La lettre juridique n°928 du 15 décembre 2022 : Marchés publics

[Questions à...] Peut-il exister un protectionnisme européen en matière de marchés publics ? Questions à Stéphane de La Rosa, Professeur à l’Université Paris-Est Créteil, Chaire Jean Monnet

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[Questions à...] Peut-il exister un protectionnisme européen en matière de marchés publics ? Questions à Stéphane de La Rosa, Professeur à l’Université Paris-Est Créteil, Chaire Jean Monnet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/90641981-citedanslarubriquebmarchespublicsbtitrenbspipeutilexisterunprotectionnismeeuropeenen
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le 15 Décembre 2022

Mots clés : marchés publics • protectionnisme • Union européenne • égalité de traitement des candidats • non-discrimination

À la suite de la récente visite d’État d’Emmanuel Macron aux États-Unis pour plaider une non-fermeture du marché américain aux entreprises européennes après le vote en août 2022 de l’« Inflation Reduction Act », loi dotée de 369 milliards de dollars de subventions pour les technologies « propres » américaines, et le resserrement annoncé  du « Buy American Act » de 1933 qui prévoit que tous les produits achetés par l'administration fédérale soient fabriqués « de manière substantielle » aux États-Unis (avec un objectif à terme de 75 %), la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé une riposte européenne en la matière. Cependant, l’Union européenne rechigne à adopter une ligne protectionniste allant à l’encontre de ses fondamentaux historiques de facilitation de la circulation des marchandises et de concurrence libre et non faussée. Pour savoir si une telle politique pourrait néanmoins voir le joue en matière de marchés publics, Lexbase Public a interrogé Stéphane de La Rosa, Professeur à l’Université Paris-Est Créteil, Chaire Jean Monnet, Directeur du laboratoire MIL (Marchés, Institutions, Libertés)*.


 

Lexbase : Quelles règles régissent l'attribution des marchés publics au sein de l'UE ?

Stéphane de La Rosa : Le droit de l’Union est incontournable dans la détermination des règles qui régissent la passation des contrats de la commande publique, marchés publics ou concession. Depuis les années soixante-dix, plusieurs « paquets » de Directives (initialement Directive 71/305, puis Directives dans les années 90, en 2004 et surtout en 2014) ont substantiellement modifié le régime juridique applicable à la passation de ces contrats.

Pour aller à l’essentiel, l’apport du droit communautaire fut d’étendre le champ matériel des règles (les règles de passation des contrats ne s’appliquent pas uniquement aux personnes publiques – suivant l’approche initiale du droit français – mais plus largement aux « pouvoirs adjudicateurs » ou, pour les activités en réseau, aux « entités adjudicatrices », qui peuvent être dans certains cas des personnes de droit privé), d’unifier les seuils de passation (les mêmes seuils en Europe pour une publicité européenne des contrats) et d’harmoniser les procédures de passation. Cette construction juridique repose sur une logique d’ensemble : favoriser la possibilité pour les opérateurs de candidater à des marchés publics situés dans d’autres États et lever les restrictions à l’accès aux marchés publics nationaux.

L’application des Directives reposent sur une logique de seuil : au-delà d’un certain montant (actuellement 5 382 000 euros HT pour les marchés de travaux et pour les contrats de concessions, 140 000 euros HT pour les marchés de fournitures et de services des autorités publiques centrales, 431 000 euros HT pour les marchés de fournitures et de services des entités adjudicatrices et pour les marchés de fournitures et de services passés dans le domaine de la défense ou de la sécurité), les pouvoirs adjudicateurs sont tenus de publier un avis de marché à l’échelle européen, de même qu’ils sont tenus par la nécessité de suivre les procédures de passation définies par les Directives : appel d’offres ouvert, appel d’offres fermé, dialogue compétitif, partenariat d’innovation ou encore procédure concurrentielle.

