La lettre juridique n°878 du 23 septembre 2021 : Famille et personnes

[Textes] L’accès à la parenté pour tous, consacré par la loi bioéthique du 2 août 2021

Réf. : Loi n° 2021-1017, du 2 août 2021, relative à la bioéthique (N° Lexbase : L4001L7C)

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N8823BYG

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[Textes] L’accès à la parenté pour tous, consacré par la loi bioéthique du 2 août 2021. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/72477530-cite-dans-la-rubrique-b-famille-et-personnes-b-titre-nbsp-i-lacces-a-la-parente-pour-tous-consacre-p
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par Caroline Siffrein-Blanc, Maître de conférences, AMU LDPSC UR 4690

le 23 Septembre 2021


Le présent article est issu d’un dossier spécial consacré aux apports de la loi « bioéthique » du 2 août 2021 dans les domaines du droit des personnes et de la famille, et publié dans l’édition n° 878 du 23 septembre 2021 de la revue Lexbase Droit privé. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N8818BYA).


 

C’est au bout d’un processus de plus de deux ans, que le projet de loi relatif à la bioéthique a été adopté le 29 juin 2021 par l'Assemblée nationale, sans procédure accélérée. Au-delà de profonds désaccords, de divergences irréconciliables entre l’Assemblée nationale et le Sénat, cristallisant les deux chambres au point de parler d’une « guerre des chambres » [1], les rapporteurs ont tenu toutefois à souligner que la navette a été l’occasion pour les députés et les sénateurs de faire profondément évoluer ce projet de loi et de nourrir leur travail des convictions exprimées par l’autre assemblée (rapport fait au nom de la commission spéciale, chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, en nouvelle lecture, sur le projet de loi, modifié par le sénat en deuxième lecture, relatif à la bioéthique, 3 juillet 2021, avant-propos p. 3). Les révolutions scientifiques contemporaines, et, en particulier, la maîtrise que l'homme a acquis sur la vie, et, en un sens, sur sa propre humanité, offre à la volonté un champ possible inespéré, et illimité. Face aux délicates questions d’ordre éthique [2], les sociétés conservent leurs marges d’appréciation pour faire leurs choix, en vertu des principes et des valeurs qu’elles souhaitent promouvoir [3].

Si l’idée « d’un droit à l’enfant » est évoqué pour être dénié [4], en ce que cela reviendrait à faire de lui un objet de droit [5], la montée en puissance de l’individualisme, des droits fondamentaux et notamment du « droit de devenir parent » [6], questionnent une fois de plus les équilibres recherchés entre les intérêts privés et l’intérêt public porté par l’État de définir les règles permettant d’accéder à la parenté et d’en instituer ses liens par la filiation.

Si la loi relative à la bioéthique du 2 août 2021, adoptée le 29 juin 2021 par l'Assemblée nationale, validée par le Conseil constitutionnel le 29 juillet 2021 [7], n’a que toiletté le cadre des techniques médicales accessibles qui restent limitées et réglementées (I), elle a en revanche révolutionner l’accès à la parenté, en consacrant un réel « droit à devenir parent » (II).

I. Un progrès mesuré dans l’encadrement des techniques médicales

Reproduction artificielle, la diversité des techniques. Au cours des dernières décennies, les progrès scientifiques ont permis à l'homme d'acquérir des connaissances essentielles sur le processus de la procréation. Ce savoir lui a permis de découvrir, puis de maîtriser peu à peu les techniques de la reproduction artificielle. Furent réalisées, d’abord l'insémination artificielle de la femme avec le sperme de son conjoint puis avec celui d’un tiers donneur [8], ensuite des méthodes de fécondation en dehors du corps humain, comme la fécondation in vitro [9], enfin la conservation par congélation des embryons obtenus.

En quête perpétuelle de nouvelles prouesses techniques, la science n’a de cesse que de repousser les limites. Des nouvelles techniques d’accès à la procréation émergent telles que la technique dite de la ROPA « réception des ovocytes de la partenaire », la gestation ou procréation pour autrui ou encore la modification d’ADN pour éviter les maladies mitochondriales en concevant un « embryon à trois parents » [10].  Le recours aux divers modes de procréation artificielle ne cesse de susciter question sur question, quelles techniques faut-il rendre licites ou faut-il prohiber ? Soucieux des problématiques juridiques et éthiques, dès 1994, le législateur est venu encadrer et réglementer les pratiques autorisées et celles interdites. Le législateur de 2021 s’est une nouvelle fois positionné pour donner le cadre légal des techniques médicales accessibles.

Pas de révolution dans les pratiques. La loi bioéthique ne vient pas toucher aux principales techniques déjà autorisées et prohibées (A), mais elle apporte en revanche quelques assouplissements quant aux règles relatives aux dons et à la conservation des gamètes (B).

A. La continuité des techniques médicales

Continuité des techniques. Définie à l’article L. 2141-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4561L73) non modifié par la loi du 2 août 2021, l'assistance médicale à la procréation « s'entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle. La liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l'Agence de la biomédecine. Un décret en Conseil d'État précise les modalités et les critères d'inscription des procédés sur cette liste. Les critères portent notamment sur le respect des principes fondamentaux de la bioéthique prévus en particulier aux articles 16 à 16-8 du Code civil, l'efficacité, la reproductibilité du procédé ainsi que la sécurité de son utilisation pour la femme et l'enfant à naître ». La loi bioéthique conserve ainsi les techniques médicales précédemment autorisées et refuse catégoriquement d’engager le débat sur l’accès à la gestation ou la procréation pour autrui.

Refus de la gestation ou de la procréation pour autrui. À la différence de la procréation pour autrui, la convention de gestation pour autrui porte uniquement sur la gestation de l'enfant et non sur le don de gamètes. Pour la procréation pour autrui, la mère porteuse accepte, outre de porter l’enfant, d’en être également la génitrice. Dans les deux cas, gestation ou procréation pour autrui, la femme s'engage à mener à bien sa grossesse et, à la naissance, à remettre l'enfant. Il existe donc des dissociations possibles entre la mère d’intention, la génitrice et la gestatrice, ce qui conduit à une réflexion sur la notion même de maternité. Certains auteurs avaient envisagé la légitimité de la gestation pour autrui, puisque l'enfant reviendrait à sa mère génétique [11]. Mais, dès 1994, le législateur, a condamné ces deux techniques, en maintenant le principe selon lequel la mère est celle qui accouche de l'enfant. Aucune des lois bioéthiques, y compris la toute récente loi n’est venue remettre en cause ces interdits. Lors de la présentation du projet de loi, Mme Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, ministre de la Justice a affirmé que le Gouvernement restait « totalement arc-bouté sur les questions de non-marchandisation et d’indisponibilité́ du corps humain (..) que ces principes l’emportent, qu’il n’est pas question dans cette loi d’égalité́ » [12]. La crainte d’un glissement vers la légalisation de la GPA a été mainte fois évoquée pour être systématiquement écartée. Sans modification, l’article 16-7 du Code civil  (N° Lexbase : L1695ABE) affirme l'illicéité de toute convention, gratuite ou onéreuse, « portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui ». Aux termes de l’article 16-9 du Code civil (N° Lexbase : L1697ABH), l’interdit est d’ordre public et la nullité encourue absolue. Si la question de la licéité de la GPA n’a jamais été envisagée au cours des débats, la question de la filiation des enfants nés de GPA à l’étranger, absente du texte initial a été introduite à l’initiative du Sénat après la décision rendue par la Cour de cassation en décembre 2019 [13]. À l’issue de discussions et navettes, la loi du 2 août 2021 est venue modifier l’article 47 du Code civil (N° Lexbase : L4366L7T) pour préciser que la reconnaissance de la filiation à l’étranger est désormais « appréciée au regard de la loi française » (v. article A. Gouttenoire, « La filiation monosexuée, consacrée par la loi bioéthique du 2 août 2021 », Lexbase Droit privé n°878 N° Lexbase : N8824BYH).

Les techniques admises. La loi du 2 août 2021 conserve donc sans modification les précédentes techniques d’assistance médicale que sont l’insémination artificielle (insémination intra-utérine) et la fécondation in vitro (FIV) qui comprend plusieurs étapes cliniques et biologiques (stimulation ovarienne, ponction, préparation des gamètes (ovocytes et spermatozoïdes) en laboratoire, mise en fécondation, développement embryonnaire, transfert d’un embryon) [14]. La mise en œuvre de l'assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés (C. santé. publ., art. L. 2141-1 N° Lexbase : L4561L73). Mais quand le nombre d’embryons obtenus est supérieur au nombre d’embryons transférés, les embryons surnuméraires dont le développement est satisfaisant sont congelés.

