Jurisprudence : Cass. soc., 22-11-2023, n° 22-19.282, FS-B, Cassation

Cass. soc., 22-11-2023, n° 22-19.282, FS-B, Cassation

A6633133

Référence

Cass. soc., 22-11-2023, n° 22-19.282, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/101629290-cass-soc-22112023-n-2219282-fsb-cassation
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Abstract

Il résulte des articles L. 2331-1 du code du travail et L. 233-3, I, du code de commerce, combinés à l'article L. 2331-4 du code du travail, que si le contrôle sur les entreprises du groupe, exercé dans les conditions définies notamment aux I et II de l'article L. 233-3 du code de commerce, peut émaner d'une personne physique, cette personne physique peut être qualifiée d'entreprise dominante au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, à la condition que les droits de vote attachés aux participations ne soient pas exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dans lesquelles sont détenues les participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et que la personne physique, détentrice de tout ou partie du capital, s'immisce directement ou indirectement dans la gestion des entreprises du groupe


SOC. / ELECT

HP


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 novembre 2023


Cassation partielle


M. SOMMER, président


Arrêt n° 2091 FS-B

Pourvoi n° P 22-19.282


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 NOVEMBRE 2023


1°/ Le syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ le comité social et économique de l'UES [K], dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° P 22-19.282 contre le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Fontainebleau (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :

1°/ à la société A. [K] SAS, société par actions simplifiée,
2°/ à la société Centre Couronnais de maintenance, société à responsabilité limitée,
3°/ à la société Sterna, société par actions simplifiée unipersonnelle,
4°/ à la société Ardea, société par actions simplifiée,

ayant toutes les quatre leur siège est [Adresse 2],

5°/ à la société des Transports de la Bassée, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],

6°/ à la société Gael centre, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

7°/ à la société Ile de France transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10],

8°/ à la société Mormantaise de maintenance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9],

9°/ à la société Gaël, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9],

10°/ à la société Gaël Rhône, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 12],

11°/ à la société Aa Ab, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

12°/ M. [D] [K], domicilié [… …], pris en qualité de liquidateur amiable de la société Aa Ab,

13°/ à la société BQ Trans, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],

14°/ à la société Ac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10],

15°/ à la société Transpevrac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 11],

16°/ à M. [D] [K], domicilié [… …],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie et du comité social et économique de l'UES [K], de la SARL Cabinet Briard, avocat des sociétés A. [K]SAS, Centre couronnais de maintenance, et Ad, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Ae, Mmes Sommé, Bouvier, Berard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Fontainebleau, 7 juillet 2022), le 13 avril 2022, le syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie (le syndicat) et le comité social et économique de l'UES [K] (le comité) ont saisi le tribunal judiciaire pour solliciter la constitution d'un comité de groupe au sein d'un groupe devant être composé entre les sociétés A.[K] SAS, Centre couronnais de maintenance, Ad, Ardea, des transports de la Bassée, Gael centre, Ile de France transports, Mormantaise de maintenance, Gael, Gael Rhône, Aa Ab, BQ Trans, Ac et Transpevrac, en soutenant que M. [K] devait être considéré comme entreprise dominante puisque détenant toutes les sociétés à hauteur d'au moins 97 %, soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire de la société [K] qu'il détient à 100 %.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Le syndicat et le comité font grief au jugement de les débouter de leurs demandes tendant à la constatation de l'existence d'un groupe et la constitution d'un comité de groupe entre les sociétés A. [K] SAS, Centre couronnais de Maintenance (CCM), Ad, Ardea, société des transports de la Bassée (STB), Gael Centre, Ile de France Transport (SIFTRA), Morentaise de Maintenance (S2M), Gael, Gael Rhône, Aa Ab, BQ Trans, Ac et Transpevrac, alors « qu'un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce🏛 ; qu'une personne physique doit, au même titre qu'une personne morale, être considérée comme en contrôlant une autre dès lors qu'elle remplit les conditions visées à l'article L. 233-3 du code de commerce🏛 ; qu'en rejetant la demande de constitution d'un comité de groupe au sein du périmètre des entreprises contrôlées, directement ou indirectement, par M. [D] [K], aux motifs erronés que la loi vise une entreprise dotée d'un siège social, et non une personne physique, et que le législateur n'a pas entendu élargir la notion d'entreprise dominante à une personne physique, le tribunal a violé les articles L. 2331-1 du code du travail🏛 et L. 233-3, I, du code de commerce. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2331-1 du code du travail et L. 233-3, I, du code de commerce :