Á la faveur de la transposition des Directives adoptées en 2014 (pour les marchés publics, la Directive (UE) n° 2014/24 du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics N° Lexbase : L8592IZA et Directive (UE) n° 2014/25 du 26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux N° Lexbase : L8593IZB et pour les concessions, la Directive 2014/23 du 26 février 2014, sur l’attribution des contrats de concession N° Lexbase : L8591IZ9), une vaste refonte des règles applicables fut engagée, en France, par voie d’ordonnances. Dans un premier temps, le Code des marchés publics a été abrogé au 1er avril 2016 et remplacé par des ordonnances qui transposaient les Directives (ordonnances n° 2015-899, du 23 juillet 2015, relative aux marchés publics N° Lexbase : L9077KBS et n° 2016-65, du 29 janvier 2016, relative aux contrats de concession N° Lexbase : L3476KYE). Ces ordonnances ont permis de préparer un vaste chantier de codification, qui a débouché sur l’adoption du Code de la commande publique (CCP), en vigueur depuis le 1er avril 2019. Le CCP diffère assez largement de l’ancien Code des marchés publics. Son champ matériel est beaucoup plus large (il couvre les marchés publics et les concessions), son champ organique est plus important (il s’applique à l’ensemble des contrats de la commande publique, indépendamment de la personne qui passe le contrat), il couvre les contrats indifféremment de leur qualification de droit public ou de droit privé et il intègre toute une série de textes telles que la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, relative à la sous-traitance N° Lexbase : L5127A8E, les règles relatives aux délais et de paiement ou encore la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée N° Lexbase : L7908AGY. La très grande majorité des règles contenues dans ce Code sont calquées sur le droit de l’Union : cela implique qu’elles doivent être interprétées à la lumière des Directives de 2014 et de la jurisprudence de la Cour de justice.

Toutefois, l’influence du droit de l’Union ne se limite pas aux seules Directives. Elle est également essentielle à travers la reconnaissance et la mise en œuvre des principes fondamentaux de la commande publique. En effet, depuis l’arrêt de principe « Telaustria » [1], trois grands principes fondent le socle normatif de la commande publique à l’échelle européenne : l’égalité de traitement des candidats à un contrat de la commande publique, la non-discrimination à raison de la nationalité et la transparence. Ces principes sont incontournables, non seulement car ils correspondent à des exigences contenues dans le droit primaire de l’Union, mais également car ils doivent être respectés même pour la passation de contrats qui ont une valeur inférieure aux seuils des Directives. Aussi, même pour des marchés d’une taille moyenne ou modeste, le droit de l’Union trouvera à s’appliquer à travers ces principes, pour autant que le contrat présente un intérêt transfrontalier certain. On retrouve en droit interne l’énoncé de ces principes à l’article L. 3 du Code de la commande publique N° Lexbase : L4460LRM, suivant lequel « les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d’égalité de traitement des candidations à l’attribution d’un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d’accès et de transparence des procédures (…) ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ».

L’importance de ces principes doit être d’autant plus soulignée que ceux-ci donnent lieu à une jurisprudence dense et évolutive. Par exemple, l’exigence de transparence implique elle-même plusieurs conséquences pour les acheteurs : obligation d’assurer une publicité « adéquate » du marché (les conditions et les modalités de la procédure d’attribution doivent être formulées de manière claire, précise et univoque dans l’avis de marché, ces mêmes conditions doivent être cohérentes au regard de l’objet et du montant du marché), obligation d’impartialité pour la personne publique qui conclut le marché, instauration de garanties contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur. De nouveaux enjeux sont progressivement couverts par les principes fondamentaux, par exemple le régime de modification des contrats en cours d’exécution (régime des avenants) ou encore les règles relatives à la sous-traitance.

Lexbase : Comment se positionnent les juges européens en la matière ?

Stéphane de La Rosa : La jurisprudence de la Cour de justice est très dense en matière de commande publique. Une cinquantaine d’affaires sont jugées chaque année et couvrent toute une diversité d’enjeux, y compris les plus contemporains, parmi lesquels le contenu des critères d’attribution d’un marché, l’insertion de clauses sociales et environnementales, l’encadrement de l’exécution des contrats en cas d’évènements imprévus, la sous-traitance, le groupement de candidats à un contrat public, l’insertion de motifs d’exclusion des soumissionnaires.

