Réf. : Cass. civ. 3, 14 septembre 2023, n° 22-21.493, FS-B N° Lexbase : A57271G9
Lecture: 3 min
N6799BZT
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 20 Septembre 2023
► Toute action en référé est une action en justice ; la qualification d’action en justice n’est pas subordonnée à la présentation d’une demande indemnitaire chiffrée.
Le tiers victime ne peut avoir plus de droits à l’encontre de l’assureur du responsable qu’à l’encontre du responsable lui-même, tel pourrait être l’enseignement de cet arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation et destiné à être publié au bulletin.
Un particulier confie à un constructeur des travaux de rénovation de la toiture d’un bâtiment. La réception de l’ouvrage est prononcée. Se plaignant de désordres, le maître d’ouvrage assigne le constructeur en référé expertise puis au fond. L’assureur intervient volontairement à la procédure. Le constructeur fait ensuite l’objet d’une liquidation judiciaire.
Dans un arrêt rendu le 25 janvier 2022, la cour d’appel de Besançon rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription alléguée par l’assureur (CA Besançon, 25 janvier 2022, n° 21/00087 N° Lexbase : A79037KW). Ce dernier forme un pourvoi en cassation. Il articule, sur le fondement de l’article 1792-4-1 du Code civil N° Lexbase : L7166IAN, que l’action du maître d’ouvrage contre le constructeur se prescrit dans le délai de dix ans à compter de la réception. En retenant, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée, que dans le cadre d’une garantie décennale, le tiers lésé dispose d’un délai de douze ans, en ajoutant le délai de prescription biennale au délai décennale, les juges du fond auraient violé les dispositions précitées mais également l’article L. 124-3 N° Lexbase : L4188H9Y et L. 114-1, alinéa 3, N° Lexbase : L2081MAC du Code des assurances.
C’est donc sur ces nobles visas que la Cour de cassation rend sa décision et censure l’arrêt d’appel. Il s’agissait de concilier les textes applicables. D’un côté, l’action directe de la victime à l’encontre de l’assureur ne peut conduire à donner au tiers plus de droits que n’en a souscrit l’assuré dans le cadre de sa police. De l’autre, le maître d’ouvrage peut déclarer des désordres à son assureur dommages-ouvrage dans le délai décennal de dix ans auquel s’ajoute le délai de deux ans de la prescription biennale. Ce fameux « 10+2 » pose beaucoup de difficultés pratiques en ce qu’il prive de recours l’assureur dommages-ouvrage, dévoyant ainsi le mécanisme de préfinancement souhaité par le Législateur.
La décision est courageuse et mérite d’être approuvée.
La décision rendue est aussi l’occasion de revenir sur le point de départ du délai de prescription biennale. Puisque toute action en référé est une action en justice (Cass. civ. 1, 31 mai 2007, n° 06-15.699, F-P+B N° Lexbase : A5166DWA). Il peut constituer le point de départ d’un délai de prescription, tel que celui de l’action du tiers contre l’assureur (Cass. civ. 1, 10 mai 2000, n° 97-22.651, publié au bulletin N° Lexbase : A3545AUT).
Autrement dit, le point de départ de l’action du tiers victime contre l’assureur de responsabilité est le même que celui du tiers victime contre le responsable.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:486799