L’insémination artificielle comme la fécondation in vitro peuvent être réalisées soit de façon endogène, c’est-à-dire à partir des gamètes du couple, soit de façon exogène à partir d’un don. Lorsque la technique est endogène, l’enfant est donc issu génétiquement des deux membres du couple. La seule différence avec la procréation « naturelle », tient à ce que l’union des gamètes est le résultat d’un processus artificiel lié à une intervention médicale.

Quand la technique est dite exogène, au processus médical s’ajoute l’utilisation de gamètes extérieures au couple. Il est alors possible d'utiliser des spermatozoïdes d'un tiers donneur en cas de stérilité masculine pour inséminer une femme : insémination artificielle avec donneur. Il peut s'agir également d'une fécondation in vitro d'un embryon conçu grâce à l'ovule d'une femme extérieure au couple (stérilité féminine) ou grâce à un don d’embryon ou grâce désormais à un double don de gamètes (stérilité du couple ou de la femme seule, v. infra).

Si les techniques médicales n’ont pas été élargies, la loi bioéthique est venue en revanche assouplir quelques règles de mises en œuvre des dons et utilisation de gamètes.

B. L’assouplissement des dons et utilisations de gamètes

Assouplissement des règles entourant le don de gamètes. Selon l’article L. 1241-1 du Code de la santé publique (CSP) (N° Lexbase : L4561L73), « le don de gamètes consiste en l'apport par un tiers de spermatozoïdes ou d'ovocytes en vue d'une assistance médicale à la procréation ».

Ouvrant la procréation médicalement assistée (PMA) plus largement (v. infra II) et l’accès aux origines du donneur (v. article sur l’accès aux origines), le législateur a anticipé une demande plus importante de gamètes et un changement de profil des donneurs. Ainsi, a-t-il modifié certaines dispositions de la loi pour assouplir les conditions du don de gamètes. Dans la continuité et le respect des principes fondamentaux entourant le respect des produits du corps humain (gratuité, anonymat des dons, consentement éclairé), certaines dispositions encadrant le consentement au don ont été simplifiées notamment celles de l’article L. 1244-2 du CSP (N° Lexbase : L7138IQG) dont la nouvelle rédaction entrera en vigueur à compter du 1er septembre 2022.

Le premier alinéa de l’article L. 1244-2 du CSP (N° Lexbase : L4541L7C) dispose, désormais, que seule une personne majeure peut effectuer un don et qu’en tout état de cause, un mineur, même émancipé, ne peut être donneur. Alors que le législateur apporte une précision sur l’interdiction absolue du don de gamètes pour les mineurs même émancipés, rien n’est précisé pour les majeurs protégés. Est-ce à dire qu’ils sont totalement libres de donner ? Pas nécessairement. Certes, le texte spécifique aux dons de gamètes reste muet, mais l’article L. 1241-2 du CSP (N° Lexbase : L4532L7Y), inscrit dans le chapitre I du titre IV « Tissus, cellules, produits du corps humain et leurs dérivés » (articles L. 1241-1 à L. 1245-8), précise qu’« aucun prélèvement de tissus ou de cellules, aucune collecte de produits du corps humain en vue de don ne peut avoir lieu sur une personne vivante mineure ou sur une personne vivante majeure faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation à la personne ». À ce titre, il faut noter que la loi du 2 août 2021 a modifié légèrement la formule puisque l’ancienne rédaction prévoyait l’interdiction « sur une personne vivante majeure faisant l'objet d'une mesure de protection légale ». En d’autres termes, si l’interdiction était générale et concernait l’ensemble des majeurs protégés quelle que soit la mesure de protection, désormais seuls sont visés les majeurs dont la mesure de protection consiste en une représentation à la personne (tout dépendra de la mesure et de la personnalisation de l’ordonnance ou du mandat, il peut s’agir d’une tutelle, d’une habilitation familiale, ou d’un mandat de protection future).

Est supprimée, dans la nouvelle rédaction, toute référence à une condition de procréation antérieure qui n’était en fait déjà plus opposable aux donneurs majeurs depuis la loi de 2011. Surtout, la nouvelle rédaction supprime également la nécessité du recueil du consentement du conjoint si le donneur forme avec ce dernier un couple. Cette condition pouvait constituer un obstacle au don et ce d’autant plus que le conjoint disposait en outre d’un droit de révocation par décision unilatérale. Pour simplifier et assouplir le don, le consentement du conjoint a été supprimé sans être remplacé pour autant par une obligation d’information à l’égard du conjoint ou du partenaire [15]. En revanche, une obligation d’information préalable est insérée à destination du donneur, particulièrement sur l’accès aux origines. Ainsi, le donneur est dûment informé des dispositions législatives et réglementaires relatives au don de gamètes, notamment des dispositions de l'article L. 2143-2 du CSP (N° Lexbase : L4576L7M) relatives à l'accès des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur (v. article A. Gouttenoire et C. Siffrein-Blanc, L’accès aux origines des personnes issues d’une PMA, consacré par la loi bioéthique du 2 août 2021, Lexbase Droit privé n°878, N° Lexbase : N8825BYI). L’exigence du recueil du consentement par écrit, révocable à tout moment jusqu’à utilisation des gamètes, est maintenue exception faite de la suppression de la mention du conjoint.

La nouvelle rédaction de l’article L. 1244-2 du CSP (N° Lexbase : L4541L7C) permet un assouplissement significatif dans la mise en œuvre du don : « il décharge les centres d’AMP d’une formalité substantielle ; il permet également de faciliter de nouveaux dons sans avoir à renoncer au principe de gratuité ni à se procurer des gamètes à l’étranger »  [16].

L’élargissement de l’autoconservation des gamètes. Dans la future version de l’article L. 1244-2, le dispositif d’autoconservation dans le cadre du don qui crée une contrepartie au don sera supprimé. Parallèlement, le régime de la conservation à des fins autologues est, lui, renouvelé.

La conservation à des fins autologues est encadrée, d’une part par l’article L. 2141-11 du CSP (N° Lexbase : L4570L7E) lorsqu’elle répond à des fins médicales, et d’autre part par le nouvel article L. 2141-12 du CSP (N° Lexbase : L4572L7H) lorsqu’elle vise la réalisation ultérieure d’une assistance médicale à la procréation en l’absence d’indications pathologiques.

Aux termes de l’article L. 2141-11, la conservation à des fins autologues peut d’abord être réalisée chaque fois que la prise en charge médicale est susceptible d'altérer la fertilité ou dont la fertilité risque d'être prématurément altérée. Cette indication médicale justifie le recueil et la conservation des gamètes soit en vue d’une AMP, soit « en vue de la réalisation et de la restauration de sa fertilité ». La loi du 2 août 2021 remet au cœur de la décision les personnes vulnérables, en ce qu’elle précise, d’une part que « le consentement de la personne mineure doit être systématiquement recherché si elle est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision », et d’autre part que l'article 458 du Code civil (N° Lexbase : L8442HWL) s'applique « s'agissant des personnes majeures faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne ». Autrement dit, la conservation à des fins autologues constitue un acte strictement personnel insusceptible d’assistance ou de représentation.  Enfin, il est précisé dans le texte que « la modification de la mention du sexe à l'état civil ne fait pas obstacle à l'application du présent article ». Cette précision donne ainsi aux personnes ayant changé de sexe à l’état civil, la garantie de pouvoir conserver leurs gamètes d’origines et d’avoir un accès à un projet parental.

