La lettre juridique n°933 du 2 février 2023 : Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Jurisprudence] Un revirement de jurisprudence salutaire : la rente AT/MP ne répare plus le déficit fonctionnel permanent

Réf. : Ass. plén., 20 janvier 2023, n° 21-23.947 N° Lexbase : A962588Y et n° 20-23.673 N° Lexbase : A962688Z, B+R

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N4223BZG

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par Dominique Asquinazi-Bailleux, Professeur des Universités, Université Jean Moulin-Lyon 3

le 02 Février 2023

Mots-clés : AT/MP • faute inexcusable • rente • indemnisation • victimes • réparation • déficit fonctionnel permanent • revirement • jurisprudence

Par deux arrêts rendus le 20 janvier 2023, l’Assemblée plénière opère un revirement de jurisprudence substantiel en excipant de la rente AT/MP, la réparation du déficit fonctionnel permanent. De ce fait, les souffrances physiques et morales ne sont plus réparées par la rente. Il en résulte un alignement sur la position historique du Conseil d’Etat qui juge que la rente a pour objet exclusif de réparer les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité. C’est également la fin d’une jurisprudence contra legem en cas de faute inexcusable de l’employeur. Plus encore, c’est l’espérance d’une meilleure indemnisation des victimes, spécialement devant le FIVA ou en cas de recours contre un tiers responsable.  


Depuis la loi du 9 avril 1898 N° Lexbase : L2970AIT, la réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles obéit à un régime spécial d’indemnisation qui se caractérise par le caractère forfaitaire de la réparation en échange d’une présomption d’imputabilité au travail du risque professionnel [1]. Néanmoins, en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, la victime bénéficie alors d’une majoration de rente mais également de la possibilité de demander l’indemnisation de préjudices complémentaires de nature extra-patrimoniale. Si leur énumération dans l’articles L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5302ADQ présentait un caractère limitatif, la décision du Conseil Constitutionnel en date du 18 juin 2010 [2] a autorisé un élargissement de la réparation aux préjudices non couverts par le Livre IV de la Sécurité sociale. Plus encore, soumise à la réforme des tiers payeurs- issue de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 N° Lexbase : L8561HTA - qui encadre le recours subrogatoire des caisses contre un tiers responsable, la rente servie a fait l’objet d’appréciations diverses des préjudices qu’elle répare [3]. Ainsi, saisie pour avis sur l’application de cette réforme à la législation professionnelle, la Cour de cassation a, dans un premier temps, retenu que la rente devait « s'imputer prioritairement sur les pertes de gains professionnels, puis sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle », sans interdire une imputation sur un préjudice personnel si la caisse rapporte la preuve que cette prestation en cause a pour objet de l’indemniser [4].

Cette position jurisprudentielle, d’abord confirmée [5], a encore évolué au détriment des victimes et notamment du fait d’un renversement de la charge de la preuve. Par un arrêt de la Chambre criminelle [6] puis une série d’arrêts de la deuxième chambre civile, du 11 juin 2009, il est jugé que la rente accident du travail ou maladie professionnelle indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l’incapacité et, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent (DFP). « En l’absence de perte de gains professionnels et d’incidence professionnelle, la rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du DFP » [7].  La même solution joue pour la pension temporaire d’invalidité ou la pension militaire servies par l’Etat [8]. Confrontée à cette présomption, la victime est alors invitée à démontrer que la rente n’indemnise pas ce dernier poste de préjudice. Seule certitude, la rente ne s’impute pas sur un poste de préjudice temporaire [9]. Cette « hypertrophie » [10] de la rente s’est encore aggravée avec l’intégration dans le DFP des souffrances morales et physiques, tout en procurant au préjudice d’agrément un caractère distinct au sein des préjudices personnels [11]. Ce dernier consiste désormais dans « l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive et de loisir » [12]. Il perd ainsi son caractère généreux [13] et ce, en conformité avec la nomenclature Dintilhac [14] pour s’aligner sur la définition retenue consécutivement à un accident de droit commun. En revanche, plus ambigüe est la dilution des souffrances physiques et morales dans le DFP [15]. C’est ce que nous allons vérifier avec l’appréciation de ce revirement de jurisprudence.

