La lettre juridique n°870 du 24 juin 2021 : Autorité parentale

[Panorama] L'exercice de l'autorité parentale : panorama d’actualité législative, réglementaire et jurisprudentielle (juin 2020 à juin 2021)

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP, Directrice scientifique des Ouvrages de droit de la famille

le 22 Juillet 2021

 


Mots clés : audition de l’enfant • exercice en commun ou unilatéral de l’autorité parentale • motifs graves • résidence de l’enfant • droit de visite et d’hébergement (DVH) • exercice exclusif de l’autorité parentale • fratrie • droit de visite médiatisé • assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) • remise de l’enfant • tiers de confiance


Sommaire

Audition de l’enfant

Cass. civ. 1, 14 avril 2021, n° 18-26.707, F-D

I. Exercice en commun ou unilatéral de l’autorité parentale

Indifférence du mariage

Cass. civ. 1, avis, 23 septembre 2020, n° 20-70.002 (avis n° 15005)

Motifs graves

Cass. civ. 1, 2 décembre 2020, n° 19-19.450, F-D

Cass. civ. 1, 26 juin 2020, n° 19-21.660, F-D

II. Résidence de l’enfant

Non-respect des droits de l’autre parent

Cass. civ. 1, 28 mai 2021, n° 21-12.807, F-D

Cass. civ. 1, 14 janvier 2021, n° 20-13.628, F-D

III. Droit de visite et d’hébergement

Exercice exclusif de l’autorité parentale

Cass. civ. 1, 26 juin 2020, n° 19-21.660, F-D

Fratrie

Cass. civ. 1, 14 octobre 2020, n° 19-18.100, F-D

Droit de visite médiatisé et AEMO

Cass. civ. 1, 14 avril 2021, n° 19-21.024, F-P

Remise de l’enfant

Décret n° 2020-930 du 28 juillet 2020 relatif à la mesure d'accompagnement de l'enfant par un tiers de confiance et modifiant le Code de procédure civile

Suppression pour motifs graves

Décret n° 2020-930, du 28 juillet 2020, relatif à la mesure d'accompagnement de l'enfant par un tiers de confiance et modifiant le Code de procédure civile

Cass. civ. 1, 24 juin 2020, n° 19-16.368, F-D

Cass. civ. 1, 10 février 2021, n° 19-21.902, F-D


Alors que le législateur est une nouvelle fois intervenu en juillet 2020 [1] pour limiter les droits parentaux dans le cadre des violences conjugales, plusieurs décisions sont intervenues au cours de l’année écoulée à propos de l’exercice de l’autorité par les parents séparés qui témoignent de la volonté de la Cour de cassation d’articuler les principes de primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant et du maintien des liens de l’enfant avec ses deux parents. Ces principes s’appliquent à la détermination du mode d’exercice – commun ou unilatéral – de l’autorité parentale (I), comme à la fixation de la résidence de l’enfant (II), et à l’organisation de ses relations avec le parent non hébergeant (III).

Audition de l’enfant. Les sentiments de l’enfant constituent, selon l’article 373-2-11 du Code civil (N° Lexbase : L7191IMB), un critère de la décision du juge en matière d’autorité parentale. Depuis la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance (N° Lexbase : L5932HUA), selon l’article 388-1 du Code civil (N° Lexbase : L8350HW8), l’audition est même un droit de l’enfant lorsqu’il demande à être entendu ; le juge ne peut refuser de l’entendre comme le rappelle fermement la Cour de cassation dans l’arrêt du 14 avril 2001 (Cass. civ. 1, 14 avril 2021, n° 18-26.707, F-D N° Lexbase : A81094PZ, Dr. Fam. 2021, comm. n°, obs. C. Siffrein-Blanc). Dans cette décision, relative à un conflit parental à propos d’un traitement d’orthodontie, la Cour de cassation relève d’office l’irrecevabilité du pourvoi qui faisait grief à la cour d’appel d’avoir refusé d’entendre l’enfant, en se fondant sur l’article 338-5, alinéa 1er, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2702IES) selon lequel « la décision statuant sur la demande d’audition par le mineur n’est susceptible d’aucun recours ». Mais par ailleurs, elle considère qu’en rejetant la demande d’audition de l’enfant, en raison de son manque de discernement et afin de le préserver de tout conflit parental, sans expliquer en quoi l’enfant n’était pas capable de discernement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. Ce faisant, la Haute cour contourne l’impossibilité de contester le refus d’audition de l’article 338-5 du Code de procédure civile, en contrôlant la motivation de la décision portant sur l’exercice de l’autorité parentale prise sans audition de l’enfant. Plus précisément, elle condamne le refus d’audition fondé sur l’intérêt supposé de l’enfant d’être préservé du conflit parental. Ce motif est inopérant puisque le juge ne peut refuser la demande d’audition de l’enfant seulement si celui-ci n’en remplit pas les conditions que sont le discernement et le fait d’être concerné par la procédure. Ainsi, seule l’absence de discernement pouvait justifier le refus d’audition, mais encore fallait-il démontrer celui-ci.