L’évolution plus remarquée touche à l’autoconservation des gamètes en dehors de tout motif médical. Avec la nouvelle rédaction de l’article L. 2141-12 du CSP (N° Lexbase : L4572L7H) (l’ancien L. 2141-12 du CSP relatif aux conditions d’application du chapitre relatif aux dispositions générales de l’AMP est renuméroté à l’article L. 2141-13 CSP N° Lexbase : L4573L7I), l’autoconservation devient possible pour les femmes et pour les hommes, alors que, jusqu'ici, une femme ne pouvait avoir recours à la congélation de ses propres ovocytes qu’en cas de nécessité médicale ou de don préalable. L’étude d’impact souligne que cette autorisation a « pour double effet, d’une part de réduire la demande de dons d’ovocytes (puisque les propres ovocytes de la femme conservés antérieurement seraient utilisés) et, d’autre part, d’augmenter le nombre d’ovocytes disponibles pour le don, dans l’hypothèse où, n’en ayant pas eu besoin, la femme les donnerait finalement pour qu’ils bénéficient à d’autres femmes » (étude d’impact, p. 113). Pour prétendre à cette nouvelle possibilité, l’article précise que la personne doit être majeure et répondre à des conditions d’âge qui devront être définies par décret [17].  Quant à la finalité de la conservation, elle doit s’inscrire en vue de la réalisation ultérieure d’une AMP et ne pourra pas donner lieu à une exportation dans un but commercial (CSP, art. L. 2141-11-1 N° Lexbase : L4571L7G). Après une information sur les risques et les limites de la démarche ainsi que de ses suites, un consentement écrit est exigé et renouvelé chaque année pour poursuivre la conservation. Hors indications pathologiques, la conservation des gamètes ne fait pas l’objet d’une prise en charge par la Sécurité sociale (CSS, art. L. 160-8 7° N° Lexbase : L4616L74), l’intention du Gouvernement étant d’autoriser cette pratique sans la favoriser. Pour éviter toute pression conduisant à différer le projet parental des salariés, notamment des femmes, les parlementaires ont prévu l'interdiction pour les employeurs ou les autres personnes avec laquelle l'intéressé est dans une situation de dépendance économique de proposer la prise en charge des frais d'autoconservation de gamètes (CSP, art. L. 2141-12). L’assouplissement des règles entourant la possible autoconservation des gamètes s’inscrit dans cette évolution sociétale d’émancipation des femmes « en leur permettant notamment de se libérer des contraintes liées à « l’horloge biologique » (étude d’impact, p. 111). Il a été toutefois bien précisé qu’il ne s’agissait en aucun cas « ni d’inciter les femmes à recourir à une conservation de précaution de leurs ovocytes et encore moins de conforter une norme sociale selon laquelle une femme ne peut se réaliser sans devenir mère.  Il s’agit d’offrir cette possibilité aux femmes et aux hommes qui le souhaitent avec des conditions strictes d’accès et de mise en œuvre (notamment en termes de limites d’âge) » (étude d’impact, p. 111).

La levée de l'interdiction du double don de gamètes. Jusqu’à présent, l'article L. 2141-3 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L7150IQU) interdisait en principe, la conception in vitro d'un embryon « avec des gamètes ne provenant pas d'un au moins des membres du couple ». Ainsi, l’embryon conçu ne pouvait provenir de deux dons séparés (spermatozoïdes et ovules) et devait ainsi résulter soit d’un don unique et de gamètes d’au moins un des membres du couple soit d’un don d’embryons (embryons surnuméraires de couples ayant eu recours à une PMA et ayant consenti au don). Dès le projet de loi, cette précision est supprimée de l’article L. 2141-3 du CSP (N° Lexbase : L4563L77), afin d’autoriser le double don de gamètes. L’interdiction sera réintroduite en première lecture par le Sénat, mais supprimée par la commission spéciale et définitivement adoptée par les parlementaires. Cette évolution vise en réalité à tirer les conséquences de l’ouverture de la PMA aux femmes seules, qui pourraient, si elles étaient dans l'incapacité de concevoir avec leurs propres ovocytes, uniquement avoir recours à un don d’embryon et les empêcherait de bénéficier de toutes les techniques disponibles. À cet argument s’en sont ajoutés d’autres : la faible activité d’accueil d’embryons ne permettant pas de répondre à la demande de l’ensemble de couple, la complexité procédurale [18], l’incompréhension de ne pas pouvoir recourir à l’ensemble des techniques lorsque le couple rencontre un double cas d’infertilité, et enfin les barrières psychologiques (le double don présenterait une charge symbolique moindre que l’accueil d’embryon résultant d’un autre projet parental [19]).

Le rejet de la technique de la « ROPA ». Une technique variante de la FIV a donné lieu à de nombreux débats, la technique dite de la « ROPA » (« réception des ovocytes de la partenaire »). Cette méthode repose sur une FIV : l’une des partenaires donne à celle qui va porter l’enfant ses ovocytes. Dès septembre 2019, Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé,  affirmait l’opposition du Gouvernement à cette technique au motif que le projet de loi avait pour « objectif de consacrer la mère sociale d'intention par le biais de la filiation sécurisée. La ROPA représenterait une forme de retour en arrière, avec une mère qui accueillerait les ovocytes et serait porteuse. » (rapport assemblée, 19 septembre 2019 p. 33). Réintroduite dans le débat par la commission spéciale en deuxième lecture accueillant favorablement l’amendement autorisant la technique [20], elle fut in fine écartée en séance publique [21]. Malgré un soutien du rapporteur du texte favorable à l’adoption de cette technique (Jean-Louis Touraine soutenait la technique [22]), un cadre spécial d’autorisation (déroger à l’anonymat du don et autoriser un don dirigé uniquement en cas d’infertilité), et les arguments invoqués en sa faveur (faciliter le projet parental du couple de femmes, répondre à la pénurie de don, permettre à chacun des membres du couple candidat à l’assistance médicale à la procréation de disposer librement de ses gamètes), la technique fut écartée au motif notamment qu’elle venait brouiller la différence entre donneur et parent et conforterait l'idée qu'il faut, pour être un parent, être biologiquement lié à son enfant. En refusant la technique de la « ROPA », en maintenant ainsi l’interdiction du don dirigé ou familial, le législateur marque ainsi une évolution progressive des techniques médicales à la procréation.

Tout autre est, en revanche, la révolution actée par le législateur dans l’accès à l’assistance à la procréation.

II. Révolution dans l’accès à l’assistance médicale à la procréation : un droit de devenir parent

Les évolutions sociétales engagées par le projet de loi en matière d'assistance médicale ont soulevé d'importants questionnements en ce qu'elles impliquent des choix collectifs et des attentes individuelles. L’équilibre recherché entre la volonté d'accueillir des avancées médicales, technologiques, scientifiques, et le respect des principes fondamentaux formant « l'éthique à la française », fut particulièrement délicat à trouver lors de l’adoption de cette loi bioéthique. Les débats furent animés, engagés, les compromis difficiles et les désaccords parfois irréductibles entre les deux chambres. En refusant de consacrer en article liminaire l’absence de droit à l’enfant (A) et en modifiant en profondeur l’accès à la PMA (B), la loi bioéthique du 2 août 2021 crée des droits nouveaux et dessine, comme avec chaque loi de bioéthique, un nouveau point d’équilibre entre l’accueil des promesses technologiques et les valeurs collectives, en plaçant au cœur des évolutions sociétales le projet parental.

A. Suppression de l’article consacrant l’absence de droit à l’enfant

Parmi les débats que suscita la loi bioéthique, l’article principiel 1er A introduit par le Sénat en première lecture, supprimé en deuxième lecture par l’Assemblée, réintroduit par le Sénat et définitivement supprimé par l’Assemblée fut l’un des points idéologiques de crispation entre les deux chambres.  Issu de l’adoption en première lecture par le Sénat d’un amendement déposé par plusieurs des membres du groupe, Les Républicains, contre l’avis de la commission spéciale [23]  et du Gouvernement, l’article 1er A affirmait que « nul n’a de droit à l’enfant ».

Selon les Sénateurs, l’adoption de cet amendement aurait permis de concrétiser le principe unanimement admis selon lequel l’enfant est un sujet de droit, et non un objet de droit et de mettre le texte en accord avec les déclarations politiques affirmant la non-ouverture de la GPA (v. notamment l’amendement n° 128 de M. de Legge).

Telle ne fut pas la solution retenue. À deux reprises, la proposition d’article a été supprimée. À l’appui, trois arguments furent systématiquement invoqués pour écarter l’article consacrant l’absence de droit à l’enfant.

Le premier argument reposait sur l’inexistence du concept [24]. Considéré comme insaisissable et ne répondant à aucune définition juridique, l’article aurait conduit à une affirmation sans portée juridique faisant craindre une insécurité juridique.

Le deuxième avançait la crainte qu’un tel interdit si général absolu et abstrait remette en cause l’assistance médicale à la procréation ou certaines de ses modalités. Mme Nicole Belloubet affirmait lors des débats au Sénat, « introduire dans le texte la rédaction proposée au travers de l’amendement limiterait par trop (…) les possibilités offertes en matière de liberté de procréation ».

