Lexbase Affaires n°30 du 4 juillet 2002 : Bancaire

[Jurisprudence] Refus de cessation de l'interdiction bancaire sans paiement : une décision de la Chambre commerciale obsolète

Réf. : Cass. com., 28 mai 2002, n° 99-18.105, F-D (N° Lexbase : A7864AYW)

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N3381AAH

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par Ivan Tchotourian, Membre du Centre de recherche de droit privé (CRDP) de l'Université Nancy 2, Chargé de travaux dirigés à l'Université Nancy 2

le 01 Octobre 2012

Cette décision de la Chambre commerciale du 28 mai 2002 a trait aux hypothèses de régularisation de l'interdiction bancaire. En effet, les magistrats de la Haute cour devaient résoudre le problème de savoir si l'absence de déclaration des créances des bénéficiaires des chèques sans provision est une cause de régularisation de l'émission de chèques sans provision. A cette question, la Cour de cassation répond par la négative et se place en contradiction par rapport aux textes les plus récents. Dès lors que le chèque a été émis sans provision, quelle qu'en soit l'importance (à condition que le chèque soit d'un montant supérieur à 15 euros : C. mon. fin., art. L. 131-82 N° Lexbase : L3476APG), sous réserve des tolérances ou autres facilités de caisse, il entraîne le déclenchement d'un certain nombre de mesures. Parmi ces dernières, figure l'interdiction d'émettre des chèques (C. mon. fin., art. L. 131-73 N° Lexbase : L3467AP4.  En doctrine, voir : Y. Chaput et M.-D. Schödermeier, Effets de commerce, chèques et instruments de paiement, 2ème éd., 1998, PUF, n° 258 ; M. Jeantin et P. Le Cannu, Instruments de paiement et de crédit - Entreprises en difficulté, 5ème éd., 1999, Dalloz, n° 109 ; Mémento Francis Lefebvre, Contrats et droits de l'entreprise, 2000, n° 6295 ; C. Gavalda et J. Stoufflet, Droit du crédit, t. 2, 3ème éd., 1998, Litec, n° 261 ; F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, 4ème éd., 1999, LGDJ, n° 823 ; E. Putman, Droit des affaires, t. 4, 1995, PUF, n° 235 ; Lamy Droit du financement, 2001, n° 2228). Cette mesure est d'une durée de cinq ans lorsqu'aucune régularisation n'a lieu (C. mon. fin, art. L. 131-78 N° Lexbase : L3472APB ; avant la loi NRE du 15 mai 2001, ce délai était de dix ans).

Selon l'article L. 131-73 du Code monétaire et financier, le titulaire du compte recouvre la possibilité d'émettre des chèques à deux conditions : la régularisation doit s'opérer sur chacun des comptes où des incidents ont été relevés et concerner tous les chèques rejetés pour insuffisance de provision. A la suite de l'injonction, il doit justifier avoir non seulement réglé le montant du chèque impayé (Décret n° 92-456, 22 mai 1992, art. 11 N° Lexbase : L2071ATU) ou constitué une provision suffisante et disponible (Décret n° 92-456, 22 mai 1992, art. 13, al. 1 N° Lexbase : L2073ATX. La provision redevient disponible à l'issue d'un délai d'un an, si elle n'a pas été utilisée par l'effet d'une nouvelle présentation du chèque impayé, ou immédiatement lorsque le titulaire du compte justifie le règlement par la remise du chèque au tiré), mais encore payé une pénalité libératoire.

Toutefois, l'émetteur du chèque est dispensé de payer la pénalité quand le titulaire du compte ou son mandataire n'a pas émis un autre chèque rejeté pour défaut de provision dans les douze mois qui précèdent l'incident de paiement à la condition de justifier, dans un délai d'un mois à compter de l'injonction aux fins de régularisation, avoir réglé le montant du chèque ou constitué entre les mains du tiré une provision suffisante, disponible et affectée au règlement de l'incident.

Le mécanisme de la pénalité libératoire est prévu aux articles L. 131-75, L. 131-76 et L. 131-77 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3469AP8).

