TA Rennes, du 11-01-2024, n° 2106462
A39682DC
Référence
► Les mesures prévues par l'exploitant du futur vignoble pour assurer, dans les secteurs en litige, la protection des espèces protégées du site classé de Belle-Île-en-Mer, de la santé et de l'environnement sont suffisantes.
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 décembre 2021, 26 avril,
22 juin, 11 septembre et 2 novembre 2023, l'association La Bruyère Vagabonde et Mme C A, représentées par Me Thomas Dubreuil, demandent au tribunal, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2021 du préfet du Morbihan portant autorisation environnementale au titre des articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement🏛 concernant le développement d'un vignoble à Belle-Ile-en-Mer par la SCEA Les Vignes de Kerdonis, en tant que celui-ci porte sur les parcelles cadastrées ZS 123 (Porh Coter), ZS 10 (Porh Coter) et ZN 48 (Kerdonis) ;
2°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative🏛, le retrait d'un paragraphe du premier mémoire en défense présenté par la SCEA Les Vignes de Kerdonis portant atteinte à l'honneur de la personne visée ;
3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de l'État au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elles soutiennent que :
- leur recours est recevable, notamment en ce qu'il est présenté par l'association La Bruyère Vagabonde, créée en octobre 2019, avant l'octroi de l'autorisation environnementale litigieuse, et par Mme A, résidant à proximité des parcelles qui seront exploitées par la SCEA Les Vignes de Kerdonis ;
- le dossier de demande d'autorisation déposé par la SCEA Les Vignes de Kerdonis est insuffisant pour apprécier les effets du projet sur le paysage, compte tenu de son implantation dans un site classé, pour lequel les dispositions de l'article D. 181-15-4 du code de l'environnement🏛 fixent des exigences renforcées ;
- l'avis émis par la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) n'a pas été versé dans le dossier d'enquête publique, en méconnaissance de l'article
R. 181-25 du code de l'environnement, ce qui constitue un vice substantiel ;
- l'étude d'impact présentée est insuffisante en ce qu'il n'est pas justifié du choix d'implantation de l'activité et des raisons pour lesquelles d'autres parcelles ne pouvaient être retenues ou le projet ne pouvait être redimensionné, conformément aux dispositions du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement🏛 ;
- l'analyse des incidences du projet sur le site Natura 2000, en application des dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement🏛, est manifestement insuffisante concernant tant les habitats marins que la partie terrestre du site Natura 2000 de Belle-Ile-en-Mer mais également l'utilisation de pesticides sur de telles parcelles ;
- le projet autorisé est illégal, en l'absence de demande par le pétitionnaire de la délivrance d'une dérogation aux interdictions d'atteintes aux espèces protégées, ainsi que le prévoit l'article L. 411-2 du code de l'environnement🏛, sans que celui-ci ne justifie, en tout état de cause, satisfaire aux conditions fixées par ces dispositions ;
- le projet doit nécessairement être soumis à dérogation pour deux espèces d'oiseaux, la fauvette pitchou et le pipit farlouse ;
- les mesures validées par arrêté préfectoral concernant le lézard à deux raies ne peuvent être regardées comme présentant des garanties d'effectivité, alors même que les travaux ont d'ores et déjà été réalisés sur les parcelles ZS 10 et ZS 123 à Porh Coter ;
- le projet autorisé porte atteinte au site classé " côtier de Belle-Ile et domaine public correspondant ", en méconnaissance de l'article L. 341-10 du code de l'environnement🏛 ;
- le pétitionnaire tient dans son mémoire en défense des propos péremptoires, qui portent atteinte à l'honneur de la personne visée et qui devront nécessairement faire l'objet d'un retrait par le tribunal, au titre des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 octobre 2022, 24 mai et 8 août 2023, ainsi que le 23 novembre 2023, ce dernier mémoire n'étant pas communiqué, la société Les Vignes de Kerdonis, représentée par Me Maxime Le Borgne, conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que le tribunal décide de surseoir à statuer en application des dispositions du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement🏛 afin de permettre la régularisation des éventuels vices entachant l'autorisation ;
3°) à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l'association La Bruyère Vagabonde et de Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable, dès lors que ni l'association La Bruyère Vagabonde, ni
Mme A ne justifient d'un intérêt à agir ;
- les effets du projet sur le paysage ont été correctement appréhendés, dès lors que l'étude paysagère réalisée par un prestataire spécialisé, d'une cinquantaine de pages, comprend de nombreuses photographies, plans et dessins ;
- si l'avis de la CDNPS n'a effectivement pas été joint au dossier d'enquête publique, cette omission n'a pas été de nature à vicier l'appréciation du commissaire enquêteur puis celle du préfet du Morbihan, dès lors la CDNPS a émis un avis favorable à l'unanimité sur le projet ;
- l'étude d'impact expose suffisamment les raisons du choix d'implantation effectué de manière proportionnée à la nature du projet, d'autant que la recherche foncière de substitution se heurte à la difficulté de trouver des parcelles susceptibles d'être vendues à un prix raisonnable ;
- dans l'hypothèse où le tribunal jugerait que l'étude d'impact est insuffisante, il devra constater que les insuffisances alléguées n'ont pas nui à l'information du public, ni exercé une influence sur la décision du préfet ;