Dans une des espèces (n° 20-23.673 N° Lexbase : A962688Z), la cour d’appel de Caen a refusé aux ayants droit la réparation des souffrances physiques et morales endurées par la victime aux motifs que cette dernière, étant retraitée lors de la première constatation de sa maladie, n’avait subi aucune perte de gains professionnels ou d’incidence professionnelle. En conséquence, la rente indemnisait bien le poste de préjudice personnel de déficit fonctionnel permanent. Quoi que cette position des juges du fond s’inscrive en conformité avec la jurisprudence de la deuxième chambre civile, une demande de QPC a été formulée mais n’a pas été transmise [16]. A l’inverse, dans l’autre espèce (n° 21-23.947 N° Lexbase : A962588Y), la cour d’appel de Nancy, sur renvoi d’un arrêt de la deuxième chambre civile [17],  a refusé de s’aligner, ce que la doctrine n’a pas manqué de relever [18]. Elle juge que les souffrances physiques et morales doivent être indemnisées distinctement de la rente AT/MP.

Dans ce contexte, le renvoi à l’Assemblée plénière s’imposait.

L’arrêt de la cour d’appel de Caen est cassé alors que les juges de Nancy voient leur position validée. La Haute assemblée juge après l’exposé de différentes considérations que « la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent ». Ce revirement de jurisprudence est salutaire en ce qu’il consacre la fin d’une divergence de jurisprudence entre la Cour de cassation et le Conseil d’Etat (I.), qu’il met fin à une jurisprudence contra legem (II.) pour offrir une meilleure indemnisation aux victimes d’AT/MP (III.).

I. La fin d’une divergence de jurisprudence entre la Cour de cassation et le Conseil d’Etat

Interrogé sur l’assiette du recours subrogatoire de la caisse de Sécurité sociale, le Conseil d’Etat a, dans un premier mouvement, retenu que « l'objet exclusif de la rente est de contribuer à la réparation du préjudice subi par l'intéressé dans sa vie professionnelle du fait du handicap » [19]. Il permet alors d'imputer cette rente sur l'indemnité réparant l'incidence professionnelle du handicap. En revanche, les préjudices extra-professionnels n’entrent pas dans l’assiette du recours des tiers payeurs. Dans le même sens, la rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et l’allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité fixent « forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique », sans interdire la demande de réparation des préjudices extrapatrimoniaux [20]. L’analyse de l’objet de la rente par le Conseil d’Etat est demeurée constante, même s’il faut reconnaître que la position différente de la Cour de cassation n’a pas manqué de l’interroger. Ainsi, à propos d’une rente d’accident du travail, servie à un agent de la SNCF, lui a été posé la question de savoir si lorsque la rente d'accident du travail ne peut être rattachée à un quelconque préjudice patrimonial, le juge doit-il nécessairement imputer cette rente sur le poste des préjudices personnels ? Sa réponse est sans ambiguïté : « la rente d’accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l’accident, c’est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité » [21]. Le recours exercé par une caisse de Sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice [22]. Une telle rente ne saurait s’imputer sur un poste de préjudice personnel. Il résulte du contentieux administratif, que l’incidence professionnelle n’est pas définie, ce qui ne manquera pas d’interroger à l’avenir.

Plus certainement, le déficit fonctionnel permanent (DFP), sur lequel la deuxième Chambre civile impute la rente, n’est pas défini par le conseil d’Etat puisqu’il récuse qu’il puisse - même en l’absence de perte de gains - être réparé par la rente. La Cour de cassation, après avoir limité son imputation aux hypothèses d’absence de pertes de gains professionnels futurs, juge que « le reliquat éventuel de la rente […]  peut s’imputer sur le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du DFP » [23]. L’imputation successive sur des postes de préjudices supposés réparés par la rente AT/MP acquiert alors un caractère systématique. Il est vrai que si la victime ne perd pas son traitement de fonctionnaire ou son salaire du fait de son maintien dans l’emploi, on pouvait légitimement se demander ce que répare la rente. Le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime était implicitement convoqué pour justifier l’imputation de la rente sur le préjudice personnel de DFP. Selon la nomenclature Dintilhac, « le poste de DFP cherche à indemniser un préjudice extra-patrimonial qui touche la sphère personnelle de la victime ». Il s’agit d’indemniser tout à la fois les atteintes aux fonctions physiologiques mais également la douleur permanente que la victime ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien. Plus encore, la deuxième chambre civile jugeait que le préjudice d’établissement - défini comme la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap - relevait dans une première intention du DFP. La preuve de son caractère distinct ne pouvait résulter de la seule difficulté qu’avait la victime de remplir son rôle d’époux, de père et de grand-père du fait de ses séquelles et des souffrances engendrées [24].

