Réf. : Cass. com., 29 juin 2022, deux arrêts, n° 20-11.952, F-B N° Lexbase : A857978A et n° n° 20-13.228, F-B N° Lexbase : A858078B
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par Vincent Téchené
le 07 Juillet 2022
► Dès lors que le contrat d’agent commercial est conclu en considération de la personne du dirigeant ou principal animateur de la société mandataire, le fait pour cette dernière de ne pas informer le mandant du départ et du remplacement de l’intéressé constitue un manquement à son obligation de loyauté et donc une faute grave excluant le bénéfice de l’indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat.
Dans deux affaires sensiblement identiques, la Cour de cassation a rendu, le même jour, deux arrêts publiés au bulletin qui éclairent la notion de faute grave dans le cadre d’un contrat d’agent commercial, spécifiquement lorsque le mandataire est une société.
Faits et procédures. Dans les deux affaires, un mandant a résilié pour faute grave le contrat d'agence commerciale conclu avec une société (agent commercial). La mandataire contestant avoir commis une telle faute a assigné en paiement des indemnités de cessation de contrat et de préavis.
Les cours d’appel saisies ont rendu dans décisions opposées. Alors que la cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 5 décembre 2019, n° 17/07228 N° Lexbase : A1047Z7W ; pourvoi n° 20-11.952) a retenu l’existence de fautes graves de la part de l’agent commercial, la cour d’appel de Paris (CA Paris, 20 janvier 2020 ; pourvoi n° 20-13.228) a, pour sa part, jugé en sens inverse.
Décisions. Les questions posées par ces deux arrêts étaient en fait très proches.
Dans son premier arrêt du 29 juin, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Lyon. Elle énonce qu’ayant retenu qu'une clause d'intuitu personae du contrat d'agence commerciale soumettait à l'agrément du mandant le changement de gérant de l'agent commercial et que la prétendue gérance de fait exercée par l'intéressé n'exonérait pas l'agent commercial de son obligation contractuelle, puis relevé que celui-ci avait manqué à son obligation d'information et de transparence à l'égard du mandant en ne l'informant pas de la démission de son gérant, la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'agent commercial avait manqué à son obligation de loyauté, essentielle au mandat d'intérêt commun, en a exactement déduit que ce dernier avait commis une faute grave justifiant la rupture des relations commerciales et dispensant le mandant de lui verser l'indemnité réparatrice prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce N° Lexbase : L5660AIH ainsi que l'indemnité de préavis.
Dans le second arrêt rendu le 29 juin, la Cour de cassation, adoptant une solution allant dans le même sens, censure au contraire l’arrêt des juges parisiens au visa des articles L. 134-12 et L. 134-13 N° Lexbase : L5661AII du Code de commerce. Elle rappelle qu’en application de ces textes, la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale.
Or, pour exclure la faute grave, l’arrêt constate que le contrat d'agence commerciale stipulait que le contrat étant conclu en considération de la personne du principal animateur de la société mandataire, tout changement conduisant à la perte par ce dernier, soit de la direction effective et permanente de la société, soit du contrôle majoritaire de celle-ci, devait être soumis à l'agrément du mandant dans un délai raisonnable, avant la survenance du changement, et que le non-respect de cette obligation serait assimilé à une faute grave de l'agent, ouvrant droit à la résiliation du mandat.
La cour d’appel retient alors que cette clause vise à garantir l'effectivité du caractère intuitu personae du contrat et permettre la résiliation de ce contrat en cas de changement de direction ou de contrôle de la société mandataire mais qu'il n'est pas démontré qu'une atteinte à la finalité commune du mandat a résulté du changement de direction ou de contrôle de la société mandataire.
Logiquement, pour la Haute juridiction, en statuant ainsi, après avoir constaté que le contrat avait été conclu en considération de la personne du principal animateur de la société mandataire et que cette dernière n'avait informé la mandante d'un changement de direction que près d'un mois après celui-ci, ce dont il résulte qu'elle a manqué à son obligation de soumettre à l'agrément préalable de son mandant le changement entraînant la perte de contrôle majoritaire du principal animateur alors que le manquement à l'obligation de loyauté, essentielle au mandat d'intérêt commun, constitue une faute grave, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes visés.
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