Jurisprudence : Cass. soc., 25-10-2023, n° 22-21.845, FS-B, Cassation

Cass. soc., 25-10-2023, n° 22-21.845, FS-B, Cassation

A33411PG

Référence

Cass. soc., 25-10-2023, n° 22-21.845, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/100788286-cass-soc-25102023-n-2221845-fsb-cassation
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Abstract

Le salarié temporaire peut prétendre, en application de l'article L. 1251-18 du code du travail, au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat mise en place dans l'entreprise utilisatrice en application de l'article 1 de la loi n° 2018-2013 du 24 décembre 2018. Le règlement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat versée en exécution de son engagement unilatéral au profit de ses salariés permanents et temporaires, ne dispense pas l'entreprise de travail temporaire du paiement, en application de l'article L. 1251-18 du code du travail, de celle instituée au sein de l'entreprise utilisatrice au profit des salariés permanents de cette dernière, à laquelle elle ne pouvait se substituer


SOC.

ZB1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 octobre 2023


Cassation


M. SOMMER, président


Arrêt n° 1096 FS-B


Pourvois n°
Z 22-21.845
A 22-21.846
B 22-21.847
C 22-21.848
D 22-21.849
E 22-21.850 JONCTION


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 OCTOBRE 2023


1°/ Mme [D] [E], domiciliée [Adresse 6],

2°/ Mme [A] [M], domiciliée [Adresse 5],

3°/ M. [B] [K], domicilié [… …],

4°/ M. [I] [P], domicilié [… …],

5°/ M. [G] [U], domicilié [Adresse 3],

6°/ Mme [N] [H], domiciliée [Adresse 1],

ont formé respectivement les pourvois n° Z 22-21.845, A 22-21.846, B 22-21.847, C 22-21.848, D 22-21.849 et E 22-21.850 contre six jugements rendus le 9 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Lyon (section activités diverses), dans les litiges les opposant à la société Adecco France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs aux pourvois n° Z 22-21.845, A 22-21.846, B 22-21.847, C 22-21.848, D 22-21.849 et E 22-21.850 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen commun de cassation.


Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mmes [E], [M], [H] et MM. [K], [P] et [U], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Adecco France, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Aa, MM. Sornay, Rouchayrole, Mme Deltort, conseillers, Mmes Ab, A, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Z 22-21.845 à E 22-21.850 sont joints.


Faits et procédure

2. Selon les jugements attaqués (conseil de prud'hommes de Lyon, 9 septembre 2022), rendus en dernier ressort, Mme [E] et cinq autres salariés intérimaires de l'entreprise de travail temporaire Ac Ad ont exécuté des missions d'intérim auprès de la société Electricité de France.

3. L'entreprise de travail temporaire a, par décision unilatérale du 28 décembre 2018, mis en place au profit de ses salariés permanents et temporaires, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat en application de l'article 1er de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018🏛.

4. L'entreprise utilisatrice a, par décision unilatérale du 29 janvier 2019, décidé de mettre en place cette prime au profit de ses salariés. Cette décision précisait que les salariés éligibles étaient ceux liés à la société par un contrat de travail au 31 décembre 2018.

5. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment au paiement par l'entreprise de travail temporaire de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat mise en place par l'entreprise utilisatrice.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Les salariés font grief aux jugements de les débouter de leurs demandes au titre de la prime PEPA et à titre de dommages-intérêts pour préjudice de retard, exécution déloyale du contrat de travail et discrimination, alors :

« 1° / qu'en application du principe d'égalité de traitement entre les salariés permanents et les salariés intérimaires, la rémunération perçue par le salarié temporaire ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l'entreprise utilisatrice un salarié de qualification équivalente occupant des fonctions similaires ; que la prime de pouvoir d'achat instituée pour l'année 2019 par la loi du 24 décembre 2018🏛 constitue un élément de rémunération relevant du principe d'égalité de traitement ; qu'il s'ensuit que les salariés intérimaires bénéficient de la prime exceptionnelle versée par l'entreprise utilisatrice dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l'entreprise utilisatrice ; que le conseil de prud'hommes a constaté que la société EDF avait mis en place la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat par décision unilatérale du 29 janvier 2019 ; qu'en disant les exposants inéligibles au versement de cette prime PEPA au motif que la société EDF "a exclu le personnel intérimaire de [son bénéfice", quand une telle exclusion, contraire au principe d'égalité de traitement, ne pouvait être opposée aux salariées intérimaires, le conseil de prud'hommes a violé ledit principe, ensemble les articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail🏛🏛 et l'article 1er de la loi du 24 décembre 2018 ;