I. Exercice en commun ou unilatéral de l’autorité parentale

Indifférence du mariage. Si le principe, depuis la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale (N° Lexbase : L4320A4R), est l’exercice en commun de l’autorité parentale, que les parents soient ou non mariés, celui-ci connaît une exception lorsque la filiation de l’enfant a été établie à l’égard de l’un de ses parents, plus d’un an après sa naissance. Dans cette hypothèse, le parent qui a reconnu l’enfant en premier conserve l’exercice unilatéral de l’autorité parentale. Dans un avis rendu le 23 septembre 2020 (Cass. civ. 1, avis, 23 septembre 2020, n° 20-70.002 (avis n° 15005) N° Lexbase : A25753WB, Dr fam. décembre 2020, n° 161 obs. V. Egéa), la Cour de cassation précise logiquement que le mariage des parents après la naissance de l’enfant n’emporte pas de plein droit l’exercice en commun de l'autorité parentale. En effet, depuis 2002, le régime de l’exercice de l’autorité parentale est commun à tous les couples, quel que soit leur statut matrimonial. Ainsi, l’exercice en commun de l’autorité parentale ne peut résulter que d’une déclaration conjointe adressée au directeur des services de greffe judiciaires ou d'une décision du juge aux affaires familiales (JAF) selon l’article 373, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2903AB7). L’avis du 23 septembre 2020 vient préciser que l’alternative offerte aux parents entre la voie administrative ou judiciaire ne dépend pas du fait qu’ils sont ou non d’accord pour que l’autorité parentale soit exercée en commun. Elle admet en effet que les parents puissent saisir le JAF d’une demande conjointe en ce sens. La compétence du directeur des services de greffe judiciaires pour recevoir une déclaration conjointe en ce sens ne fait pas obstacle à celle du JAF, qui, s'il est saisi sur le fondement de l'article 372, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L5357LTL), doit se prononcer sur la demande d’exercice en commun de l'autorité parentale, même si celle-ci est formée conjointement par les parents. Dans cette hypothèse, contrairement au greffier, le JAF apprécie si la demande, quoique conjointe, des parents est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Motifs graves. Selon l’article 373-2-1 du Code civil (N° Lexbase : L7190IMA), « Si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un de ses deux parents ». Cette formulation, issue de la loi du 4 mars 2002, sous-entend que si l’attribution de l’exercice unilatéral de l’autorité parentale à un seul parent est envisageable lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, il doit rester exceptionnel dans la mesure où il constitue en réalité une limitation des droits du parent concerné au nom de l’intérêt de l’enfant. La Cour de cassation, tout en leur reconnaissant un pouvoir souverain d’appréciation pour estimer, en prenant en considération l’intérêt de l’enfant, s’il existe ou pas des motifs graves de nature à écarter le principe de l’exercice en commun de l’autorité parentale vérifie que les juges du fond motivent spécialement leur décision fixant un exercice unilatéral de l’autorité parentale. L'étude de la jurisprudence montre que le caractère exceptionnel de l'exercice exclusif de l'autorité parentale, contenu dans la loi, est, dans l’ensemble, une réalité. Ainsi, la Cour de cassation considère dans un arrêt du 2 décembre 2020 (Cass. civ. 1, 2 décembre 2020, n° 19-19.450, F-D N° Lexbase : A9576388) que le désintérêt du père depuis la naissance de l’enfant ne suffit pas à exclure celui-ci de l’exercice de l’autorité parentale ; la cour d’appel aurait dû rechercher si le père n’avait pas, une fois le lien de filiation confirmé, entendu s’investir auprès de l’enfant et si l’absence de relations ne tenait pas à l’attitude de la mère, qui n’avait pas conduit l’enfant au point de rencontre. L’arrêt du 26 juin 2020 (Cass. civ. 1, 26 juin 2020, n° 19-21.660, F-D N° Lexbase : A71333PU) fournit une des rares illustrations d’une décision admettant un exercice unilatéral de l’autorité parentale, qui plus est au profit du père. Il semblerait que dans cette affaire, l’attitude de la mère, d’origine japonaise, laissant penser qu’elle pourrait emmener les enfants dans son pays d’origine a convaincu les juges du fond, puis de la Cour de cassation qu’il était préférable de confier l’exercice de l’autorité parentale au seul père. Selon la cour d’appel, la mère avait déposé plainte pour violences conjugales et sollicité un accompagnement auprès d'une association assurant la protection des femmes victimes de violences, alors qu'elle n'avait jamais dénoncé de tels faits de la part de son mari pendant la procédure de divorce. En outre, le juge relève que la mère a décidé à l'insu du père des enfants, seul titulaire de l'exercice de l'autorité parentale, de faire venir à son domicile à deux reprises, lors de l'exercice de son droit de visite, une psychanalyste qui a rencontré les enfants. Selon la cour d’appel, les différentes démarches engagées par la mère constituent « une instrumentalisation possible de ces procédures en vue d'un retour au Japon avec les enfants, en fraude des droits du père, étant précisé que celle-ci a confié l'existence d'un tel projet à un ami ». C’est donc à la fois l’absence de respect actuel des droits du père et l’éventualité d’une violation encore plus grave de ceux-ci qui justifient l’exercice exclusif de l’autorité parentale, la Cour de cassation considérant que « la cour d'appel a fait ressortir l'existence de motifs graves tenant à l'intérêt des enfants justifiant que l'exercice de l'autorité parentale soit confié au père. »

