Jurisprudence : CA Paris, 6, 2, 11-01-2024, n° 23/01733, Confirmation

CA Paris, 6, 2, 11-01-2024, n° 23/01733, Confirmation

A86702ET

Référence

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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2


ARRÊT DU 11 JANVIER 2024


(n° , 6 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01733 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHHWH


Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2023 -Pole social du TJ de PARIS - RG n° 22/01389



APPELANTE :


Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'INDRE

[Adresse 1]

[Localité 3]


Représentée par Me Grégory CHASTAGNOL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061


INTIMEE :


S.A. [6], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 4]


Non représentée



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Eric LEGRIS, président

Christine LAGARDE, conseillère


Greffière lors des débats : Madame Aa A en présence de Madame Sophie CAPITAINE


ARRÊT :

- Réputé contradictoire


- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛


- signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



EXPOSÉ DU LITIGE :


La caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre (ci-après la CPAM) est un organisme de droit privé qui exerce une mission de service public. Il s'agit plus particulièrement d'un organisme de sécurité sociale en charge des branches maladie, maternité, invalidité et décès et accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale.

La CPAM de l'lndre compte un effectif de l'ordre de 171 salariés.


Lors de la réunion du 20 octobre 2020, le comité social et économique (CSE) a désigné le cabinet [6] pour l`assister, d'une part dans le cadre de la procédure d'information/consultation portant sur la situation économique et financière de l'entreprise et d'autre part dans le cadre de la procédure d'information/consultation portant sur la politique sociale, les conditions de travail et 1'emploi.


Le 29 octobre 2021, [6] a adressé à la CPAM sa lettre de mission estimant la durée de la mission entre 23 et 27 jours pour un coût prévisionnel compris entre 29.670,00 euros HT et 34.830,00 euros  HT (hors débours et frais de dactylographie) correspondant à un taux journalier moyen de 1.290,00 euros HT.

Outre le champ de la mission, la lettre de mission détaille son déroulement. Il est ainsi précisé que la mission sera réalisée par Mme [M], consultante,AbM. [L], directeur de mission et M. [T], expert-comptable.


[6] a sollicité le paiement d'un montant de 16.125,00 euros HT à titre d'honoraires provisionnels, provision sur honoraires appelée en fait à hauteur de 13.384,00 euros HT, soit 16.060,80 euros TTC dans la note d'horaires émise en date du 30 novembre 2021.


Le rapport d'expertise intégrant à la fois l'analyse économique et financière de la CPAM, et l'analyse de la politique sociale, les conditions de travail et de l'emploi. a été déposé le 11 janvier 2022 et une présentation en réunion du CSE a été restituée par [6] le 14 janvier 2022.

Les factures ont été éditées pour un montant total de 26.767,50 € HT :

- Facture d'acompte n°INA211733 du 30 novembre 2021 d`un montant de 13.384,00 euros HT,

- Facture n°INA221764 de solde du 20 janvier 2022 d'un montant de l3.383,50 euros HT.


Par acte du 28 janvier 2022 la CPAM a assigné [6] devant le tribunal judiciaire de Paris, au visa des articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail🏛🏛, aux fins de réduction des honoraires.



Par jugement réputé contradictoire en date du 31 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Paris a rendu la décision suivante :

« DÉCLARE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Indre recevable en son action ; .

DÉBOUTE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Indre de sa demande de limitation des honoraires du cabinet [6] ;

DÉBOUTE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Indre de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile🏛 ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit ;

CONDAMNE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Indre au paiement des dépens de l'Instance ».


Selon déclaration du 28 février 2023, la CPAM a interjeté appel à l'encontre de cette décision.