- l'étude d'incidences Natura 2000 jointe à sa demande d'autorisation est proportionnée et suffisante, et permet de démontrer l'absence d'atteinte à l'état de conservation du site Natura 2000 ;
- le projet ne conduira à la destruction d'aucun spécimen d'espèces protégées, de sorte que le dépôt d'une demande de dérogation aux interdictions d'atteintes aux espèces protégées n'était pas requis ;
- les travaux de débroussaillage réalisés les 16 et 17 décembre 2021 portent sur les parcelles ZS 10 et ZS 123 sur laquelle la présence du lézard à deux raies n'est pas attestée ;
- il n'a pas été établi l'existence d'un risque suffisamment caractérisé justifiant le dépôt d'une demande de dérogation à la protection des espèces, compte tenu des incidences potentielles du projet, des mesures d'évitement et de réductions prévues et de leur effectivité ;
- la faible superficie du projet au regard de la taille du site classé permet de comprendre que la modification envisagée est mineure, voire insignifiante ;
- si la juridiction devait estimer que des compléments de pièces ou d'études sont nécessaires, il lui reviendrait de surseoir à statuer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, le temps de lui permettre de produire ces éléments et d'obtenir, le cas échéant, une autorisation modificative permettant de régulariser sa situation ;
- la demande des requérantes tendant au retrait d'un paragraphe de son premier mémoire en défense n'est pas justifiée, les propos contestés ayant uniquement vocation à porter à la connaissance du tribunal le contexte particulier dans lequel l'opposition au projet est née.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 avril, 22 juin et 9 octobre 2023, le préfet du Morbihan conclut à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que le tribunal mette en œuvre les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
Il fait valoir que :
- le dossier de demande d'autorisation est conforme aux exigences de l'article
R. 181-15-4 du code de l'environnement, notamment au regard des photos et illustrations décrivant l'état des lieux actuel et mettant en perspective la nature des aménagements envisagés et leurs effets sur le site ;
- seul l'avis conforme rendu par le ministre chargé des sites devait obligatoirement être joint, en application de l'article R. 181-25 du code de l'environnement🏛, au dossier d'enquête publique, aucune obligation ne s'imposant s'agissant de l'avis rendu par la CDNPS ;
- l'avis émis par la CDNPS a été repris tant par l'autorité environnementale que par le ministre de la transition écologique dans l'avis rendu au titre de la réglementation relative aux sites classés, de sorte que son absence dans le dossier soumis à enquête publique n'a pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population et n'a pas été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête ;
- l'étude d'impact déposée par la société Les Vignes de Kerdonis était proportionnée aux enjeux du projet de vignoble, notamment en ce qu'elle comportait un chapitre consacré à la description des solutions de substitution raisonnables et exposait que les parcelles ont été choisies en fonction de leur potentiel viticole et de leur disponibilité foncière ;
- l'analyse des incidences Natura 2000 présentée par le pétitionnaire était suffisante, dès lors que ce projet de vignoble, tant dans sa mise en œuvre que dans son exploitation, n'est constitutif d'aucune atteinte à l'intégrité d'un site Natura 2000 et que la conduite du vignoble de Kerdonis en agriculture biologique puis, à terme, en biodynamie, vise à limiter, voire supprimer, l'usage des pesticides ;
- le réseau Natura 2000 n'a pas vocation à sanctuariser des sites mais a pour double objectif de protéger des espèces et des habitats remarquables, tout en maintenant des activités socio-économiques ;
- si le projet litigieux se déploie en zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I et pour partie en site Natura 2000 et en site inscrit, sur des secteurs non exploités par l'agriculture, le risque de porter atteinte aux populations d'oiseaux protégés fréquentant le site est négligeable, après mesures d'évitement et de réduction, ce qui ne justifiait pas le dépôt d'une demande de dérogation à leur protection stricte ;
- un arrêté préfectoral du 31 août 2022 portant prescriptions complémentaires a été édicté afin d'éviter toute destruction accidentelle de lézards à deux raies lors du débroussaillage sur les parcelles ;
- l'effectivité des mesures mises en place permet de considérer que le risque d'atteinte aux espèces et habitats n'est pas caractérisé et ne justifiait pas le dépôt d'une demande de dérogation aux interdictions d'atteintes aux espèces protégées ;
- la surface se trouvant en site classé, dans le secteur de Kerdonis, est réduite à la seule parcelle ZN 48, après retrait décidé avant l'enquête publique de la parcelle ZN 47, et, dans le secteur de Porh Coter, concerne uniquement la parcelle ZN 123, la parcelle ZN 10 se trouvant dans le périmètre du site inscrit, mais hors site classé ;
- l'impact du projet se limite, s'agissant des surfaces effectivement concernées par les plantations, à 2,65 hectares pour le secteur de Porh Coter et à 0,75 hectare pour le secteur de Kerdonis, ce qui représente 0,07 % de la surface totale du site classé ;
- le projet n'est pas de nature à induire une perte, même partielle, de la valeur du site classé ;
- le projet de vignoble en litige, de taille relativement modeste puisque d'une superficie désormais limitée à 14,11 hectares, dont 11,7 hectares de surface effectivement plantée en vignes sur dix parcelles réparties sur cinq sites différents, reste en accord avec l'esprit des lieux et répond aux objectifs de conservation du site classé.