Enfin, l’ultime argument reposait sur une potentielle contradiction avec la jurisprudence dégagée par la Cour européenne. Le droit à la parentalité trouve en effet un certain écho dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme sur le respect à la vie privée et familiale (CESDH, art. 8 N° Lexbase : L4798AQR). Tout en affirmant de façon constante que les dispositions de l’article 8 ne garantissent ni le droit de fonder une famille ni le droit d’adopter (CEDH, 26 février 2002, Req. 36515/97, Fretté c/ France N° Lexbase : A0562AYH et CEDH, 22 janvier 2008, Req. 43546/02, E.B. c/ France N° Lexbase : A8864D3P), la Cour reconnaît également que le droit des couples à concevoir un enfant et à recourir pour ce faire à une assistance médicale à la procréation relève de la protection de l’article 8, « pareil choix constituant une forme d’expression de la vie privée et familiale » (CEDH, Grande chambre, 3 novembre 2011, Req. 57813/00, S.H. et autres c/ Autriche N° Lexbase : A5739HZL). Dans l'arrêt « Dickson c/ Royaume-Uni » (CEDH, 4 décembre 2007, Req. 44362/04 N° Lexbase : A3786MXI) [25], le refus d'autoriser le requérant détenu et son épouse à recourir à l'insémination artificielle, a été qualifié d'atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale [26]. Dans l'arrêt « S-H et autres c/ Autriche » du 1er avril 2010, les restrictions au don de spermes et d'ovules aux fins de fécondation in vitro sont analysées comme discriminatoires par rapport aux couples qui n'ont pas besoin de ces dons. Dans cette décision, la Cour affirme que « le droit des couples à procréer en faisant appel à la procréation médicalement assistée entre dans le champ d'application de l'article 8, pareil choix s'analysant manifestement en une forme d'exercice du droit à la vie privée et familiale ». La Cour européenne des droits de l’Homme reconnaît ainsi la légitimité du désir d’enfant et l’obligation de le protéger [27]. L’acception d’un « droit à l’enfant » se rapprochant d’un droit à la parentalité, son interdiction absolue risquerait de porter atteinte à la protection d’un droit à la parentalité.

Si entre le droit de devenir parent et le droit à l’enfant, il existe une différence fondamentale - celle de l’objet même du droit, l’un reposant sur le statut de parent l’autre sur l’enfant en devenir - la frontière entre les deux demeure toutefois ténue, dès lors que la loi accorde aux couples et aux femmes seules, le droit gratuit d’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation et la mise à disposition de gamètes de tiers.

B. Une modification en profondeur de l’accès à la PMA

L’article 1er de la loi du 2 août 2021 ne se contente pas d’élargir l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) ; il en modifie bel et bien en profondeur la nature. Destinée à répondre à un projet parental et non plus une infertilité médicale, la PMA repose donc essentiellement sur la volonté de devenir parent dont le consentement en est la manifestation cruciale.

L’élargissement du public éligible. L’ouverture de la PMA « pour les femmes seules et les couples de femmes » constituait une promesse prise par Emmanuel Macron durant la campagne en vue de l’élection présidentielle de 2017. C’est désormais chose faite ; l’article L. 2141-2 du Code civil (N° Lexbase : L4562L74) a été définitivement adopté permettant l’accès de la PMA à « Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ». Si dans les deux cas, la place du père dans la structure de la parenté était questionnée, l’ouverture de la PMA pour la femme seule amenait en outre à s’interroger sur la structure monoparentale.

D’un côté, il s’agissait de s’interroger plus particulièrement sur la place du père dans la structure de la parenté, de l’autre il s’agissait d’admettre en outre la construction d’une famille monoparentale. Pour le Gouvernement comme pour le législateur, il n’était pas question de dénier la place du père et de remettre en cause l’objectif de soutenir et d’encourager l’implication des pères. Mais cette reconnaissance, ne devait pas empêcher d’admettre qu’à côté d’une vision traditionnelle des structures de la parenté, une autre conception devait être acceptée. Les études étrangères mises en avant pour écarter le principe de précaution ont eu pour but de rassurer sur le bien-être des enfants élevés par des couples de femmes ou des femmes seules ayant eu recours à une PMA avec tiers donneur. Les études montrent qu’il n’existerait aucune différence avec les familles traditionnelles en termes de qualité de la parentalité et d’adaptation psychologique des enfants. Ainsi a été mis en avant à plusieurs reprises l’argument selon lequel la structure familiale comptait beaucoup moins « que le soutien de l’environnement, la dynamique familiale, la qualité des relations entre parents et enfants ainsi qu’entre les parents eux-mêmes » [28]. L’essentiel pour l’intérêt de l’enfant étant l’affection, l’attention, la sécurité, l’absence de violence, l’amour. Or, l’amour n’a pas d’orientation sexuelle ni de statut matrimonial. En outre, les disjonctions propres à l’AMP conduisent à dissocier le géniteur, du père juridique, de la figure masculine dans la parentalité. Aux opposants à l’élargissement de l’accès à la PMA ont été avancés d’autres arguments tels l’accès aux origines permettant à l’enfant de connaître l’identité du donneur, les structures homoparentales et monoparentales déjà reconnues par la société à travers l’adoption, et les fonctions parentales beaucoup moins genrées, l’essentiel pour l’enfant étant l’apport d'un cadre structurant et sécurisant.

L’accès de la femme seule à la PMA posait la difficulté supplémentaire de ne pas apporter à l’enfant un double lignage. À la différence du couple de femmes, qui insère l’enfant dans une structure biparentale et lui apporte des disponibilités plurales et complémentaires, le modèle monoparental apporte à l’enfant un seul parent et un seul lignage. En outre, est mise en avant la plus grande vulnérabilité des femmes seules, les études sociologiques et statistiques faisant apparaître une plus grande précarité sociale des familles monoparentales. Là encore l’argument est écarté. La femme « devenue » seule ne peut être comparée à la femme seule « par choix ». Les situations choisies pourraient se révéler bien différentes des situations subies. Selon l’étude d’impact (p. 49), les difficultés rencontrées par les enfants élevés en famille monoparentale (problèmes émotionnels ou de comportement, moins bonne réussite scolaire) seraient « moins directement liées à la monoparentalité en tant que telle, qu’à des facteurs tels que le désavantage
socioéconomique, le manque de soutien social, les conflits entre les parents, la dépression
parentale suite au divorce, etc. ». Le projet des mères célibataires étant un choix murement réfléchi, il semble exclure les risques liés à la situation sociale, affective et psychologique évoqués pour les situations de monoparentalité subies.

Par conséquent, c’est, « au nom de l’égalité des projets parentaux », et de la sécurité médicale et juridique que la « liberté de procréer et de transmettre, en tant qu’expression de l’autonomie personnelle » [29], est désormais reconnue. La loi se voulant donc inclusive des nouveaux modèles de parenté à côté d’un pluralisme conjugal, il existe désormais un pluralisme parental, qui admet les différentes manières de devenir parent (parenté sociale et parenté biologique) et d’être parent (en couple hétérosexuel, homosexuel ou seul). L’introduction d’une clause de conscience spécifique, permettant à un médecin de refuser de prendre en charge lui-même en assistance médicale à la procréation d’un couple de femmes ou une femme seule (tout en orientant ces personnes vers un confrère à même de le faire), a été réfléchie (étude d’impact, p. 55) sur le modèle de celle qui existe pour l’avortement (CSP, art. L. 2212-8 N° Lexbase : L4739LCI). Envisagée comme inutile et surtout discriminatoire [30], la clause de conscience spécifique ne fut introduite ni dans le projet ni dans les débats.

Plus qu’un élargissement, une révolution. Le droit anciennement en vigueur prévoyait que seul un couple formé d'un homme et d'une femme vivants et en âge de procréer pouvait accéder à l'assistance médicale à la procréation en cas d'infertilité pathologique médicalement diagnostiquée ou pour éviter la transmission d'une maladie (CSP, anc. art. L. 2141-2 N° Lexbase : L7144IQN). Rompant avec cette logique, l'article premier prévoyait dès le projet de loi un accès universel à l'assistance médicale à la procréation pour permettre la réalisation d'un « projet parental » au profit de « tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée », sans condition d'infertilité [31].

La question cruciale de la suppression du critère de fertilité fut parmi les dispositions phares suscitant de vives discussions au point d’en devenir un point de crispation entre les deux chambres. Systématiquement réintroduit par le Sénat, le critère médical a été définitivement écarté pour être remplacé par l’exigence d’un projet parental. En supprimant, toute référence aux conditions médicales jusqu'alors fixées pour y recourir, le législateur, par cohérence, a supprimé l'article L. 2141-7 du CSP (N° Lexbase : L7149IQT) réservant l'accès à l'AMP avec tiers donneur à l’exigence de situations pathologiques. Le critère médical, qui constituait un rempart objectif pour certains à l’absolutisme des volontés individuelles, disparaît purement et simplement.

