Jurisprudence : CE Contentieux, 09-07-2001, n° 235696

ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 235696

M. et Mme BOC

Ordonnance du 9 juillet 2001


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE JUGE DES REFERES

Vu la requête enregistrée le 6 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme BOC, demeurant 112, avenue de l'Arche à Courbevoie (92400), agissant pour le compte de leur fils mineur, Gheorge BOC ; M. et Mme BOC demandent au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, sur le fondement des articles L. 521-2 et L. 523-1(alinéa 2) du code de justice administrative :

- d'annuler l'ordonnance n° 0108806 du 21 juin 2001 du juge des référés du tribunal administratif de Paris, en tant qu'elle a rejeté leur demande de référé ;

- d'enjoindre au maire de Courbevoie, sous astreinte de 800 F par jour, d'inscrire immédiatement leur fils mineur, Gheorge Boc sur les listes scolaires de la commune;

- de condamner la commune de Courbevoie à leur payer la somme de 10 000 F au titre de L. 761-1 du code de justice administrative;

M. et Mme Boc exposent que par une décision du 8 juin 2001 le maire de la commune de Courbevoie a refusé de scolariser leur fils, Gheorge, ressortissant roumain né le 22 janvier 1993 ; que le juge des référés du tribunal administratif de Paris saisi par eux, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il enjoigne au maire d'inscrire immédiatement leur enfant sur les listes scolaires, a rejeté leurs conclusions au motif qu'elles excédaient sa compétence par une ordonnance rendue le 21 juin 2001 ; que ce faisant, le juge du premier degré a fait une fausse application de l'article L. 521-2 du code précité ; qu'il convient de relever en premier lieu que le comportement du maire est manifestement illégal et ceci à un triple point de vue; que tout d'abord, il constitue une violation des dispositions de la loi du 28 mars 1882 modifiée, reprises au code de l'éducation, qui imposent au maire de scolariser dans la commune un enfant astreint à l'obligation scolaire qui y réside, faute de quoi ses parents se trouveront exposés aux sanctions prévues par l'article 227-17 du code pénal et par le décret n° 66-104 du 18 février 1966 ; qu'en outre le maire a illégalement ajouté aux textes en exigeant la production d'un justificatif de domicile alors qu'il n'ignore pas que les exposants occupent un logement sans titre de propriété et dont la commune a d'ailleurs cherché à les expulser ; que, par ailleurs, en estimant que les exposants ne peuvent justifier d'une résidence à Courbevoie, le maire a pris une décision qui repose sur une erreur de fait; qu'en deuxième lieu, le comportement illégal du maire porte une atteinte grave à l'égal accès à l'instruction, qui constitue une liberté fondamentale garantie tout à la fois, par les articles 2 et 26 de la convention relative aux droits de l'enfant, par l'article 2 du Protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; et parle treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, lequel a valeur constitutionnelle ; qu'en troisième lieu, il y a urgence à mettre fin à la situation résultant du refus opposé par le maire en raison du retard mis à scolariser un enfant qui est déjà âgé de huit ans, sans préjudice des sanctions encourues par ses parents ; qu'en quatrième et dernier lieu, les conclusions de la requête n'excèdent pas la compétence du juge des référés car l'inscription sur les listes scolaires à laquelle procéderait le maire à la demande du juge, pourrait être remise en cause par lui si lors de la rentrée scolaire de septembre 2001 il démontrait que le jeune Gheorge Boc ne réside pas sur le territoire communal ;

Vu l'ordonnance attaquée;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son Préambule;

Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;, ainsi que du premier Protocole additionnel à cette convention en particulier l'article 2 de ce Protocole, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de la convention et dudit protocole ;

Vu la loi n° 90-548 du 2 juillet 1990 autorisant la ratification de la convention relative aux droits de l'enfant, ensemble le décret n° 90-917 du 8 octobre 1990 portant publication de cette convention;

Vu la partie législative du code de l'éducation annexé à l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000, en particulier les articles L. 111-1 (alinéa 2), L. 111-2 (alinéa 1), L. 131-1 (alinéa 1), L. 131-5, L. 131-6 et L. 212-7 de ce code;