Par ce revirement de jurisprudence, l’assemblée plénière s’aligne sur la position du Conseil d’Etat. La rente ne répare plus le déficit fonctionnel permanent. On ne peut qu’approuver cette réponse qui met fin à une divergence inacceptable entre les deux ordres de juridictions.

II. La fin d’une jurisprudence contra legem

Reconnaître que la rente répare partiellement un préjudice extra-patrimonial est pour le moins étonnant lorsque l’on s’emploie à apprécier ses modalités de calcul exposées aux articles L. 434-15 N° Lexbase : L5269ADI et suivants du Code de la Sécurité sociale. Sont pris en compte le salaire de la victime et son taux d’incapacité lesquels font l’objet de corrections en l’absence de faute inexcusable de l’employeur et ce, pour respecter la règle du forfait.  Le taux d’incapacité est déterminé « d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité » (CSS, art. L. 434-2, al. 1er [LXB= L8917KUS]). Ce barème indicatif - ne liant pas le médecin conseil - est consultable à l’annexe 1 de l’article R. 434-32 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L9477IG4. Il précise que les quatre premiers éléments d’appréciation sont purement médicaux. Les deux derniers portant sur l’aptitude et la qualification professionnelle impliquent une analyse des répercussions des séquelles sur l’exercice d’une profession et sur la pratique du métier. Aucune référence n’est faite au ressenti de la victime. Dès lors, on ne peut que critiquer la jurisprudence qui estimait que la rente répare le préjudice personnel extra-patrimonial de déficit fonctionnel permanent. Au mieux, il était possible de convenir que le DFP possède une composante objective lorsqu’il s’agit d’apprécier les séquelles fonctionnelles [25]. Le calcul du taux d’invalidité prend bien en compte la nature des infirmités. En revanche, le DFP a pour l’essentiel une part subjective puisqu’il s’agit d’apprécier la perte de qualité de vie, les troubles ressenties par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales. Cette deuxième composante du DFP requiert une appréciation in concreto de nature éminemment subjective. L’Assemblée plénière aurait pu faire le choix de redéfinir les contours du DFP même si cela aurait été source inutile de complexité.

En excipant de la rente le déficit fonctionnel permanent, elle met fin également à une jurisprudence contra legem en présence d’une faute inexcusable de l’employeur. Même si le calcul de la rente est amélioré en ce que sa majoration est calculée à partir du taux réel d’IPP multiplié par le salaire réel de la victime, il n’est pas certain que l’indemnisation de la perte de gains futurs, de l’incidence professionnelle (et du DFP) devienne intégrale. Pour autant, la deuxième Chambre civile interdit à la victime indemnisée par le tiers responsable de son accident du travail - via le juge civil - de réclamer la majoration de rente [26]. Il lui appartient d’établir que les sommes reçues au titre de son préjudice corporel ne couvraient pas intégralement la rente majorée. Quoi qu’il en soit, le caractère contra legem résulte de l’intégration dans le DFP des souffrances physiques et morales endurées par la victime. Comme il a été souligné par différents auteurs, à quoi servirait la mention, dans l’énumération des préjudices complémentaires de l’article L. 452-3, des souffrances physiques et morales si la victime en a été indemnisée par la rente majorée ? S’il est possible de voir - via le déficit fonctionnel permanent - la réparation des séquelles motrices, il est difficile de considérer que le calcul de la rente prend en compte de manière spécifique les souffrances morales. N’est-il pas vrai que, par l’effet mécanique de son calcul, les souffrances d’une victime sont directement proportionnelles au montant de son salaire.  Certes, il n’y avait aucun automatisme d’intégration mais une invitation à démontrer que les souffrances morales et physiques n’avaient pas été réparées au titre du DFP [27] ; preuve impossible à rapporter en pratique.