PRÉTENTIONS DES PARTIES :


Par dernières conclusions transmises par RPVA le 13 juin 2023 régulièrement signifiées, la CPAM demande à la cour de :

« Vu les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du Code du travail du Code du travail ;

A titre principal :

- INFIRMER le jugement rendu le 31 janvier 2023 par le Tribunal Judiciaire de Paris

- JUGER que les honoraires facturés par le cabinet [6] sont manifestement excessifs compte tenu :

' de l'absence de complexité de la mission attribuée au cabinet [6] et du caractère excessif du montant des honoraires au regard des pratiques habituelles de la profession ;

' de l'inconsistance du rapport unique établi par le cabinet [6] ;

' de l'absence de qualification des collaborateurs intervenants dans la plus grande proportion dans le cadre des missions d'expertise ;

' de la structure organisationnelle simple de la CPAM de l'Indre ;

' de l'absence de décompte horaire précis des prétendues diligences effectuées ;

' de l'absence de notoriété du cabinet d'expertise [6].

- CONSTATER que la CPAM de l'Indre s'est acquittée du paiement du total des honoraires facturés par le cabinet [6] à hauteur de 26.767,50 € HT ;

En conséquence,

- LIMITER les honoraires du cabinet [6] à hauteur de la somme totale de 6.600 € HT ou, à tout le moins, à de plus justes proportions ;

- CONDAMNER le cabinet [6] à rembourser à la CPAM de l'Indre la somme de 20.167,5 € HT au titre des honoraires indument payés ou, à tout le moins, la différence entre les honoraires payés et le montant réduit des honoraires ;

En tout état de cause :

- CONDAMNER le cabinet [6] au paiement d'une somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER le cabinet [6] au paiement des dépens de l'instance ».


L'intimée n'a pas constitué avocat.


L'ordonnance de clôture est en date du 2 novembre 2023.


Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions de l'appelant, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile🏛.



MOTIFS DE LA DÉCISION :


Sur la contestation du coût de l'expertise :


La CPAM fait valoir que sa demande est motivée en raison :

- de l'absence de complexité des missions attribuées à [6] qui relèvent de ses principales activités, à savoir, accompagner le CSE dans le cadre des consultations annuelles ;

- du caractère excessif du montant des honoraires au regard des pratiques habituelles de la profession, les juges du fond retenant un taux journalier de 955 à 1.160,00 euros, l'Ordre des experts comptables un minimum de 900 euros, [6] ne justifiant pas de la pertinence du dépassement pratiqué de 1.290,00 euros par des difficultés ou des spécificités ;


- de l'inconsistance du rapport et de sa piètre qualité qui comprend neuf slides sur la partie relative à l'analyse des comptes sociaux de la CPAM de l'Indre, comprenant quasi-exclusivement des tableaux sans aucune réelle analyse ainsi que 23 slides sur la partie relative à l'analyse des données sociales intégrant, là encore, uniquement des tableaux et graphiques sans la moindre analyse concrète et sans restituer les tableaux correspondant aux chefs de la mission alors qu'elle avait adressé de nombreux documents pour ce faire et alors que [6] n'apporte aucun précision sur la durée de travail affectée à chacune des analyses qui ne justifie pas 20 jours de travail (10 jour par partie de rapport) ;

- de l'absence de qualification du collaborateur intervenant dans la plus grande proportion, alors qu'il ressort des échanges de courriels, que seuls Ac. [O] directeur de mission et M. [K] chargé de mission, ont mené les travaux de rédaction du rapport d'expertise alors qu'ils n'ont pas la qualité d'expert-comptable et ne peuvent pas justifier d'un taux journalier compris entre 900 euros et 1.200,00 euros, et ce sur l'ensemble de la période, alors que [6] n'apporte aucune précision sur la durée de travail affectée à chacun des intervenants ;

- de la structure organisationnelle simple de la CPAM de l'Indre, établissement unique qui compte 171 salariés, qui ne fait partie d'aucune UES, qui ne compte pas de filiale et qui ne fait pas partie d'un groupe ;

- de l'absence de décompte horaire précis des prétendues diligences effectuées notamment avec les noms des intervenants ;

- de l'absence de notoriété de [6].


