Jurisprudence : TPICE, 01-04-1993, aff. T-65/89, BPB Industries Plc et British Gypsum Ltd c/ Commission des Communautés européennes

TPICE, 01-04-1993, aff. T-65/89, BPB Industries Plc et British Gypsum Ltd c/ Commission des Communautés européennes

A3343AWQ

Référence

TPICE, 01-04-1993, aff. T-65/89, BPB Industries Plc et British Gypsum Ltd c/ Commission des Communautés européennes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1009521-tpice-01041993-aff-t6589-bpb-industries-plc-et-british-gypsum-ltd-c-commission-des-communautes-europ
Copier
Tribunal de première instance des Communautés européennes

1er avril 1993

Affaire n°T-65/89

BPB Industries Plc et British Gypsum Ltd
c/
Commission des Communautés européennes





61989A0065

Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre)
du 1er avril 1993.

BPB Industries Plc et British Gypsum Ltd

contre

Commission des Communautés européennes.

Concurrence - Abus de position dominante - Contrat d'achat exclusif - Remise de fidélité - Affectation du commerce entre Etats membres - Imputabilité de l'infraction.

Affaire T-65/89.

Recueil de jurisprudence 1993 page II-0389

1. Concurrence - Procédure administrative - Accès au dossier - Obligation de la Commission à raison des règles formulées par elle-même dans un rapport sur la politique de concurrence

2. Concurrence - Procédure administrative - Accès au dossier - Objet - Respect des droits de la défense - Droit d'être entendu

(Règlement du Conseil n° 17, art. 19, § 1 et 2; règlement de la Commission n° 99/63, art. 2)

3. Concurrence - Position dominante - Abus - Contrats d'approvisionnement exclusif - Rabais de fidélité

(Traité CEE, art. 86)

4. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion

(Traité CEE, art. 86)

5. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Absence de faute

(Traité CEE, art. 86)

6. Concurrence - Position dominante - Abus - Interdiction - Exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3 - Absence d'incidence

(Traité CEE, art. 85, § 3, et 86)

7. Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Livraisons prioritaires, en période de pénurie, des clients ne s'approvisionnant pas auprès de concurrents

(Traité CEE, art. 86)

8. Concurrence - Position dominante - Abus - Rabais de fidélité

(Traité CEE, art. 86)

9. Concurrence - Position dominante - Affectation du commerce entre États membres - Critères

10. Concurrence - Règles communautaires - Infraction commise par une filiale - Imputation à la société mère - Conditions

11. Concurrence - Règles communautaires - Infractions - Réalisation de propos délibéré - Notion

(Règlement du Conseil n° 17, art. 15)

1. Dès lors que la Commission a établi une procédure d'accès au dossier dans les affaires de concurrence et en a formulé et fait connaître les règles dans un de ses rapports sur la politique de concurrence, elle a l'obligation de rendre accessibles aux entreprises impliquées dans une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité l'ensemble des documents à charge et à décharge qu'elle a recueillis au cours de l'enquête, sous réserve des secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes de la Commission et d'autres informations confidentielles.

2. La procédure d'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une communication de griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue, dans sa communication des griefs, sur base de ces éléments. L'accès au dossier relève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et à assurer, en particulier, l'exercice effectif du droit d'être entendu, prévu à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 et à l'article 2 du règlement n° 99/63.

3. A l'entreprise en position dominante sur un marché incombe une responsabilité particulière, celle de ne pas porter atteinte à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun. Le fait, pour une telle entreprise, de lier - fût-ce à leur demande - des acheteurs par une obligation ou une promesse de se fournir, pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins, exclusivement auprès de ladite entreprise constitue une exploitation abusive d'une position dominante, au sens de l'article 86 du traité, soit que l'obligation soit stipulée sans plus, soit qu'elle trouve sa contrepartie dans l'octroi de rabais. En effet, lorsqu'un opérateur dispose d'une forte position sur le marché, la conclusion de contrats de fourniture exclusive concernant une proportion importante des achats constitue une entrave inacceptable à l'entrée sur ce marché.

4. Si l'existence d'une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés, et si cette entreprise a la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, l'on ne peut cependant admettre de sa part des comportements qui ont pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser.