2°/ qu'en application du principe d'égalité de traitement entre les salariés permanents et les salariés intérimaires, la rémunération perçue par le salarié temporaire ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l'entreprise utilisatrice un salarié de qualification équivalente occupant des fonctions similaires ; que la prime de pouvoir d'achat instituée pour l'année 2019 par la loi du 24 décembre 2018 constitue un élément de rémunération relevant du principe d'égalité de traitement ; qu'il s'ensuit que les salariés intérimaires bénéficient de la prime exceptionnelle versée par l'entreprise utilisatrice dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l'entreprise utilisatrice, nonobstant la circonstance que l'entreprise de travail temporaire ait également octroyé cette prime à ses salariés intérimaires ; qu'en disant les exposants inéligibles au versement de la prime PEPA dans l'entreprise utilisatrice au motif inopérant qu'elles avaient bénéficié du versement d'une prime PEPA au sein du groupe Adecco, leur employeur, le conseil de prud'hommes a violé le principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail et l'article 1er de la loi du 24 décembre 2018. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1251-18, alinéa 1er, L. 1251-43 et L. 3221-3 du code du travail🏛 et l'article 1er de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 :

7. Selon les deux premiers de ces textes, la rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 du code du travail, perçue par le salarié intérimaire, ne peut être inférieure à celle prévue au contrat de mise à disposition, telle que définie au 6° de l'article L. 1251-43 du même code, que percevrait dans l'entreprise utilisatrice, après période d'essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail.

8. Selon le troisième de ces textes, constitue une rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

9. Selon le dernier de ces textes, une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, exonérée d'impôt sur le revenu, de toutes les cotisations et contributions sociales d'origine légale ou conventionnelle ainsi que des participations, taxes et contributions prévues aux articles 235 bis, 1599 ter A et 1609 quinviciès du code général des impôts🏛 ainsi qu'aux articles L. 6131-1, L. 6331-2, L. 6331-9 et L. 6322-37 du code du travail🏛🏛🏛🏛 dans leur rédaction en vigueur à la date de son versement, peut être attribuée par l'employeur à l'ensemble des salariés ou à ceux dont la rémunération est inférieure à un plafond. Cette prime bénéficie aux salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 ou à la date de versement, si celle-ci est antérieure. Elle ne peut se substituer à des augmentations de rémunération ni à des primes prévues par un accord salarial, le contrat de travail ou les usages en vigueur dans l'entreprise. Elle ne peut non plus se substituer à aucun des éléments de rémunération, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale🏛, versés par l'employeur ou qui deviennent obligatoires en vertu de règles légales, contractuelles ou d'usage.

10. La prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, qui constitue un accessoire payé par l'employeur, entre dans la rémunération du salarié.

11. Pour débouter les salariés de leur demande en paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat versée par l'entreprise utilisatrice, les jugements retiennent que les salariés temporaires n'étaient pas éligibles à la prime mise en place au sein de l'entreprise utilisatrice et qu'ils ont perçu cette prime exceptionnelle de pouvoir d'achat telle qu'elle a été instituée dans l'entreprise de travail temporaire.

12. En statuant ainsi, alors que l'article 1er de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 ne déroge pas à l'article L. 1251-18 du code du travail et que le règlement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat en exécution de son engagement unilatéral ne dispensait pas l'entreprise de travail temporaire du paiement de celle instituée au sein de l'entreprise utilisatrice au profit des salariés permanents de cette dernière, à laquelle elle ne pouvait se substituer, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les jugements rendus le 9 septembre 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Lyon ;

Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces jugements et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Lyon autrement composé ;

Condamne la société Adecco France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Adecco France et la condamne à payer à Ae [Af], [M], [H] et MM. [K], [P] et [U] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois.

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