3. L'article L. 2331-1 du code du travail dispose que :
« I. - Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
II. - Est également considérée comme entreprise dominante, pour la constitution d'un comité de groupe, une entreprise exerçant une influence dominante sur une autre entreprise dont elle détient au moins 10 % du capital, lorsque la permanence et l'importance des relations de ces entreprises établissent l'appartenance de l'une et de l'autre à un même ensemble économique.
L'existence d'une influence dominante est présumée établie, sans préjudice de la preuve contraire, lorsqu'une entreprise, directement ou indirectement :
- peut nommer plus de la moitié des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ;
- ou dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par une autre entreprise ;
- ou détient la majorité du capital souscrit d'une autre entreprise.
Lorsque plusieurs entreprises satisfont, à l'égard d'une même entreprise dominée, à un ou plusieurs des critères susmentionnés, celle qui peut nommer plus de la moitié des membres des organes de direction, d'administration ou de surveillance de l'entreprise dominée est considérée comme l'entreprise dominante, sans préjudice de la preuve qu'une autre entreprise puisse exercer une influence dominante. »

4. Aux termes de l'article L. 233-3, I, du code de commerce, toute personne, physique ou morale, est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre :
1° Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;
2° Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ;
3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;
4° Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société.

5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2331-4 du code du travail🏛, ne sont pas considérées comme entreprises dominantes, les entreprises mentionnées aux points a et c du paragraphe 5 de l'article 3 du règlement (CE) n° 139/2004⚖️ du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations.

6. A cet égard, la Cour de cassation juge que, si l'article L. 2331-4 du code du travail exclut notamment de la qualification d'entreprises dominantes les sociétés de participation financière visées au point c du paragraphe 5 de l'article 3 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations, c'est à la condition, toutefois, que les droits de vote attachés aux participations détenues ne soient exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dont elles détiennent des participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et non pour déterminer directement ou indirectement le comportement concurrentiel de ces entreprises, c'est-à-dire à la condition, précisée par l'article 5 du paragraphe 3 de la directive 78/660/CEE du Conseil auquel renvoient les dispositions du règlement précité, que la société de participation financière ne s'immisce pas directement ou indirectement dans la gestion des entreprises filiales (Soc., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-21.723⚖️, publié).

7. Il en résulte que si le contrôle sur les entreprises du groupe, exercé dans les conditions définies notamment aux I et II de l'article L. 233-3 du code de commerce, peut émaner d'une personne physique, pour que cette personne physique puisse être qualifiée d'entreprise dominante au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, c'est à la condition que les droits de vote attachés aux participations ne soient pas exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dans lesquelles sont détenues les participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et que la personne physique, détentrice de tout ou partie du capital, s'immisce directement ou indirectement dans la gestion des entreprises du groupe.

8. Pour rejeter la demande du syndicat et du comité de constitution d'un comité de groupe, le jugement retient que les dispositions de l'article L. 2331-1 du code du travail visent une entreprise, dotée d'un siège social, et non une personne physique et que rien ne permet de considérer que le législateur a entendu élargir cette notion d'entreprise dominante à une personne physique.

9. En statuant ainsi, par un motif erroné, alors qu'il lui incombait de rechercher si les sociétés en cause, qui relèvent du même secteur d'activité, étaient sous le contrôle et la direction de M. [K], de sorte que celui-ci devait être considéré comme l'entreprise dominante du groupe, le tribunal a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie et le comité social et économique de l'UES [K] de leurs demandes, le jugement rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Fontainebleau ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par les sociétés A. [K] SAS, Sterna et Centre couronnais de maintenance et condamne les sociétés A. [K] SAS, Sterna, Centre couronnais de maintenance, Ardea, des transports de la Bassée, Gael centre, Ile de France transports, Mormantaise de maintenance, Gael, Gael Rhône, Aa Ab, BQ Trans, Ac et Transpevrac à payer au syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie et au comité social et économique de l'UES [K] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.

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