Pour que la régularisation produise plein effet, il est nécessaire que le tireur du chèque paie 22 euros par tranche de 150 euros ou fraction de tranche (le montant est porté au double lorsque le titulaire du compte ou son mandataire a déjà procédé à trois régularisations lui ayant permis de recouvrer la faculté d'émettre des chèques au cours des douze mois qui précèdent l'incident de paiement). Cette pénalité est versée au Trésor public dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat.

En cas de procédure collective, les créanciers titulaires de créances ayant leur origine antérieurement au jugement d'ouverture doivent adresser la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers (C. com., art. L. 621-43 N° Lexbase : L6895AI9 ; en doctrine, voir : M. Jeantin et P. Le Cannu, précité, n° 811 ; F. Pérochon et R. Bonhomme, précité, n° 265).

Cette déclaration porte le montant de la créance au jour du jugement d'ouverture et précise la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est assortie. Sauf si elle résulte d'un titre exécutoire, la créance déclarée est certifiée sincère par le créancier (C. com., art. L. 621-44 N° Lexbase : L6896AIA). L'article L. 621-46 sanctionne l'absence de déclaration en indiquant qu'"à défaut de déclaration (...) les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et dividendes " (N° Lexbase : L6898AIC).

La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998, relative à la lutte contre les exclusions, complétée par le décret n° 99-656 du 29 juillet 1999, a atténué la portée de l'interdiction d'émettre des chèques en cas de procédure collective. En vertu de l'alinéa 5 de l'article L. 621-46 du Code de commerce, lorsque la créance est éteinte sans relevé de forclusion pour défaut de déclaration, "cette extinction vaut régularisation de l'incident de paiement au sens de l'article 65-3 du décret du 30 octobre 1935".

Le débiteur doit demander au banquier d'aviser la Banque de France de cette régularisation et justifier pour cela de l'absence de déclaration et de relevé de forclusion par une attestation du représentant des créanciers, du liquidateur, du commissaire à l'exécution du plan ou du greffier (Décret n° 85-1388, 27 décembre 1985, art. 68-1 N° Lexbase : L9117AGR).

En outre, l'article L. 621-33 du Code de commerce indique que la clôture de la liquidation judiciaire suspend les effets de la mesure d'interdiction d'émettre des chèques (N° Lexbase : L6885AIT). Quand les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle, la mesure d'interdiction reprend effet à compter de la délivrance du titre exécutoire visé à l'article L. 621-32 du Code de commerce.

Le liquidateur se fait remettre un relevé des incidents de paiement et le dépose au greffe dès lors que le débiteur fait l'objet d'une mesure d'interdiction d'émettre des chèques (Décret n° 85-1388, 27 décembre 1985, art. 153-1 N° Lexbase : L9117AGR). Le débiteur justifie auprès du banquier de la suspension de l'interdiction en produisant une expédition du jugement de clôture et un relevé des incidents de paiement de chèques enregistrés à son nom (Décret n° 85-1388, 27 décembre 1985, art. 153-2).

Dans l'espèce rapportée, Madame Conrad ayant émis des chèques sans provision, le Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine lui notifie une interdiction d'émettre des chèques pendant dix ans (avant la loi NRE). Suite à la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif de Madame Conrad, celle-ci demande la mainlevée de l'interdiction d'émettre des chèques en arguant que les créances des bénéficiaires des chèques sans provision étaient éteintes, faute d'avoir été déclarées à la procédure collective.

L'émetteur du chèque reproche à l'arrêt de la cour d'appel de Metz, en date du 30 avril 1998, d'avoir rejeté sa demande. Il invoque le fait que "les bénéficiaires des chèques émis sans provision n'avaient pas déclaré leurs créances suite à un jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que dès lors les chèques devaient être considérés comme réglés au sens de l'article 65-3 du décret-loi du 30 octobre 1935".

Au travers de cette décision, la Chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce dans le même sens que les juges d'appel en relevant que "la procédure collective ne pouvait en aucun cas valoir régularisation des incidents au sens de l'article 65-3 du décret-loi du 30 octobre 1935".

Toutefois, depuis la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, complétée par le décret n° 99-656 du 29 juillet 1999, il apparaît que cette attitude des magistrats doit aujourd'hui être abandonnée. En effet, la régularisation résulte de plein droit du défaut de déclaration de la créance que le chèque avait pour objet de payer au représentant des créanciers de la procédure collective ouverte contre le tireur du chèque.

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