  1. II. Résidence de l’enfant

Non-respect des droits de l’autre parent. La Cour de cassation n’hésite pas à rappeler aux juges du fond que c’est le principe de primauté de l’intérêt de l’enfant qui fonde leur décision, y compris dans des hypothèses où l’un des parents a adopté un comportement peu respectueux des droits de l’autre. Il en va ainsi dans l’affaire soumise à la Cour de cassation dans l’arrêt du 28 mai 2021 (Cass. civ. 1, 28 mai 2021, n° 21-12.807, F-D N° Lexbase : A48154TI). En l’espèce, la mère était partie dès la séparation avec les trois enfants en Russie dont elle était originaire et avait finalement exprimé son souhait de s’y installer définitivement notamment en scolarisant l’aîné dans ce pays. Alors qu’elle justifie son attitude en alléguant des violences du père à l’égard des enfants, la cour d’appel considère « qu'aucun élément objectif ne vient démontrer que M. [R] ne serait pas en capacité de s'occuper personnellement de ses enfants, de les prendre en charge, d'en assurer convenablement l'éducation, les soins ainsi que le développement harmonieux dans le respect des deux cultures et que les conditions d'accueil matérielles et éducatives des enfants au domicile du père sont réunies. » La cour d’appel se concentre ainsi sur les capacités éducatives du père, considérant que la mère, en imposant ainsi sa décision au père, n’a pas respecté les droits de ce dernier. Mais ce faisant, elle n’examine pas les conditions de vie des enfants auprès de leur mère et ne s’interroge pas sur la question de savoir si le transfert de résidence serait conforme à leur intérêt. Or, selon la Cour de cassation, qui l’a affirmé dans plusieurs arrêts antérieurs, le non-respect par un parent des droits de l’autre n’est pas suffisant pour entraîner un transfert de la résidence de l’enfant, si ce transfert n’est pas conforme à son intérêt supérieur [2]. Il est donc logique que l’arrêt de la cour d’appel soit cassé au motif « qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si les conditions de vie des enfants en Russie auprès de leur mère, dans leur environnement familial, scolaire ou médical, n'étaient pas de nature à assurer leur stabilité et leur équilibre et si elles n'étaient pas plus conformes à leur intérêt que celles offertes par le père, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 373-2-6, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L1447LWI). » Les juges doivent ainsi procéder à un examen complet de la situation de l’enfant pour déterminer son intérêt de manière concrète et objective sans conférer trop d’importance au comportement d’un des parents, même s’il est discutable. Toutefois, ce comportement peut tout de même justifier un transfert de résidence lorsqu’il risque d’aboutir à priver les enfants de relations avec leur autre parent, comme l’admet la Cour de cassation dans un arrêt du 14 janvier 