Réf. : CE, 1° et 4° ch.-r., 27 avril 2022, n° 437735, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A62937UM
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par Charlotte Moronval
le 05 Mai 2022
► Dans le cas où l'autorité administrative est saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute d'un salarié protégé auquel il est reproché d'avoir signalé des faits répréhensibles, il lui appartient de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit, si le salarié en a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et s'il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi ;
Lorsque ces trois conditions sont remplies, l'autorité administrative doit refuser d'autoriser ce licenciement.
Les faits. Un salarié est recruté par une société comme ingénieur chargé d'assurer le pilotage de formations en informatique dans un centre de formation. Membre du comité d'entreprise, il a la qualité de salarié protégé. Dans un courrier adressé aux commissaires aux comptes de la société, le salarié leur signale des faits, susceptibles d'avoir été commis par certains salariés et par des responsables de la société et pouvant selon lui recevoir une qualification pénale et notamment celle du délit d'abus de biens sociaux, copie de ce courrier étant adressée au préfet et au procureur de la République. Cette dénonciation faisait suite au signalement des mêmes faits à l'inspection du travail, à l’URSSAF et au centre des impôts.
La société ayant obtenu par décision de la ministre du Travail l'autorisation de licencier le salarié pour faute disciplinaire, celui-ci a demandé au tribunal administratif d'annuler cette décision. Le salarié demande ici au Conseil d'État d'annuler l'arrêt du par lequel la cour administrative d'appel a rejeté son appel (CAA Paris, 19 novembre 2019, n° 18PA02097 N° Lexbase : A4983Z3X) contre le jugement du tribunal administratif qui avait rejeté sa demande.
La position du Conseil d’État. Énonçant la solution susvisée, le Conseil d’État annule l’arrêt de la cour administrative d’appel.
Elle ajoute que si le second alinéa de l'article L. 1132-3-3 du Code du travail N° Lexbase : L7446LBE prévoit un aménagement des règles de dévolution de la preuve lorsqu'un salarié conteste des mesures défavorables prises à son encontre en faisant valoir qu'elles sont, en réalité, motivées par une déclaration ou un témoignage effectué dans les conditions prévues au premier alinéa de cet article, cette disposition est sans application lorsque la mesure contestée par le salarié est expressément fondée sur ce signalement. Dans le cas où il est saisi de la légalité d'une décision prise par l'autorité administrative sur une demande d'autorisation d'un licenciement expressément motivé par un tel signalement, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties, le cas échéant après avoir mis en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes.
En l’espèce, après avoir relevé que les accusations relatives à des abus de biens sociaux et à des détournements de fonds formulées par le salarié n'étaient étayées par aucun élément probant et mettaient en cause la probité de salariés nommément désignés ainsi que la réputation et l'image de la société (le fait qu'elles eussent été formulées dans le cadre des fonctions syndicales de l'intéressé n'étant pas de nature à leur ôter leur caractère fautif), la cour administrative d'appel a jugé que la ministre du Travail avait estimé que ces faits constituaient une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement du salarié.
En statuant ainsi, sans rechercher si les dispositions de l'article L. 1132-3-3 du Code du travail N° Lexbase : L7446LBE, dont le salarié se prévalait, faisaient obstacle à ce que l'autorité administrative autorise son licenciement, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
Pour aller plus loin : sur les salariés lanceurs d’alerte, v. ÉTUDE : Les dispositions relatives à la protection des salariés, La protection des salariés lanceurs d'alerte, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9886E9Z. |
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