Jurisprudence : TA Lille, du 19-10-2023, n° 2100599

TA Lille, du 19-10-2023, n° 2100599

A54761PI

Référence

TA Lille, du 19-10-2023, n° 2100599. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/100846513-ta-lille-du-19102023-n-2100599
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Abstract

► L'Ordre des avocats au barreau de Lille ne faisant pas état d'un droit ou d'un titre l'autorisant à occuper les locaux du [Palais de justice] à construire, il ne justifie pas d'un intérêt de nature à lui donner qualité pour demander l'annulation de l'autorisation d'urbanisme contestée.


Références

Tribunal Administratif de Lille

N° 2100599

5ème Chambre
lecture du 19 octobre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 janvier 2021 et les 9 février 2021, 14 janvier 2022 et 10 juin 2022, l'Ordre des avocats au barreau de Lille, représenté par la

SCP Gros, Hicter, d'Halluin et associés, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'ordonner une médiation entre les parties ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 août 2020 par lequel le préfet du Nord a délivré à l'Agence publique pour l'immobilier de la justice un permis de construire un nouveau palais de justice de Lille ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

- il a intérêt à agir en sa qualité de futur occupant régulier du palais de justice à construire ;

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- le projet n'a pas fait l'objet d'une autorisation du gestionnaire de la voirie alors qu'il prévoit la création d'un nouvel accès ;

- l'arrêté attaqué méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme🏛 en tant que le projet aggrave les conditions de circulation ;

- il méconnait les dispositions de la section II du titre 3 du Livre I du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la métropole européenne de Lille (MEL) relatives à la dimension des accès carrossables en tant que le projet prévoit un accès d'une largeur de 14 mètres ;

- il méconnait les dispositions de la section II du chapitre 3 du titre 2 du Livre I du règlement du PLUi de la MEL relatives à la hauteur des clôtures en tant que le projet prévoit des clôtures d'une hauteur de 2,50 mètres ;

- il méconnait les dispositions du chapitre 4 du titre 3 du Livre IV du règlement du PLUi de la MEL relatives à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives applicables à la zone UP ;

- il méconnait les dispositions du chapitre 4 du titre 2 du Livre I du règlement PLUi de la MEL relatives au stationnement des vélos, en raison de l'insuffisance du nombre de stationnement prévu et de l'absence de couverture des équipements destinés aux usagers du palais ;

- il méconnait les dispositions du chapitre 4 du titre 2 du Livre I du règlement du PLUi de la MEL relatives au stationnement automobile, en raison de l'insuffisance du nombre de places de stationnement prévu pour le personnel et de l'absence de places de stationnement pour les usagers du palais.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 mars 2021 et le 28 mars 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête n'est pas recevable en l'absence de production des pièces justificatives prévues par les dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme🏛 ;

- l'Ordre des avocats au barreau de Lille ne justifie pas d'un intérêt à agir au regard des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme🏛.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 mars 2021, le 1er avril 2022 et le

13 juillet 2022, l'Agence publique pour l'immobilier de la justice, représentée par Me Chaineau, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- à titre principal que la requête n'est pas recevable dès lors que l'Ordre des avocats au barreau de Lille ne justifie pas d'un intérêt à agir au regard des dispositions de l'article

L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- à titre subsidiaire, que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 ;

- le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Leclère,

- les conclusions de M. Babski, rapporteur public,

- et les observations de Me Hicter, représentant l'Ordre des avocats au barreau de Lille, de Me Chaineau, représentant l'Agence publique pour l'immobilier de la justice et de Mme A, représentant le préfet du Nord.

Considérant ce qui suit :

1. Par la requête susvisée, l'Ordre des avocats au barreau de Lille demande au tribunal d'annuler l'arrêté du 26 août 2020 par lequel le préfet du Nord a délivré à l'Agence publique pour l'immobilier de la justice un permis de construire un nouveau palais de justice de Lille sur un terrain situé entre le boulevard Robert Schuman, la rue des Bateliers et la rue Paul Ramadier, sur le territoire de la commune de Lille.

Sur la demande de médiation :

2. Aux termes de l'article L. 213-7 du code de justice administrative🏛 : " Lorsqu'un tribunal administratif () est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci ".

