation pour excès de pouvoir de deux modifications apportées à la procédure réglementaire régissant ces contrôles par le décret du 12 avril 2023 portant diverses améliorations relatives aux contrôles réalisés par les organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales du régime général et du régime agricole.

Sur les conclusions dirigées contre le d) du 3° de l'article 1er du décret attaqué :

2. Le premier alinéa du III de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale🏛 prévoit que : " A l'issue du contrôle ou lorsqu'un constat d'infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l'article L. 8271-6-4 du code du travail afin qu'il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle réalisé par eux ou par d'autres agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci. ". Les trois alinéas suivants du même article, dans leur rédaction issue du décret attaqué, prévoient que lorsqu'une infraction mentionnée à l'article L. 8221-1 du code du travail🏛, relatif à l'interdiction du travail dissimulé, a été constatée, " () la lettre d'observations mentionne en outre, le cas échéant : / 1° La référence au document prévu à l'article R. 133-1 ", qui est remis à la personne contrôlée par l'agent de contrôle ayant établi le procès-verbal de travail dissimulé en vue de la mise en recouvrement de ses créances par l'organisme de recouvrement, " ou les différents éléments listés au premier alinéa de cet article lorsque l'infraction a été constatée à l'occasion du contrôle réalisé par eux ; / 2° La référence au document mentionné à l'article R. 133-1 ainsi que les faits constatés par les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail lorsque le constat d'infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l'article L. 8271-6-4 du code du travail. ".

3. L'ajout des mots " le cas échéant " au deuxième alinéa du III de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale cité au point précédent a pour seule portée d'imposer à l'administration de mentionner dans la lettre d'observations adressée à la personne ayant fait l'objet d'un contrôle pour infraction à l'interdiction du travail dissimulé les documents et éléments pertinents propres à l'espèce. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que cet ajout laisserait à la libre décision de l'organisme de recouvrement le choix de faire ou non figurer ces mentions dans la lettre d'observations ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions dirigées contre le 8° de l'article 1er du décret attaqué :

4. D'une part, l'article L. 243-7-1 A du code de la sécurité sociale🏛, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué, dispose que : " A l'issue d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, l'agent chargé du contrôle adresse à la personne contrôlée une lettre mentionnant, s'il y a lieu, les observations constatées au cours du contrôle et engageant la période contradictoire préalable à l'envoi de toute mise en demeure ou avertissement en application de l'article L. 244-2 ou à toute mise en œuvre des procédures de recouvrement mentionnées à l'article L. 133-8-7. Dans ce dernier cas, la lettre vaut notification des sommes versées à tort et procède à l'invitation prévue au premier alinéa du même article L. 133-8-7. / La durée de la période contradictoire peut être prolongée sur demande de la personne contrôlée reçue par l'organisme avant l'expiration du délai initial (). ". Les huitième, dixième et onzième alinéas du III de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale prévoient que : " La période contradictoire prévue à l'article L. 243-7-1 A est engagée à compter de la réception de la lettre d'observations par la personne contrôlée, qui dispose d'un délai de trente jours pour y répondre. Ce délai peut être porté, à la demande de la personne contrôlée, à soixante jours. () / () Lorsque la personne contrôlée répond avant la fin du délai imparti, l'agent chargé du contrôle est tenu de répondre. () / La période contradictoire prend fin, en l'absence de réponse de la personne contrôlée, au terme des délais prévus au huitième alinéa du présent III ou à la date d'envoi de la réponse de l'agent chargé du contrôle mentionnée au dixième alinéa du même III. "

5. D'autre part, l'article L. 243-7-4 du code de la sécurité sociale🏛 prévoit que : " Dans le cadre de leurs missions, les agents chargés du contrôle peuvent utiliser les documents et informations obtenus lors du contrôle de toute personne appartenant au même groupe que la personne qu'ils contrôlent. Pour l'application du présent article, un groupe est entendu comme l'ensemble des personnes entre lesquelles existe un lien de détention ou de contrôle au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3 du code de commerce🏛🏛. / L'agent chargé du contrôle est tenu d'informer la personne contrôlée de la teneur et de l'origine des documents ou informations, obtenus dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article, sur lesquels il se fonde. Sur sa demande et après que cette faculté lui a été précisée, il communique une copie des documents à la personne contrôlée. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions et garanties applicables à cette utilisation de documents ou d'informations ainsi que le délai d'information de la personne contrôlée. ". En application de ces dispositions, le 8° de l'article 1er du décret attaqué insère un article R. 243-59-10 au code de la sécurité sociale🏛, aux termes duquel : " I.- Lorsqu'il utilise des documents ou informations dans les conditions des dispositions de l'article L. 243-7-4, l'agent chargé du contrôle précise dans la lettre d'observations mentionnée au III de l'article R. 243-59 : / 1° La nature de ces documents ou informations ; / 2° Leur contenu ou les éléments d'information sur lesquels il s'appuie pour fonder son redressement ; / 3° La référence au contrôle et l'identité de la ou des personnes du même groupe d'où proviennent ces documents ou informations. / La lettre d'observations mentionne en outre la faculté offerte à la personne contrôlée de demander une copie des documents mentionnés au présent article. / II.- Lorsque la personne contrôlée a demandé la communication d'une copie dans le délai prévu au huitième alinéa du III de l'article R. 243-59, la période contradictoire prévue à ces dispositions ne prend fin qu'à la date d'envoi de la copie, sauf si cette date est antérieure à celle de la réponse de l'agent chargé du contrôle mentionnée au dernier alinéa de ce même III. ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'afin d'assurer le caractère contradictoire de la procédure, il incombe à l'organisme de recouvrement qui envisage de procéder à un redressement des cotisations ou contributions qui lui sont dues en se fondant sur des documents ou informations obtenus lors du contrôle de personnes appartenant au même groupe que la personne contrôlée d'informer cette dernière, avant la mise en recouvrement, de la teneur et de l'origine de ces documents ou informations. Il doit en outre préciser à cette personne qu'elle a la faculté de demander la communication de ces documents.

7. En prévoyant que l'agent chargé du contrôle précise à la personne contrôlée, dans la lettre d'observations adressée à l'issue du contrôle, la nature des documents et informations ainsi utilisées, leur origine, ainsi que leur contenu ou les éléments d'information sur lesquels il s'appuie pour fonder son redressement, de même que la faculté, dont elle dispose, de demander copie des documents, et en lui permettant, si elle présente sa demande au cours de la période de trente ou de soixante jours, selon les cas, qui lui est ouverte à la suite de l'envoi de la lettre d'observations pour y répondre, d'obtenir cette communication au plus tard avant la mise en recouvrement des sommes dues, l'article R. 243-59-10 du code de la sécurité sociale issu du décret attaqué ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 243-7-4 du code de la sécurité sociale confiant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les conditions et garanties applicables à cette utilisation de documents ou d'informations ainsi que le délai d'information de la personne contrôlée de la teneur et de l'origine des documents ou informations utilisés. Contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions de l'article L. 243-7-4 n'imposaient au pouvoir réglementaire ni de fixer également un délai pour la communication de la copie des documents à la personne contrôlée lorsque celle-ci exerce sa faculté de la demander, ni de prévoir, dès lors que les précisions apportées à la personne contrôlée lui ont déjà permis d'en discuter l'origine, la teneur ou la portée au cours de la procédure contradictoire, que cette procédure contradictoire puisse se poursuivre à la suite de la communication de cette copie.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions attaquées. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être également rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association Le Cercle Lafay est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Le Cercle Lafay et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 janvier 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 1er février 2024.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Noël

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.