Sur ce,


En application de l'article L. 4614-13-1 du travail, « l'employeur peut contester le coût final de l'expertise devant le juge judiciaire, dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle l'employeur a été informé de ce coût. »


En application de l'article 472 du code de procédure civile🏛, si l'intimé ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.

La CPAM est recevable en sa contestation présentée dans les délais fixés par l'article L. 4614-13-1 susvisé.


Le premier juge a pertinemment rappelé que « l'employeur ne peut remettre en cause les méthodes ou axes d'analyse choisis par l'expert sauf à démontrer qu'au vu du travail effectué, le temps facturé est manifestement excessif et qu'il n'appartient pas à la juridiction de céans d'apprécier la pertinence des analyses et conclusions de l'expert dont l'indépendance lui donne la possibilité d`exprimer l'opinion qui est la sienne, mais uniquement'examiner s'il a effectué son travail de manière sérieuse et rigoureusement suivant la méthodologie avancée et n'a pas commis d'erreur qui soit de nature à fausser l'analyse rendue ».


S'agissant du taux journalier de 1.290,00 euros HT, la cour relève, tout comme le premier juge, que ce taux se situe dans la moyenne des taux habituellement pratiqués pour ce type de mission, la cour ajoutant que le cabinet d'expertise est situé à [Localité 5], et que les intervenants Mme [M], consultante,AbM. [L], directeur de mission et M. [T], expert-comptable sont des intervenants qualifiés, M. [K] étant quant-à lui chargé de mission. Dans sa lettre du 08 novembre 2021 en réponse au courrier de la CPAM sur le temps d'intervention et sur le taux journalier, [6] a précisé le taux journalier de chacun des trois intervenants suivants : Mme [M], consultante,AbM. [L], directeur de mission et M. [T], variant entre 1.000,00 et 1.800,00 euros.

En outre, le premier juge a précisé que le cabinet d'expertise est agrée, la cour ajoutant peu important la notoriété de ce dernier, dont il n'est d'ailleurs pas démontré que [6] en serait dépourvue.

Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge n'a pas fait droit à la demande de réduction du taux journalier.


S'agissant du nombre de jours, [6] a facturé le montant prévisionnel en fourchette basse annoncé dans la lettre de mission, soit 23 jours.

Dans sa lettre du 08 novembre 2021, [6] présente une « décomposition détaillée et indicative des temps prévus » pour chacun des deux axes de son rapport, peu important à cet égard que chacune de ces décompositions ne soit pas rattachée à l'un ou l'autre des intervenants, étant ajouté que s'agissant du chargé de mission M. [K], les quelques mails produits établissent que le directeur de mission M. [O] était en copie, ce dernier mettant quant à lui en copie M. [K] et Ab. [L] ce qui établit que tant les études que le rapport et sa restitution sont le fruit d'une collaboration commune, ce qui est corroboré par le nom de ces quatre personnes figurant en fin de rapport.


Cette décomposition présente une révision du budget prévisionnel, afin de prendre en compte la transmission sous format excel ou assimilé permettant de réduite les durées de traitement, la fourchette initiale étant 23 à 27 jours. Cette nouvelle décomposition présente une fourchette de 19 à 22,5 jours en prenant en compte un temps d'étude supplémentaire de « découverte » de 3 à 4 jours pour prise en compte de la première intervention au sein de la CPAM pour prendre connaissance de ses activités et de ses spécificités (missions, financement, règles de gestion et enjeux).

[6] y détaille différentes étapes de sa mission à titre d'exemple, 4 jours pour l'analyse des comptes et états financiers présentés en conseil d'administration, 2 jours pour analyse des frais de fonctionnement et leur évolution, une demi journée pour l'identification de l'impact du Covid 19, 2 jours pour l'analyse de l'évolution de l'emploi et des métiers et des qualifications et du temps de travail, 2 jours pour les rémunérations et l'étude salariale, etc...