3. En l'espèce, l'Ordre des avocats au barreau de Lille sollicite l'organisation d'une médiation. Toutefois, par des courriers enregistrés au greffe du tribunal administratif les 22 et 30 mars 2021, l'Agence publique pour l'immobilier de la justice et le préfet du Nord ont opposé un refus à cette demande. Par suite, à défaut d'accord entre les parties, les conclusions aux fins de médiation de l'Ordre ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation🏛. () ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 600-4 du même code : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l' article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation , du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. ".

5. Il résulte de ces dispositions que la contestation d'une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme est notamment ouverte aux personnes physiques ou morales qui justifient de leur qualité d'occupant régulier d'un bien immobilier dont les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance sont de nature à être directement affectées par le projet. Il appartient par ailleurs à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

6. En premier lieu, eu égard à la définition par les dispositions de l'article

L. 600-1-2 du code de l'urbanisme des conditions de recevabilité auxquelles sont soumises les requêtes dirigées contre les permis de construire, la qualité de personne morale de droit privée chargée d'une mission de service public dont dispose l'Ordre des avocats au barreau de Lille ne lui confère pas, à elle seule, un intérêt à agir contre l'arrêté litigieux.

7. En deuxième lieu, si l'Ordre établit occuper des locaux au sein de l'actuel palais de justice, il ne ressort toutefois ni des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ou de celles du décret du

27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ni des pièces du dossier et notamment des seules mentions portées sur les plans inclus dans le dossier de demande de permis de construire que l'Ordre dispose d'un droit à occuper des locaux au sein du futur bâtiment et qu'il en sera ainsi un occupant régulier au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme.

Dans ces conditions, l'Ordre des avocats au barreau de Lille ne faisant pas état d'un droit ou d'un titre l'autorisant à occuper les locaux du bâtiment à construire, il ne justifie pas d'un intérêt de nature à lui donner qualité pour demander l'annulation de l'autorisation d'urbanisme contestée.

8. En troisième lieu, à supposer même que l'Ordre des avocats au barreau de Lille puisse utilement et valablement se prévaloir de la qualité de futur occupant régulier du bien à construire, il constitue, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, " une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association ". Pour justifier en cette qualité de son intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté contesté, l'Ordre invoque les difficultés induites par le projet pour ce qui est de l'exercice de ses missions propres, en raison de l'insuffisance des locaux qui sont susceptibles de lui être alloués dans le cadre du projet en cause. Toutefois, les décisions statuant sur les demandes de permis de construire, prises dans le cadre de la police spéciale de l'urbanisme, n'ont pour objet que de contrôler que les projets en cause sont conformes aux règles d'urbanisme relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords. Par suite et eu égard aux seuls objet et effets de l'arrêté attaqué, l'Ordre ne peut utilement faire valoir que les locaux susceptibles de lui être alloués par le maître d'ouvrage dans le cadre de l'aménagement interne du futur palais de justice, sur un fondement au demeurant non précisé ainsi qu'il a été dit ci-dessus, seraient insuffisants pour caractériser l'existence de son intérêt à agir. Par ailleurs, la seule absence de place de stationnement à destination des visiteurs et usagers du palais tels que les avocats invoquée par l'Ordre ne saurait caractériser l'existence d'une atteinte conférant à ce dernier un intérêt suffisant pour agir à l'encontre de l'arrêté litigieux.

9. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'accueillir les fins de non-recevoir opposées par le préfet du Nord et l'Agence publique pour l'immobilier de la justice et de rejeter, en tant qu'elles sont irrecevables, les conclusions présentées par l'Ordre des avocats au barreau de Lille tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 août 2020 par lequel le préfet du Nord a délivré à l'Agence publique pour l'immobilier de la justice un permis de construire un nouveau palais de justice de Lille.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'Ordre des avocats au barreau de Lille doit être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'Ordre des avocats au barreau de Lille est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à l'Ordre des avocats au barreau de Lille, au garde des sceaux, au ministre de la justice et à l'Agence publique pour l'immobilier de la justice.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Chevaldonnet, président,

- Mme Grard, première conseillère,

- Mme Leclère, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé

M. LECLERELe président,

Signé

B. CHEVALDONNET

La greffière,

Signé

J. DEREGNIEAUX

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

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