ETUDE : Vaccination contre la Covid-19 : effets secondaires / effets juridiques * Rédigée le 03.03.2021

ETUDE : Vaccination contre la Covid-19 : effets secondaires / effets juridiques * Rédigée le 03.03.2021

E52774IB

sans cacheDernière modification le 18-03-2021

ETUDE : Vaccination contre la Covid-19 : effets secondaires / effets juridiques * Rédigée le 03.03.2021

  • ⇒ Cette étude a été réalisée sur la base d'un article rédigé par Catherine Szleper paru dans la revue Lexbase Droit privé n° 855 du 25 février 2021 (N° Lexbase : N6508BYP).
  • La campagne de vaccination contre la Covid-19 a débuté le 27 décembre 2020. Au 10 février 2021, 2 056 572 personnes ont reçu une première injection de vaccin et 443 148 la seconde dose 5Information Presse, 10 février 2021, Ministère des Solidarités et de la Santé [en ligne]).

     

    Depuis, de nombreuses interrogations demeurent, notamment sur l’efficacité de ce vaccin, sur ses potentiels effets secondaires, sur les quantités produites, sur la stratégie vaccinale mise en place…

     

    Le contexte est complexe. La crise sanitaire dure désormais depuis plus d’un an, avec des enjeux économiques et sociaux bien connus, et le vaccin représente l'ultime solution pour s’en sortir. « La course aux vaccins » a été lancée et, en l’espace de quelques mois, la mise sur le marché de certains vaccins a été autorisée.

     

    Quand on connaît la trajectoire classique du développement d’un vaccin et de sa mise en circulation, qui dure des années, les délais autorisés pour le vaccin contre la Covid-19 laissent songeurs (France Info, Vaccins contre le Covid-19 : à quoi correspondent les différentes phases des essais cliniques ?, 4 décembre 2020 [en ligne] ; GSK Laboratoire, Les phases d’un essai clinique [en ligne]).

     

    Il paraît donc logique que ces circonstances soient de nature à engendrer des risques, susceptibles d'engager des responsabilités. Reste à savoir qui pourraient être les responsables, sur quels fondements et dans quelles conditions.

     

    Si l’on peut d’ores et déjà anticiper certaines situations grâce au régime juridique existant, le Gouvernement a, semble-t-il, privilégié la voie de la solidarité nationale pour répondre aux besoins en matière d’indemnisation de potentielles victimes. Avec, néanmoins, les limites que l'on connaît déjà concernant ce système qui reste perfectible.

  • I. Politique vaccinale et responsabilités
  • A. Une stratégie vaccinale élaborée dans un contexte exceptionnel
  • La question de la stratégie vaccinale contre la Covid-19 est désormais au cœur des débats (S. de La Prôvoté, F. Lassarade, J.-F. Éliaou et G. Leseul, La stratégie vaccinale contre la Covid-19, Assemblée nationale et Sénat, 15 décembre 2020 [en ligne]). Afin de mettre en place une politique de santé publique efficace, le Gouvernement a été contraint de faire des choix.

     

    Parmi ces choix, celui de ne pas rendre la vaccination contre la Covid-19 obligatoire, et ce alors même que l’article L. 3111-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8873LH4) prévoit cette possibilité, onze vaccins étant déjà inscrits sur la liste.

    Cette décision, nécessairement politique, justifiée par une recherche de l’adhésion de la population, l’est probablement aussi par l’insécurité scientifique existante concernant ce vaccin (HAS, Vaccination contre la Covid-19 : la HAS définit la stratégie d’utilisation du vaccin Comirnaty ®, 20 décembre 2020 [en ligne]).

     

    Elle n’est pas non plus dénuée de conséquences juridiques puisqu’en principe, pour tous les vaccins rendus obligatoires, l’État endosse une responsabilité de plein droit, sans faute, en cas de dommages causés par l’un de ces vaccins.

    L’article L. 3111-9 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8875LH8) prévoit ainsi que « Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent titre, est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l’article L. 1142-22 (N° Lexbase : L1621LIU), au titre de la solidarité nationale… ».

     

    Pourtant, pour la Covid-19, alors même que ce vaccin n’est donc pas rendu obligatoire, l’État a décidé qu’il serait également pris en charge au titre de la solidarité nationale par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM).

    Ainsi, le rôle de l’ONIAM a été étendu au contexte de crise sanitaire, permettant d’intégrer les problématiques liées au vaccin dans son champ de compétence.