S'agissant du rapport lui-même composé de 44 pages et 8 pages d'annexes, les intervenants se sont notamment appuyés pour son exécution sur l'information documentaire remise par la direction, sur diverses données sectorielles issues de la presse générale et spécialisée ainsi que sur les informations recueillies au cours de réunions ou entretiens avec les membres du CSE.


Le rapport présente avec clarté la synthèse de la mission d'analyse confiée à [6].

Est présentée en premier lieu une synthèse des comptes portant sur les années 2017 à 2020, matérialisée par un tableau, accompagné de différents commentaires permettant d'en apprécier l'évolution pour conclure à un recul des charges de fonctionnement et de frais de gestion reflétant « vraisemblablement » des gains de productivité et de frais de gestion.

Sont ensuite étudiés le suivi des effectifs, la répartition hommes/femmes, l'ancienneté du personnel et le niveau de répartition par tranche d'âge.

Les comptes de la CPAM sont aussi présentés, après rappel des grands principes régissant la comptabilité de la CPAM36 (actif, passif, compte de résultat, détail des charges, des prestations sociales, et charges de fonctionnement).

Ces éléments sont synthétisés sous forme de tableaux accompagnés de commentaires.

L'analyse des données sociales est précédée d'un avant propos, pour ensuite présenter, sous des formes approchantes, l'évolution et les caractéristiques des effectifs (CDI, femmes/hommes, coefficients, ancienneté, sortie des effectifs).

Le rapport présente ensuite l'analyse de la formation professionnelle, (répartition, durée, hommes/femmes, dépenses) avec de très nombreux commentaires accompagnant les différents tableaux, l'absentéisme, l'analyse de la politique salariale.

Les annexes présentent d'autres « focus ».

Il ressort de la lecture de ce rapport, que la CPAM ne saurait soutenir que ce dernier est inconsistant et de piètre qualité alors que les différentes analyses restituées sont présentées avec des tableaux permettant des comparatifs pertinents avec des commentaires de qualité.

À cet égard, il doit être relevé que le caractère très complet du rapport mais également la qualité et la pertinence des constats et analyses ne font pas, en tant que tels, l'objet d'une critique de la part de la CPAM, cette dernière ne faisant état d'aucune erreur de nature à fausser l'analyse et les conclusions présentées, étant relevé en outre qu'il n'est ni allégué ni soutenu que l'instance, destinataire du document litigieux, aurait présenté des critiques relatives à la consistance, aux conclusions et au sérieux de l'étude qui a été restituée dans ce rapport.


La cour relève que le temps facturé sur ces différentes missions n'est pas excessif compte tenu du périmètre de la mission, du volume de pièces à étudier et des traitements qui doivent en être fait et de la qualité de la restitution, dont le caractère synthétique est l'expression du travail d'analyse résultant de la nécessaire mutualisation des compétences des différents intervenants et de leur savoir faire, exigeant une exploitation pertinente de la masse des informations communiquées pour présenter des conclusions utiles et exploitables par le CSE.


Surtout, il n'est produit aucun élément objectif permettant de considérer que les travaux, tels qu'ils sont détaillés, pouvaient être réalisés sur une durée de temps inférieure.

Ainsi, la réalité même des diligences accomplies n'est nullement contestée.


Il en résulte que la CPAM ne rapporte pas la preuve que les jours facturés ne seraient pas justifiés alors qu'elle affirme, sans en justifier, que le nombre de jours quantifiés serait excessif.


Dès lors, le jugement entrepris mérite confirmation et ce sans qu'il soit nécessaire de suivre davantage la CPAM dans le détail de son argumentation ni de répondre à des conclusions que les constatations précédentes rendent inopérantes.


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :


La CPAM, qui succombe doit être condamnée aux dépens et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS :


La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,


CONFIRME le jugement ;


Y ajoutant,


CONDAMNE La caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre aux dépens d'appel et la déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.


La Greffière, La Présidente,

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