Pour contrer notamment le caractère soi-disant objectif du critère médical, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, rappelait, dès septembre 2019, qu’en l’absence de cause d’infertilité́ objective des couples hétérosexuels (et, d’ailleurs, ne pouvait être éliminé l’hypothèse d’un couple n’ayant pas de rapports sexuels), la loi permettait déjà l’accès à la technique médicale. Selon la ministre, l’argument de l’objectivation d’une pathologie ne tenait donc pas, car il n’y avait pas, dans les démarches d’AMP, de clause d’accessibilité́. Dans son étude préalable, le Conseil d’État expliquait que « ce critère [thérapeutique] apparaît peu adapté dans la mesure où l’on observe aujourd’hui des prises en charge en AMP de situations qui ne répondent pas à proprement parler à l’exigence d’une infertilité “médicalement constatée” » [32]. L’accessibilité des techniques médicales pour tous dans les mêmes conditions de prise en charge pour répondre à un projet parental apparaît dès lors comme le pivot de la loi.

Les très nombreux arguments contra, évoquant la dérive des volontés individuelles, le risque accru de marchandisation des gamètes et produits du corps humain, la rupture d’égalité d’accès à la parenté pour les hommes et couples d’hommes conduisant vers la pente glissante de l’accès à la GPA, le principe de précaution et de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, la consécration d’un droit à l’enfant, le déni de la place du père, n’ont pas suffi pour écarter la volonté politique et sociale de répondre positivement au droit de devenir parent.

Point par point, tous les arguments de l’opposition ont été écartés, repoussés et contrés par des arguments d’égalité, de droit à l’épanouissement personnel et de justice sociale. La GPA que tous s’accordent à refuser apparaît assurément comme un sujet différent n’ayant rien à voir avec la PMA. Le principe de précaution n’apparaissait pas opportun dès lors que de nombreux pays dans le monde avaient ouvert la voie sans que des effets délétères puissent être constatés pour les femmes et les enfants. La loi permettant un droit d’accès à une pratique médicale et non un succès garanti, il n’y aurait pas de droit à l’enfant. Enfin, la préoccupation de la place du père n’empêchait pas la reconnaissance d’autres modèles familiaux qui, existent d’ores et déjà̀ et ont été consacrés dans la loi notamment par le biais de l’adoption [33]. Ainsi, est mise en avant la diversification des modèles de parenté ; à côté du schéma d’une parenté nucléaire (un père, une mère et un ou plusieurs enfants) il en existe bien d’autres, tels que les configurations monoparentales, ou homoparentales. Ce mouvement de diversification de la parenté, justifié par un mouvement de mise à égalité des projets parentaux, qu’ils soient portés
par une ou plusieurs personnes, de même sexe ou de sexes différents [34], a emporté l’aval du législateur. Le nouvel alinéa 2 de l’article L. 2141-2 du CSP (N° Lexbase : L4562L74) en rappelle d’ailleurs l’importance en exigeant que cet accès à la PMA « ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs ».

L’égalité jusque dans la prise en charge. Cette recherche d’égalité, et ce principe de non-discrimination qui était au cœur de la volonté d’élargir l’accès à la PMA à toutes les femmes, posaient également la question de la prise en charge pour toutes et tous de l’accessibilité aux techniques médicales. En effet, la question de la prise en charge par l’assurance maladie fut là aussi un point d’achoppement entre les deux chambres.

Alors que le Sénat portait le principe d’une prise en charge par l’assurance maladie, uniquement pour des raisons médicales ou pathologiques, la commission a rétabli cette prise en charge dans les mêmes conditions pour les couples composés d’un homme et d’une femme, les couples de femmes et les femmes non mariées [35]. La remise en cause de l’égale prise en charge par l’assurance maladie constituait, selon certains, un déficit de solidarité et une discrimination non justifiable (v. dans son étude préalable, le Conseil d’État soulignait qu’il paraissait « exclu, pour des raisons juridiques, d’établir un régime différent de prise en charge au regard de la seule orientation sexuelle ») [36]. Revenant une fois de plus sur les propositions du Sénat, les députés ont rejeté tous les amendements conditionnant la PMA à un motif médical et ont voté la prise en charge par l’assurance maladie de la PMA pour tous sans distinction de motif. Ainsi, il incombera à la « solidarité nationale » de financer la PMA quelle que soit la situation de la femme ou du couple souhaitant y recourir. Le législateur donne ainsi corps à un véritable droit de devenir parent.

L’exigence d’une communauté de vie pour le couple demandeur. Si l’accès à la procréation a été très largement modifié, le législateur a parallèlement cadré et renforcé certaines conditions déjà existantes, liées à l’âge, à la vie commune du couple, à l’absence de décès d’un membre du couple et à l’expression d’un consentement éclairé.

Concernant les couples, le législateur a fait disparaître la condition de différence de sexe en ouvrant l’accès à la PMA à « tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes » (CSP, art. L. 2141-2). L’exclusion des couples d’hommes s’explique par l’impossibilité concrète de participer physiquement au processus d’assistance à la procréation. Dès avant la réforme, le statut du couple n’était pas une condition de l’accès à la procréation médicalement assistée. Aussi, le couple peut être indifféremment marié, pacsé ou en concubinage, et désormais hétérosexuel ou homosexuel. L’exigence formelle d’une vie commune, prévue initialement pour les couples non mariés avait disparu avec la réforme de 2011. Le législateur avait en revanche précisé que faisait obstacle à la poursuite du processus de procréation médicalement assistée, le dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie. La loi du 2 août 2021 apporte sur ce point une modification de cohérence en ajoutant, à la liste des obstacles, la signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l’article 229-1 du Code civil (N° Lexbase : L2609LBA).

L’encadrement de l’âge de procréer. Depuis les premières lois bioéthiques, le législateur réserve l’accès à la PMA aux couples « en âge de procréer » (CSP, art. L. 2141-1). Sans fixer de seuil préétabli, il s’agissait de tenir compte des risques pour la santé de la femme et des limites de la reproduction naturelle. Si des recommandations avaient été données par la Commission nationale de médecine et biologie de la reproduction, ancêtre de l’Agence de biomédecine (fixant à 42 ans révolu l’âge pour la femme et 59 ans pour l’homme) afin que l’assurance maladie prenne en charge l’assistance médicale à la procréation pour les femmes, jusqu’à leur 43ème anniversaire, faisant de cet âge souvent une limite de fait, des difficultés d'application pratiques, et des différences d'appréciation d'une équipe médicale à l'autre créant des inégalités d'accès à l'AMP, avaient été dénoncées notamment par l’Agence de la biomédecine, dans son rapport de janvier 2018 [37]. L’Agence avait donc appelé de ses vœux une clarification, se fondant sur un avis de son conseil d’orientation [38] qui suggérait à cet effet une limite d’âge de 43 ans pour la femme et de 60 ans pour l’homme.

Les divergences de pratiques avaient par ailleurs donné lieu à un certain contentieux [39] conduisant le Conseil d’État à se prononcer. Dans ses deux décisions du 17 avril 2019, le Conseil d'État avait considéré, « que le vieillissement n'entraîne pas systématiquement chez l'homme un arrêt du fonctionnement gonadique, [que] l'Agence de la biomédecine a pu légalement fixer, compte tenu du large consensus existant dans la communauté scientifique et médicale, à 59 ans révolus, en principe, l'âge de procréer au sens et pour l'application de l'article L. 2141-2 du Code de la santé publique. »  [40]. Il a par ailleurs affirmé que « la mise en œuvre de l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique ne pouvait être regardée comme instaurant une discrimination dans l’exercice des droits protégés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales entre des hommes du même âge prohibée par l’article 14 de cette convention, dès lors que ceux-ci sont placés dans une situation différente selon qu’ils procréent naturellement ou ont recours à une assistance médicale à la procréation ».

Dès le projet de loi, il fut prévu dans le nouvel article L. 2141-3 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4563L77), que les conditions d’âge requises pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation seraient fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine, prenant en compte les risques médicaux de la procréation liés à l’âge ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître.

Les Sénateurs avaient modifié le texte pour proposer d’encadrer les conditions d’âge par une recommandation de bonnes pratiques fixée par arrêté du ministre en charge de la Santé après avis de l’Agence de la biomédecine (com. n° 171 adopté le 2 janvier 2020), afin de ménager plus de souplesse dans l'appréciation des situations individuelles.

Mais cette proposition n’a pas été retenue par les parlementaires qui ont maintenu in fine la version initiale. L’article L. 2141-2 du CSP prévoit ainsi désormais que « Les conditions d’âge requises pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l’âge ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître. ». L’encadrement par décret des seuils d’âge requis aura l’avantage d’assurer une plus grande sécurisation juridique de l'accès à une AMP en réduisant les inégalités d’accès selon les centres et les territoires.

