ETUDE : Covid-19 : Les entreprises peuvent-elles suspendre le paiement des factures pendant la crise sanitaire ?

ETUDE : Covid-19 : Les entreprises peuvent-elles suspendre le paiement des factures pendant la crise sanitaire ?

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sans cacheDernière modification le 18-03-2021

Avec la crise sanitaire actuelle entraînant un ralentissement soudain et brutal de l’activité, de nombreuses entreprises vont chercher à préserver leur trésorerie en s’abstenant de payer leurs factures dans les délais convenus habituellement ou imposés par la loi. A priori, elles n’en auront pas le droit, sauf pour certaines factures (loyers, eau, gaz et électricité) et sous réserve d’être éligible au dispositif de l’Ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 et de répondre aux conditions strictes énoncées par les deux Décrets d’application parus les 30 et 31 mars 2020 (Décrets n°2020-371 et n°2020-378). Auteurs : Valérie MORALES, Associée, et Stéphanie FLEURY-GAZET, Avocate.

ETUDE : Covid-19 : Les entreprises peuvent-elles suspendre le paiement des factures pendant la crise sanitaire ?

  • Quelles sont les règles applicables aux délais de paiement interentreprises ?
  • L’article L. 441-10 du Code de Commerce (N° Lexbase : L0502LQN) plafonne les délais de paiement interentreprises, qui sont de :

    • 60 jours maximum après la date d’émission de la facture ;
    • Par dérogation : 45 jours fin de mois maximum après l’émission de la facture, si ce délai est expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier.

     

    La DGCCRF est chargée de contrôler le respect de ces règles. Les articles L. 441-6 (N° Lexbase : L0506LQS) et L. 443-1 (N° Lexbase : L0516LQ8) du Code de commerce prévoient la sanction du non respect des règles légales relatives aux délais de paiement par une amende administrative d’un montant maximal de 75.000 euros pour une personne physique et 2 millions d’euros pour une personne morale. Cette sanction est publiée. Le montant de l’amende est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. Des pénalités de retard sont aussi prévues afin de dissuader les retards de paiement.

  • Pas de report des factures échues pendant la période d’urgence sanitaire
  • Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
    Le Gouvernement a adopté une ordonnance n° 2020-306 le 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période. Cette ordonnance prévoit le report systématique des délais prescrits par la loi ou le règlement, qui viendraient à échéance entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020, c’est-à-dire un mois après la fin de la période d’urgence sanitaire, sous réserve de sa prorogation (Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, art. 2).

     

    Mais a priori les entreprises ne peuvent pas se prévaloir de ce dispositif pour suspendre le paiement de leurs factures échues pendant cette période.  Le Gouvernement a, en effet, demandé aux entreprises de respecter les délais de paiement afin d’éviter un effet boule de neige sur toute l’économie et des dépôts de bilan en nombre. C’est pourquoi le 23 mars 2020, Monsieur Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, et Monsieur François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, ont mis en place un Comité de crise sur cette question. Piloté par les Médiateurs des entreprises et du crédit, ce Comité associe plusieurs fédérations professionnelles, les chambres consulaires ainsi que la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF). Le Comité est ainsi chargé de mesurer l’ampleur des impayés et d’intervenir pour inciter les entreprises à régler leurs factures dans les temps. Pour ce faire, les entreprises qui font face à des impayés doivent faire remonter l’information à leur fédération professionnelle, qui se chargera de la répercuter au Comité de crise.

     

    Le 24 mars 2020, lors d’une interview à France info, le Ministre de l’Economie et des Finances, Monsieur Bruno Le Maire a annoncé des mesures précises :

    • Les entreprises qui ne paieront pas leurs fournisseurs dans les temps, ne bénéficieront plus de la garantie de l’Etat pour emprunter ;
    • Le nom de ces entreprises sera transmis aux banques pour que celles-ci ne leur accordent plus de crédit.

    Pendant la crise, les entreprises devront donc continuer à respecter les délais de paiement et payer leurs fournisseurs dans les délais convenus contractuellement ou imposés par la loi.

  • Les dérogations prévues par l’Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020
  • Quelles entreprises sont concernées par l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 ?
  • Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020
    Décret n° 2020-394 du 2 avril 2020Afficher plus (2)
    L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de Covid-19 ne concerne que les entreprises ou indépendants susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité, à savoir les très petites entreprises, les indépendants, les micro-entrepreneurs, et professions libérales.

     

    Les conditions permettant de bénéficier de ce dispositif ont été définies par deux décrets, le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation et le décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 relatif au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de Covid-19, modifiés en dernier lieu par le décret n° 2020-433 du 16 avril 2020 modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, et sont particulièrement restrictives.

     

    Pour être éligible au fonds de solidarité, et bénéficier des mesures de report des loyers professionnels et factures d’énergie et d’eau prévues dans l’ordonnance n° 2020-316, il faut remplir les conditions cumulatives suivantes :

    • L’activité doit avoir débuté avant le 1er février 2020 ;

    • Ne pas se trouver en liquidation judiciaire au 1er mars 2020 ;

    • Avoir un effectif inférieur ou égal à dix salariés ;

    • Avoir enregistré un chiffre d'affaires inférieur à un million d'euros lors du dernier exercice clos. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos d'exercice, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83.333 euros ;

    • Ne pas être contrôlée par une société commerciale au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L5817KTM) ; 

    • Il faut enfin que l’entreprise ait subi une importante baisse de son activité du fait de la crise sanitaire. Pour en justifier, l’entreprise devra démontrer :

    • Soit qu’elle a fait l’objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ;
    • Soit qu’elle a subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 par rapport à la même période de l'année précédente ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020.

     

    Il faudra également rédiger une déclaration sur l'honneur attestant du respect des conditions prévues et de l'exactitude des informations déclarées et présenter l'accusé-réception du dépôt de la demande d'éligibilité au fonds de solidarité.

  • Les effets limités de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 sur la suspension de paiements
  • Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020
    Sous réserve de ces conditions, les locataires éligibles au dispositif pourront alors suspendre le paiement de leurs loyers professionnels et charges locatives arrivant à échéance pendant la période du 12 mars 2020 à 2 mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire, sans encourir de pénalités financières ou d’intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, la mise en œuvre de clauses résolutoires ou de toute clause prévoyant une déchéance ou l’activation des garanties ou cautions (Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de Covid-19, art. 4).

     

    Sous les mêmes conditions, les bénéficiaires de ce dispositif peuvent aussi suspendre le paiement de leurs factures d’eau, de gaz et d’électricité exigibles entre le 12 mars et le 24 mai 2020, date de la fin de l’état d’urgence sanitaire, sous réserve de sa prolongation (Ibid., art 2 et 3). Ils devront en faire la demande auprès du fournisseur concerné. Le paiement des échéances reportées sera alors réparti sur les échéances postérieures, sur une durée d’au moins 6 mois. Là encore, le report ne pourra donner lieu à aucune pénalité financière, frais ou indemnité. Dans les deux cas, il n’est pas question d’annuler la dette mais simplement d’accorder un délai de paiement pour son règlement.

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