La lettre juridique n°470 du 26 janvier 2012 : Rupture du contrat de travail

[Jurisprudence] Le harcèlement sexuel en dehors du temps et du lieu de travail constitue une faute grave

Réf. : Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-12.930, FS-P+B, sur le second moyen (N° Lexbase : A5262IA7)

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par Lise Casaux-Labrunée, Professeur à l'Université Toulouse 1 Capitole

le 26 Janvier 2012

Amis lecteurs de Lexbase, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le harcèlement sexuel et que vous n'avez jamais osé demander... se trouve, non dans le dernier film de Woody Allen, mais dans le dernier ouvrage de Christophe Radé, au moins aussi attendu, tant il manquait dans la littérature juridique (1). Seulement, les auteurs que nous sommes savons bien qu'en droit, l'encre de nos plumes a à peine le temps de sécher que la prochaine réforme ou jurisprudence est déjà là. La somme précitée devra donc être amendée de la précision suivante apportée par la Chambre sociale de la Cour de cassation depuis la parution de l'ouvrage : le harcèlement sexuel peut être caractérisé même si les agissements ont eu lieu en dehors du temps et du lieu de travail. Un arrêt du 19 octobre 2011 avait déjà esquissé la solution (Cass. soc., 19 octobre 2011, n° 09-72.672, FS-P+B N° Lexbase : A8479HYP). Celui du 11 janvier 2012 donne à la Chambre sociale l'occasion de l'affirmer plus nettement : "le fait pour un salarié d'abuser de son pouvoir de direction dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel, même si les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail". La formule ne doit pas tromper : il ne s'agit pas d'un come-back de l'abus d'autorité comme élément caractéristique du harcèlement sexuel (comme avant la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9). La définition légale du harcèlement sexuel est claire : "les agissements de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits" (C. trav., art. L. 1153-1 N° Lexbase : L0736H97). L'élément important de la décision est bien l'ajout selon lequel le harcèlement sexuel peut être réprimé même s'il s'exerce en dehors de l'entreprise et du temps de travail... même là où, en principe, la vie privée reprend ses droits. Même si l'arrêt ne l'indique pas clairement, sans doute parce qu'elle va de soi, une condition est sous-entendue : la sanction professionnelle du harcèlement sexuel pratiqué en dehors du temps et du lieu de travail, suppose tout de même l'existence d'un lien entre les faits de harcèlement et la vie professionnelle du salarié coupable. Ce lien mériterait d'être précisé de façon à donner à la solution dont l'opportunité est peu discutable (I) un fondement juridique solide (II).
Résumé

Le fait pour un salarié d'abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel même si les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail, caractérisant ainsi une faute grave rendant impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise.

Commentaire

I - Une solution opportune

Définition du harcèlement sexuel. L'article L. 1153-1 du Code du travail définit le harcèlement sexuel comme "les agissements [...] de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers". Cette définition est silencieuse sur la question du temps et du lieu du harcèlement. Mais comme elle figure dans le Code du travail (Première partie : "Relations individuelles de travail"), on peut estimer sans grand risque que le législateur a d'abord souhaité prescrire les agissements de cette nature durant le temps et sur le lieu du travail, interdire tout harcèlement durant la vie professionnelle du salarié, en parfaite cohérence avec les obligations qui pèsent sur les entreprises en matière de santé et sécurité au travail. Hors du temps et du lieu de travail, le salarié n'est plus en situation de subordination et l'employeur ne peut pas en principe exercer, sur des faits commis dans un cadre privé, son pouvoir disciplinaire (2). "Quand il n'est plus au travail, le salarié redevient un homme libre et ce qu'il peut faire de [dans] sa vie ne regarde pas l'employeur" (3). Sans doute, ce que le salarié peut faire dans sa vie privée ne regarde pas l'employeur, mais s'agissant de harcèlement sexuel, le salarié pourra, le cas échéant, avoir à en rendre compte à d'autres... les mêmes faits étant condamnés par le droit pénal qui en donne la même définition (C. trav., art. L. 1155-2 N° Lexbase : L7221IME et C. pén., art. 222-33 N° Lexbase : L5378IGB).

Conception extensive. L'arrêt du 11 janvier 2012 pose une nouvelle fois la question des frontières entre vie personnelle et vie professionnelle, et celle de la zone grise où les deux se mélangent parfois. La Cour de cassation indique, dans cet arrêt, que l'employeur a pris sur les faits de harcèlement sexuel pratiqués dans cette zone grise, et que son pouvoir disciplinaire peut encore s'y exercer s'agissant de faits aussi graves. Même dans cet espace intermédiaire entre vie privée et vie professionnelle, le harcèlement sexuel sera qualifié de faute grave rendant impossible le maintien en fonction des salariés dénoncés. De fait, c'est une conception extensive de la définition du harcèlement sexuel que propose la Cour de cassation dans cet arrêt, à laquelle on ne peut qu'adhérer.

