Le Quotidien du 19 avril 2021 :

[Brèves] Cautionnement : la disproportion opposée par la caution à une mesure d'exécution forcée échappe à la prescription

Réf. : Cass. com., 8 avril 2021, n° 19-12.741, F-P (N° Lexbase : A12914PI)

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N7190BYX

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par Vincent Téchené

le 16 Avril 2021

► La contestation opposée par une caution, sur le fondement de la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, à une mesure d'exécution forcée engagée par le créancier échappe à la prescription.

Faits et procédure. Par acte notarié du 9 octobre 2009, une banque a consenti, à une société, une ouverture de crédit en compte courant, garantie, dans le même acte, par un cautionnement solidaire. La société a été mise en redressement judiciaire et a bénéficié d'un plan de redressement. Faisant suite à la résolution du plan et à la mise en liquidation judiciaire de la société, la banque a fait délivrer, le 28 janvier 2005, à la caution un commandement aux fins de saisie-vente. La caution ayant, le 10 février 2015, assigné la banque devant le juge de l'exécution en annulation du commandement, la banque lui a opposé la prescription de son action.

La cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier, 20 décembre 2018, n° 18/00336 N° Lexbase : A2596YRL) ayant condamné la caution, elle a formé un pourvoi en cassation. Elle reprochait alors à l’arrêt d’appel de la déclarer irrecevable en ce qu'elle oppose à la banque un manquement à son devoir de mise en garde et, en conséquence, de déclarer bon et valable le commandement aux fins de saisie-vente délivré.

Décision. La Cour de cassation opère une double censure de l’arrêt d’appel.

En premier lieu, la Cour de cassation énonce donc, au visa des articles L. 110-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L4314IX3) et L. 341-4 (N° Lexbase : L8753A7C), devenu L. 343-4 (N° Lexbase : L1103K7Y), du Code de la consommation, que la contestation opposée par une caution, sur le fondement de la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, à une mesure d'exécution forcée engagée par le créancier échappe à la prescription.

Or, pour déclarer la caution irrecevable, pour tardiveté, à opposer à la banque la disproportion manifeste de son engagement de caution à ses biens et revenus, l'arrêt, après avoir énoncé que la prescription applicable était celle prévue par l'article L. 110-4 du Code de commerce, retient que le délai quinquennal de « l'action » dont la caution disposait pour contester l'acte fondant les poursuites à son encontre a commencé à courir à compter du 9 octobre 2009, date de conclusion du cautionnement, la caution ayant, dès la signature de l'acte, toutes les informations lui permettant de contester la portée ou la validité de son engagement. En outre, l’arrêt d’appel ajoute qu'il importe peu que l'instance ait été introduite par la caution en réponse à un acte d'exécution, dès lors qu'elle a agi par voie principale pour contester l'acte fondant les poursuites entreprises.

La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel « en statuant ainsi, alors que, tendant à contester la possibilité pour la banque de se prévaloir du titre exécutoire notarié fondant ses poursuites, le moyen tiré de la disproportion manifeste de l'engagement de la caution à ses biens et revenus, que celle-ci invoquait pour s'opposer à la saisie-vente, échappait à la prescription, la cour d'appel a violé les textes visés ».

Observations. La première chambre civile et la Chambre commerciale de la Cour de cassation ont toutes les deux, déjà, retenu en 2018 que la prétention de la caution fondée sur la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus constitue un simple moyen de défense au fond, au sens de l’article 71 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1286H4E), sur lequel la prescription est sans incidence (Cass. civ. 1, 31 janvier 2018, n° 16-24.092, FS-P+B N° Lexbase : A4786XCA – Cass. com., 28 mars 2018, n° 16-27.832, F-D N° Lexbase : A8619XI3).

En second lieu, la Cour de cassation rappelle, au visa des articles 1147 (N° Lexbase : L1248ABT), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC), que le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement de dommages-intérêts formée par la caution contre l'établissement de crédit créancier pour manquement à son devoir de mise en garde est le jour où elle a su que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.

Or, la Cour de cassation relève que pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action de la caution en responsabilité contre la banque pour manquement à l'obligation de mise en garde, l'arrêt se prononce par les motifs précités, fixant le point de départ unique de la prescription à la date de la conclusion de l'acte de cautionnement.

Dès lors, pour la Haute juridiction, « en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que seul le commandement aux fins de saisie-vente délivré en janvier 2015 avait permis, à défaut d'un acte antérieur de mise en demeure ou d'exécution non mentionné par l'arrêt, à la caution de savoir que son engagement de caution allait être mis à exécution, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Observations. La Cour de cassation a déjà précisé que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité exercée par la caution contre la banque est fixé au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal (Cass. com., 13 décembre 2016, n° 14-28.097, F-D N° Lexbase : A2254SXR – Cass. com., 9 juillet 2019, n° 17-28.792, F-D N° Lexbase : A3671ZK8).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Proportionnalité et cautionnement, La prescription attachée à la disproportion du cautionnement (N° Lexbase : E24544PL) et ÉTUDE : Les effets du cautionnement entre le créancier et la caution, La mise en œuvre de la responsabilité du créancier par la caution (N° Lexbase : E2630GAN), in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase.

 

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