TA Grenoble, du 24-10-2023, n° 2102509
A63561UX
Référence
Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 avril 2021 et le 21 septembre 2021 la société BASSO Pierre et fils, représentée par Me Monod demande au tribunal :
1°) de condamner la communauté d'agglomération Grand Annecy à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé son éviction d'un marché relatif au renforcement de la conduite d'adduction d'eau potable située route des Bauges à Annecy ;
2°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Grand Annecy la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
La société BASSO Pierre et fils soutient que :
- la négociation menée n'a pu lui permettre d'améliorer son offre techniquement ;
- la communauté d'agglomération a entendu favoriser la société Perillat, attributaire, en méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats ;
- la communauté d'agglomération ne pouvait limiter la négociation au critère du prix ;
- la société BASSO Pierre et fils a subi des préjudices.
Par des mémoires en défense enregistrés le 1er juillet 2021 et le 21 décembre 2021, la communauté d'agglomération Grand Annecy, représentée par Me Camière, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société BASSO Pierre et fils au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La communauté d'agglomération Grand Annecy fait valoir que :
- la négociation pouvait se limiter au critère du prix ;
- l'analyse initiale des offres n'a pas soulevé de questionnements ou d'incohérences sur les aspects techniques.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pollet,
- les conclusions de M. A,
- et les observations de Me Camière, représentant de la communauté d'agglomération Grand Annecy.
1. Par un avis d'appel public à la concurrence du 23 novembre 2020, la communauté d'agglomération Grand Annecy a lancé une procédure de consultation en vue de l'attribution d'un marché de travaux pour le renforcement de la conduite d'adduction d'eau potable route des Bauges à Annecy dans le cadre d'une procédure adaptée soumise aux dispositions de l'article L. 2123-1 du code de la commande publique🏛. La société BASSO Pierre et fils a candidaté, parmi plusieurs autres opérateurs économiques. A l'issue de la phase de sélection, la société Perillat travaux publics a remporté le marché. Par la présente requête, la société BASSO Pierre et fils demande au Tribunal la condamnation de la communauté d'agglomération Grand Annecy en raison de la méconnaissance des obligations de mise en concurrence.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. Aux termes de l'article L. 3 du code de la commande publique🏛 : " Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. () ". Aux termes de son article L. 2123-1 : " Une procédure adaptée est une procédure par laquelle l'acheteur définit librement les modalités de passation du marché, dans le respect des principes de la commande publique et des dispositions du présent livre, à l'exception de celles relatives à des obligations inhérentes à un achat selon une procédure formalisée. () ". Aux termes de son article L. 2152-7 : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. () ". Aux termes de son article R. 2123-5 : " Lorsque l'acheteur prévoit une négociation, il peut attribuer le marché sur la base des offres initiales sans négociation, à condition d'avoir indiqué qu'il se réserve cette possibilité dans les documents de la consultation. ". Aux termes du point 4 du règlement de consultation : " L'acheteur se réserve la possibilité de négocier avec les candidats de son choix ou attribuer directement au vu des offres remises ".
3. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'elle est la cause directe de l'éviction du candidat et, par suite, qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation.
4. Lorsque le pouvoir adjudicateur choisit, comme en l'espèce, de recourir à la possibilité qui lui est donnée par l'article R. 2123-5 du code de la commande publique🏛, d'engager, dans le cadre d'une procédure adaptée, une négociation avec les candidats ayant présenté une offre, cette négociation doit être explicitement annoncée dans l'avis d'appel public à la concurrence ou le règlement de la consultation et être conduite selon les modalités prévues par ledit règlement dans le respect, notamment, du principe d'égalité entre les candidats. Ainsi qu'indiqué au point 2, la faculté de négociation était mentionnée au point 4 du règlement de la consultation. Il résulte, également, de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur peut légalement recourir, dans le cadre d'une procédure adaptée, à la négociation en choisissant librement les éléments sur lesquels celle-ci peut porter.
5. Il résulte de l'instruction qu'après analyse des offres reçues, la communauté d'agglomération Grand Annecy a engagé avec les candidats, notamment la société requérante, une négociation portant exclusivement sur le critère du prix. Les dispositions de l'article R. 2123-5 du code de la commande publique, tout comme les stipulations du point 4 du règlement de consultation permettaient au pouvoir adjudicateur d'engager une négociation limitée au critère du prix. Par ailleurs, les candidats ont été placés dans une situation identique dès lors qu'ils ont pu proposer une révision des prix de leurs prestations. En outre, il ne résulte pas de l'instruction qu'en limitant cette négociation au critère du prix, la communauté d'agglomération ait entendu favoriser la société Perillat travaux publics. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par la société BASSO Pierre et fils doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les conclusions présentées par la société BASSO Pierre et fils, la partie perdante, doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société BASSO Pierre et fils une somme de 1 500 euros à verser à la communauté d'agglomération Grand Annecy.
Article 1er : La requête de la société BASSO Pierre et fils est rejetée.
Article 2 : La société BASSO Pierre et fils versera à la communauté d'agglomération Grand Annecy la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société BASSO Pierre et fils et à la communauté d'agglomération Grand Annecy.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Vial-Pailler, président,
Mme Frapolli, première conseillère,
Mme Pollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.
La rapporteure,
MA. POLLET
Le président,
C. VIAL-PAILLER
Le greffier,
G. MORAND
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 2102509