L’abandon de l’intégration du DFP dans la rente conduit automatiquement à restituer au poste « souffrances physiques et morales » un caractère distinct de la rente.  Pour autant, rien n’interdira à l’avenir au juge de fusionner le DFP et les souffrances physiques et morales, du moins en cas de faute inexcusable de l’employeur. Quoi qu’il en soit, s’ouvre au profit des victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle l’espérance d’une meilleure indemnisation.

III. L’espérance d’une meilleure indemnisation des victimes

Exciper le DFP de la rente est une belle avancée dans la réparation dans la mesure où la victime va pouvoir cumuler l’indemnisation pour perte de gains futurs et perte des qualités de vie du fait du handicap. Quoique la faute inexcusable de l’employeur ait été retenue dans les deux espèces, curieusement l’Assemblée plénière ne distingue pas entre la rente et sa majoration. Autrement dit, le DFP n’est plus réparé par la rente forfaitaire ou celle majorée. En raison de l’immunité civile de l’employeur, la victime n’aura pas plus d’action contre ce dernier pour réclamer un complément de réparation au titre du DFP. En revanche, sa réparation sera améliorée si elle peut agir contre un tiers responsable. Dans ce cas, la caisse ne sera plus autorisée à imputer sur le poste DFP, une partie de la rente servie.

Les victimes d’une maladie professionnelle liée à l’amiante, bien que profitant d’une réparation dite intégrale devant le FIVA [28], verront également leur réparation améliorée. La Cour de cassation validait l’imputation de la rente sur le DFP [29], parfois au détriment des victimes qui se retrouvaient débitrices d’un indu auprès du FIVA [30].  A l’avenir, ces dernières pourront cumuler la rente servie par l’organisme social et le DFP réparé par le FIVA.

En cas de faute inexcusable de l’employeur, la situation de la victime est également améliorée. D’abord, elle pourra, sur le fondement de l’article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5302ADQ, demander, en sus de la majoration de rente, la réparation des préjudices complémentaires énumérés dans le texte au nombre desquels figurent les souffrances physiques et morales. Désormais non réparé par la rente, ce chef de préjudice acquiert un caractère autonome. Ensuite, conformément à l’interprétation donnée par le Conseil Constitutionnel de l’article L. 452-3, la victime pourra solliciter la réparation des préjudices non couverts par le Livre IV du Code de la Sécurité sociale. A cet égard, le DFP n’étant plus réparé par la rente majorée, sa demande d’indemnisation devient légitime que ce soit pour la période antérieure ou celle postérieure à la consolidation.

Il n’en demeure pas moins qu’avec le souci affiché « d’éviter des situations de double indemnisation du préjudice », les juges du fond seront invités à revenir sur les contours de certains préjudices extra-patrimoniaux. On peut regretter que la Cour, réunie en Assemblée plénière, n’ait pas pris la peine de définir le DFP pour le confronter aux souffrances physiques et morales. On peut aussi s’émouvoir du peu d’intérêt qu’elle porte sur ce que répare la rente AT/MP. La formule traditionnelle selon laquelle la rente indemnise les gains professionnels futurs et l’incidence professionnelle de l’incapacité n’est pas reprise ici - sauf pour citer le passé. Dès lors, il n’est pas interdit de s’interroger sur l’incidence professionnelle - supposée réparée par la rente.

La nomenclature Dintilhac souligne que ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle (dévalorisation sur le marché du travail, perte d’une chance professionnelle, nécessité de changer d’emploi, frais de reconversion professionnelle, de reclassement). Il vient en complément de la perte de gains professionnels futurs sans pour autant aboutir à une double indemnisation du même préjudice. Ce contour de l’incidence professionnelle justifie que ce poste soit réparé par la rente. Néanmoins, la deuxième Chambre civile y intègre parfois une composante extra-patrimoniale lorsque la victime ne peut plus travailler [31]. Elle l’a récemment qualifié « de préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail, indemnisable au titre de l’incidence professionnelle » [32]. L’incidence professionnelle présente dès lors un caractère hybride [33] en ce qu’elle intègre des préjudices patrimoniaux (frais de reclassement, diminution des droits à la retraite…) et des préjudices extra-patrimoniaux (précarisation sur le marché du travail, sentiment de déclassement professionnel).