Par une ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 23 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Thalabard,
- les conclusions de M. Blanchard, rapporteur public,
- et les observations de Me Dubreuil, représentant l'association La Bruyère Vagabonde et Mme A, de Mme D, Mme B et M. E, représentant le préfet du Morbihan et de Me Le Borgne, représentant la SCEA Les Vignes de Kerdonis.
1. Créée en 2017, la SCEA Les Vignes de Kerdonis prévoit de développer à Belle-Ile-en-Mer (Morbihan), une activité viticole en agriculture biologique, devant évoluer à moyen terme vers la biodynamie, permettant d'assurer la production de 80 à 100 000 bouteilles de vin par an. Ce projet suppose l'installation de bâtiments d'exploitation pour l'activité de vinification, la mise en bouteille et le stockage ainsi que la plantation et l'exploitation de vignes sur une superficie de 11,7 hectares, répartis sur cinq secteurs de l'île, sur le territoire des communes de Bangor et Locmaria. Bien que le projet ne nécessite ni autorisation d'urbanisme, ni autorisation au titre de la loi sur l'eau ou de la réglementation relative aux installations classées, le préfet du Morbihan a décidé, après examen au cas par cas, de soumettre ce projet à autorisation environnementale, compte tenu des dispositifs de protection existant sur le territoire de l'île. Après consultation des organismes et personnes publiques concernés puis enquête publique, le préfet du Morbihan a, par un arrêté préfectoral du 8 novembre 2021, accordé à la SCEA Les Vignes de Kerdonis une autorisation environnementale, dite supplétive, au titre des articles
L. 181-1 et suivants du code de l'environnement, assortie de prescriptions particulières. Par la présente requête, l'association La Bruyère Vagabonde et Mme A, propriétaire de parcelles jouxtant celles du lieu de plantation de certaines vignes, demandent l'annulation de cet arrêté préfectoral en tant qu'il autorise le projet de vignoble sur les parcelles cadastrées ZS 123 et
ZS 10, situées dans le secteur de Porh Coter, et sur la parcelle cadastrée ZN 48, située dans le secteur de Kerdonis.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du II de l'article L. 122-1 du code de l'environnement🏛 : " Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas. / () Lorsque l'autorité chargée de l'examen au cas par cas décide de soumettre un projet à évaluation environnementale, la décision précise les objectifs spécifiques poursuivis par la réalisation de l'évaluation environnementale du projet. () ". Selon l'article L. 122-1-1 de ce code🏛 : " I.- L'autorité compétente pour autoriser un projet soumis à évaluation environnementale prend en considération l'étude d'impact, l'avis des autorités mentionnées au V de l'article L. 122-1 ainsi que le résultat de la consultation du public et, le cas échéant, des consultations transfrontières. / La décision de l'autorité compétente est motivée au regard des incidences notables du projet sur l'environnement. Elle précise les prescriptions que devra respecter le maître d'ouvrage ainsi que les mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites. Elle précise également les modalités du suivi des incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine. () / II - () Lorsqu'un projet soumis à évaluation environnementale ne relève d'aucun régime particulier d'autorisation ou de déclaration, il est autorisé par le préfet par une décision qui contient les éléments mentionnés au I. () ". Enfin, l'article L. 181-1 du code de l'environnement précise que le régime de l'autorisation environnementale est applicable à ces projets.
En ce qui concerne les effets du projet sur le paysage :
3. Aux termes de l'article D. 181-15-4 du code de l'environnement : " Lorsque l'autorisation environnementale tient lieu d'autorisation de modification de l'état des lieux ou de l'aspect d'un site classé ou en instance de classement, le dossier de demande est complété par les informations et pièces complémentaires suivantes : / () 9° Des montages larges photographiques ou des dessins permettant d'évaluer dans de bonnes conditions les effets du projet sur le paysage en le situant notamment par rapport à son environnement immédiat et au périmètre du site classé. ".
4. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande d'autorisation environnementale déposé par la SCEA Les Vignes de Kerdonis auprès des services de l'Etat comporte notamment un chapitre 8.3 intitulé " Etat des lieux et incidences sur le paysage des parcelles situées en site classé ", lequel comprend tant pour le site de Porh Coter que pour le site de Kerdonis, une présentation descriptive des lieux, assortie de photographies, de plans de situation de ces photographies, de dessins des paysages de ces secteurs, ainsi que de photographies délimitant les secteurs sur lesquels des vignes seront plantées et de simulations dessinées et colorisées destinées à représenter le paysage avec des vignes ou dans son évolution en l'absence de toute mesure de gestion. Le dossier du porteur de projet comporte également une étude paysagère détaillant les enjeux liés à la sensibilité paysagère de l'île, incluant des photographies, des cartographies des perceptions et sensibilités paysagères et des représentations graphiques. Au regard de l'ensemble de ces éléments, les requérantes ne sauraient sérieusement soutenir que les dessins versés au dossier sont manifestement insuffisants pour évaluer les effets du projet sur le paysage. Par suite, et dès lors que le dossier constitué a permis tant à la population, lors de l'enquête publique, qu'aux autorités consultées et au préfet du Morbihan, d'apprécier de manière satisfaisante les effets du projet sur le paysage du site classé de Belle-Ile-en-Mer, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article D. 181-15-4 du code de l'environnement doit être écarté.
En ce qui concerne l'avis émis par la CDNPS :
5. Aux termes de l'article R. 181-25 du code de l'environnement : " Lorsque l'autorisation environnementale est demandée pour un projet pour lequel elle tient lieu de l'autorisation spéciale au titre des sites classés ou en instance de classement, le préfet saisit : / 1° Pour avis, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ; / 2° Après avoir recueilli l'avis prévu au 1°, pour avis conforme le ministre chargé des sites, qui, s'il le juge utile, peut solliciter l'avis de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages. / Le silence gardé par le ministre chargé des sites au-delà du délai de quarante-cinq jours prévu par l'article R. 181-33 vaut avis défavorable. ". L'article R. 181-37 de ce code🏛 précise que les avis recueillis lors de la phase d'examen en application des articles R. 181-19 à R. 181-32 sont joints au dossier mis à l'enquête publique.
6. Il résulte de l'instruction qu'en méconnaissance des dispositions précitées des articles R. 181-25 et R. 181-37 du code de l'environnement, l'avis émis le 16 septembre 2020 par la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) n'a pas été versé dans le dossier mis à disposition du public lors de l'enquête publique. Toutefois, une telle omission n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que dans l'hypothèse, où elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par le projet ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité préfectorale.
7. Il résulte de l'instruction que la CDNPS a émis un avis favorable au projet, à l'unanimité des dix-sept membres présents, tout en formulant des recommandations concernant le travail superficiel du sol de la prairie et le suivi botanique du site en lien avec le Conservatoire botanique national (CBN), la préservation des murets, la requalification du chemin d'exploitation existant, la mise en place des mesures de protection du milieu naturel présentées dans le dossier de demande, l'interdiction de mettre en place des mesures de protection pérennes de protection ultérieure (bâches, filets,) et la maîtrise foncière, notamment pour le secteur de Porh Coter. L'autorité environnementale, dans son avis du 18 novembre 2020, joint au dossier de l'enquête publique, mentionne l'avis favorable émis par la CDNPS et cite les réserves formulées, tout en précisant reprendre à son compte les éléments de cet avis. De même, le ministre de la transition écologique, consulté en application du 2° de l'article R. 181-25 du code de l'environnement, a émis, le 9 mars 2021, un avis favorable à la réalisation des travaux envisagés par la SCEA Les Vignes de Kerdonis sous réserve du respect de prescriptions, lesquelles incluent notamment l'ensemble des réserves formulées par la CDNPS. Contrairement à ce qui est soutenu, l'omission critiquée ne saurait, en tout état de cause, s'agissant d'un avis favorable au projet, être regardée comme substantielle. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que la méconnaissance de la formalité tenant à la communication au public de l'avis émis par la CDNPS aurait, s'agissant des parcelles objet du litige, privé le public d'une garantie ou exercé une influence sur la décision prise à l'issue de l'enquête publique. Par suite, dans les circonstances ainsi rappelées, le défaut de production de l'avis de la CDNPS dans le dossier soumis à l'enquête publique n'a pas eu pour effet d'entacher d'illégalité l'arrêté préfectoral en litige.
En ce qui concerne l'étude d'impact :
8. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation contestée : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. () / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / () 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; (). ".
