Réf. : Cass. civ. 2, 21 avril 2022, n° 20-20.976, F-B N° Lexbase : A28097UL
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 05 Mai 2022
► L’assureur qui prend la direction du procès est censé renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu’il a pris la direction du procès ;
► l’assureur qui exerce son action à l’encontre d’un autre assureur au titre de l’action directe peut s’en prévaloir ;
► la prise de direction de procès emporte renonciation à se prévaloir de la prescription.
La prise de direction du procès est une question importante, notamment dans les dommages qui affectent les constructions, dès lors que certaines assurances sont obligatoires, d’une part, et que les enjeux financiers sont souvent importants, d’autre part.
La prise de direction du procès signifie concrètement que l’assureur, même s’il n’est pas cité, va prendre en charge les frais de défense de son assuré, mandater un avocat pour le représenter et, finalement, conduire le procès à sa place.
Cette décision de prise de direction de procès se fait, la plupart du temps, au début de la procédure, lors de la réception de l’assignation ou de la requête. L’assureur ne mesure donc pas, à ce stade, son risque mais il sait déjà si ses garanties, et lesquelles, sont mobilisables. Il prend, le cas échéant, la direction du procès.
La prise de direction du procès est loin d’être anodine. En application de l’article L. 113-17 du Code des assurances N° Lexbase : L0074AAY, au visa duquel la décision est rendue, l’assureur qui prend la direction du procès est censé renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu’il a pris la direction du procès.
Les contentieux s’articulent donc autour de la qualification d’exception ainsi qu’en atteste l’arrêt rapporté. Les faits de l’espèce n’ont que peu d’intérêt puisqu’ils relèvent d’un accident du travail subi par un salarié intérimaire. L’assureur contre lequel le recours est exercé objecte l’acquisition de la prescription biennale. L’assureur qui exerce le recours considère que les juges d’appel ne pouvaient rejeter la fin de non-recevoir tirée de la renonciation aux exceptions de garantie, en particulier de la renonciation à l’exception de prescription au simple motif qu’elle était invoquée par un tiers au contrat.
Aux termes du pourvoi, rien n’interdit à un tiers au contrat d’assurance de se prévaloir de la renonciation de l’assureur ayant pris la direction du procès.
C’est juste.
L’action directe dont dispose l’assureur aux fins d’obtenir le remboursement des sommes qu’il a payées peut-être exercée tant que le second assureur se trouve exposé au recours de son assuré.
S’agissant de la prescription, la solution n’est pas, non plus, nouvelle. La Haute juridiction avait déjà pu juger que l’assureur qui avait pris la direction du procès avait renoncé à se prévaloir de l’exception de prescription (Cass. civ. 2, 28 février 2013, FS-P+B N° Lexbase : A8759I8W RCA 2013, n° 197).
La solution, bien que sévère, n’est pas nouvelle (pour exemple, Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-18.162, F-D N° Lexbase : A2880DU9). Encore faut-il que l’assureur ait eu connaissance des exceptions auxquelles il renonce en prenant la direction du procès au moment où il prend sa décision (Cass. civ. 1, 21 octobre 2003, n° 01-17.950, F-P N° Lexbase : A9383C9E).
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