     

    Plusieurs raisons expliquent probablement ce choix :

    • l’élaboration de vaccin, dérogatoire aux règles habituelles en la matière (durée des essais cliniques raccourcie) ;
    • la réticence des laboratoires pharmaceutiques qui ont souhaité des garanties de la part de l’État quant à l’engagement de leur responsabilité ;
    • la protection des professions et établissements de la santé amenées à vacciner la population ;
    • le souhait de rassurer la population et de garantir une prise en charge rapide, ne nécessitant pas de passer par la voie judiciaire...

     

    Le contexte de cette crise sanitaire exceptionnelle et unique justifierait-il une exonération de responsabilité dès lors que les garanties traditionnelles ne peuvent être apportées du fait d’un manque de temps et de moyens ?

    C’est du moins ce que semble considérer le Gouvernement.

     

    Mais, au-delà du rôle de l’ONIAM qui présente des limites, la responsabilité pourrait-elle être engagée du fait des décisions prises pour élaborer cette campagne vaccinale ? On peut ainsi questionner l’efficacité de l’organisation de la campagne vaccinale dès lors que la production de quantité suffisante du vaccin peut paraître incertaine (Décret n° 2020-1691, du 25 décembre 2020, modifiant les décrets n° 2020-1262 N° Lexbase : Z3055493 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 N° Lexbase : L5637LYG du 29 octobre 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire N° Lexbase : L2703LZ7 ; instruction interministérielle n° cabinet/2020/234, du 15 décembre 2020, relative à la planification de l’étape 1 du déploiement territorial de la vaccination contre la Covid-19 [en ligne]).

     

    En effet, par le passé, la question de la pénurie de masques et les propos tenus à l’époque questionnant leur efficacité ont conduit à ce que des plaintes pénales soient déposées et une instruction menée à l’encontre de certains membres du Gouvernement.

     

    Juridiquement, la responsabilité des membres du Gouvernement ne peut être engagée que devant une juridiction spécifique, la Cour de Justice de la République, créée par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 (N° Lexbase : O3388BXR) et codifiée aux articles 68-1 (N° Lexbase : L1335A9C) et 68-2 (N° Lexbase : L1336A9D) du titre X de la Constitution. C’est la seule juridiction qui puisse connaître des plaintes déposées à leur encontre concernant des actes en lien avec leur fonction.

     

    Plusieurs critiques peuvent être relevées à l’égard de cette Cour spécifique, dont la suppression est envisagée par Emmanuel Macron. L'une d'entre elles concerne le fait que les victimes ne peuvent pas se constituer partie civile au procès et donc obtenir une indemnisation.

     

    L’article 13 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993, sur la Cour de justice de la République (N° Lexbase : L5413ASB) dispose ainsi qu’aucune constitution de partie civile n’est recevable devant cette juridiction et que l’action en réparation des crimes et délits ressortissant de sa compétence doit être portée devant les juridictions de droit commun.

     

    La Cour de cassation a jugé que ce texte n’est pas contraire à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) dans la mesure où il réserve aux parties le droit de porter l’action en réparation de leurs dommages devant la juridiction de droit commun (Ass. plén., 21 juin 1999, n° 99-81.927, publié au bulletin N° Lexbase : A4341CIM ; Ass. plén., 12 juillet 2000, n° 00-83.577 N° Lexbase : A5030AW9).

     

    Cette procédure semble critiquable puisque la victime n’a pas le droit de participer à une procédure dont elle est nécessairement partie, mais de façon passive. Cette procédure paraît donc inadéquate pour une victime de dommage corporel lié à la vaccination contre la Covid-19.

     

    Outre ces observations, encore faut-il que puissent être caractérisées des infractions. Il pourrait s'agir des infractions d'homicide et blessures involontaires, de non-assistance à personne en danger et/ou de mise en danger d’autrui (B. Markowicz, Responsabilité pénale des Ministres devant la Cour de Justice de la République, l’« affaire du COVID-19 » : les dés sont-ils pipés ?, Legavox, 28 avril 2020 [en ligne]).