9. Conformément aux dispositions précitées du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude d'impact produite par la SCEA Les Vignes de Kerdonis comporte un chapitre 8 consacré à la description des solutions de substitution raisonnables qui expose les démarches entreprises pour identifier des terrains propices à la culture de la vigne sur l'île, soit " des terrains exposés au sud (têtes de vallon) bien drainants et présentant une épaisseur de terre suffisante (au moins 30 cm) ", mais également situés en dehors du plateau de l'île afin de ne pas concurrencer les activités agricoles déjà existantes. A ces critères, s'est ajouté celui de la disponibilité foncière des terrains. L'étude d'impact précise que, si après prospection, il s'est avéré que cinq sites répondaient aux critères fixés, les investigations menées durant une année entière s'agissant de la faune et de la flore ont conduit à écarter plusieurs parcelles présentant de trop forts enjeux environnementaux, notamment la parcelle ZE 89 située sur le site de Porh Coter et la parcelle ZE 38, située sur le site de Kerdavid. Des précisions sont également apportées sur les enjeux environnementaux propres aux autres parcelles et la réduction en conséquence du plan de plantation. Au regard de ces éléments, et dès lors qu'il ne saurait sérieusement être reproché à la SCEA Les Vignes de Kerdonis de s'être abstenue d'examiner la possibilité d'exploiter des parcelles déjà utilisées par les agriculteurs bellilois, qui n'étaient pas susceptibles d'être intégrées au projet, l'étude d'impact ne présente pas d'insuffisance dans la description des solutions de substitution raisonnables examinées, susceptible d'avoir nui à l'information complète de la population ou d'avoir exercé une influence sur la décision du préfet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement doit être écarté.
En ce qui concerne l'étude des incidences Natura 2000 :
10. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après "Evaluation des incidences Natura 2000" : / () 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations. () ". Selon l'article R. 414-23 de ce code🏛 : " Le dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 est établi, s'il s'agit d'un document de planification, par la personne publique responsable de son élaboration, s'il s'agit d'un programme, d'un projet ou d'une intervention, par le maître d'ouvrage ou le pétitionnaire, enfin, s'il s'agit d'une manifestation, par l'organisateur. / Cette évaluation est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. / I.- Le dossier comprend dans tous les cas : / 1° Une présentation simplifiée du document de planification, ou une description du programme, du projet, de la manifestation ou de l'intervention, accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre ou marin sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; / 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles le document de planification, le programme, le projet, la manifestation ou l'intervention est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance du document de planification, ou du programme, projet, manifestation ou intervention, de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation. / () III.- S'il résulte de l'analyse mentionnée au II que le document de planification, ou le programme, projet, manifestation ou intervention peut avoir des effets significatifs dommageables, pendant ou après sa réalisation ou pendant la durée de la validité du document de planification, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier comprend un exposé des mesures qui seront prises pour supprimer ou réduire ces effets dommageables. () ".
11. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis de l'autorité environnementale, que le territoire d'implantation du vignoble de la SCEA Les Vignes de Kerdonis se situe pour partie dans la zone spéciale de conservation (ZSC) " Belle-Ile-en-Mer " qui comprend à la fois des habitats terrestres et marins. Plus particulièrement, les trois parcelles, objet du litige, sont situées dans le périmètre du site Natura 2000 de Belle-Ile-en-Mer, pour une superficie de
5 hectares. Deux autres sites Natura 2000, la zone spéciale de conservation " Ile Houat-Hoëdic " et la zone de protection spéciale (ZPS) " Ile Houat-Hoëdic ", se trouvent à 6,7 kilomètres au nord-ouest. Au titre de l'analyse de l'incidence du projet sur le site Natura 2000, et après avoir rappelé les habitats et espèces d'intérêt communautaire ayant justifié la désignation de ces trois sites Natura 2000, l'étude d'impact procède, pour chacun des groupes ainsi identifiés - habitats marins, habitats terrestres, espèces floristiques, mammifères marins et oiseaux - à l'exposé sommaire des raisons pour lesquelles une analyse approfondie est justifiée au regard des incidences du projet. Après avoir relevé que le projet viticole n'a aucune interférence avec les habitats marins et est limité à la partie terrestre de l'île, l'autorité environnementale reconnait la pertinence à n'avoir engagé d'étude approfondie que pour les habitats terrestres de Belle-Ile-en-Mer et les oiseaux marins. L'évaluation des incidences du projet n'a, ainsi, été poursuivie que s'agissant des habitats d'intérêt communautaire de la ZSC " Belle-Ile-en-Mer ", de la flore d'intérêt communautaire de cette même ZSC et des oiseaux marins d'intérêt communautaire cités par la ZPS " Ile Houat-Hoëdic ". A partir du document d'objectif (DOCOB) de la ZSC " Belle-Ile-en-Mer ", l'étude présente une synthèse des habitats d'intérêt communautaire identifiés et de leur état de conservation, assortie d'une cartographie qui permet de constater qu'aucune des parcelles du projet n'est concernée par ce type d'habitat. Si les données issues d'inventaires de terrain ont permis d'identifier des habitats d'intérêts communautaire sur trois sites hors du périmètre Natura 2000, les parcelles, objet du litige, ne sont pas concernées. Le pétitionnaire a néanmoins prévu des mesures d'évitement concernant ces habitats, à savoir des landes sèches européennes et des prairies hygrophiles oligotrophes à mésotrophe. L'étude présente également les espèces