Maintien de l’interdiction de l’AMP post mortem. Depuis 1994, l’exigence que le couple soit vivant lors de l’assistance médicale constituait l’un des principes structurants de l’accès à l’AMP. Le transfert des embryons ou l’insémination ne pouvait plus avoir lieu après le décès de l’un des membres du couple. Cette disposition interdisant toute demande d’insémination ou de transfert post mortem a fait l’objet de débats dans des termes renouvelés après la décision rendue par le Conseil d’État du 31 mars 2016. En effet, si le Conseil, dans sa décision du 31 mai 2016, avait jugé que la législation française, prise dans son ensemble, n’était pas contraire à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH) (N° Lexbase : L6799BHB), l’interdiction de procéder à une insémination post mortem et l’interdiction d’exporter à cette fin des gamètes conservés en France relevaient selon lui de la marge d’appréciation laissée aux États par la CESDH. Il a toutefois ajouté qu’il lui appartenait également de s’assurer que l’application de la loi à l’affaire n’aboutissait pas à porter une atteinte excessive aux droits fondamentaux. Adoptant le contrôle de proportionnalité in concreto, le Conseil d’État a estimé que, dans la situation très particulière de l’intéressée et de son mari défunt, l’application de la loi française entraînerait des conséquences manifestement disproportionnées et a ordonné qu’il soit procédé à l’exportation des gamètes vers l’Espagne. Faisant ainsi évoluer le raisonnement d’une possible PMA post-mortem circonstancielle, le débat fut rouvert lors de l’adoption de la loi bioéthique. Le CCNE avait préconisé l'ouverture d’une AMP post mortem sous conditions [41], et certains députés invoquaient des arguments de cohérence pour faire évoluer la législation sur ce point. En effet, il semblait, pour certains, illogique, contradictoire et injuste d’interdire une PMA post-mortem alors qu’en tant que femme seule elle pourrait accueillir l’embryon d'un autre couple ou bénéficier d’un don de sperme d’un donneur anonyme (v. Jean-Louis Touraine amendement proposé n° 2238). Plusieurs amendements ont été déposés mais rejetés in fine (v. notamment amendement n° 1905 et n° 2238). Considérant que le projet de la femme récemment endeuillée n’était pas du tout le même que celui de la femme seule (risque de pression sociale et de poids du deuil sur l’enfant à naître) le législateur a finalement décidé d'écarter l'ouverture de l'AMP post mortem (c'est-à-dire le transfert d'embryons ou de gamètes conservés dans le cadre d'une AMP après le décès du conjoint). Ainsi, l’article L. 2141-2 CSP (N° Lexbase : L4562L74) prévoit que, lorsqu’il s’agit d’un couple, le décès d’un des membres du couple fait obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons.

Le consentement, la clé de voûte de l’accès à la parenté. Le consentement de la femme seule ou des membres du couple constitue la clé de voûte de l’accès aux techniques médicales de procréation. Afin d’assurer un consentement libre et éclairé, les demandeurs à l’accès à la PMA ont toujours eu à passer plusieurs entretiens avec une équipe médicale notamment pour vérifier la motivation du couple et les informer sur les possibilités de réussite et d'échec des
techniques de PMA, leurs effets secondaires, leurs risques, leur pénibilité et leurs contraintes,
sur les conséquences d'une éventuelle séparation du couple ou du décès de l'un des
partenaires, sur les éventuelles décisions de transfert d'embryon, et sur la réglementation en
vigueur (CSP, art. L. 2141-10 N° Lexbase : L7148IQS). Le couple avait un délai de réflexion d’un mois, au terme duquel il devait affirmer son consentement. L'équipe médicale pouvait éventuellement suspendre ou refuser la PMA lorsqu’un délai de réflexion supplémentaire était envisagé comme nécessaire aux demandeurs dans l'intérêt de l'enfant à naître. La loi du 2 août 2021 s’inscrit dans la continuité de ce processus d’entretiens préalables, tout en apportant quelques modifications.

Le nouvel article L. 2141-10 du CSP (N° Lexbase : L4569L7D) précise désormais que « la mise en œuvre de l'assistance médicale à la procréation est précédée d'entretiens particuliers de la femme ou du couple demandeur avec un ou plusieurs médecins et d'autres professionnels de santé de l'équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire du centre, composée notamment d'un psychiatre, d'un psychologue ou d'un infirmier ayant une compétence en psychiatrie, le cas échéant extérieur au centre. » Ainsi que l’a rappelé le rapporteur, étant impossible d’envisager une composition de l’équipe pluridisciplinaire strictement identique dans chacun des centres, le législateur est venu garantir la présence d’au moins un médecin et la possibilité de rencontrer d’autres professionnels de santé. La composition de cette équipe sera par ailleurs fixée par décret.

Les médecins doivent dans un premier temps vérifier « la motivation des deux membres du couple ou de la femme non mariée » et non « la volonté à poursuivre leur projet parental » (formule proposée par le Sénat en deuxième lecture) [42] sans avoir à « rappeler les possibilités ouvertes par la loi en matière d'adoption » (passage supprimé dans le projet de loi, réintégré en deuxième lecture par le Sénat et in fine définitivement abandonné).

Les médecins ont par ailleurs l’obligation de procéder à une évaluation médicale des deux membres du couple ou de la femme non mariée. Alors que le projet de loi parlait de « procéder à une évaluation médicale et psychologique », que le Sénat avait modifié le texte en deuxième lecture pour inclure « une évaluation médicale, psychologique et, en tant que de besoin, sociale », de nombreux amendements ont été proposés pour supprimer ces évaluations psychologiques et éventuellement sociales [43]. Le rapporteur regrettait la stigmatisation évidente et le caractère arbitraire d’une telle évaluation psychologique et sociale à l’encontre des couples de femmes et des femmes non mariées. Cette rédaction plus « light » semble plus satisfaisante, tant sur le plan pratique que sur le plan des principes d’égalité de traitement dans l’accès aux techniques médicales.

Enfin, le dossier-guide transmis aux personnes engagées dans un parcours d’AMP, qui comporte notamment des rappels sur les dispositions législatives et réglementaires en matière de PMA et d’adoptions, et des différentes techniques, a été complété par des informations sur l’accès aux données identifiantes et non identifiantes. Surtout, le dossier incite le (ou les) futur(s) parent(s) à anticiper et à créer les conditions d’information de l’enfant issu d’un don. Cet ajout doit être salué car l’accès aux origines ne peut en effet être effectif que si les enfants savent qu’ils sont issus d’un don. Or, aujourd’hui, le secret de la conception est encore préservé ; la découverte, quand elle intervient, est souvent tardive, fortuite et douloureuse [44]. Une préparation de l’enfant dès le plus jeune âge paraît essentielle.

Maintenant la possibilité pour le médecin de refuser la PMA lorsqu’il estime qu'un délai de réflexion supplémentaire est nécessaire à la femme non mariée ou au couple demandeur, dans l'intérêt de l'enfant à naître, le législateur a parallèlement prévu la communication des motifs du report ou du refus d’accès à l’AMP, si les couples ou les femmes non mariées en font la demande (amendement n° 1120). Pour les auteurs de l’amendement, il s’agissait notamment de rendre plus transparentes les décisions des centres d’AMP, d’harmoniser le traitement de leurs demandes et éviter toute discrimination.

Enfin, les règles encadrant le consentement lui-même n’ont pas été modifiées. Le consentement du couple ou de la femme non mariée doit être confirmé par écrit à l'expiration d'un délai de réflexion d'un mois, et lorsqu’ils recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, ou d’un don d’embryon, ils doivent préalablement donner, dans les conditions prévues par le Code civil, leur consentement à un notaire (CSP, art. L. 2141-10 N° Lexbase : L4569L7D et art. L. 2141-6 N° Lexbase : L4567L7B).

Conclusion

Face à un sujet aussi passionnant et passionnel que le désir d’enfant et le mal d’enfant, la volonté se veut de plus en plus souveraine, sans obstacle. La science offrant les moyens de contourner celui de l’incapacité de procréer, chacun peut accéder, même seul, aux voies d’épanouissement que sont celles d’avoir un enfant. Les révolutions scientifiques contemporaines, et, en particulier, la maîtrise que l'homme a acquis sur la vie, et, en un sens, sur sa propre humanité, offre à la volonté un champ possible inespéré, et illimité. Il en ressort très clairement que l’enfant « à tout prix » [45] n’est plus un simple mythe, ni un pur fantasme dans l’esprit de ceux ou de celles qui s’en prévalent, mais tend à devenir une réalité et un droit de plus en plus revendiqué. La volonté de devenir parent s’affirme face aux obstacles institutionnels, s’appuyant sur le principe d’égalité [46], le droit de devenir parent et le droit de tous de donner la vie. La loi bioéthique consacre pleinement une révolution dans l’accès à la parenté et fait de l’intention, et non de la procréation, le critère pour devenir parent. Si l’éthique « à la française » a conduit à s’adapter aux progrès avec mesure et limite, le législateur a toutefois, sans conteste, franchi un pas nouveau dans l’accès à la parenté. Les progrès de la science, par nature infinis, laissent entrevoir des évolutions techniques aussi passionnantes que terrifiantes ! La question sera de savoir si le droit résistera aux législations les plus permissives et restera un rempart préservant une certaine éthique de l’humanité !