5. La notion d'exploitation abusive étant une notion objective, le comportement d'une entreprise en position dominante peut être considéré comme abusif, au sens de l'article 86 du traité, en dehors de toute faute.

6. Une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité ne préjuge en rien l'application de l'article 86.

7. L'article 86 du traité interdit à une entreprise dominante de renforcer sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d'une concurrence par les mérites. Dès lors, s'il est loisible à une entreprise en position dominante, en période de pénurie, de définir des critères de priorité de satisfaction des commandes, ces critères doivent être objectifs, ne présenter aucun caractère discriminatoire et être objectivement justifiés, dans le cadre du respect des règles qui gouvernent une concurrence loyale entre opérateurs économiques.

Tel n'est pas le cas d'un critère fondé sur la distinction entre les clients qui s'approvisionnent exclusivement auprès de l'entreprise en position dominante et ceux qui commercialisent également des produits achetés auprès de certains de ses concurrents.

8. Constitue une pratique abusive au sens de l'article 86 du traité la mise en oeuvre, par un fournisseur se trouvant en position dominante et à l'égard duquel le client se trouve, de ce fait, en position de dépendance plus ou moins marquée, de toute forme de rabais de fidélité par lequel ce fournisseur s'efforce, par la voie d'avantages financiers, de faire obstacle à ce que ses clients s'approvisionnent auprès de ses concurrents.

9. Pour que l'article 86 du traité soit applicable, il faut et il suffit que le comportement abusif soit de nature à affecter les échanges entre États membres; il n'est pas nécessaire de constater l'existence d'un effet actuel et réel sur le commerce interétatique. En effet, la condition d'affectation des échanges doit être réputée remplie, dès lors qu'il est établi que les échanges intracommunautaires ont été effectivement affectés ou qu'ils l'ont été, au moins potentiellement, de façon significative.

10. La circonstance qu'une filiale a une personnalité juridique distincte de celle de la société mère ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à cette dernière, notamment lorsque la filiale, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère. Dans le cas d'une filiale à 100 %, celle-ci suit en principe nécessairement la politique tracée par la société mère.

11. Pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre une interdiction édictée par ces règles; il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet ou pouvait avoir pour effet de fausser la concurrence dans le marché commun.

dans l'affaire T-65/89,

BPB Industries plc, société de droit anglais, établie à Slough (Royaume-Uni), et

British Gypsum Limited, société de droit anglais, établie à Nottingham (Royaume-Uni),

représentées par Me Michel Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, et par M. Gordon Boyd Buchanan Jeffrey, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Arendt et Harles, 4, avenue Marie-Thérèse,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. Norbert Koch, conseiller juridique, et Mme Ida Langermann, membre du service juridique, puis par MM. Julian Currall et Berend-Jan Drijber, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Nicola Annechino, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d'Espagne, représenté par M. Javier Conde de Saro, directeur général de la coordination juridique et institutionnelle communautaire, et Mme Rosario Silva de Lapuerta, abogado del Estado, du service du contentieux communautaire, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade d'Espagne, 4-6, boulevard E. Servais,

et par

Iberian Trading (UK) Limited, société de droit anglais, établie à Londres, représentée par MM. John E. Pheasant et Simon W. Polito, solicitors, du cabinet Lovell White Durrant, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 8, rue Zithe,

parties intervenantes,

ayant pour objet l'annulation de la décision 89/22/CEE de la Commission, du 5 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV/31.900, BPB Industries plc - JO 1989, L 10, p. 50, rectificatif au JO 1989, L 52, p. 42),

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. L. Cruz Vilaça, président, A. Saggio et C. P. Briët, juges,

greffier: M. H. Jung

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 23 janvier 1992,

rend le présent

Arrêt

Les faits à l'origine du recours

1 La présente affaire concerne la décision 89/22/CEE de la Commission, du 5 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV/31.900, BPB Industries plc - JO 1989, L 10, p. 50, rectificatif au JO 1989, L 52, p. 42, ci-après "décision"), infligeant aux requérantes des amendes pour violation de l'article 86 du traité CEE.