2021 (Cass. civ. 1, 14 janvier 2021, n° 20-13.628, F-D N° Lexbase : A73174CY). Elle approuve cette fois la cour d’appel qui a ordonné le transfert chez leur père de la résidence de l’enfant qui vivait depuis plus de deux ans en Roumanie avec leur mère, en estimant qu’ « en dépit des repères acquis par les enfants dans leur nouvel environnement », la mère ne respectait pas les droits des enfants d’entretenir des relations avec leur père et que le maintien de leur résidence auprès d’elle risque de les rompre définitivement. Contrairement à la décision précédente, l’arrêt de la cour d’appel est centré sur la détermination de l’intérêt des enfants dont elle considère qu’il ne serait pas respecté en cas de rupture des relations avec leur père. La Cour de cassation procède à une combinaison l'article 373-2-6 du Code civil qui impose au JAF de régler les questions qui lui sont soumises en matière d'autorité parentale en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs et de l’article 373-2-11, 3°, du même code (N° Lexbase : L7190IMA) selon lequel le juge prend en considération l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre. Autrement dit, l’absence de respect par un parent des droits de l’autre n’est pas en soi suffisante pour motiver le changement de résidence, mais il devient opérant lorsque cette absence de respect peut conduire à rompre les liens de l’enfant et de son parent, ce qui n’est évidemment pas conforme à son intérêt.

III. Droit de visite et d’hébergement

Exercice exclusif de l’autorité parentale. Le cadre de l’exercice exclusif de l’autorité parentale par un parent n’exclut pas que soient étendues les relations de l’enfant avec l’autre. Dans l’arrêt du 26 juin 2020 précité (Cass. civ. 1, 26 juin 2020, n° 19-21.660, F-D N° Lexbase : A71333PU) le fait de confier l’exercice de l’autorité parentale au seul père en raison du risque que la mère parte à l’étranger avec l’enfant n’empêche pas, selon la Cour de cassation, d’élargir le droit de visite et d’hébergement de la mère, d’autant qu’une interdiction de sortie de territoire sans l’autorisation des deux parents permet de limiter les risques de déplacement illicite des enfants. L'arrêt relève que chacun des parents est très investi auprès des enfants, et que l’un des enfants âgés de 12 ans a manifesté le souhait de résider plus souvent au domicile de sa mère. La cour d’appel fait logiquement remarquer que le risque invoqué par le père de voir la mère profiter d'un séjour des enfants à son domicile pour obtenir frauduleusement un passeport auprès d'un consulat japonais est identique, quelle que soit la durée du droit de visite et d'hébergement, cette éventualité pouvant être écartée par un rappel aux autorités compétentes que la mère, privée de l'exercice de l'autorité parentale, n'est pas habilitée à solliciter des documents d'identité pour les enfants.