 

[1] J.-R. Binet, Bioéthique et filiation : la guerre des chambres. À propos de l'adoption du projet de loi relatif à la bioéthique en seconde lecture au Sénat, Dr. fam. n° 3, mars 2021, étude 7.

[2] L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a ainsi refusé le 11 octobre 2016, d’adopter un rapport visant à réglementer la GPA, Dr. fam. 2016, Al. 98 ; Mêmes résistances de l’Union européenne : le Rapport 2014 sur les droits de l’Homme et la démocratie dans le monde et sur la politique de l’UE en la matière, adopté par le Parlement européen le 17 décembre 2015, « condamne la pratique de la gestation pour autrui qui va à l’encontre de la dignité humaine de la femme, dont le corps et les fonctions reproductives sont utilisés comme des marchandises » (par. 114) ; selon le Parlement, cette pratique « doit être interdite » et « doit être examinée en priorité dans le cadre des instruments de défense des droits de l’Homme ».

[3] Cf. I. Théry et A.-M. Leroyer, Filiation, origines, parentalité, le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, éd. Odile Jacob, 2014.

[4] H. Fulchiron, Le droit à l’enfant : faux droit, vrai danger ?, in L’intérêt de l’enfant : mythe ou réalité ?, sous la direction C. Siffrein-Blanc et A.-C. Réglier, éd. Fondation Varenne, coll. Essais, octobre 2018, p. 217 ; Cons. const., 17 mai 2013, n° 2013-669 DC (N° Lexbase : Z14806ZI), Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ; CE, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018 ; C. Brunetti-Pons (dir.), Le « droit à l’enfant » et la filiation en France et dans le monde, LexisNexis, 2018, p.600 ; Raynaud, L'enfant peut-il être objet de droit ?, D. 1988. chron. 109 ; M.-T. Meulders-Klein, Le droit de l'enfant face au droit à l'enfant et les procréations médicalement assistées, RTD civ. 1988. 645 ; v. contra selon Robert Badinter, alors Garde des Sceaux (1985), « Le droit de tout être humain de donner la vie » implique « sa liberté de choisir les moyens par lesquels il pourra donner la vie » cité et critiqué, par P. Verspieren, Un droit à l’enfant ?, Etudes, 1985, 683.

[5] H. Fulchiron, Le droit à l’enfant : faux droit, vrai danger ?, op. cit., p. 217.

[6] Cf. not. F. Sudre (dir.), Le droit au respect de la vie familiale au sens de la Convention européenne de droits de l’homme, Nemesis-Bruylant, 2002. CEDH, Gr. ch., 4 décembre 2007,  Req. 44362/04, Dickson c/ Royaume-Uni (N° Lexbase : A3786MXI). Mais la Cour estime en effet qu’il faut laisser en cette matière une large marge d’appréciation aux Etats, étant donné que la fécondation in vitro avec donneur « continue à susciter de délicates interrogations d’ordre moral, éthique et sociétales dans lesquelles il faut faire entrer la dignité humaine, le bien-être des enfants ainsi que la prévention des abus possibles ». CEDH, grande chambre, 3 novembre 2011, Req. 57813/00, S.H. et autres c/ Autriche (N° Lexbase : A5739HZL).

[7] Cons. const., décision n° 2021-821 DC du 29 juillet 2021, Loi relative à la bioéthique (N° Lexbase : A45754ZH).

[8] Dite « IAD » : insémination artificielle avec « donneur ». Créés depuis 1973, les CECOS (Centre d'étude et de conservation du sperme) avaient pratiqué en 1984 plus de 10 000 inséminations, et plus de 25 000 dix ans plus tard.

[9] Le premier « bébé-éprouvette » français, Amandine, vint au monde en 1982.

[10] New scientist, Exclusive: World’s first baby born with new “3 parent” technique, 27 septembre 2016 [en ligne].

Modification de l'ADN pour éviter les maladies mitochondriales en concevant un « embryon à trois parents » grâce à un remplacement mitochondrial, qui peut avoir lieu avant la fécondation par un transfert de mitochondries sur l'ovocyte, ou après la fécondation par un transfert de mitochondries sur l'œuf fécondé (Angleterre, 2015). Le 24 février 2015, le Royaume-Uni est devenu le premier État au monde à autoriser le transfert mitochondrial qui permet de remplacer une partie défectueuse de l'ADN transmis par la mère par celui d'une autre femme afin d'éviter la transmission d'une maladie génétique. L'utilisation de cette technique conduit à la transmission à l'enfant du patrimoine génétique de trois personnes : un homme et deux femmes. AJF 2015, p. 125.

La prudence est aussi liée à un précédent : à la fin des années 1990, aux Etats-Unis, des injections de mitochondries de donneuses (on parle de « transfert cytoplasmique ») dans des ovocytes avaient déjà conduit à la naissance de plusieurs dizaines d’enfants. Les enfants ainsi conçus étaient « à quatre ADN ». Si certains sont aujourd’hui en parfaite santé, d’autres ont présenté des anomalies de développement, si bien que les autorités sanitaires américaines ont demandé aux cliniques d’arrêter en 2002. V. H. Morin, Première naissance d’un bébé « à trois parents », Le  Monde, 28 septembre 2016 [en ligne].

[11] M. Bandrac, Réflexions sur la maternité, in Mélanges P. Raynaud, 1988, p. 27.

[12] Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, par P. Berta, C. Dubost, J.-F. Eliaou, L. Romeiro Dias, H. Saulignac et  J.L. Touraine, rapporteurs, tome I audition des ministres commentaires d’articles, 14 septembre 2019, p. 62 [en ligne].

 [13] Cass. civ. 1, 18 décembre 2019, trois arrêts, n° 18-11.815 (N° Lexbase : A8959Z8C), n° 18-12.327 (N° Lexbase : A8960Z8D), n° 18-14.751 (N° Lexbase : A8961Z8E), P+B+R+I, JCP G., n° 52, 23 décembre 2019, 1362, Cass. civ. 1, 18 mars 2020, n° 18-15.368, FS-P+B (N° Lexbase : A48583K7), Cass. civ. 1, 13 janvier 2021, n° 19-17.929, FS-D (N° Lexbase : A72484CG), Dr fam., avril 2021, n° 52, obs. V. Egéa.

[14] Dans cette technique, la fécondation proprement dite se pratique selon deux techniques : la FIV classique (fécondation naturelle des gamètes mis en contact) et la fécondation par micro-injection des spermatozoïdes dans l’ovocyte (dite « ICSI » pour Intra Cytoplasmic Sperm Injection), proposée en cas d’anomalies spermatiques   (Rapport de l’agence de la Biomédecine 2018, [en ligne] ».

[15] Selon l’étude d’impact (étude d’impact, p. 92 [en ligne]), des obstacles pratiques ont justifié l’éviction d’une telle obligation d’information (comment vérifier l’existence d’un partenaire si le donneur ne souhaite pas le mentionner » ou « comment s’assurer que la nécessité d’informer ce partenaire a été bien comprise).

[16] Rapport préc.,  par P. Berta, C. Dubost, J.-F. Eliaou, L. Romeiro Dias, H. Saulignac et  J.L. Touraine.

[17] L’étude d’impact permet toutefois d’en apprécier les contours évoquant deux limites d’âges : un âge plancher fixé à 32 ans pour les deux sexes, un plafond fixé à 37 ans pour les femmes et 45 ans pour les hommes afin de « garantir la qualité des gamètes prélevés ou recueillis » (étude d’impact, p. 114).

[18]  Même si les conditions d'accueil d'embryon ont néanmoins été récemment simplifiées par la loi du 23 mars 2019 : le régime d'autorisation judiciaire - pouvant donner lieu à « toutes investigations permettant d'apprécier les conditions d'accueil que ce couple est susceptible d'offrir à l'enfant à naître sur les plans familial, éducatif et psychologique » - a été supprimé au profit d'un régime de consentement simple devant notaire.