de la ZSC " Belle-Ile-en-Mer " recensées dans le DOCOB, tout en constatant qu'elles ne sont pas présentes sur les parcelles d'implantation du projet. Enfin, s'agissant des oiseaux ayant justifié la désignation de la ZPS " Ile Houat-Hoëdic ", il est précisé que ces espèces sont principalement affiliées au milieu marin, tant pour la reproduction que pour le nourrissage et que seul le Goéland brun est susceptible d'être présent ponctuellement dans les terres à la recherche de nourriture, sans pour autant, que l'activité liée au projet viticole ne génère d'incidence sur cette espèce. Alors que les incidences en phase travaux et en phase d'exploitation sont précisées pour chaque groupe examiné, l'étude expose également que le choix d'un vignoble en agriculture biologique, en plantant des cépages résistants, permet de limiter l'utilisation de produits phytosanitaires. Il est indiqué que le nombre de traitements sera limité à deux ou trois par an, avec des produits à base de soufre ou de cuivre, la mise en place de bacs récupérateurs étant prévue pour éviter tout risque de dispersion. Alors même qu'elle conclut à un impact nul du projet de développement d'un vignoble sur les habitats et espèces d'intérêt communautaires, l'étude d'impact prévoit que la phase de préparation des terrains n'interviendra qu'en dehors de la période de reproduction des oiseaux, que les parcelles où des zones humides seraient identifiées ne feront pas l'objet de plantation et que toutes les précautions nécessaires seront prises lors de la réalisation des travaux pour minimiser tout risque de pollution accidentelle. L'autorité environnementale a indiqué, dans son avis du 18 novembre 2020, souscrire à l'analyse effectuée des incidences Natura 2000 du projet. Par les arguments qu'elles invoquent, notamment s'agissant de l'utilisation du cuivre pour le traitement des cépages, dont l'usage est strictement réglementé par le cahier des charges de la culture biologique de la vigne, l'association La Bruyère Vagabonde et Mme A ne démontrent pas que l'évaluation des incidences Natura 2000 produite par la SCEA Les Vignes de Kerdonis est insuffisante. Le moyen tiré de l'insuffisance de l'évaluation des incidences Natura 2000 doit, en conséquence, être écarté.
En ce qui concerne l'absence de demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées :
12. D'une part, le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement🏛 comporte une série d'interdictions visant à assurer la conservation de sites d'intérêts géologiques, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats. Figurent ainsi, au 1° de cet article, notamment " La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ", au 2° du même article, " La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces " et au 3° de cet article, " La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ". Toutefois, le 4° du I de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies les trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement. Parmi ces motifs, figure : " c) () l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement. ".
13. D'autre part, aux termes de l'article L. 181-2 du code de l'environnement🏛 :
" I.- L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : / () 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2 ; (). ".
14. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009 des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".
15. Il résulte de l'instruction que le projet de développement d'un vignoble par la SCEA Les Vignes de Kerdonis se déploie dans un secteur classé en ZNIEFF de type 1, pour partie sur des parcelles situées en site Natura 2000 ou en site inscrit, lesquelles ne sont pas exploitées pour l'agriculture et sont constituées de prairies, de landes, de fourrés et de saulaies. Selon la description des incidences sur la biodiversité du projet dans l'étude d'évaluation environnementale, les inventaires floristiques menés ont permis de recenser la présence d'une espèce protégée, l'Asphodèle d'Arrondeau, uniquement sur le site de Kerdavid, et de six espèces patrimoniales non protégées, dont la Plalanthère à deux feuilles et la Cuscute de Godron, considérées comme vulnérables en Bretagne, ainsi que la petite centaurée maritime. Les travaux nécessaires à l'exploitation du vignoble n'auront cependant qu'un impact résiduel sur ces espèces floristiques patrimoniales, les parcelles objet du litige n'étant concernées que par la présence de la Bruyère Vagabonde et de la Plalanthère à deux feuilles. S'agissant des espèces faunistiques, parmi les vingt-neuf espèces d'oiseaux identifiées sur les parcelles et leurs abords, cinq sont regardées comme étant d'intérêt patrimonial, en tant qu'espèces protégées ou rares : le bouvreuil pivoine, la fauvette pitchou, la linotte mélodieuse, le pipit farlouse et la tourterelle des bois. Pendant la phase des travaux, les risques de destruction d'individus sont qualifiés de potentiellement assez forts, pour le bouvreuil pivoine et la pipit farlouse, et de potentiellement moyens pour la fauvette pitchou, uniquement si les travaux sont réalisés en période de reproduction. Les incidences sur la perte d'habitats de reproduction, d'alimentation et de repos et sur le dérangement sont, en revanche, qualifiées de négligeables à faibles pour l'ensemble de ces espèces d'oiseaux, à l'exception de la pipit farlouse pour laquelle l'incidence sur la perte d'habitat est potentiellement moyen. Pendant la phase d'exploitation, les incidences, qui se limitent aux bruits émis par les engins et les ouvriers au cours des activités de vendange, de traitement et d'entretien des vignes, sont évaluées comme faibles. La présence du lézard à deux raies, espèce protégée non menacée, est également avérée sur quatre secteurs d'implantation du projet, dont les secteurs de Porh Coter et de Kerdonis. Les incidences du projet le concernant, en phase travaux, sont toutefois qualifiées de négligeables à faibles, sauf à ce que des travaux de défrichement interviennent en période de léthargie et aient pour effet de détruire des individus, sans que l'état de conservation de l'espèce ne soit cependant en cause.