Fratrie. Si, selon l’article 371-5 du Code civil (N° Lexbase : L2898ABX), « l’enfant ne doit pas être séparé de ses frères et sœurs, sauf si cela n’est pas possible ou si son intérêt commande une autre solution », ce même texte prévoit également que « s’il y a lieu le juge statue sur les relations entre les frères et sœurs ». L’arrêt du 14 octobre 2020 (Cass. civ. 1, 14 octobre 2020, n° 19-18.100, F-D N° Lexbase : A95703XQ) précise, à notre connaissance pour la première fois, que cette disposition implique que la vie des enfants soit organisée pour permettre le maintien de leurs liens malgré leur séparation. La Cour de cassation casse ainsi la décision de la cour d’appel qui dans le cadre d’une résidence alternée, avait prévu pour les vacances scolaires des deux enfants – scolarisés dans des établissements attachés à des zones différentes – des modalités qui conduisent à les priver de toute possibilité́ d’être réunis, chez l’un ou chez l’autre de leurs parents, au cours des vacances d’hiver et de printemps. En visant à la fois l'alinéa 1er de l'article 373-2-6 du Code civil (N° Lexbase : L1447LWI) en vertu duquel le JAF veille spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs et l'article 371-5 du même code, la Cour de cassation affirme le principe selon lequel l’intérêt de l’enfant réside dans le maintien des liens avec ses frères et sœurs et qu’on ne saurait admettre une décision qui ne le respecte pas.

Droit de visite médiatisé et AEMO. Lorsque se cumulent une situation de séparation parentale et une mesure d’assistance éducative, les modalités d’exercice de l’autorité parentale et notamment les modalités du droit de visite relèvent d’une complexité particulière comme en témoigne l’arrêt du 14 avril 2021 (Cass. civ. 1, 14 avril 2021, n° 19-21.024, F-P [LXB=A79844PE]). En l’espèce, alors qu’une mesure d’assistance éducative avait été prononcée quelques mois auparavant, la cour d’appel avait fixé la résidence de l’enfant chez son père et affirmé que le droit de visite de la mère « s’exercera deux fois par mois, dans un espace de rencontre en présence du représentant désigné par l’aide sociale à l’enfance selon les modalités fixées par le juge des enfants pendant la durée de la mesure d’assistance éducative et de dire qu’au-delà de ce délai, il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le JAF pour fixer les nouvelles modalités d’exercice de l’autorité parentale. » Le JAF s’était ainsi, semble-t-il, contenté de reprendre l’organisation des relations entre la mère et l’enfant fixée par le juge des enfants et avait reporté sa propre décision à l’issue de la mesure d’assistance éducative. Cette démarche est pour le moins curieuse puisque lorsque l’enfant fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative, la décision du JAF est suspendue pendant toute la durée de cette dernière et a justement vocation à s’appliquer lorsqu’elle prend fin. Surtout, comme le rappelle la Cour de cassation, l’article 1180-5 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L5322IUN) impose au JAF qui ordonne un droit de visite médiatisé en vertu de l’article 373-2-9 du Code civil (N° Lexbase : L0239K7Y), de fixer la durée de la mesure et de déterminer la périodicité et la durée des rencontres. La Cour de cassation a antérieurement sanctionné le fait pour un JAF qui ordonne un droit de visite en lieu neutre de ne pas fixer la durée de cette mesure [3], ou de ne pas préciser la durée des rencontres [4]. Il est donc logique que la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui fait dépendre la durée du droit de visite médiatisé de la durée de la mesure d’assistance éducative, et renvoie les parties à le ressaisir ensuite. En effet, le juge des enfants n’a pas la même obligation d’inscrire le droit de visite dans le temps, celui-ci pouvant durer pendant toute la mesure d’assistance éducative qui est de deux ans au plus et renouvelable. En outre, un tel dispositif comporte le risque d’aboutir à ce que la mesure d’assistance éducative soit levée, et qu’aucune disposition relative au droit de la visite de la mère ne s’applique plus en attendant que celle-ci obtienne une décision du JAF. Il paraît donc impératif qu’en cas de compétence concurrente du JAF et du juge des enfants chacun prenne les décisions relatives à la résidence de l’enfant (pour le juge des enfants, le lieu de placement) et à ses relations avec ses parents, les décisions de chacun d’eux n’ayant pas vocation à se cumuler, mais à s’appliquer successivement. On peut cependant comprendre que le JAF souhaitait attendre le résultat de la médiatisation du droit de visite pour se déterminer sur les modalités des relations de l’enfant avec sa mère. Le dispositif légal ne le lui permet pas. Il fallait soit qu’il prenne le risque d’ordonner un droit de visite libre qui aurait eu vocation à s’appliquer après la mesure d’assistance éducative, soit qu’il fixe une autre visite médiatisée – mais par hypothèse dans un cadre différent de celui de l’assistance éducative – destinée à prendre le relais de la mesure prise par le juge des enfants. Dans ce dernier cas, la question de la durée de la mesure risquait d’être problématique. On peut se demander si le JAF aurait pu en fixer le point de départ à la levée de la mesure d’assistance éducative…