Harcèlements sexuels en dehors du temps et du lieu de travail. Stratagème, mensonge, attitudes déplacées... sont à l'origine du contentieux qui a conduit le directeur de plusieurs agences d'une grande banque française, après vingt-six ans d'ancienneté, à perdre son emploi, jetant du même coup le discrédit sur lui-même et sur son entreprise. De l'art d'obtenir les faveurs d'une salariée sous ses ordres : organisation d'un rendez-vous en dehors de l'entreprise et des heures de travail, pour un entretien concernant soi-disant l'évolution professionnelle de la collaboratrice convoitée... Rendez-vous donné dans un restaurant, soi-disant bondé et bruyant, inadapté pour des discussions sérieuses... Par chance, le restaurant fait également hôtel... Réservation d'une chambre où la collaboratrice suivra finalement son chef pour "en avoir le coeur net", connaître ses intentions véritables. L'entretien tournera court... sans "promotion canapé" !

Les agissements sanctionnés par les mêmes juges, le 19 octobre 2011, sont moins "subtils", sans ambiguïté, mais ils relèvent du même genre : propos à caractère sexuel tenu par un superviseur d'une équipe de standardistes à deux de ses collègues féminines lors de l'envoi de messages électroniques, hors du temps et du lieu de travail, sur MSN ou lors de soirées organisées après le travail. Dans les deux cas, pour des faits commis en lien avec le travail, mais en dehors des heures et du lieu de travail, la Chambre sociale de la Cour de cassation retient la faute grave justifiant le licenciement des salariés pervers.

Agissements répétés et faits isolés. La condamnation pour harcèlement sexuel suppose-t-elle des agissements répétés ou bien un fait isolé suffit-il à la sanction ? Le pluriel utilisé dans l'article L. 1153-1 du Code du travail qui interdit "les agissements"... suggère la condition de répétition. Cependant, "la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 (N° Lexbase : L8986H39) permet de sanctionner le harcèlement discriminatoire dès le premier acte s'il repose sur l'un des huit motifs prohibés par la loi (4). Dans cette hypothèse en pratique fréquente, lorsque le harceleur et le harcelé ne sont pas du même sexe, un seul agissement suffit pour caractériser la discrimination" (5). A contrario, dans le cas de harcèlement entre salariés de même sexe, la condition de répétition semble s'imposer pour que les agissements soient sanctionnés.

Dans l'arrêt du 11 janvier 2012, le salarié répréhensible a bien tenté de faire valoir la circonstance : "en s'abstenant de prendre en considération tant l'absence de sanctions antérieures que les vingt-six années d'ancienneté de M. X, tout en retenant à son encontre une faute grave pour un fait isolé", la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale. Les juges n'ont pas relevé l'argument, retenant là encore l'idée d'une conception extensive du harcèlement sexuel dont la condamnation ne passe plus systématiquement par la répétition d'agissements fautifs, quitte à contrarier la définition même du mot "harceler" qui implique pourtant cette répétition (6). A moins d'analyser le fait isolé dont s'est rendu coupable le salarié, dans l'affaire jugée le 11 janvier 2012 (organisation d'un stratagème pour obtenir les faveurs d'une collaboratrice -incluant éventuellement l'éloignement par mutation du "petit ami" de l'intéressée, sous les ordres du même...), comme une série de faits fautifs poursuivant un objectif commun... A moins de considérer aussi qu'en pratique le fait isolé de harcèlement sexuel est assez rare, plus probablement entouré d'autres circonstances que les victimes ne dénoncent pas toujours.

