Réf. : Cass. civ. 1, 11 janvier 2023, n° 21-23.957, F-B N° Lexbase : A6452874
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par Vincent Téchené
le 24 Janvier 2023
► Il résulte de la combinaison de l'article 1139 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131, du 10 février 2016, et de l'article 2224 du même code que le défaut de réception effective par la caution de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n'affecte pas sa validité et que le point de départ de son action en responsabilité à l'encontre de la banque est fixé au jour où elle a su que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal, soit à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée.
Faits et procédure. Une banque a consenti à une SCI (l'emprunteur) deux prêts immobiliers, garantis par un cautionnement solidaire. Après avoir prononcé la déchéance du terme et obtenu la vente forcée de l'immeuble de l'emprunteur par un jugement d'adjudication du 17 décembre 2010, la banque a signifié à la caution un commandement de saisie-vente le 15 juin 2015.
Le 2 décembre 2016, la caution a assigné la banque en caducité de ses engagements et en paiement de dommages et intérêts. La banque a sollicité le paiement des sommes restant dues.
Pourvoi. C’est dans ces conditions que la banque a formé un pourvoi en cassation reprochant à l'arrêt d’appel (CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 7 septembre 2021, n° 20/00199 N° Lexbase : A01747ME), d’une part, d’avoir rejeté le moyen tiré de la prescription des demandes formées à son encontre par la caution sur le fondement des articles L. 110-4 du Code de commerce N° Lexbase : L4314IX3 et 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC et, d’autre part, de dire prescrites ses créances au titre des cautionnements consentis.
Décision. La Cour de cassation censure sur ces deux points l’arrêt des juges bisontins.
La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 1139 du Code civil N° Lexbase : L1239ABI, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131, du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK (désormais C. civ., art. 1344 N° Lexbase : L0994KZT), le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu'il ressort de ses termes une interpellation suffisante, soit par l'effet de la convention, lorsqu'elle porte que, sans qu'il soit besoin d'acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure.
En outre, il ressort de l’article 2224 du Code civil, que l'action en responsabilité de la caution contre la banque se prescrit par cinq ans à compter du jour où la mise en demeure de payer les sommes dues par l'emprunteur défaillant a permis à la caution d'appréhender l'existence éventuelle d'une disproportion de ses engagements ou de manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde.
Ainsi, selon la Haute juridiction, il résulte de la combinaison de ces textes que le défaut de réception effective par la caution de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n'affecte pas sa validité et que le point de départ de son action en responsabilité à l'encontre de la banque est fixé, au jour où elle a su que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal, soit à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée.
Or, elle relève que pour déclarer l'action en responsabilité initiée par la caution recevable, l'arrêt d’appel a retenu que la banque n'est pas en mesure de communiquer l'accusé de réception de la mise en demeure du 9 décembre 2009 signé par la caution, mais seulement le retour du document muni de la mention « Non réclamé - retour à l'envoyeur » et qu'elle succombe à établir que le délai de prescription des demandes a pu valablement courir à compter de cette date.
Dès lors en statuant de la sorte, l’arrêt d’appel a violé les textes visés.
La Cour de cassation a déjà retenu que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité exercée par la caution contre la banque est fixé au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal (Cass. com., 13 décembre 2016, n° 14-28.097, F-D N° Lexbase : A2254SXR ; Cass. com., 9 juillet 2019, n° 17-28.792, F-D N° Lexbase : A3671ZK8 ; Cass. com., 8 avril 2021, n° 19-12.741, F-P N° Lexbase : A12914PI).
Sur le second point discuté devant elle, la Cour de cassation rappelle que selon l’article 2241, alinéa 1er, du Code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Par ailleurs, selon l’article 2246 N° Lexbase : L7176IAZ, l'interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription contre la caution.
Or, elle relève que pour déclarer la banque irrecevable en sa demande en paiement à l'égard de la caution, l'arrêt d’appel a retenu qu'il est établi que, si la caution a procédé à plusieurs règlements au titre des deux engagements litigieux, aucun n'est antérieur au 10 décembre 2014, date à laquelle la prescription des créances de la banque était acquise, et qu'aucune interruption utile de cette prescription n'est démontrée.
Elle en conclut qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si la procédure d'exécution forcée diligentée antérieurement par la banque à l'encontre de l'emprunteur n'avait pas eu un effet interruptif de la prescription, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les effets du cautionnement entre le créancier et la caution, La mise en œuvre de la responsabilité du créancier par la caution, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E2630GAN. |
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