Remise de l’enfant. L’article 373-2-1 du Code civil (N° Lexbase : L7190IMA), dans le cadre de l’exercice unilatéral de l’autorité parentale, et l’article 373-2-9 du même code (N° Lexbase : L0239K7Y), dans le cadre de l’exercice en commun, prévoient que « lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présente un danger pour l’un d’eux, le juge en organise les modalités pour qu’elle présente toutes les garanties nécessaires. Il peut prévoir qu’elle s’effectue dans un espace de rencontre qu’il désigne, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée ». La loi distingue ainsi le déroulement du droit de visite, qui peut avoir lieu en « lieu neutre » selon ces mêmes dispositions, et la remise de l’enfant, au début du droit de visite. La remise de l’enfant peut ainsi avoir lieu en lieu neutre sans pour autant que le droit de visite lui-même soit médiatisé, notamment lorsqu’un parent a exercé des violences sur l’autre ou s’est montré particulièrement agressif. Le décret n° 2020-930 du 28 juillet 2020 relatif à la mesure d'accompagnement de l'enfant par un tiers de confiance et modifiant le Code de procédure civile (N° Lexbase : L7756LXK) précise les modalités de cette remise médiatisée en insérant dans le Code de procédure civile un nouvel article 1180-5-1 (N° Lexbase : L8062LXU) selon lequel « Lorsque le juge décide que la remise de l'enfant s'exercera avec l'assistance d'un tiers de confiance en application des articles 373-2-1 ou 373-2-9 du Code civil, il désigne la personne chargée de cette mission, sur proposition commune des parents ou de l'un d'eux, et sous condition de l'accord écrit de cette personne. Il fixe les modalités de la mesure et sa durée. Le juge désigne également, à titre subsidiaire, un espace de rencontres dans lequel est assurée la remise de l'enfant, à charge pour les parents ou l'un d'eux de saisir le responsable de cet espace en cas de carence du tiers de confiance. Le juge peut à tout moment modifier ou rapporter sa décision d'office, à la demande conjointe des parties ou de l'une d'entre elles, ou à la demande du ministère public ». Comme pour le droit de visite médiatisé (cf. supra), la mesure d'accompagnement  de l'enfant par un tiers de confiance doit être limitée dans le temps, et précisément déterminée par le juge pour ce qui est de ses modalités. S’il semble que la désignation d’un particulier pour assurer l’accompagnement est privilégiée par le texte qui l’envisage en premier lieu, il convient d’entourer ce dispositif de garantie, dont évidemment l’accord de cette personne, et de prévoir une solution de repli si la personne ne peut assurer sa mission – notamment du fait de la violence d’un parent –, dans le cadre d’un espace de rencontre. Le juge doit désigner un tel espace dans la même décision qui désigne le tiers de confiance. Lorsqu’on sait à quel point les espaces de rencontre ont du mal à faire face à la mise en œuvre des droits de visite médiatisés, on peut s’inquiéter de leur capacité à répondre, qui plus est au pied levé, à une demande de remise de l’enfant avant et après un droit de visite. Ce texte a cependant le mérite d'imposer au juge et donc aux parties de faire des propositions pour organiser cette remise de l’enfant, et à éviter qu’elle ait lieu dans des endroits peu adaptés tels que les commissariats ou les cours d’école comme on a pu le voir en pratique.

