Jurisprudence : Cass. crim., 16-04-1985, n° 83-94.866, Cassation

Cass. crim., 16-04-1985, n° 83-94.866, Cassation

A2883AAZ

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Cass. crim., 16-04-1985, n° 83-94.866, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1017887-cass-crim-16041985-n-8394866-cassation
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Cassation sur le pourvoi de :

- O...,

Contre un arret de la cour d'appel de saint-denis (reunion) du 24 novembre 1983 qui, statuant comme cour de renvoi apres cassation d'un precedent arret, l'a condamne a des reparations civiles envers F... du chef d'injures non publiques. La cour, vu les memoires produits en demande et en defense ;

I. - attendu que dans le numero du 30 juillet 1981 du periodique "d", O..., maitre assistant au centre universitaire de s d r repondant a un journaliste qui l'interrogeait sur le climat qui paraissait regner a l'u.e.r. Droit et sciences economiques a la suite de l'absenteisme prete aux professeurs agreges, a porte contre ces derniers et contre F..., president honoraire de l'u.e.r. Et alors president de l'universite de droit, d'economie et des sciences d'a-m les plus graves accusations, n'hesitant pas a faire clairement allusion a des escroqueries et a des faux permettant aux professeurs mis en cause de continuer a percevoir les divers avantages financiers lies a leur statut d'enseignants a la reunion et a laisser entendre que le doyen F... se livrait, a des fins personnelles, a d'obscures machinations dans la nomination d'agreges a la reunion ;

Attendu que dans le "j i r" du 24 septembre 1981, F... a publie une "mise au point", en reponse aux accusations dirigees contre lui, qui se terminait par le paragraphe suivant : "le caractere deraisonnable des imputations de M. O... Apparaitra clairement a la lumiere des faits suivants : l'interesse ayant menace physiquement certains enseignants et un ancien assistant, qui fut naguere candidat a la presidence de la republique et depuis longtemps avocat, a ete interpelle en metropole par la police a la demande de cet avocat et conduit dans un commissariat ou il a du subir un examen psychiatrique" ;

Attendu que, des le lendemain, soit le 25 septembre, O... a adresse a une vingtaine d'enseignants de l'u.e.r. La photocopie d'une lettre dont le destinataire etait" F..., redacteur en chef de l'annuaire des pays de l'ocean indien", et dont le pretexte apparent etait le refus de publier un article dont il etait l'auteur mais qui, en realite, se rattachait directement a la "mise au point" parue la veille puisqu'elle commence par cette phrase : "je n'ai pas apprecie votre infame prose parue dans le j i r le 24 septembre 1980" ;

Attendu que cette lettre comportait un certain nombre de propos tels que "vous m'inspirez un profond degout" "vous avez joue le role de la vieille coquette offensee" "compte tenu de vos propos ignobles vous etes un bien pietre redacteur en chef" "vous etes intellectuellement malhonnete et scientifiquement incompetent" ;

Attendu que F... a cite directement O... devant le tribunal correctionnel pour y repondre du delit d'injures publiques ;

Attendu que par jugement du 22 decembre 1981, les premiers juges ont relaxe O... au motif que l'element de publicite requis par la loi n'etait pas etabli ;

Attendu que sur les appels de la partie civile la cour d'appel, par arret du 1er juillet 1982, a infirme la decision entreprise, retenu le delit d'injures publiques et condamne O... a des reparations civiles ;

Attendu que par arret du 4 mai 1983, la cour de cassation a casse la decision precitee au motif que les juges du fond avaient ecarte l'excuse de provocation invoquee par le prevenu en omettant de s'expliquer sur l'ecrit susceptible de constituer ladite provocation, soit en l'occurrence l'article de presse du 24 septembre 1981, et renvoye la cause et les parties devant la cour d'appel de saint-denis autrement composee ;

Attendu que par l'arret attaque du 24 novembre 1983, la cour d'appel a disqualifie les faits de la poursuite en contravention d'injures non publiques, ecarte l'excuse de provocation et condamne O... a des reparations civiles ;

Ii. - en l'etat ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article r. 26-11° du code penal et de l'article 9 du code civil, ensemble, violation de l'article 593 du code de procedure penale, defaut et contradiction de motif, manque de base legale,

"en ce que l'arret infirmatif attaque a rejete l'excuse de provocation, declare constituee la contravention d'injure non publique et condamne O... a un franc de dommages-interets envers F..., partie civile ;

"aux motifs que, premierement, la partie civile a pretendu expliquer ce qu'elle appelle "le caractere deraisonnable des imputations d'o..." en indiquant qu'interpelle par la police en metropole, O... a du, dans un commissariat, etre soumis a un examen psychiatrique ;