[19] Dominique Mehl et Martine Gross ont publié, il y a quelques mois, un article indiquant que « du point de vue psychologique, les deux démarches ne semblent pas équivalentes. (…) Alors que l’embryon donné a déjà une histoire, l’embryon issu d’un double don commence son histoire avec le ou les parents qui le souhaitent ; v. D. Mehl et M. Gross, Infertilité : double don de gamètes ou don d’embryon ?, Dialogue, n° 222, éd. Eres, janvier 2019.

[20] Rapport préc., par P. Berta, C. Dubost, J.-F. Eliaou, L. Romeiro Dias, H. Saulignac et  J.L. Touraine ; La commission adopte l’amendement n° 927 de Mme Michèle de Vaucouleurs (CSP, art. L. 2141‑2). Après l’alinéa 12, insérer l’alinéa suivant : « Par dérogation au premier alinéa de l’article L.1244‑7, le don de gamètes peut être autorisé au sein d’un couple de deux femmes dans le cas d’une infertilité de l’une d’entre elles. ».

[21] Selon Annie Genevard, « L’autorisation de la ROPA avait été repoussée en première lecture parce que celle-ci constitue un don dirigé, lequel est proscrit dans le cas d’une assistance médicale à la procréation – le don est anonyme.
Les auteurs des amendements veulent faire admettre l’idée qu’un enfant peut être l’enfant de deux femmes : l’une donne ses ovocytes, l’autre porte l’enfant. « C’est notre enfant à toutes les deux » diront-elles, comme peut le faire un couple hétérosexuel. Les amendements traduisent une volonté d’évincer une réalité biologique au profit d’une autre réalité qui trahit précisément la première à laquelle chacun d’entre nous est pourtant confronté. C’est très dangereux et très grave.
Lors de son audition, la sociologue Irène Théry prônait l’abandon de la réalité biologique au profit d’une réalité sociale, sociétale, idéologique. C’est une telle dérive que nous refusons et condamnons en rejetant les amendements. » [en ligne]

[22] (La République en marche) « Il est absurde de demander à une femme d'attendre cinq ans pour obtenir les ovocytes d'une donneuse anonyme alors qu'elle a une volontaire à côté d'elle, la mère du même enfant ».

[23] V. Rapport préc. par P. Berta, C. Dubost, J.-F. Eliaou, L. Romeiro Dias, H. Saulignac et  J.L. Touraine, spéc. commentaires d’articles, 3 juillet 2020, p. 21 et 3 juin 2021, p.11.

[24] CE, op. cit., 28 juin 2018 : « l’invocation d’un “droit à l’enfant” est sans portée, une telle notion n’ayant pas de consistance juridique dès lors qu’un enfant est une personne, un sujet de droit, et qu’il ne saurait être envisagé comme l’objet du droit d’un tiers ».

[25] JCP 2008. I. 110, obs. F. Sudre.

[26] En revanche, la Cour ne consacre pas le droit d’être grand-mère par la récupération des gamètes de son fils décédé (CEDH, 5 décembre 2019, Req. 23038/19, Petithory Lanzmann c/ France [en ligne], Droit de la famille n° 2, Février 2020, comm. 37, J.R., Binet).

[27] CEDH, 1er avril 2010, Req. 57813/00, S-H et autres c/Autriche (N° Lexbase : A033947P).

[28] Comité consultatif national d'éthique (CCNE), avis n° 126 sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation, 15 juin 2017, p. 28, étude d’impact, p. 42 [en ligne].

[29] CE, op. cit., 28 juin 2018, p.  47.

[30] Etude d’impact, p. 55 [en ligne] ; CE, op. cit., 28 juin 2018, p. 66.

[31] J.-R. Binet, op. cit., étude 7.

[32] CE, op. cit., 28 juin 2018, p. 64 ;  Rapport préc.,  par P. Berta, C. Dubost, J.-F. Eliaou, L. Romeiro Dias, H. Saulignac et  J.L. Touraine, spéc. commentaires d’articles, 3 juin 2021, p. 16.

[33] V. J.-L. Touraine, rapporteur, Rapport préc.  par P. Berta, C. Dubost, J.-F. Eliaou, L. Romeiro Dias, H. Saulignac et  J.L. Touraine, rapporteurs, spéc. commentaires d’articles, 14 septembre 2019, p. 20 [en ligne].

[34] Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, Contribution au débat sur l’accès à la PMA, Avis n°2015-07-01-SAN-17, adopté le 26 mai 2015 [en ligne].

[35] V. amendements n° 1456 et n° 1451 du rapporteur, n° 946 de M. Maxime Minot, ainsi que n° 793 de M. Jacques Marilossian et n° 1313 de Mme Aurore Bergé et plusieurs de leurs collègues du groupe La République en Marche

[36] CE, op. cit., 28 juin 2018, p.64.

[37] Agence de la biomédicine, Rapport sur l’application de la loi de bioéthique, janvier 2018 [en ligne]. 

[38] Dans un avis du 8 juin 2017, le conseil d'orientation de l’Agence de la biomédecine s’est dit favorable à une limite de « l’âge pour procréer » dans les différentes situations d’AMP :
-  femme : 43 ans avec, dans le cas de l’utilisation d’ovocytes préalablement conservés ou de donneuse, une discussion au cas par cas entre 43 et 45 ans ;
-  homme : 60 ans, pour la procréation intraconjugale ou avec don de spermatozoïdes.

[39] CAA Versailles, 5 mars 2018, deux arrêts, n° 17VE00824 (N° Lexbase : A1480XGW) et n° 17VE00826 (N° Lexbase : A1481XGX) : dans ces deux arrêts en date du 5 mars 2018, la cour administrative d’appel de Versailles a considéré « (…) qu’en fonction des connaissances scientifiques ainsi disponibles, un homme peut être regardé comme étant « en âge de procréer », au sens de l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique, jusqu’à un âge d’environ 59 ans, au-delà duquel les capacités procréatives de l’homme sont généralement altérées. (…) » ; CAA Nancy 15 juin 2017, nº 15NC01779 (N° Lexbase : A2424WIM) : la CAA de Nancy s'est prononcée sur la demande d'accès à une AMP avec don de sperme de la part d'une femme de 36 ans et d'un homme de 70 ans. Elle a estimé que le refus du CHU fondé sur l'âge des deux personnes et sur des risques encourus par l'enfant du seul fait de l'âge de la femme constituait une erreur de droit puisqu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que les deux personnes n'étaient pas « en âge de procréer » (CSP, art. L. 2141-2). En revanche, elle a considéré que les conditions d'accès à l'AMP n'étaient pas remplies puisque l'infertilité de l'homme était liée à une vasectomie pratiquée plusieurs années auparavant et « qu'une telle infertilité n'est pas d'origine pathologique ».

[40] CE, 17 avril 2019, deux arrêts, n° 420468 (N° Lexbase : A3805Y9S), et n° 420469 (N° Lexbase : A3806Y9T), AJDA 2019. 901; D. 2019. 944; AJ fam. 2019. 309, obs. A. Dionisi-Peyrusse; Dr. Fam. 2019. 39, obs. M. Lamarche, RTD Civ. 2019, p. 55, Anne-Marie Leroyer.

[41] Dans son avis n° 129 ainsi que dans l'avis n° 113 sur « La demande d'assistance médicale à la procréation après le décès de l'homme faisant partie du couple » du 10 février 2011.

[42] V. la formule « S’assurer de la volonté des deux membres du couple ou de la femme non mariée à poursuivre leur projet parental par la voie de l’assistance médicale à la procréation, après leur avoir dispensé l’information prévue au 3° et leur avoir rappelé les possibilités ouvertes par la loi en matière d’adoption ».

[43] Amendement n° 1455 du rapporteur et amendements n° 107 du groupe Écologie Démocratie Solidarité, n° 792 de M. Jacques Marilossian et plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche, n° 857 du groupe Socialistes et apparentés, n° 1041 de Mme Anne-France Brunet, n° 1118 du groupe Libertés et Territoires et n° 1372 de M. Jean François Mbaye.

[44] Rapport préc.  par P. Berta, C. Dubost, J.-F. Eliaou, L. Romeiro Dias, H. Saulignac et  J.L. Touraine, spéc. commentaires d’articles, 3 juillet 2021, p. 18.

[45] A. Lamboley, L’enfant à tout prix. Le permis et l’interdit, in Mélanges Christian Mouly, Litec, 1998, p. 313 ; J. Robert, La biologie et la génétique. Face aux incertitudes du droit, in Génétique, procréation et droit, Actes du Colloque du 18 et 19 janvier 1985, éd. Hubet-Nyssen, coll. Actes Sud, 1985, p. 363.

[46] V. L’éviction du raisonnement sur le principe d’égalité : CE, 1re et 4e ch. réunies, 28 septembre 2018, n° 421899 (N° Lexbase : A2236X8C).

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