16. Toutefois, les mesures d'évitement et de réduction prévues dans l'arrêté préfectoral du 8 novembre 2021 contribuent à diminuer sensiblement l'incidence du projet sur ces espèces au cours de la phase des travaux et d'exploitation. Il est notamment prévu de modifier le plan d'aménagement sur le site de Porh Coter pour éviter et conserver 1,28 hectares de fourrés à ajoncs d'Europe et bruyères cendrées, habitat de la fauvette pitchou, d'adapter le calendrier de coupe de la végétation pour éviter la destruction d'individus jeunes, de nids ou œufs, de conserver les murets pouvant être utilisés, notamment dans leurs interstices comme micro-habitats par les espèces de reptiles ou encore de mettre en œuvre des mesures pour éviter tout risque de pollution accidentelle. La nature même du projet, consistant à exploiter un vignoble en agriculture biologique, avec préservation des contours et bandes enherbées, en particulier en amont des ruptures de pente, dans un secteur offrant des zones de report importantes, doit permettre à la faune présente sur les parcelles exploitées ou aux abords d'y trouver un habitat propice à leur installation ainsi qu'à leur nourriture, s'agissant notamment de la fauvette pitchou et du pipit farlouse. Enfin, par un arrêté du 31 août 2022, le préfet du Morbihan a ajouté des prescriptions complémentaires visant à adapter la période et les horaires de coupe de la végétation, pour tenir compte des périodes de mobilités des individus d'espèces protégées et éviter une mortalité accidentelle, notamment du lézard à deux raies. Cet arrêté précise également que le débroussaillage devra être effectué à vitesse réduite, de manière fractionnée dans le temps et selon une méthode centrifuge, pour ne pas concentrer les individus au centre de la parcelle mais au contraire, les repousser vers les zones périphériques qui ne seront pas fauchées. Au regard de ces éléments, et compte tenu de sa nature, le projet de plantation d'un vignoble ne peut être regardé comme ayant un impact suffisamment caractérisé sur les différentes espèces recensées présentant une valeur patrimoniale, concernant les risques d'atteinte portée directement à leur intégrité, à leur habitat ou à leur cycle biologique de reproduction ou de repos, de nature à justifier une demande de dérogation. Si l'association La Bruyère Vagabonde et Mme A critiquent la méthodologie de recensement retenue par la société pétitionnaire et font valoir que d'autres spécimens d'espèces protégées risquent d'être détruits, elles ne se prévalent pas d'éléments suffisamment précis pour contester les conclusions de l'évaluation environnementale. De même, la circonstance que certains travaux auraient, d'ores et déjà, débuté sur certaines parcelles, sans qu'il ne résulte de l'instruction qu'il en aurait résulté une atteinte effective à certaines espèces, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 8 novembre 2021 et des prescriptions qu'il contient. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet du Morbihan aurait méconnu les dispositions du code de l'environnement citées aux points 12 et 13 en délivrant à la SCEA Les Vignes de Kerdonis une autorisation environnementale, sans que celle-ci ne l'ait saisi d'une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées.
En ce qui concerne l'atteinte au site classé " côtier de Belle-Ile-en-Mer et domaine public maritime correspondant " :
17. Aux termes de l'article L. 341-10 du code de l'environnement : " Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale. () ".
18. Le classement d'un site sur le fondement des dispositions précitées du code de l'environnement n'a ni pour objet, ni pour effet d'interdire toute réalisation d'équipement, construction ou activité économique dans le périmètre de classement, mais seulement de soumettre à autorisation tout aménagement susceptible de modifier l'état des lieux. Si le ministre chargé des sites peut ainsi, en vertu de l'article L. 341-10 du code de l'environnement, autoriser la modification d'un site classé, sa compétence ne s'étend pas à des mesures qui auraient pour effet de rendre le classement du site sans objet et seraient l'équivalent d'un véritable déclassement, total ou partiel, déclassement qui, en vertu de l'article L. 341-13 du même code🏛, ne peut être prononcé que par décret en Conseil d'Etat. Pour juger de la légalité d'une autorisation délivrée par le ministre et apprécier si des travaux ainsi autorisés ont pour effet de faire perdre son objet au classement du site, même sur une partie de celui-ci, il appartient au juge administratif d'apprécier l'impact sur le site de l'opération autorisée, eu égard à sa nature, à son ampleur et à ses caractéristiques, en tenant compte de la superficie du terrain concerné par les travaux à l'intérieur du site ainsi que, le cas échéant, de la nature des compensations apportées à l'occasion de l'opération et contribuant, à l'endroit des travaux ou ailleurs dans le site, à l'embellissement ou à l'agrandissement du site.