Suppression pour motifs graves. La Cour de cassation contrôle strictement l’existence de motifs graves qui permettent de supprimer le droit de visite d’un parent non hébergeant comme l’illustre une nouvelle fois l’arrêt du 24 juin 2020 (Décret n° 2020-930, du 28 juillet 2020, relatif à la mesure d'accompagnement de l'enfant par un tiers de confiance et modifiant le Code de procédure civile N° Lexbase : L7756LXKCass. civ. 1, 24 juin 2020, n° 19-16.368, F-D (N° Lexbase : A71143P8) qui casse l’arrêt d’appel ayant refusé d’accorder un droit de visite au père au motif d’une interruption des liens entre lui et ses enfants et de son éloignement géographique. En effet, la cour d’appel avait retenu que « les enfants avaient toujours vécu de manière habituelle avec leur mère et que si les relations avec leur père avaient été maintenues par le biais d'un droit de visite et d'hébergement de 2001 à 2011, elles étaient restées, jusqu'au jugement du 21 septembre 2017, limitées à un simple droit de visite le mercredi, exercé irrégulièrement à la fin de l'année 2016, avant d'être interrompues à la suite du déménagement du père à Dunkerque. » Selon les juges du fond, « imposer aux enfants un séjour au domicile paternel, à plus de mille kilomètres de leur lieu de vie, dans une région et un environnement social et humain qu'ils ne connaissent pas, est une réponse trop brutale. » Ainsi, les liens limités entre l’enfant et son parent ne constituent pas un motif grave pour fixer un droit de visite et d’hébergement lorsque le parent le demande. L’idée étant sans doute au contraire de favoriser la reprise et l’intensification des liens. Quant à l’éloignement géographique, il ne constitue pas, de jurisprudence constante, un motif de suppression de droit de visite. On peut cependant s’interroger sur la difficulté que peut représenter pour les enfants concernés la mise en œuvre d’un tel droit de visite, au moins dans les premiers temps. Cette décision conforte l’analyse selon laquelle seuls des motifs susceptibles de placer l’enfant dans une situation de danger semblent être admis par la Cour de cassation pour supprimer le droit de visite du parent non hébergeant. Tel était le cas l’arrêt du 10 février 2021 (Cass. civ. 1, 10 février 2021, n° 19-21.902, F-D N° Lexbase : A80014GG) qui faisait état de signes de radicalisation du père lequel pouvait adopter un comportement menaçant. En outre, le père tenait à son fils des propos particulièrement dénigrants envers sa mère, allant jusqu'à lui refuser sa qualité de mère, ce qui suscitait chez l'enfant un comportement agressif à l'égard de celle-ci. Ces deux éléments caractérisaient à l’évidence une situation de danger pour l’enfant qui a logiquement conduit la cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, non seulement à suspendre le droit de visite du père mais également, a rejeté sa demande de communication régulière de celui-ci avec l'enfant, par téléphone ou par « skype ».

 

[1] A. Gouttenoire, La loi du 30 juillet 2020 : un nouveau pas dans la protection civile de toutes les victimes de violences conjugales, Lexbase Droit privé, septembre 2020, n° 836 (N° Lexbase : N4539BYR).

[2] Cass. civ. 1, 25 juin 2008, n° 07-14.789, FS-D (N° Lexbase : A3678D94) ; Cass. civ. 1, 12 septembre 2019, n° 18-18.924, FS-D (N° Lexbase : A4694ZN8), Ph. Bonfils et A. Gouttenoire, Panorama droit des mineurs, D. 2020. 1696.

[3] Cass. civ. 1, 28 janvier 2015, n° 13-27.983, F-P+B (N° Lexbase : A7167NAP), Dr. fam. 2015. Comm. 71, obs. C. Neirinck ; Cass. civ. 1, 15 mai 2018, n° 17-15.831, F-D (N° Lexbase : A4526XNX) ; Cass. civ. 1, 7 novembre 2018, n° 17-26.012, F-D (N° Lexbase : A6787YKL) ; Cass. civ. 1, 5 décembre 2018, n° 17-28.563, F-D (N° Lexbase : A7769YPG).

[4] Cass. civ. 1, 15 mai 2018, n° 17-15.831, F-D ; Cass. civ. 1, 7 novembre 2018, n° 17-26.012, F-D ; Cass. civ. 1, 11 juillet 2019, n° 18-11.022, F-D ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 52487213, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cass. civ. 1, 11-07-2019, n\u00b0 18-11.022, F-D, Cassation partielle", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A3303ZKK"}}).

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