     

    L’article 121-3 du Code pénal (N° Lexbase : L2053AMY), consacrant le délit de non-assistance à personne en danger, applicable à la crise sanitaire en vertu de l’article L. 3136-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8575LWI), permet d’engager la responsabilité pénale des dirigeants sous réserve de prouver une faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

     

    Toutefois, son succès n’est pas certain car ce délit nécessite la preuve d’un élément intentionnel, soit que l’auteur avait conscience que son inaction porterait atteinte à la sécurité de personnes. Ce d’autant plus qu’en matière pénale, l’appréciation de cet élément est stricte et la jurisprudence sévère.

     

    Les blessures et homicide involontaire sont réprimés par l’article 221-6 (N° Lexbase : L3402IQ3) et 222-19 (N° Lexbase : L3401IQZ) du Code pénal, et permettent de sanctionner l’auteur en cas de fait causé par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi le règlement. Le caractère intentionnel n’est pas exigé de sorte qu’on pourrait envisager que cette infraction puisse être retenue s’il était démontré, par exemple, que, par la pénurie de vaccins, le taux de mortalité aurait brusquement augmenté et/ou si le fait d’autoriser la mise sur le marché d’un vaccin aussi rapidement n’était pas une imprudence de la part des organes étatiques.

     

    Mais encore faudrait-il alors démontrer que c’est du fait de cette imprudence que la victime est décédée. Le lien de causalité exigé semble bien plus complexe à démontrer étant donné le manque de recul scientifique sur l’efficacité des vaccins mis en circulation.

     

    Ce qui paraît essentiel c’est qu’un dispositif de surveillance efficace soit mis en place pour anticiper d’éventuelles difficultés (ANSM, Suivi des cas d’effets indésirables des vaccins COVID-19 [en ligne] ; ANSM, Point de situation sur la surveillance des vaccins contre la Covid-19, 5 février 2021 [en ligne]).

     

    Au-delà de la responsabilité des membres du Gouvernement dans l'organisation de la vaccination, en première ligne figurent les professions de santé, qui craignent pour leur responsabilité.

  • B. La protection nécessaire des professionnels de santé
  • Le professionnel de santé est celui qui procédera à la vaccination. Son rôle est donc essentiel pour que la campagne puisse être menée efficacement. Pourtant, il ne semble pas avoir tous les outils en main et peut légitimement craindre que sa responsabilité soit engagée.

     

    Il doit, en effet, fournir au patient toutes les explications nécessaires pour lui permettre de décider s’il souhaite ou non être vacciné.

     

    Si, on ne pourrait, logiquement, lui reprocher qu’un patient présente des effets secondaires du fait du vaccin, on pourrait en revanche lui reprocher de ne pas avoir informé le patient de ces risques.

     

    Mais pour que le médecin puisse donner une information complète et éclairée, encore faut-il qu’il en ait lui-même connaissance. C’est là que le bât blesse, le recul sur les effets secondaires liés au vaccin contre la Covid-19 étant très limité.

     

    Certaines informations existent déjà et la responsabilité du médecin pourrait tout de même être engagée s’il acceptait de vacciner, à titre d’exemple, une femme enceinte, alors que sur ce sujet, il est conseillé unanimement de ne pas prendre de risque pour le moment. Mais là encore, il serait nécessaire de démontrer que c’est le vaccin contre la Covid-19 qui a induit un risque médical sur le fœtus ou sur la mère, le lien de causalité certain pouvant être très complexe à rapporter (ANSM, Effets indésirables du vaccin Corminaty de Pfizer/Biontech, décembre 2020 [en ligne]).

     

    Sur l’obligation d’information, elle paraît donc difficilement réalisable en l’état des connaissances actuelles. En effet, les articles L. 1111-2 (N° Lexbase : L4848LWH), L. 1111-3 (N° Lexbase : L0065KY3) et R. 4127-35 (N° Lexbase : L1223ITH) du Code de la santé publique précisent les caractéristiques de cette information.

     

    Elle doit ainsi porter sur « les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».

     

    Il s’agit donc d’une obligation prévue par la loi ou le règlement qui peut même servir de base à une mise en jeu de la responsabilité pénale des médecins, pouvant caractériser une des infractions mentionnées ci-dessus.

     

    Ce devoir d’information est d’autant plus important pour le patient que le médecin doit lui-même être suffisamment documenté sur les risques encourus par le vaccin. Rappelons qu’au regard de leur Code de déontologie, les médecins doivent s’engager à « assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science ».

