Jurisprudence : TA Nantes, du 09-10-2023, n° 2314862

TA Nantes, du 09-10-2023, n° 2314862

A34421L3

Référence

TA Nantes, du 09-10-2023, n° 2314862. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/100471551-ta-nantes-du-09102023-n-2314862
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Abstract

►L'enregistrement en préfecture de la demande d'asile d'un étranger n'est pas au nombre des circonstances où la présence d'un avocat est requise auprès d'un justiciable pour l'exercice des droits de la défense ; restreindre l'accès au GUDA au seul demandeur d'asile à l'exclusion de tout accompagnant, fût-il avocat, ne peut, par conséquent, être regardé comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice de la profession d'avocat de nature à mettre en cause le respect des droits de la défense Faits et procédure.


Références

Tribunal Administratif de Nantes

N° 2314862


lecture du 09 octobre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête enregistrée le 5 octobre 2023 sous le numéro 2314840, M. X demande au juge des référés, :

1°) sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛, de suspendre l'exécution de la décision, contenue dans le courriel daté du 5 octobre 2023, par laquelle la cheffe du bureau de l'asile et de l'intégration guichet unique de la demande d'asile de la préfecture de la Loire-Atlantique lui refuse l'autorisation de pénétrer dans les locaux de la préfecture pour accompagner M. D B à l'occasion de l'enregistrement de sa demande d'asile le 9 octobre 2023 à 9h00 ;

2°) d'enjoindre au préfet de permettre à M. D B d'être assisté de son conseil, librement choisi, dans la réalisation de ses démarches prévues à la préfecture le lundi 9 octobre 2023.

II. Par une requête enregistrée le 5 octobre 2023 sous le numéro 2314840, M. X, représenté par Me Régent, demande au juge des référés, :

1°) sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision, contenue dans le courriel daté du 5 octobre 2023, par laquelle la cheffe du bureau de l'asile et de l'intégration guichet unique de la demande d'asile de la préfecture de la Loire-Atlantique lui refuse l'autorisation de pénétrer dans les locaux de la préfecture pour accompagner M. D B à l'occasion de l'enregistrement de sa demande d'asile le 9 octobre 2023 à 9h00 ;

2°) d'enjoindre au préfet de permettre à M. D B d'être assisté de son conseil, librement choisi, dans la réalisation de ses démarches prévues à la préfecture le lundi 9 octobre 2023.

Il soutient que :

- il est porté atteinte de manière grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales constituées par la liberté d'exercice de la profession d'avocat, la liberté d'aller et venir de l'avocat et le droit pour un administré d'être assisté d'un avocat de son choix dans les démarches qui le concernent dès lors que :

* le mandat confié à l'avocat par son client implique la possibilité d'accompagnement et d'assistance de ce dernier devant les administrations en vertu des articles 3, 3 bis et 6 de la loi du 31 décembre 1971🏛,

* un demandeur d'asile peut être assisté d'un avocat en application de l'article L. 531-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛 ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le rendez-vous en préfecture est fixé au lundi 9 octobre 2023 à 9h00.

Par des mémoires en défense enregistrés le 6 octobre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet des requêtes.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 9 octobre 2023 à 9h00, à laquelle les parties ont été régulièrement convoquées :

- le rapport de Mlle Wunderlich, vice-présidente,

- et les observations de Me Régent, représentant M. C, qui fait valoir que l'avocat, témoin privilégié du respect du cadre légal et mandataire naturel de son client, n'a pas à justifier d'un mandat écrit, qu'aucun texte ne lui interdit d'assister un demandeur d'asile, l'enregistrement d'une telle demande supposant le respect d'un certain nombre de garanties, que sa présence ne pose pas de problème de confidentialité et que Me C portera un masque si nécessaire.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Aux termes de l'article L. 522-1 du même code🏛 : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique () ".

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la loi susvisée du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Les avocats sont des auxiliaires de justice. / Ils prêtent serment en ces termes : "Je jure, comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité". /Ils revêtent dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession. ". Aux termes de l'article 3 bis de la même loi : " L'avocat peut librement se déplacer pour exercer ses fonctions. () ". Et aux termes de l'article 6 de cette loi : " Les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires. () ".

