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par Vincent Vantighem
le 25 Janvier 2023
Viendra ? Viendra pas ? Quatre ans et demi après l’affaire qui a fait trembler l’Élysée, Alexandre Benalla entretient le doute sur la tenue de son procès en appel qui doit s’ouvrir, vendredi 27 janvier à Paris. Aujourd’hui reconverti dans le privé, l’ancien chargé de mission d’Emmanuel Macron a fait savoir, par la voix de son avocate, qu’il allait déposer une demande de renvoi de son procès pour « motif personnel ». C’est donc la cour d’appel de Paris qui tranchera la question dès l’ouverture des débats.
Si elle refuse d’accéder à la demande du jeune homme de trente-et-un ans aujourd’hui reconverti dans le privé, elle se plongera dans cette affaire de violences qui lui avait valu, lors du procès en première instance, une peine d’un an de prison ferme. L’affaire avait éclaté à la « Une » du journal Le Monde en juillet 2018. Vidéo à l’appui, le grand quotidien du soir révélait qu’un chargé de mission de l’Élysée avait molesté un couple qui participait à la manifestation du 1er mai, quelques semaines plus tôt, sur la place de la Contrescarpe à Paris. Problème, le jeune homme à l’origine des coups était coiffé d’un casque de la police alors qu’il n’était censé assisté au défilé qu’en qualité « d’observateur ».
Il n’avait fallu que quelques heures avant que la presse ne révèle le nom de ce collaborateur du chef de l’État : Alexandre Benalla. De révélations en révélations, les jours suivants permettaient de découvrir que ce personnage fantasque avait également molesté d’autres manifestants lors du défilé du 1er mai. Finalement, c’est pour des violences envers trois hommes et deux femmes qu’il doit être rejugé aujourd’hui.
L’affaire avait déclenché un séisme dans le monde politique
L’article du Monde avait entraîné un séisme dans la classe politique. Un séisme dont les répliques avaient secoué le pouvoir d’Emmanuel Macron qui avait mis des semaines à « lâcher » son ancien collaborateur. Car, celui qui était alors au cœur du dispositif de sécurité du président de la République continuait de jouir d’un bureau au « Château » alors qu’il avait été suspendu durant quinze jours par le pouvoir en place, informé des événements bien avant les publications dans la presse. Le Sénat avait fini par créer une commission d’enquête parlementaire. Et chaque jour, elle révélait un peu plus de l’envers du décor dans lequel évoluait ce jeune homme de vingt-six ans alors au centre du pouvoir.
Si son procès en appel se tient, Alexandre Benalla devra, outre l’affaire de « violences », répondre également de « faux et usage de faux en écriture » et « usage public sans droit d’un insigne » pour avoir continué à voyager avec des passeports diplomatiques après son licenciement par l’Élysée. Il détenait aussi un passeport de service obtenu frauduleusement, selon l’accusation. Au surplus, cet ancien collaborateur se voit aussi reprocher d’avoir porté illégalement une arme de poing en 2017, même si lui s’est toujours défendu en expliquant qu’il s’agissait d’une arme factice.
Pour le tribunal de Paris, des « explications absurdes et irresponsables »
Lors du procès en première instance, il avait été condamné à trois ans de prison, dont un an ferme aménagé sous la forme d’un placement sous bracelet électronique et l’interdiction d’occuper un emploi public pour une durée de cinq ans. À l’audience, il avait passé son temps à nier l’essentiel des faits reprochés. Au sujet des « violences » dont il était alors accusé, il avait répété qu’il n’avait fait qu’agir « par réflexe » citoyen pour « aider la police » qu’il pensait, alors, débordée par les événements. « Des explications absurdes et irresponsables », selon les termes du jugement du tribunal.
Son ami Vincent Crase est lui aussi attendu sur le banc des prévenus de la cour d’appel de Paris. À l’époque chargé de la sécurité du parti En Marche (devenu depuis Renaissance), il sera rejugé pour avoir participé à l’interpellation illégale de trois personnes. Il lui est également reproché d’avoir obligé l’une de ces personnes à effacer une vidéo prise avec son téléphone portable. Condamné à deux ans de prison avec sursis en première instance, il plaidera, à nouveau, la relaxe. « Car il a agi pour protéger l’ordre public », a déclaré son avocat Robin Binsard.
Il est toujours visé par trois enquêtes préliminaires
Mais c’est bien Alexandre Benalla qui devrait, à nouveau, capter l’essentiel des regards. Reconverti dans la sécurité privée à la tête de la société Comya, il continue de se présenter sur les réseaux sociaux comme étant l’ancien directeur de cabinet adjoint du Président de la République française. Et à ce titre, il lui arrive même encore de livrer son analyse sur les chaînes d’information en continu.
Mais il est désormais dans le viseur de la justice. Car, outre l’affaire de violences qui lui a déjà valu une condamnation, il fait l’objet de trois autres enquêtes préliminaires. L’une porte sur son rôle dans la signature de contrats avec des oligarques russes alors qu’il était en poste à l’Élysée. Une affaire largement documentée par le journal en ligne Médiapart. La seconde a été ouverte en février 2019 pour « entrave à la manifestation de la vérité ». Elle vise à savoir si Alexandre Benalla n’a pas dissimulé des preuves dans le cadre de l’enquête sur les violences, notamment en cachant deux coffres-forts qui n’ont jamais été découverts. Et pour couronner le tout, il reste inquiété pour des soupçons de « faux témoignage » devant la commission d’enquête du Sénat.
Mais pour l’instant, il devra surtout se concentrer sur les faits de la place de la Contrescarpe. S’il n’obtient pas le renvoi de son procès en appel, celui-ci se tiendra jusqu’au 3 février.
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