     

    Alors de quelle façon un médecin peut-il garantir une telle information alors même que l’état actuel des connaissances scientifiques ne lui permet pas de la donner. Il est d’ailleurs fortement conseillé de recueillir le consentement écrit du patient afin de pouvoir se protéger contre une éventuelle action en responsabilité.

     

    C’est pour toutes ces raisons que l’Ordre des médecins a décidé de solliciter auprès du Gouvernement que le médecin soit protégé concernant la mise en oeuvre de sa responsabilité (P-H. Devèze, Vaccination Covid-19 et responsabilité pénale des médecins, Village de la justice, 21 janvier 2021 [en ligne]) et se félicitait de ce que le Gouvernement ait pris en compte ses inquiétudes (Communiqué de l’Ordre des Médecins, Responsabilité des médecins dans la décision vaccinale, 24 décembre 2020 [en ligne]).


    Mais cela n’exonère pas totalement les médecins qui resteront responsables tant civilement que pénalement. On pourra simplement espérer que l’appréciation des fautes et/ou infractions devra nécessairement tenir compte du contexte et des incertitudes scientifiques.

     

    Enfin, les assureurs ont assuré que des extensions de garantie seraient accordées pour les professionnels de santé afin de les protéger face à cette situation sensible (Site internet de la MACSF, Professionnels de santé : vos questions sur la vaccination anti-COVID [en ligne] ; Vaccination anti-COVID : la MACSF étend gratuitement sa couverture en responsabilité professionnelle aux médecins retraités [en ligne] ; Vaccination contre la Covid-19 : quelle responsabilité et quelles garanties pour les professionnels de santé ? [en ligne]).

     

    Il n’en demeure pas moins, qu'au-delà des problématiques évoquées, on ne peut occulter la possibilité que ce vaccin, mis sur le marché en un temps record, puisse engendrer des effets secondaires insoupçonnés et de lourdes séquelles à des patients qu’il conviendra de réparer.

     

    Si l’État a souhaité faciliter l’indemnisation des victimes en faisant de l’ONIAM le principal acteur de cette lourde tâche, il semble que le laboratoire demeurera le seul, juridiquement, responsable.

  • II. Effets secondaires du vaccin et responsabilités
  • A. Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux applicables au vaccin et au laboratoire fabricant
  • L’article 1245 du Code civil (N° Lexbase : L0945KZZ) prévoit que « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ».

     

    Cette responsabilité, dite du fait des produits défectueux, s’applique aux produits de santé et notamment aux vaccins, comme on a déjà pu le constater avec le vaccin contre l’hépatite B. Le laboratoire pharmaceutique, fabricant du vaccin, reste donc le seul et unique responsable en cas de défaut de son produit, le défaut devant être compris comme n’offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre (P. Lingibé, Quelle responsabilité en matière de vaccination ?, Village de la Justice, 23 octobre 2020 [en ligne]).

     

    La preuve de trois éléments est exigée afin que la responsabilité puisse être engagée soit la preuve du défaut, d’un dommage et du lien de causalité entre les deux, en vertu de l’article 1245-8 du Code civil (N° Lexbase : L0628KZB) (A. Jacquemet-Gauché et C. Lantero, Vers une responsabilité du fait des vaccinations dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ?, 12 janvier 2021 [en ligne]).

     

    Ce régime prévoit néanmoins des causes d’exonération consacrées à l’article 1245-10 du Code civil (N° Lexbase : L0630KZD). Le producteur peut ainsi s’exonérer s’il prouve notamment que :

    • « compte tenu des circonstances, il y a lieu d’estimer que le défaut ayant causé le dommage n’existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ;
    • que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut ;
    • ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législatif ou réglementaire ».

     

    Si l’une des difficultés est évidemment d’apporter la preuve d’un défaut, alors même que ces causes d’exonération existent, l’autre élément exigé est celui du lien de causalité entre ce défaut et le dommage. À ce titre, la jurisprudence française, par cinq arrêts du 22 mai 2008 (Cass. civ. 1, 22 mai 2008, n° 05-20.317, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7001D8S, n° 06-10.967, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7005D8X, n° 06-14.952, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7009D84, n° 06-18.848, FS-D N° Lexbase : A7014D8B, n° 05-10.593, FS-D N° Lexbase : A6996D8M) et récemment européenne (CJUE, 21 juin 2017, aff. C-621/15, N. W N° Lexbase : A1281WKN), a souhaité alléger la charge de la preuve pour le demandeur en consacrant la notion de présomptions graves, précises et concordantes, dans le cas de l’hépatite B.