De manière générale, la matrice historique de la jurisprudence européenne consiste à privilégier la logique d’ouverture à la concurrence et d’accès au marché. Toutefois, cette approche évolue progressivement. De plus en plus, la Cour reconnaît des raisons impérieuses d’intérêt général, au regard desquelles un pouvoir adjudicateur peut prévoir des restrictions, par exemple pour limiter la sous-traitance, exiger le respect de normes sociales ou environnementales dans l’exécution du contrat, privilégier certains opérateurs pour des marchés sensibles (par exemple, les services sociaux), voire attribuer directement certains contrats pour des motifs de solidarité (par exemple pour certains marchés de transport de malades). Ces motifs ou ces raisons sont divers : sécurité dans l’exécution du marché, protection de l’environnement, protection des travailleurs, promotion des PME. L’admission de ces motifs demeure toutefois tributaire du respect du principe de proportionnalité.

Toutefois, les juges européens demeurent sensibles au respect des principes fondamentaux de la commande publique, lesquels font formellement obstacle à des clauses qui introduisent ouvertement dans les marchés publics des discriminations à raison de l’origine des produits ou du prestataire de services.

Il y a là une ligne d’équilibre qui n’est pas évidente à tenir et qui devra sans doute être clarifiée dans les années à venir, compte tenu des évolutions contemporaines de la commande publique. La prise en compte, croissante, de l’économie circulaire (recourir à des fournisseurs proches du lieu d’exécution du marché) et de la préférence européenne (privilégier des fournisseurs européens, quitte à prendre ses aises avec le principe de non-discrimination qui s’applique à l’ensemble à l’ensemble des opérateurs) nécessitera sans doute d’interpréter plus souplement les principes de transparence et de non-discrimination, voire de les écarter dans certains cas. Les mutations contemporaines de la commande publique pourraient conduire à une inflexion significative des dogmes et des principes sur lesquels s’est historiquement construit le marché intérieur.

Lexbase : Le « Joint Procurement Agreement Act » pendant la crise du covid-19 a-t-il constitué un tournant ?

Stéphane de La Rosa : Avant la crise sanitaire, le droit de l’Union prévoyait déjà des dispositifs de « marchés conjoints », à savoir la possibilité, pour des pouvoirs adjudicateurs (États, collectivités, personnes morales de droit public ou de droit privé en charge d’une activité d’intérêt général), situés dans différents États, de conclure conjointement des marchés publics.

Au plan des principes, les marchés publics conjoints (prévus à l’article 39 de la Directive (UE) n° 2014/24) présentent plusieurs avantages : ils favorisent une culture commune de l’achat public, ils permettent de réduire les coûts pour certaines fournitures ou services rares ou onéreux, ils sont adaptés à des territoires spécifiques, comme les zones frontalières.

Pour les produits médicaux, il existe depuis 2013 une forme spécifique de marchés conjoints, qualifiée de « marchés de contre mesure médicale ». Ces marchés assez spécifiques reposent sur un instrument qui fut mis en place à la suite de la grippe H1N1. En effet, l’article 5 de la décision n° 1082/2013/UE du 22 octobre 2013, relative aux menaces transfrontières graves sur la santé N° Lexbase : L8475I3B, permet le recours à des passations conjointes en vue de l'achat anticipé de contre-mesures médicales relatives à des menaces transfrontières graves sur la santé. Suivant ce dispositif, la Commission agit comme le ferait une centrale d’achat : après avoir identifié le besoin en matériel médical de plusieurs États membres (essentiellement des respirateurs artificiels), elle identifie le ou les fournisseurs susceptibles de fournir ledit matériel selon les critères préalablement indiqués, puis se charge de jouer le rôle d’intermédiaire entre ces mêmes fournisseurs et les États. Ceux-ci restent libres d’acquérir, ou non, les fournitures et contactent directement avec les entreprises sélectionnées. Le rôle de la Commission se rapproche ainsi de celui d’un intermédiaire. En privilégiant une massification des achats, elle-même rendue possible par la mutualisation des demandes des États, la Commission est en mesure de négocier un prix et des prestations pour l’ensemble des États qui sont partis à un accord.