La solution peut-elle être étendue au harcèlement moral ? Si harcèlement sexuel et harcèlement moral présentent des caractères communs, ces pratiques relèvent néanmoins de définitions différentes (7). Sur la question de savoir si de tels faits peuvent être sanctionnés par l'employeur, même s'ils se déroulent en dehors du temps et du lieu de travail, on peut penser qu'elle se posera moins souvent pour le harcèlement moral qui peut se trouver plus facilement et complètement "satisfait" au temps et au lieu du travail, en comparaison du harcèlement sexuel qui aura peut-être tendance à s'exprimer davantage en dehors de l'entreprise. Pour autant, notamment par le biais des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le harcèlement moral d'un salarié sur un autre peut également sortir de l'entreprise et s'exercer facilement en dehors du temps et du lieu de travail (appels téléphoniques, SMS, MSN...). De plus, les juges ont déjà pris en considération un élément d'extériorité à l'entreprise pour retenir la qualification de harcèlement moral. Dans un autre arrêt du 19 octobre 2011 (Cass. soc., 19 octobre 2011, n° 09-68.272, FS-P+B N° Lexbase : A8752HYS), un employeur a été condamné pour manquement à son obligation de sécurité, pour des faits de harcèlement moral pratiqués sur un salarié par un tiers extérieur à l'entreprise (8). La solution posée par les juges, en matière de harcèlement sexuel, peut donc à notre sens être étendue sans difficulté aux agissements de harcèlement moral (sauf la question du fait isolé qui est propre au harcèlement sexuel, la définition du harcèlement moral étant plus précise), à condition cependant de mieux la justifier.

II - Un fondement juridique imprécis

Harcèlement en dehors du temps et du lieu de travail, mais en lien avec le travail. La solution donnée par l'arrêt du 11 janvier 2012 est importante, mais sa portée doit être bien comprise. Malgré la formulation très générale de son attendu principal (v. supra, introduction), il ne faut sans doute pas en déduire que tout harcèlement pratiqué par un salarié en dehors du temps et du lieu de travail relève du pouvoir disciplinaire de l'employeur. La chose va sans doute de soi, mais c'est mieux en la précisant : le harcèlement sexuel susceptible d'être sanctionné par l'employeur doit être en lien, d'une façon ou d'une autre, avec le travail du salarié harcelant. La solution ne s'appliquera tout d'abord que si la victime du harcèlement fait également partie de l'entreprise (harcèlement d'un salarié par un(e) autre). Si la victime est une personne totalement extérieure à l'entreprise, on peut penser que la sanction des faits répréhensibles échappera au pouvoir de l'employeur (mais elle relèvera dans ce cas du droit pénal). Il n'est pas exclu toutefois que la solution, au fil des espèces, soit étendue à des hypothèses de harcèlement concernant non pas des salariés stricto sensu de l'entreprise, mais des personnes appelées à y travailler à un autre titre (intérimaires, salariés de sous-traitants, mis à disposition...) l'employeur étant vis-à-vis d'eux responsable des conditions d'hygiène et de sécurité applicables dans l'entreprise.

Le harcèlement sexuel trouvera également sa source, le plus souvent, dans les fonctions du salarié, les positions hiérarchiques se révélant particulièrement "facilitatrices" de ce genre de comportement (fantasmes liés aux rapports de pouvoir). Tant et si vrai qu'initialement, le harcèlement sexuel était uniquement considéré comme un abus d'autorité, empêchant de sanctionner les harcèlements pratiqués entre collègues de même niveau hiérarchique (v. la première définition du harcèlement sexuel posée par la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 N° Lexbase : L0260AIH, ancien article L. 122-46 du Code du travail N° Lexbase : L5584ACS ; recod. art. L. 1153-2) (9).

Solution fondée sur l'abus de pouvoir et d'autorité ? Ce fondement-là est peu probable. L'abus de fonctions ne constitue plus depuis longtemps le critère du harcèlement sexuel (depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 qui a livré la définition actuelle du harcèlement sexuel, v. supra) et une "marche-arrière", de ce point de vue, paraît peu envisageable. En revanche, comme le montre l'espèce jugée le 11 janvier 2012 et dans une moindre mesure, celle jugée le 19 octobre 2011, les faits de harcèlement sexuel sont encore souvent le fait de supérieurs hiérarchiques auxquels le rapport de pouvoir a donné des ailes... mais pas celle des anges !

Solution fondée sur des faits de vie privée rattachés à la vie de l'entreprise ? La Cour de cassation a déjà utilisé ce fondement pour justifier le licenciement disciplinaire de salariés dont la vie privée avait produit des conséquences néfastes sur la vie de l'entreprise (10). Est-il utilisable ici ? A priori non.