19. En l'espèce, s'agissant des secteurs que la SCEA Les Vignes de Kerdonis prévoit d'exploiter, seules les parcelles ZN 48 et ZN 123, laquelle est une ancienne terre agricole,
sont situées dans le périmètre du site classé " ensemble formé par les sites côtiers de Belle-Ile-en-Mer ", soit une superficie de 4,82 hectares, représentant 0,11 % de la superficie de ce site classé. De surcroit, le projet en litige ne porte que sur 3,4 hectares, dès lors que les parcelles en cause n'ont pas vocation à être entièrement débroussaillées et plantées. Ainsi qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'étude paysagère produite par la société pétitionnaire, les vignes plantées seront palissées en ligne avec des poteaux en bois ne dépassant pas 1,5 mètres de hauteur, les rangs entre les vignes seront enherbés ainsi qu'une bande de six mètres autour des secteurs viticoles. La remise en culture de ces parcelles, actuellement enfrichées, doit, en outre, contribuer à restaurer et valoriser le patrimoine bellilois, notamment les terrasses en pierres sèches et le lavoir à Porh Coter et les murets en pierres à Kerdonis, tout en rendant plus visibles et accessibles, par les sentiers pédestres, certains des paysages singuliers de l'île. Au regard des caractéristiques du projet, participant à lutter contre la déprise agricole menaçant les paysages ayant fait l'objet du classement, en particulier les fourrés d'ajoncs d'Europe et prunelliers dans le secteur de Kerdonis ainsi que les fourrés d'ajoncs d'Europe et bruyères cendrées et les prairies mésophiles dans le secteur de Porh Coter, le ministre de la transition écologique a émis un avis favorable au projet sous réserve du respect de prescriptions visant à atténuer l'impact paysager des plantations. Le ministre a notamment décidé que la hauteur des treilles ne devra pas dépasser 1,20 mètres, que toutes installations de dispositif de protection de type bâches ou filets seront proscrites et que la création de nouveaux accès devra s'appuyer sur les limites herbacées prévues dans les parcelles, l'apport de matériaux exogènes étant proscrit. L'article 5-1 de l'arrêté préfectoral en litige reprend ces prescriptions. Alors que l'association La Bruyère Vagabonde et Mme A se bornent à rappeler les caractéristiques paysagères du site et à déplorer l'absence de mesure de compensation paysagère ou écologique, il ne résulte pas de l'instruction que le projet de la SCEA Les Vignes de Kerdonis, en ce qu'il prévoit d'exploiter les parcelles ZN 48 et
ZN 123, porte une atteinte manifeste au site classé de Belle-Ile-en-Mer. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L.341-10 du code de l'environnement doit être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la SCEA Les Vignes de Kerdonis tirée du défaut d'intérêt à agir de l'association La Bruyère Vagabonde et de Mme A, leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2021 du préfet du Morbihan portant autorisation environnementale, en tant qu'il autorise la SCEA Les Vignes de Kerdonis à exploiter les parcelles ZS 123, ZS 10 et
ZS 48, doivent être rejetées.
Sur la demande de suppression de propos diffamatoires ou outrageants :
21. L'article L. 741-2 du code de justice administrative prévoit que : " Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881🏛 ci-après reproduites : / "Art. 41, alinéas 3 à 5 - Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. / Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. / ()". ".
22. En l'espèce, l'association La Bruyère Vagabonde et Mme A demandent au tribunal la suppression d'un paragraphe du premier mémoire en défense produit par la SCEA Les Vignes de Kerdonis dont elles estiment qu'il tend à porter atteinte à l'honneur du président de l'association et à le discréditer. Toutefois, il ne ressort pas des écritures de la société pétitionnaire que les propos tenus, informant le tribunal de la campagne médiatique dont le projet de vignoble à Belle-Ile-en-Mer qu'elle porte a fait l'objet et évoquant les réseaux professionnels et politiques que le président de l'association La Bruyère Vagabonde aurait pu mobiliser, excèderaient le droit à la libre discussion et présenteraient un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire qui justifierait qu'ils soient supprimés en application des dispositions précitées de l'article L. 741-2 du code de justice administrative. Dès lors, la demande présentée par les requérantes sur le fondement des dites dispositions du code de justice administrative doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
23. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent l'association La Bruyère Vagabonde et Mme A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
24. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association La Bruyère Vagabonde et de Mme A la somme que la SCEA Les Vignes de Kerdonis réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 1er : La requête de l'association La Bruyère Vagabonde et Mme A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SCEA Les Vignes de Kerdonis au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'association La Bruyère Vagabonde, à Mme C A, à la SCEA Les Vignes de Kerdonis et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Une copie du présent jugement sera adressée au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Grenier, présidente,
Mme Plumerault, première conseillère,
Mme Thalabard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024.
La rapporteure,
signé
M. Thalabard
La présidente,
signé
C. GrenierLa greffière,
signé
I. Le Vaillant
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.