Toutefois, l’enclenchement de ce dispositif assez spécifique d’achat nécessite que les Etats soient partis à un accord ad hoc, qualifié de « Joint Procurement Agreement to Procure Medical Countermeasures ». Cet accord a un champ assez large et dépasse le périmètre de l’Union européenne, dans la mesure où il couvre 37 États, incluant par exemple ceux des Balkans et ceux de l’espace économique européen.

La complexité de ce dispositif, mais également son inadéquation à des situations d’urgence telle que la crise sanitaire, ont conduit à n’y recourir que de manière marginale pour la fourniture d’équipements médicaux. Quelques marchés ont été passés par la Commission, notamment pour la fourniture de respirateurs et d’appareil d’assistance respiratoire.

Pour ce qui est spécifiquement des marchés de vaccins, la procédure suivie fut très spécifique. Elle s’est appuyée sur le régime de l'aide d'urgence issu du Règlement (UE) n° 2016/369 du 15 mars 2016, relatif à la fourniture d'une aide d'urgence au sein de l'Union N° Lexbase : L0374K7Y, lui-même sensiblement modifié au début de la crise sanitaire par le Règlement (UE) n° 2020/521 du 14 avril 2020, portant activation de l’aide d’urgence N° Lexbase : L6819LWH. Les marchés permettant la fourniture de vaccins sont conçus comme la mise en œuvre d’une mesure d’urgence prise par la Commission, financée sur le budget général de l’Union ou sur des contributions supplémentaires des États. Ces marchés furent assez largement dérogatoires, avec des avis d’information minimums et l’absence formelle de mise en concurrence. Leur régime est assez complexe, combinant l’application du droit de l’Union et, une application du droit belge (État de conclusion des contrats), pour l’interprétation des obligations et l’identification des juridictions compétentes en cas de désaccord. Le flou des obligations pesant les fournisseurs de vaccins, formulées en termes de « Best Reasonable Efforts », a nourri un contentieux devant les juridictions belges, dont l’issue fut dans l’ensemble favorable à la Commission. En ne sécurisant pas suffisamment les conditions d’exécution de ces contrats majeurs et en ne définissant pas avec une clarté suffisante certaines de leurs clauses, la Commission a créé, malgré elle, un contexte de défiance des États et des populations vis-à-vis des fournisseurs de vaccins, lequel, par un effet d’entraînement, se répercute sur les engagements pris par les États au titre de ces contrats.

Les institutions ont toutefois tiré les enseignements de ces difficultés. Une nouvelle direction a été créé au sein de la Commission européenne : l'HERA (service de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire). Celle-ci centralise désormais plus efficacement les contrats de fourniture conjointe, avec par exemple la signature en octobre 2022 d'un contrat cadre pour l'acquisition conjointe d'Adjupanrix, un vaccin contre la grippe pandémique.  À terme, avec les propositions d’une Union de la santé portées par la Commission européenne [2], le régime d’ensemble des marchés conjoints sera simplifié, mieux centralisé et plus favorable à la constitution de stocks communs aux États.

Lexbase : Un « Buy European Act » aurait-il des chances de voir le jour ? Quels pourraient être ses effets concrets ?

Stéphane de La Rosa : L’expression de « Buy European Act » ne recouvre rien de très précis. Depuis plusieurs années, nombre de responsables, de bords politique différents, mettent en avant la nécessité d’une législation européenne qui donnerait une préférence pour l’attribution de marchés à des produits ou fabricants européens.