Il ne semble pas, en effet, dans l'arrêt du 11 janvier 2012, que les juges aient permis la sanction, sur un terrain professionnel, de faits relevant de la vie privée. Le salarié a bien tenté l'argument, essayant au passage de retourner l'accusation de harcèlement contre la plaignante : "une rencontre, fût-ce entre un salarié de niveau cadre et l'une de ses salariées subordonnées, en dehors du temps et du lieu du travail, dans une chambre d'hôtel, dans laquelle la salariée s'est rendue sciemment et librement après que, selon ses propres dires, elle a pourtant entendu l'autre personne demander à la réception de l'hôtel une chambre pour la nuit, constitue un fait de la vie privée, insusceptible de justifier une sanction disciplinaire". Mais l'argument n'a pas convaincu (notamment par le manque établi de véracité des affirmations faites par le salarié dénoncé). De tels faits relèvent-ils de la vie personnelle ? Si l'arrêt du 11 janvier 2012 est silencieux sur la question, celui rendu par les mêmes juges le 19 octobre 2011 est plus explicite : "les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées du salarié à l'égard de personnes avec lesquelles l'intéressé est en contact en raison de son travail ne relèvent pas de sa vie personnelle" (n° 09-72672). Dont acte : nous sommes dans la zone grise entre vie professionnelle et vie privée et dès lors que les faits répréhensibles reprochés au salarié ont un lien avec son travail, l'employeur peut exercer sur eux son pouvoir disciplinaire, même s'ils ont été commis en dehors de l'entreprise et hors temps de travail. Comme un condamné qui cherche à "passer la frontière" pour échapper à la justice de son pays, le salarié coupable de harcèlement sexuel cherche à rejoindre le territoire protégé de sa vie privée où il pourrait laisser libre cours à ses pulsions (sauf la sanction du droit pénal)... mais il est rattrapé de justesse par une justice qui considère que le harcèlement sexuel, dès lors qu'il est en lien avec la vie de l'entreprise, relève encore de la vie professionnelle du salarié fautif, et non pas de sa vie privée.

Solution fondée sur un trouble objectif causé à l'entreprise ? Si des faits de vie privée causant un trouble caractérisé au sein de l'entreprise ont pu, dans le passé, justifier des licenciements disciplinaires, il ne semble plus que ce soit le cas, la Chambre sociale de la Cour de cassation préférant désormais le terrain non disciplinaire pour la sanction de tels faits (simple licenciement pour motif personnel) (11). Doit-il en être de même pour des faits ne relevant pas stricto sensu de la vie privée, mais plutôt inscrits dans la zone grise entre vie professionnelle et vie privée ? Il ne nous semble pas. Le licenciement disciplinaire dans cette hypothèse pourrait être justement fondé sur de tels motifs. En l'espèce, le préjudice et le trouble causé à l'entreprise par le harcèlement sexuel sont bien réels : faits de nature à jeter le discrédit sur l'entreprise et à causer un trouble grave au sein de celle-ci dans la mesure où le salarié concerné dirigeait plusieurs agences, atteinte portée au sérieux et l'image de marque d'une entreprise comme celle-là...

Solution fondée sur un manquement à une obligation contractuelle ? Sans doute est-ce là le fondement juridique le plus probable, en tous cas au regard de la dernière jurisprudence de la Chambre sociale qui admet le licenciement disciplinaire lorsqu'un fait tiré de la vie personnelle peut s'analyser en un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail. A fortiori, pour des faits relevant de la "zone grise" entre vie professionnelle et vie privée, le même fondement doit-il pouvoir être retenu. Nous renvoyons sur ce point à notre commentaire de la solution proposée par les juges lors d'un arrêt du 8 novembre 2011 (12)... et à sa critique principale : ce fondement juridique n'est solide qu'à condition de préciser l'obligation dont le manquement est reproché au salarié. S'agissant de harcèlement sexuel, la précision ne devrait pas soulever trop de difficulté. Pour le moins, le salarié qui se livre à des pratiques de harcèlement sexuel en lien avec son activité professionnelle manque à son obligation de loyauté à l'égard de l'employeur (utilisation des moyens de l'entreprise -au sens large- à des fins autres que professionnelles). Dans ces circonstances, il est normal que de tels agissements puissent être sanctionnés d'un point de vue disciplinaire, et que l'employeur soit autorisé à mettre fin rapidement au contrat de travail.

Pour ceux qui craignent que l'obligation de loyauté, aux contours assez flous, ne permette de réinvestir l'employeur d'un pouvoir disciplinaire permettant d'atteindre exagérément des faits tirés de la vie personnelle (13), une autre solution est peut-être envisageable fondée non plus sur la loyauté, mais sur les exigences contemporaines en matière de santé et sécurité au travail qui pèsent d'abord sur l'employeur, mais également sur chaque salarié.