Vu les articles L. 552-4 et D. 552-1 à D. 552-6 du code de la sécurité sociale;

Vu les articles 121-3 et 227-17 du code pénal ;

Vu le décret n° 46-2698 du 26 novembre 1946 fixant les modalités d'application de l'ordonnance n° 45-2407 du 18 octobre 1945 sur la protection de la santé des enfants d'âge scolaire;

Vu le décret n° 66-104 du 18 février 1966 relatif au contrôle de la fréquentation et de l'assiduité scolaire et aux sanctions que comportent au regard du versement des prestations familiales et en matière pénale, les manquements à l'obligation scolaire, modifié par le décret n° 85-1353 du 17 décembre 1985 et par le décret n° 86-642 du 19 mars 1986 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-1, L. 511-2 (alinéa 2), L. 521-1, L. 521-2, L. 522-3, L. 523-1, L. 761-1 et R. 522-1 et suivants ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais »  ; que selon l'article L. 521-2 du même code, « saisi d'une demande en ce sens, justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté dans l'exercice d'un de ses pouvoirs une atteinte grave et manifestement illégale »  ;

Considérant que si, pour le cas où l'ensemble des conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies, le juge des référés peut prescrire « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale », de telles mesures doivent, ainsi que l'impose l'article L. 511-1 du même code, présenter un « caractère provisoire » ; qu'il suit de là que le juge des référés ne peut, sans excéder sa compétence, ni prononcer l'annulation d'une décision administrative, ni ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant pour défaut de base légale une telle décision ;

Considérant que le maire de la commune de Courbevoie, qui avait été saisi le 15 mai 2001 par M. et Mme Boc d'une demande d'inscription dans un établissement scolaire de leur enfant, Gheorge, né le 22 janvier 1993 et de nationalité roumaine, a fait savoir aux parents par une lettre du 8 juin 2001 adressée à leur domicile, sis 112 avenue de l'Arche à Courbevoie, qu'il n'était pas possible d'y donner une suite favorable faute pour eux d'avoir produit de justification de domicile, laquelle doit consister en « un certificat sur 1'honneur avec justificatif de la personne qui héberge » ; qu'eu égard à la circonstance que M. et Mme Boc occupent sur le territoire de la commune un logement sans titre, ils ont estimé que la justification exigée par le maire était constitutive d'une illégalité ; que c'est en arguant de cette dernière qu'ils ont saisi le juge des référés aux fins qu'il enjoigne au maire de Courbevoie, sous astreinte, d'inscrire immédiatement leur fils mineur sur les listes scolaires de la commune ;

Considérant que les conclusions ainsi présentées au juge des référés tendent à faire prononcer par ce dernier une injonction dont les effets seraient en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative de la décision par laquelle le juge de l'excès de pouvoir s'il était saisi viendrait, le cas échéant, à prononcer l'annulation pour manque de base légale, de la décision rejetant la demande d'inscription dans un établissement scolaire de la commune ; que le prononcé de l'injonction sollicitée excède la compétence du juge des référés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de rechercher si les conditions mises par l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont réunies et en particulier si la notion de « liberté fondamentale » au sens de cet article vise l'ensemble des droits et libertés constitutionnellement garantis, que M. et Mme Boc, ne sont manifestement pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leurs conclusions ; qu'il y a donc lieu de rejeter leur requête suivant la procédure définie à l'article L. 522-3 du code précité ;

Considérant, au demeurant, qu'ainsi que fa relevé le premier juge, il appartient à M. et Mme Boc, s'ils s'y croient fondés, de former un recours en annulation contre le refus d'inscription et de saisir parallèlement le juge des référés d'une demande de suspension sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que, pour le cas où les conditions exigées par ce texte seraient réunies, le prononcé de la suspension de l'exécution d'une décision administrative même de rejet, peut être assorti de toute mesure conservatoire utile dans l'attente du jugement sur le fond ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Courbevoie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à M. et Mme Boc la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. et Mme Boc est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme BOC et à la commune de Courbevoie. Copie en sera adressée pour information au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'éducation nationale.

Fait à Paris, le 9 juillet 2001

Signé: B. Genevois

Pour expédition conforme,

Le secrétaire, Françoise Longuet

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