L’emploi de cette expression un peu attrape-tout doit être mise en perspective avec le « Buy American Act » (BAA) aux États-Unis, législation fédérale adoptée en 1933, qui s'applique aux marchés publics d'une valeur de plus de 3000 dollars conclus par l'État fédéral. Formellement, le BAA établit une préférence pour l'achat de produits nationaux, entendus comme des produits dont la fabrication ou pour lesquels la part de produits « américains » dépasse de 50 % la valeur totale du produit. Cette préférence varie elle-même selon la valeur des marchés (elle joue essentiellement pour des marchés qui sont inférieurs aux seuils de l’OMC, qui sont repris dans les seuils européens). Elle se fonde juridiquement sur un dispositif dit de « waiver » : pour ne pas porter atteinte au principe de non-discrimination inscrit dans les accords commerciaux et en droit de l’OMC, les acheteurs sont invités à écarter l’attribution préférentielle et traiter sur un pied d’égalité les entreprises américaines et celles issues d’États tiers. En pratique, toutefois, ce dispositif ne fonctionne pas toujours et l’attribution préférentielle est privilégiée.

Dans le cas de l’Union européenne, il n’existe aucunement de législation similaire. Des instruments récents, comme par exemple, le dispositif dit « IPI » (International Procurement Instrument, prévu par le Règlement (UE) n° 2022/1031 du 23 juin 2022, concernant l'accès des opérateurs économiques, des biens et des services des pays tiers aux marchés publics et aux concessions de l'Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l'accès des opérateurs économiques, des biens et des services originaires de l'Union aux marchés publics et aux concessions des pays tiers N° Lexbase : L3024MDD) a pu être présenté comme un « Buy European Act ».

La réalité est toutefois beaucoup plus nuancée : il s’agit d’un instrument qui permet à la Commission de prendre des contremesures lorsqu’il apparaît qu’un État tiers maintient ou développe des pratiques restrictives, excluant ou limitant très fortement l’accès des entreprises européennes aux marchés publics domestiques. L’efficacité de cet instrument demeure incertaine. Il ne s’appliquera qu’a des États tiers pour lesquels il n’existe pas d’accords commerciaux ou qui ne sont pas membres de l’Accord sur les marchés publics de l’OMC (ce qui limite sa portée à des États tels que la Chine, l’Inde, la Russie, mais exclut les États-Unis ou le Canada). Par ailleurs, les mesures prises par la Commission en réaction à la fermeture des marchés seront graduées : réajustement du prix de l’offre par le soumissionnaire, voire une exclusion de l’offre.

Aussi, un authentique « Buy European Act » nécessiterait, pour être mené à bien, des ruptures, des « sauts » conceptuels par rapport aux fondamentaux du droit économique européen. La reconnaissance d’un véritable régime de préférence (qui existe marginalement pour certains marchés publics, par exemple pour les entités adjudicatrices à l’article L. 2153-2 du Code de la commande publique N° Lexbase : L7087LQK) implique une prise de distance avec les principes de non-discrimination et d’égalité, tels qu’ils figurent dans l’Accord sur les marchés publics de l’OMC, qui lie l’Union européenne et qui sert de socle aux directives.

Sans être remis en cause, la portée de ces principes devrait être pondérée, de manière rigoureuse, avec des impératifs tenant à la protection de certaines activités sensibles ou stratégiques (les règles applicables au filtrage des investissements, telles qu'elles ressortent notamment du Règlement (UE) n° 2019/452 du 19 mars 2019, établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union N° Lexbase : L6646LPT, peuvent être ici utiles en ce qu'elles identifient des activités stratégiques), à la préservation de l’environnement et à la nécessité concomitante d’une commande publique locale, ou encore tenant à la préservation de la compétitivité des entreprises européennes. Cette mise en perspective justifierait de mettre le droit de l’Union au service d’une politique industrielle et d’une politique de transition écologique. Cette voie est toutefois exigeante : elle conduit à réinterpréter les piliers conceptuels du droit du marché intérieur et du droit de la concurrence.

* Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public.


[1] CJCE, 7 décembre 2000, aff. C-324/98, Telaustria N° Lexbase : A1916AWU.

[2] COM (2020) du 11 novembre 2020, 727 final, Proposition de Règlement concernant les menaces transfrontières graves pour la sante et abrogeant la décision n° 1082/2013.

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