Lexbase Public n°638 du 16 septembre 2021 : Environnement

[Textes] Loi « climat et résilience » : lutte contre l'artificialisation des sols : mission impossible ?

Réf. : Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (N° Lexbase : L6065L7R)

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[Textes] Loi « climat et résilience » : lutte contre l'artificialisation des sols : mission impossible ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/72264549-textes-loi-climat-et-resilience-lutte-contre-lartificialisation-des-sols-mission-impossible
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par Lou Deldique, Avocat associé, Green Law Avocats

le 15 Septembre 2021

 


Mots clés : environnement • urbanisme • sols

Cet article est issu d'un dossier spécial loi « climat et résilience » réalisé en collaboration avec le cabinet Green Law Avocats. Pour consulter le sommaire de ce numéro spécial, cliquez ici (N° Lexbase : N8772BYK).


 

Comme la plupart des textes de loi fortement médiatisés, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, comporte de nombreuses dispositions relatives au droit de l’urbanisme.

Certaines concernent les projets de construction (obligation d’être équipées d’un dispositif de production d’énergies renouvelables ou bien d’un système de végétalisation (art. 101), promotion des espaces dédiés au stationnement des vélos plutôt qu’à celui des voitures (art. 117), possibilité de déroger à certaines règles du plan local d’urbanisme quand le projet est écologiquement vertueux (art. 202, 210, 211 et 222), création d’un certificat de projet spécifique à la réhabilitation des friches (art. 212). Et d’autres sont plus générales : c’est notamment le cas du nouveau corps de règles relatives à la lutte contre l’artificialisation des sols, sur laquelle nous avons choisi de nous concentrer.

En effet, les articles 191 et suivants de la loi « climat et résilience » créent un objectif de réduction de 50 % de l’artificialisation des sols dans les dix prochaines années, et un objectif d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050.

Intégrés au Code de l’urbanisme et au Code général des collectivités territoriales, ces objectifs s’imposent aux collectivités, qui vont devoir les intégrer lors de la rédaction de leurs documents de planification, et surtout rendre compte des effets de leur politique dans ce domaine.

Précisons à titre liminaire que la notion de consommation d’espaces naturels n’était jusque-là pas définie : le tribunal administratif de Toulouse avait ainsi pu juger qu’ « en l’absence de définition légale ou réglementaire précise de la notion, les auteurs des plans locaux d’urbanisme disposent d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer eux-mêmes les modalités de calcul de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, sous réserve qu’elles restent cohérentes avec les objectifs généraux fixés par le législateur en matière d’utilisation économe des espaces et de lutte contre l’étalement urbains » [1].

L’article 191 de la loi « climat et résilience » modifie le Code de l’urbanisme en créant un nouvel article L. 101-2-1 qui précise que :

« L'artificialisation est définie comme l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. 

La renaturation d'un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d'amélioration de la fonctionnalité d'un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé. 

L'artificialisation nette des sols est définie comme le solde de l'artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnés ».

L’article 194 précise quant à lui que « la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers est entendue comme la création ou l'extension effective d'espaces urbanisés sur le territoire concerné ».

C’est donc bien l’usage effectif des terrains (et non leur qualification par le PLU) qui devra être pris en compte.

Concrètement, les principales mesures sont les suivantes.

Les collectivités compétentes en matière de planification ont un délai de cinq ou six ans (selon qu’il s’agisse de SCOT ou de PLU) ans pour intégrer les nouveaux objectifs à leurs documents d’urbanisme, étant précisé doit être considérée comme artificialisée « une surface dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d'un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites » et non artificialisée « une surface soit naturelle, nue ou couverte d'eau, soit végétalisée, constituant un habitat naturel ou utilisée à usage de cultures ».

Elles doivent ensuite, en suivant une feuille de route appelée « trajectoire » et qui se décline par tranches de dix années, s’efforcer de réduire effectivement l’artificialisation nette des sols. Pour ce faire, elles doivent donc augmenter le nombre d’espaces renaturés et/ou diminuer celui d’espaces artificialisés.

Notons, toutefois, que les espaces occupés par des installations photovoltaïques sont expressément exclus dans le calcul de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (C. urb., art. L. 161-3 N° Lexbase : L6787L7I).

Le projet d’aménagement et de développement durable ne pourra ouvrir à l’urbanisation des espaces naturels, agricoles ou forestiers, que s'il est justifié, au moyen d'une étude de densification des zones déjà urbanisées, que la capacité d'aménager et de construire est déjà utilisée dans les espaces urbanisés du territoire (C. urb., art. L. 151-5 N° Lexbase : L6786L7H).

Le maire ou le président de l’EPCI devra, tous les trois ans, présenter un rapport consacré à l’artificialisation des sols pratiquée au cours des années précédentes à l’organe délibérant. Ce rapport devra indiquer dans quelle mesure les objectifs sont atteintes et il donnera lieu à un débat puis à un vote (CGCT, art. L. 2231-1). Tant le rapport que l’avis feront l’objet de mesures de publicité et d’un contrôle du préfet et du président du conseil régional.

Tous vertueux qu’ils soient, ces objectifs nous paraissent très difficiles à atteindre pour les communes rurales. En effet, si l’on comprend bien la logique d’optimisation des friches pour les territoires urbains, on voit mal comment une commune dont le territoire est majoritairement occupé par des espaces naturels ou cultivés pourra obtenir une diminution de la surface artificialisée ! Car même en gelant toutes les possibilités de construire (ce qui constituera paradoxalement un frein au développement de l’activité agricole…), la commune ne pourra « gagner » en espaces naturels.

Enfin, il est à noter que les sanctions du non-respect des objectifs énoncés semblent davantage politiques que juridiques, puisque la loi ne prévoit finalement qu’une auto-évaluation et une présentation des efforts accomplis au conseil municipal et au public.

Il faut espérer que les décrets d’application comblent ces lacunes. A défaut, il est à craindre que l’objectif de zéro artificialisation annoncé reste lettre morte… comme cela est déjà le cas pour certains des objectifs prévus par le Code de l’environnement ou de l’énergie (notamment celui de développement des énergies renouvelables, qui se heurte sans cesse au syndrome « NIMBY » (Not in my backyard, autrement dit « surtout pas chez moi »).


[1] TA Toulouse, 30 mars 2021, n° 1902329 et s. (N° Lexbase : A01894NC).

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