Dès lors, on mesure que l’Assemblée plénière aurait dû préciser clairement que la rente ne répare aucun préjudice extra-patrimonial. Contrairement à l’espérance de certains auteurs [34], l’Assemblée plénière n’a pas manifesté une « volonté de trancher définitivement le débat de l’objet de la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ».  Ce débat risque de se déplacer sur les contours des différents préjudices personnels.


[1] J.-J. Dupeyroux, Centenaire de la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail et les maladies professionnelles : un deal en béton ?, Droit social, 1998, p. 631.

[2] Cons. const., décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 N° Lexbase : A9572EZK, JCP S, 2010, 1361, note G. Vachet ; Resp. civ. et assur., 2010, étude 8, note H. Groutel ; JCP G, 2010, 1015, obs. C. Bloch ; JCP E, 2010, 2090, n° 15, obs. A. Bugada ; D., 2011, p. 459, S. Porchy-Simon ; RDT, 2011, p. 186, note G. Pignarre ; RDSS, 2011, p. 76, note S. Brimo ; X. Prétot, L'indemnisation de la faute inexcusable de l'employeur est-elle conforme à la Constitution ?, Droit social, 2011, p. 1208 ; G. Viney, L'évolution du droit de l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, Droit social, 2011, p. 964.

[3] P. Sargos, AT-MP - Trois ans d’application de la réforme des tiers payeurs : de l’amélioration à la régression, JCP G, 2010, n° 4, act. 75.

[4] Cass. avis, 29 octobre 2007, n° 0070015P N° Lexbase : A2872DZE, n° 0070016P N° Lexbase : A2873DZG et n° 0070017P N° Lexbase : A2874DZH, Droit social, 2008, p. 209, rapp. S. Grignon-Dumoulin ; JCP E, 2008, 1565, n° 1, obs. A. Bugada.  

[5] Cass. civ. 2, 23 octobre 2008, n° 07-18.819, FS-P+B N° Lexbase : A9429EAH, D., 2009, p. 203, note P. Sargos ; JCP S, 2009, 1059, note D. Asquinazi-Bailleux.

[6] Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-86.050 N° Lexbase : A0773EIH, n° 08-86.485 N° Lexbase : A0774EII et n° 08-82.666 N° Lexbase : A0770EID, RTD civ., 2009, p. 545, obs. P. Jourdain.  

[7] Cass. civ. 2, 11 juin 2009, n° 07-21.768 N° Lexbase : A0512EIS, n° 08-17.581 N° Lexbase : A0518EIZ et n° 08-16.089 N° Lexbase : A0516EIX, FS-P+B+R+I, JCP G, 2009, 195, note S. Porchy-Simon ; D., 2009, jurispr., p. 1789, note P. Jourdain ; JCP S, 2009, 1469, note D. Asquinazi-Bailleux ; JCP G, 2009, I, 248, n° 9, obs. C. Bloch ; H. Groutel, Recours des tiers payeurs : enfin des règles sur l’imputation des rentes d’accidents du travail, RCA, 2009, chr. 10 ; Cass. civ. 2, 19 novembre 2009, n° 08-18.019, FS-D N° Lexbase : A1557EPD. P. Sargos, AT/MP : le chaos des incohérences et des inégalités, JCP S, 2009, act. 495.

[8] Cass. civ. 2, 11 juin 2009, n° 07-21.816 N° Lexbase : A0513EIT et n° 08-11.853 N° Lexbase : A0515EIW, FS-P+B+R+I.

[9] Cass. civ. 2, 14 octobre 2021, n° 19-24.456, FS-B N° Lexbase : A3328497, JCP S, 2022, 1022, note X. Aumeran.

[10] Expression empruntée à Morane Keim-Bagot : M. Keim-Bagot, Les atteintes à la santé - Réflexions sur l’ordonnancement des préjudices, Droit ouvrier, 2015, n° 805, p. 476.

[11] Cass. civ. 2, 28 février 2013, n° 11-21.015, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A8812I8U, RTD civ., 2013, p. 383, obs.  P. Jourdain ; Droit social, 2013, 658, obs. S. Hocquet-Berg ; RDSS, 2013, 359, obs. M. Badel ; JCP S, 2013, note G. Vachet ; M. Keim-Bagot, Dommage corporel du travailleur : plaidoyer pour une approche cohérente et unitaire des préjudices réparables, Bull. Joly Travail, février 2021, p. 50.