Harcèlement sexuel et obligations de santé et sécurité au travail. Chacun connaît désormais la jurisprudence sur ces questions : l'employeur n'a plus le choix d'ignorer les risques susceptibles de porter atteinte à la santé et sécurité des salariés de l'entreprise. En matière de harcèlement spécialement, prévenir ne suffit plus... il ne faut plus que de tels agissements se produisent ! Tel est bien l'injonction des arrêts du 3 février 2010 (Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-40.144, FP-P+B+R [LXB=] et 08-44.019, FP-P+B+R N° Lexbase : A6087ERU) : l'employeur manque à son obligation de sécurité de résultat, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, "quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements". Obligation est donc faite aux employeurs de réagir vite, le cas échéant par la sanction, de prévenir si ce n'est d'anticiper. Interdiction leur est faite d'ignorer ou de négliger de tels faits... d'où l'intérêt des dispositifs d'alerte professionnelle (14), à manipuler cependant avec précaution (15). Mais sous cet angle, obligation est aussi faite à chaque salarié "de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail" (C. trav., art. L. 4122-1 N° Lexbase : L1458H9U). Le salarié qui harcèle ses collègues, moralement ou sexuellement, manque aussi certainement à cette obligation...


(1) Ch. Radé, Discriminations et inégalités de traitement dans l'entreprise : tous égaux, tous différents , Editions Liaisons, Collection Droit vivant, 2011, p. 157 s..
(2) V. nos obs., Quand le salarié confond vie personnelle et vie professionnelle, Lexbase Hebdo n° 463 du 24 novembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N8948BS9).
(3) J.-Y. Frouin, Protection de la personne du salarié, intérêt de l'entreprise et construction prétorienne du droit du travail, JCP éd. S, 2010, p. 1087.
(4) Ethnie, race, religion, convictions, âge, handicap, orientation sexuelle et sexe.
(5) Ch. Radé, Discriminations et inégalités de traitement dans l'entreprise : tous égaux, tous différents , préc., n° 328.
(6) "Soumettre sans répit à de petites attaques réitérées, à de rapides assauts incessants" selon le Dictionnaire Robert de la Langue française.
(7) Le harcèlement moral est défini à l'article L. 1152-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0724H9P) selon lequel : "aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".
(8) "L'employeur doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés", S. Tournaux, Un pas de plus vers la plénitude de l'obligation de sécurité de résultat, Lexbase Hebdo n°460 du 2 novembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N8506BST).
(9) "Aucun salarié ne peut être sanctionné ni licencié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement d'un employeur, de son représentant ou de toute personne qui, abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, a donné des ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou exercé des pressions de toute nature sur ce salarié dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers".
(10) Cass. soc. 10 décembre 2008, n° 07-41.820, FS-P+B (N° Lexbase : A7240EBR) (injures proférées contre l'employeur à l'extérieur de l'entreprise et hors du temps de travail mais devant des personnes que le salarié était chargé d'encadrer).
(11) Cass. soc. 9 mars 2011, n° 09-42.150, FS-P+B (N° Lexbase : A2470G9D), JCP éd. S, 2011, 1230, note J. Mouly.
(12) V. nos obs., Quand le salarié confond vie personnelle et vie professionnelle, Lexbase Hebdo n° 463 du 24 novembre 2011 - édition sociale, préc..
(13) G. Loiseau, Vie personnelle et licenciement disciplinaire, D., 2011, p. 1568.
(14) Dispositifs définis par la Cnil comme des "systèmes mis à la disposition des employés d'un organisme public ou privé pour les inciter, en complément des modes normaux d'alerte sur les dysfonctionnements de l'organisme, à signaler à leur employeur des comportements qu'ils estiment contraires aux règles applicables et pour organiser la vérification de l'alerte ainsi recueillie au sein de l'organisme concerné" (Délibération n° 2005-305 du 8 décembre 2005 portant autorisation unique de traitements automatisés de données à caractère personnel mis en oeuvre dans le cadre de dispositifs d'alerte professionnelle N° Lexbase : X6007ADT, modifiée par une délibération n° 2010-369 du 14 octobre 2010 N° Lexbase : X3503AIL).
(15) V. les obs. de M. Oustin-Astorg, Elaboration et enjeux des codes de conduite et autres chartes éthiques, Lexbase Hebdo n° 468 du 12 janvier 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N9607BSM).

Décision

Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-12.930, FS-P+B, sur le second moyen (N° Lexbase : A5262IA7)

Rejet, CA Besançon,13 novembre 2009.

Texte visé : néant.

Mots-clés : licenciement disciplinaire, faute grave, harcèlement sexuel, agissements en dehors des lieux et temps de travail.

Liens base : (N° Lexbase : E2919ETB)

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