     

    La preuve d’un lien scientifiquement certain est donc écartée au bénéfice des victimes. Ceci est légitimé par le fait que, de manière générale en matière médicale, il est impossible d’affirmer avec certitude un lien de causalité. Les juges demeurent en revanche souverains quant à l’appréciation de ces présomptions et ces derniers semblent garder une entière liberté, pas toujours favorable aux victimes (Cass. civ. 1, 14 novembre 2018, n° 17-27.980, FS-P+B N° Lexbase : A7905YLD).

     

    Tout comme le domaine médical est complexe et incertain, l'appréhension du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux demeure une source d’insécurité juridique qui ne pourra que s’accentuer avec les actions menées concernant le vaccin contre la Covid-19.

     

    En effet, mis en circulation sous une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle par l’Agence européenne du médicament, il a été développé en quelques mois alors qu’en général, les essais cliniques durent des années.

     

    L’autorisation de mise sur le marché conditionnelle répond à des critères d’octroi plus strictes et n’est accordée que si le rapport bénéfice/risque est positif, le médicament répond à des besoins médicaux non satisfaits, et les bénéfices pour la santé publique l’emportent sur le risque inhérent au fait que des données supplémentaires sont encore requises. À titre d’exemple, l’Agence européenne du médicament a délivré le 21 décembre 2020 celle pour le vaccin de Pfizer Comirnaty.

     

    Si une victime venait à agir contre un laboratoire pharmaceutique, il existe une chance importante pour que l’une des causes d'exonération puisse être retenue. En effet, si un défaut venait à être remarqué, il serait légitime d’arguer que ce vaccin a été produit sans recul nécessaire, avec l’aval d’un Comité scientifique et du Gouvernement, voire de l’Agence européenne du médicament, dans une situation d’urgence. Il sera certainement encore plus difficile d’apprécier ce qui aurait dû être décelé immédiatement et ce qui ne pouvait pas l’être.

     

    D’ailleurs, le laboratoire AstraZeneca, a souhaité se protéger en négociant, dans le contrat signé avec la Commission européenne, des clauses relatives à sa responsabilité. Si l’intégralité du contrat n’a pas été publiée, on peut d’ores et déjà lire qu’effectivement des conditions ont été prévues dans lesquelles il semblerait que le laboratoire puisse être exonéré de sa responsabilité (Site internet de la Commission européenne, Vaccins : publication du contrat entre la Commission européenne et AstraZeneca [en ligne]).

     

    Cela va dans le sens du discours de la Commission européenne qui a soutenu les laboratoires pharmaceutiques.

     

    On peut imaginer qu’une action menée en responsabilité par une victime pourrait, compte tenu de la complexité des débats et des incertitudes quant à son succès, perdurer des années. C’est pourquoi le Gouvernement a préféré anticiper ces difficultés en considérant que l’ONIAM serait compétent pour indemniser les victimes du vaccin contre la Covid-19.

     

    Si l'on peut saluer une telle décision au regard de l'insécurité juridique existante quant au régime de responsabilité du fait des produits défectueux, les expériences passées démontrent que ce mécanisme d’indemnisation présente des failles (Ch. Joseph-Oudin, Covid-19 et indemnisation des victimes de la vaccination A/H1N1 : les leçons à tirer, Village de la Justice, 15 janvier 2021 [en ligne]).

  • B. Les limites pratiques de l’indemnisation des dommages liés à la Covid-19 au titre de la solidarité nationale
  • L’ONIAM (l’Office national de l'indemnisation des accidents médicaux) connaît, depuis 2002, de toutes les demandes d’indemnisation liées à des accidents médicaux, à des infections nosocomiales, aux contaminations par le VIH, au Benfluorex, à la Dépakine etc…

     

    Il prend également en charge les demandes liées au vaccin contre la grippe H1N1 ainsi que les demandes liées à toutes les vaccinations obligatoires.

     

    Ce dispositif est louable en ce qu’il permet à des personnes victimes de lourdes séquelles d’être indemnisées alors même que parfois il n’y a pas de fautifs, ou d'accélérer l'indemnisation, quitte à ce que l’ONIAM se retourne après vers le responsable (CSP, art. L. 3131-4 N° Lexbase : L9616HZ8).