[12] Cass. civ. 2, 28 mai 2009, n° 08-16.829, FS-P+B N° Lexbase : A3927EHW ; JCP S, 2009, 1461, note D. Asquinazi-Bailleux ; Cass. civ. 2, 28 juin 2012, n° 11-16.120, F-P+B N° Lexbase : A1215IQ3.

[13] Ass. plén., 19 décembre 2003, n° 02-14.783 N° Lexbase : A4684DAQ :  le préjudice d'agrément est le préjudice subjectif de caractère personnel résultant des troubles ressentis dans les conditions d'existence.

[14] J.-P. Dintilhac, Rapport du Groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels, juillet 2005 [en ligne].

[15] Cass. civ. 2, 8 octobre 2020, n° 19-13.126, F-D N° Lexbase : A33503XD, Droit social, 2021, p. 93, note M. Keim-Bagot.

[16] Cass. QPC, 8 juillet 2021, n° 20-23.673, F-D N° Lexbase : A63674YH, Bull. Joly Travail, octobre 2021, p. 34 ; Gaz. Pal., 21 septembre 2021, n° 426h5, p. 55, note C. Bernfeld.

[17] Cass. civ. 2, 8 octobre 2020, n° 19-13.126, F-D N° Lexbase : A33503XD, Droit social, 2021, p. 93, note M. Keim-Bagot. Selon la Cour, sont réparables les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du DFP. Il appartient aux juges du fond de justifier la double indemnisation.

[18] CA Nancy, 7 septembre 2021, n° 21/00095 N° Lexbase : A659243K et Cass. QPC, 8 juillet 2021, n° 20-23.673, F-D N° Lexbase : A63674YH, Bull. Joly Travail, octobre 2021, p. 34, note M. Keim-Bagot.

[19] CE, 5 mars 2008, n° 272447, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3441D7L, JCP S, 2008, 1359, note G. Vachet.

[20] CE, 25 juin 2008, n° 286910, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3502D9L.

[21] CE, avis, 8 mars 2013, n° 361273, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3225I9C, JCP S, 2013, 1220, note P. Sargos.

[22] CE, 18 octobre 2017, n° 404065 N° Lexbase : A0292WWQ.

[23] Cass. civ. 2, 10 septembre 2015, n° 14-21.936, F-D N° Lexbase : A9374NNI, Gaz. Pal., 17 novembre 2015, n° 321, note J. Bourdoiseau.

[24] Cass. civ. 2, 2 mars 2017, n° 15-27.523, F-P+B N° Lexbase : A9941TRM, JCP S, 2017, 1120, note D. Asquinazi-Bailleux.

[25] V. en ce sens, P. Jourdain, préc. ; RTD civ., 2012, p. 316.

[26] Cass. civ. 2, 6 janvier 2022, n° 20-14.502, FS-B N° Lexbase : A48447HU, JCP S, 2022, 1036, note D. Asquinazi-Bailleux.

[27] V. en ce sens : Cass. civ. 2, 28 février 2013, préc. ; CA Nancy, 7 septembre 2021, préc..

[28] Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, de financement de la Sécurité sociale pour 2001 N° Lexbase : L5178AR9, art. 53, I.

[29] Cass. civ. 2, 8 octobre 2009, n° 08-17.884, F-P+B N° Lexbase : A8767ELB, JCP S, 2009, 1600, note D. Asquinazi-Bailleux.

[30] Cass. civ. 2, 12 décembre 2019, n° 18-20.457, FS-P+B+I N° Lexbase : A1630Z8U, JCP S, 2020, 1018, note D. Asquinazi-Bailleux.

[31] A. Cayol, Chronique de droit du dommage corporel (avril 2021- décembre 2022), BJDA, 2022, n° 84.

[32] Cass. civ. 2, 6 mai 2021, n° 19-23.173, FS-P+R N° Lexbase : A32544RX, RTD civ., 2021, p. 649, obs. P. Jourdain ; BJDA, 2021, n° 75, obs. A. Cayol.

[33] J. Bourdoiseau, Les préjudices professionnels, Gaz. Pal., 27 décembre 2014, p. 32.

[34] E. Jeansen, Contributions à la détermination de l’objet de la rente AT/MP, Droit social, 2023, p. 88.

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