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛 : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, (), à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013⚖️ du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, (). ". Aux termes de l'article L. 521-7 du même code : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile (). ". L'enregistrement de la demande d'asile relève, en vertu de l'article R. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛, du préfet du département. L'article R. 521-5 dispose que : " L'étranger qui, n'étant pas déjà titulaire d'un titre de séjour, demande l'asile en application de l'article L. 521-1 doit présenter les pièces suivantes à l'appui de sa demande en vue de son enregistrement : 1° Les indications relatives à son état civil et, le cas échéant, à celui de son conjoint, de son partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou de son concubin et de ses enfants à charge ; / 2° Les documents mentionnés dans l'arrêté prévu par l'article R. 311-1 justifiant qu'il est entré régulièrement en France ou, à défaut, toutes indications portant sur les conditions de son entrée en France et les étapes de son voyage à partir de son pays d'origine ; / 3° Deux photographies de face, tête nue, de format 3,5 cm × 4,5 cm, récentes et parfaitement ressemblantes ; / 4° S'il dispose d'un domicile stable, l'indication de l'adresse où il est possible de lui faire parvenir toute correspondance pendant la durée de validité de l'attestation de demande d'asile. ". L'article R. 521-7 dispose que : " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui n'est pas déjà titulaire d'un titre de séjour et qui est âgé au moins de 14 ans, il est procédé au relevé de la totalité de ses empreintes digitales, conformément au règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013⚖️. ". Enfin, aux termes de l'article R. 521-8 : " Après qu'il a satisfait aux obligations prévues aux articles R. 521-5 à R. 521-6, si l'examen de la demande relève de la compétence de la France et sans préjudice des dispositions de l'article R. 521-10, l'étranger est mis en possession de l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7. / Cette attestation ne permet pas de circuler librement dans les autres Etats membres de l'Union européenne. ".

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛 : " Lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence de la France, l'étranger introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. L'autorité administrative compétente informe immédiatement l'office de l'enregistrement de la demande et de la remise de l'attestation de demande d'asile. / L'office ne peut être saisi d'une demande d'asile que si celle-ci a été préalablement enregistrée par l'autorité administrative compétente et si l'attestation de demande d'asile a été remise à l'intéressé. ". L'article R. 531-2 du même code🏛 dispose que : " A compter de la remise de l'attestation de demande d'asile selon la procédure prévue à l'article R. 521-8, l'étranger dispose d'un délai de vingt et un jours pour introduire sa demande d'asile complète auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. ". Aux termes de l'article L. 531-12 de ce code🏛 : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides convoque le demandeur d'asile à un entretien personnel () ". L'article L. 531-15 dispose que : " Le demandeur d'asile peut se présenter à l'entretien personnel accompagné soit d'un avocat, soit d'un représentant d'une association de défense des droits de l'homme, d'une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d'asile, d'une association de défense des droits des femmes ou des enfants ou d'une association de lutte contre les persécutions fondées sur l'identité de genre ou l'orientation sexuelle. () L'avocat ou le représentant de l'association ne peut intervenir que pour formuler des observations à l'issue de l'entretien. ".

5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 3 et 4 que l'enregistrement de la demande d'asile en préfecture constitue une formalité préalable à l'introduction de cette demande par l'étranger auprès de l'OFPRA, au cours de laquelle sont relevées les empreintes de l'intéressé, recueillies un certain nombre d'informations le concernant et lui sont remis des documents et délivrées, au besoin avec le concours d'un interprète, des informations utiles pour l'instruction de sa demande par l'office, et à l'issue de laquelle il est procédé à l'évaluation de la vulnérabilité du demandeur d'asile et de ses besoins particuliers.

6. Il résulte de l'instruction que M. X, avocat, a informé par courriel daté 29 septembre 2023 la cheffe du bureau de l'asile et de l'intégration guichet unique de la demande d'asile (GUDA) de la préfecture de la Loire-Atlantique qu'il accompagnerait son client M. D B, ressortissant guinéen, au rendez-vous fixé au 9 octobre 2023 pour l'enregistrement de la demande d'asile de ce dernier. Il lui a été répondu le 5 octobre 2023 qu'il ne serait pas autorisé à entrer à la préfecture, où l'accueil ne se fait que sur rendez-vous et où la présence d'accompagnants n'est pas admise, sauf à être lui-même convoqué.

7. L'enregistrement en préfecture de la demande d'asile d'un étranger n'est pas, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 5, au nombre des circonstances où la présence d'un avocat est requise auprès d'un justiciable pour l'exercice des droits de la défense. En admettant même que le droit de tout administré d'être assisté d'un avocat, énoncé à l'article 6, cité au point 2, de la loi du 31 décembre 1971🏛, constitue une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le préfet de la Loire-Atlantique a pu, ainsi qu'il le fait valoir dans ses écritures en défense, compte tenu de l'afflux des demandes d'asile à enregistrer chaque jour en préfecture, des conditions matérielles d'organisation du service et des exigences de sécurité et d'hygiène, restreindre l'accès au GUDA au seul demandeur d'asile à l'exclusion de tout accompagnant, fût-il avocat, sans porter d'atteinte grave et manifestement illégale à ce droit.

8. Le refus ainsi opposé à M. C ne pouvant, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice de la profession d'avocat de nature à mettre en cause le respect des droits de la défense non plus qu'à aucune autre liberté fondamentale, les requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule ordonnance, ne peuvent qu'être rejetées, en toutes leurs conclusions.

O R D O N N E :

Article 1er : Les requêtes de M. C sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. X et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Fait à Nantes, le 9 octobre 2023.

La vice-présidente, juge des référés,

A.-C. WUNDERLICHLa greffière,

M. A

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°s 2314840

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