     

    L’article L. 3131-4 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9616HZ8) consacre également son intervention en cas d’état d’urgence sanitaire, disposition complétée par le décret du 18 septembre 2018 (décret n° 2018-799 du 18 septembre 2018, relatif à l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales survenus dans le cadre de mesures sanitaires d'urgence N° Lexbase : L2574LMB), sur le fondement duquel l’ONIAM est compétent pour indemniser les victimes d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales survenus dans le cadre de mesures sanitaires d'urgence.

     

    Tel est le cas du vaccin contre la Covid-19, justifiant le fondement juridique de son intervention et l’ONIAM appréciera si le dommage est lié au vaccin contre la Covid-19.

    Mais ce système d'indemnisation par le biais de la solidarité nationale présente des limites.

     

    L’une d’entre elles est celle du barème d’indemnisation appliqué (Évaluation des modalités d’indemnisation par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, IGAS, décembre 2016). Ce barème est inférieur à celui pratiqué par les juridictions judiciaires et administratives, donc préjudiciables à la victime. Or s’il peut se justifier dans le cas d’un accident médical non fautif, car on ne saurait faire peser sur la solidarité nationale la même indemnisation, il paraît difficile de le légitimer lorsque des responsables existent.

     

    L’autre difficulté, qu’il semble utile de souligner, est la qualité discutable de l’analyse des demandes d'indemnisation. En effet, il est fréquent qu’aucune expertise physique ne soit diligentée et que les conclusions soient rendues uniquement sur pièces. Or, il est fréquent que la demande soit adressée par la victime, sans assistance d’un avocat non obligatoire. Et on ne peut lui reprocher de ne pas connaître le droit du dommage corporel et donc d’apporter tous les éléments de nature à démontrer la réalité de ses préjudices pour obtenir une juste et intégrale indemnisation.

     

    Enfin, les délais de traitement des demandes ne sont pas respectés de sorte que des victimes de dommages liés au vaccin contre la grippe A/H1N1 sont toujours en attente d’indemnisation, dix ans après.

     

    Le recours à l’ONIAM, certes judicieux, pourrait donc être adapté avec un barème réévalué, des délais respectés et des expertises systématiques.

     

    Mais il vaut mieux prévenir que guérir.

     

    Et pour prévenir les actions en responsabilité du fait du vaccin contre la Covid-19, une surveillance efficace des suites de la vaccination doit être garantie. Il conviendra, avant tout, que soit repensé le système de pharmacovigilance et analysées les données fournies non seulement dans le cadre du traitement (Décret n° 2020-1690, du 25 décembre 2020, autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif aux vaccinations contre la covid-19 N° Lexbase : L2711LZG), instauré dans le cadre de la campagne vaccinale, mais également en utilisant les données issues des réseaux sociaux ou des forums etc.. Il s’agit de sources multiples qui, traitées efficacement, offrent des informations pertinentes et rapides (J-Ch. Lahary, Pharmacovigilance et Social Media Monitoring, Le blog LexisNexis BIS, 23 janvier 2017 [en ligne]). On a pu le voir pour le Levothyrox. Le traitement des données issues des réseaux aurait pu permettre de détecter bien plus tôt les effets secondaires provoqués par la nouvelle formule mise sur le marché (F. Rigal, Lévothyrox : l'ANSM s'interroge sur l'apport des réseaux sociaux sur la pharmacovigilance, Le Quotidien du médecin, 8 décembre 2017 [en ligne]).

     

    À retenir : en cas de survenance d’effets secondaires du fait du vaccin contre la Covid-19, la solidarité nationale, par le biais de l’ONIAM, prendra en charge la réparation des dommages subis par la victime, qui pourra toujours préférer rechercher la responsabilité du laboratoire fabricant. Ce dernier reste, à ce stade, le seul juridiquement responsable en cas d’un défaut du produit, même si la responsabilité de l’organe qui a autorisé la mise sur le marché du vaccin pourra être envisagée concomitamment.

     

    Les professionnels de santé pourront également voir leur responsabilité engagée en cas de faute même s’il paraît difficile de la caractériser compte tenu des circonstances d’urgence dans lesquelles est menée la politique vaccinale.

     

    Celles-ci permettront probablement d'exonérer également les membres du Gouvernement, même si les plaintes pénales déposées à leur encontre peuvent toujours avoir un effet dissuasif et éviter des décisions trop contestables.

     

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