Jurisprudence : Cass. crim., 24-01-2024, n° 23-81.194, F-B, Cassation

Cass. crim., 24-01-2024, n° 23-81.194, F-B, Cassation

A71362GE

Référence

Cass. crim., 24-01-2024, n° 23-81.194, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/104250235-cass-crim-24012024-n-2381194-fb-cassation
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Abstract

Les dispositions de l'article 131-21 du code pénal permettant la confiscation de biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, n'exigent pas du propriétaire faisant valoir le droit qu'il revendique et sa bonne foi qu'il ait eu la libre disposition de ces biens


N° E 23-81.194 F-B

N° 00060


GM
24 JANVIER 2024


DECHEANCE
CASSATION


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2024



M. [S] [Aa] et la société Ando ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 6 février 2023, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef d'association de malfaiteurs aggravée, en récidive, a déclaré la requête en restitution de la seconde irrecevable.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.


Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Ando, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,


la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par arrêt du 14 janvier 2020, la cour d'assises d'appel, spécialement composée, statuant comme juridiction interrégionale spécialisée, a condamné M. [S] [Aa], pour association de malfaiteurs aggravée, en récidive, à douze ans d'emprisonnement et une mesure de confiscation.

3. Le 13 janvier 2021, le pourvoi formé par l'intéressé contre cette décision a été déclaré non admis.

4. Le 2 décembre 2021, la société Ando a présenté, sur le fondement des dispositions de l'article 710 du code de procédure pénale🏛, une requête en restitution d'un bien immobilier.

Déchéance du pourvoi formé par MAa [X]

5. M. [Aa] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale🏛.


Examen des moyens

Enoncé des moyens

6. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception d'inconstitutionnalité et déclaré sa requête en restitution irrecevable pour défaut de qualité à agir, alors « que, le tiers dont la confiscation des biens dont il est propriétaire a été définitivement prononcée aux termes d'une procédure pénale dans le cadre de laquelle il n'a pas été cité, ni n'est intervenu à l'audience et qui sollicite par requête la restitution de ses biens a droit à l'assistance d'un avocat et doit recevoir communication des pièces utiles à sa défense ; qu'en déclarant irrecevable la demande de restitution introduite par la SCI Ando, propriétaire du bien immeuble confisqué, sans qu'elle ait pu bénéficier des garanties procédurales propres à lui permettre de faire valoir le droit qu'elle revendique et sa bonne foi, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1, et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛, 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention et 131-21 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021🏛, applicable à compter du 31 décembre 2021, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale🏛. »

7. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception d'inconstitutionnalité et déclaré sa requête en restitution irrecevable pour défaut de qualité à agir, alors « que, qu'est seul recevable à agir en application de l'article 710 du Code de procédure pénale en incident d'exécution d'une décision de confiscation définitive, le propriétaire juridique ou légal du bien concerné, non condamné pénalement, qui conserve entier son droit de propriété sur celui-ci, nonobstant la libre disposition dont peut bénéficier une tierce personne ; qu'en déclarant la SCI Ando irrecevable à solliciter la restitution du bien immobilier confisqué, aux motifs inopérants qu'elle n'en avait pas la libre disposition, lorsqu'il est acquis qu'elle avait la propriété du bien confisqué et qu'elle n'a été ni condamnée ni poursuivie pénalement, la cour d'appel a violé les articles les articles 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 131-21 du code pénal et 710 du code de procédure pénale, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale. »


Réponse de la Cour

8. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 6, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention, 131-21 du code pénal et 710 du code de procédure pénale :

9. Il résulte des deux premiers de ces textes que toute personne dont le titre est connu ou qui a revendiqué cette qualité pendant la procédure a droit à ce que sa cause soit entendue par une juridiction statuant sur sa demande de restitution d'un bien dont elle est propriétaire ou dont elle revendique la propriété.

10. Il résulte du quatrième de ces textes que, lorsqu'a été prononcée une peine de confiscation portant sur des biens dont le condamné a la libre disposition et sur lesquels toute personne autre que ce dernier dispose d'un droit de propriété, cette personne, dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure, est recevable, si elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation décidée par la juridiction de jugement, à présenter à la juridiction compétente une demande de restitution sur le fondement du dernier de ces textes, aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'elle revendique et sa bonne foi.

11. La juridiction qui statue sur la demande de restitution est tenue de s'assurer que le requérant a eu accès aux pièces de la procédure se rapportant à la confiscation qu'il conteste et, le cas échéant, aux pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles elle se fonde dans ses motifs décisoires, et les mentions de l'arrêt doivent identifier, directement ou par renvoi à un inventaire éventuellement dressé par le procureur général, auquel l'article 194, alinéa 1er, du code de procédure pénale🏛 confie la mise en état de l'affaire, chacune des pièces mises à la disposition de l'avocat du tiers propriétaire.

12. Pour déclarer irrecevable la requête en restitution présentée par la société Ando, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que l'article 131-21 du code pénal🏛 prévoit que la confiscation peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition.

13. Les juges ajoutent qu'en la matière, le législateur a donc entendu réserver les droits du propriétaire de bonne foi sur les biens dont il a la libre disposition, ces trois conditions devant être cumulativement réunies, et qu'avant d'apprécier l'éventuelle bonne foi de la société Ando, il convient d'examiner si elle avait la libre disposition du bien litigieux.

14. Ils retiennent qu'il résulte des éléments du dossier, en particulier des déclarations de M. [Aa] et de son épouse, que si la société Ando est propriétaire du bien litigieux, elle n'en a pas assuré effectivement la gestion et n'en avait pas la libre disposition.

15. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés, pour les motifs qui suivent.

16. En premier lieu, il ne ressort pas des mentions de l'arrêt que la société Ando ait eu accès aux pièces de la procédure se rapportant à la confiscation qu'elle conteste ni aux pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles la chambre de l'instruction s'est fondée dans ses motifs décisoires.

17. En second lieu, les dispositions de l'article 131-21 du code pénal permettant la confiscation de biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, n'exigent pas du propriétaire faisant valoir le droit qu'il revendique et sa bonne foi qu'il ait eu la libre disposition de ces biens.

18. La cassation est par conséquent encourue.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par M. [Aa] :

CONSTATE la déchéance du pourvoi ;


Sur le pourvoi formé par la société Ando :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 6 février 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.

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