2 BPB Industries plc (ci-après "BPB") est la société holding britannique d'un groupe qui contrôle environ la moitié de la capacité de production de plaques de plâtre dans la Communauté, et dont le chiffre d'affaires net consolidé s'est élevé à 1,116 milliard d'écus pour l'exercice expirant fin mars 1987. En Grande-Bretagne, BPB opère, dans les secteurs du plâtre de construction et des plaques de plâtre, essentiellement à travers une filiale qu'elle contrôle à 100 %, British Gypsum Limited (ci-après "BG"). En Irlande, les produits à base de gypse, en particulier les plâtres de construction et les plaques de plâtre, sont fabriqués par la filiale irlandaise de BPB, Gypsum Industries plc (ci-après "GIL"), qui approvisionne le marché d'Irlande ainsi que, par l'intermédiaire de BG, celui d'Irlande du Nord.

3 En Grande-Bretagne, BG produit des plaques de plâtre dans huit usines situées dans les Midlands, le sud-est et le nord de l'Angleterre. BPB approvisionne normalement le marché britannique des plaques de plâtre à partir d'usines implantées en Grande-Bretagne, alors que ses unités d'Irlande desservent l'Irlande et l'Irlande du Nord.

4 Les plaques de plâtre consistent en une âme de plâtre entourée de deux feuilles de papier fort. Ce produit existe en diverses dimensions et il est livré essentiellement en deux épaisseurs. Il est principalement utilisé dans la construction de plafonds et le revêtement des murs des maisons d'habitation, ainsi que dans la construction ou le revêtement de cloisons.

5 Les plaques de plâtre utilisées au Royaume-Uni et en Irlande sont, dans leur quasi-totalité, distribuées par des négociants-grossistes (ci-après "marchands"). Le système des marchands permet d'assurer une chaîne de distribution efficace pour les entreprises de construction. Les marchands supportent, en outre, les risques du crédit consenti aux entreprises. Au cours de la période considérée, l'on a enregistré une tendance à la concentration chez les marchands.

6 Avant 1982, il n'y avait pas d'importations régulières de plaques de plâtre en Grande-Bretagne. Cette année-là, Lafarge UK Limited (ci-après "Lafarge"), une société du groupe français Lafarge Coppée, a commencé à importer des plaques de plâtre produites en France. Lafarge a graduellement développé ses importations. Toutefois, en raison de difficultés d'approvisionnement liées à sa dépendance à l'égard de son unité de fabrication située en France, Lafarge n'était pas en mesure d'assurer des livraisons normales à un grand nombre de clients.

7 En mai 1984, Iberian Trading UK Limited (ci-après "Iberian") a commencé à importer des plaques de plâtre fabriquées en Espagne par Española de Placas de Yeso (ci-après "EPYSA"). Ses prix étaient inférieurs à ceux de BG, l'écart variant généralement de 5 à 7 %, bien que l'on ait noté certaines divergences de prix plus importantes. La gamme des produits fournis par Iberian était limitée à des plaques de plâtre d'un nombre restreint de dimensions, parmi les modèles les plus demandés. Par ailleurs, Iberian a, en diverses occasions, rencontré également des difficultés d'approvisionnement.

8 En 1985 et en 1986, BG a fourni environ 96 % des plaques de plâtre vendues au Royaume-Uni, Lafarge et Iberian se partageant le reste du marché.

9 Le 17 juin 1986, Iberian a adressé à la Commission une demande visant à faire constater, conformément à l'article 3 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), des infractions à l'article 86 du traité CEE commises par BPB. Le 3 décembre 1987, la Commission a décidé d'engager la procédure, dans les conditions prévues par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.

10 Après avoir donné aux entreprises l'occasion de répondre aux griefs retenus par elle, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et au règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99/63"), et après avoir consulté le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, la Commission a pris, le 5 décembre 1988, la décision litigieuse, qui comporte le dispositif suivant:

"Article premier

Entre juillet 1985 et août 1986, British Gypsum Ltd a enfreint l'article 86 du traité CEE en abusant de sa position dominante pour la fourniture des plaques de plâtre en Grande-Bretagne par un système de versements aux marchands de matériaux de construction qui acceptaient de s'approvisionner exclusivement en plaques de plâtre chez British Gypsum Ltd.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.