Que l'allusion a l'expertise psychiatrique serait outrageante si elle etait inexacte, mais que la preuve de la veracite des faits etant rapportee, l'allegation n'est pas infondee ;

Que la provocation n'a donc pas le caractere injuste requis par la jurisprudence ;

"alors que la veracite du fait invoque a titre de provocation ne rend pas cette provocation legitime, tandis que la divulgation par voie de presse d'imputations relatives a la sante mentale d'une personne constitue une atteinte a son honneur et a sa vie privee en elle-meme illegitime ;

D'ou il suit que la cour d'appel a viole les dispositions combinees des articles r. 26-11 du code penal et 9 du code civil ;

"aux motifs que, deuxiemement, dans l'ecrit injurieux, O... ignore l'allusion a l'expertise psychiatrique, et qu'il n'existe pas, entre la provocation et l'injure, de lien direct et connexe exige par la jurisprudence ;

"alors que, la cour d'appel qui constate par ailleurs que la lettre pretendument injurieuse a ete ecrite par o... "des qu'il eut lu l'article de f..." "et donc ab irato" ne peut nier l'existence du lien de connexite entre la provocation contenue dans l'article et le caractere injurieux de la lettre, sans refuser de tirer de ses propres enonciations les consequences legales qui en decoulent ;

"aux motifs que, troisiemement, la disproportion serait de toute facon trop grande entre les termes mesures de la partie civile et ceux injurieux qu'on regrette de trouver sous la plume d'un maitre assistant universitaire ;

"alors que aucune disposition legale n'exigeant une proportionnalite entre la gravite de la provocation et celle de l'injure, la cour d'appel n'a pu, sans ajouter a la disposition precitee et, partant, la violer, soumettre l'admissibilite de l'excuse de provocation a une telle proportionnalite ;

"et alors en toute hypothese que la cour d'appel, qui constate le caractere outrageant des propos de la partie civile et enonce que le prevenu y a repondu ab irato mais rejette cependant l'excuse de provocation sans rechercher si ce propos etait de nature a irriter le prevenu et a lui faire perdre son sang-froid, prive de base legale sa decision ;

" vu lesdits articles ;

Attendu que l'excuse de provocation ne saurait etre ecartee dans une poursuite pour injures au motif que les propos ou ecrits qualifies de provocations avaient trait a des faits dont la preuve de la veracite etait rapportee ;

Attendu que pour etre retenue la provocation invoquee doit etre injuste ;

Que tel est le cas lorsque les propos ou ecrits invoques par le prevenu avaient trait a l'intimite de sa vie privee ;

Attendu enfin que si l'existence d'une relation directe entre la provocation et l'injure est necessaire, il appartient a la cour de cassation d'exercer son controle sur les consequences de droit deduites par les juges du fond des constatations faites par eux ;

Attendu qu'il appert des enonciations de l'arret attaque qu'O..., prevenu d'injures a l'encontre de F..., a depose des conclusions tendant a se voir reconnaitre le benefice de l'excuse resultant de la provocation en invoquant le passage de l'article de presse publie le 24 septembre 1981 par la partie civile dans lequel il etait fait etat d'un examen psychiatrique auquel la police l'aurait soumis a la suite d'une scene de violence ;

Que, pour ecarter ces conclusions, les juges du fait, apres avoir enonce "que l'allusion a une expertise psychiatrique serait effectivement outrageante si elle etait inexacte" constatent d'une part que la partie civile a verse aux debats le proces-verbal de police relatif a cet incident dont le procureur de la republique pres le tribunal d'aix-en-provence lui avait adresse une copie qui etablissait la veracite du passage litigieux de la "mise au point" du 24 septembre 1981 et, par ailleurs, que O..., dans sa lettre, objet de la poursuite, n'a fait "aucune allusion a l'expertise psychiatrique qui, pourtant, d'apres lui, etait la provocation absolutoire" ;

Que les juges en ont deduit que "des lors l'allegation n'est pas infondee et que la provocation n'a pas le caractere injuste exige par la jurisprudence" et "qu'il n'existait pas, en l'espece, de caractere direct et connexe "entre la provocation alleguee et l'injure poursuivie ;

Mais attendu que la cour d'appel en statuant en ces termes a meconnu les principes ci-dessus rappeles alors que, de surcroit, la cour de cassation a qui il appartient de controler le caractere direct de la provocation est a meme de s'assurer que la lettre du 25 septembre dont la nature injurieuse n'est pas contestee, n'est que la reponse a la "mise au point" de la partie civile publiee la veille et a laquelle elle fait formellement reference ;

D'ou il suit que la cassation est encourue de ces chefs ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisieme branche du moyen :

Casse et annule l'arret de la cour d'appel de saint-denis-de-la-reunion du 24 novembre 1983 et, pour etre statue a nouveau conformement a la loi, renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de paris.

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