Réf. : Cass. crim., 11 mars 2020, n° 19-80.366, F-P+B+I (N° Lexbase : A12613IK)
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par June Perot
le 18 Mars 2020
► Si le président de la cour d’assises envisage de poser des questions spéciales relatives au caractère incestueux des infractions reprochées à l’accusé, celui-ci doit prévenir les parties avant les plaidoiries et réquisitions, afin de permettre à l’accusé ou à son avocat de faire valoir toutes observations utiles à la défense.
C’est ainsi que se prononce la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 11 mars 2020 (Cass. crim., 11 mars 2020, n° 19-80.366, F-P+B+I N° Lexbase : A12613IK).
Résumé des faits. Les faits de l’espèce concernaient un homme mis en accusation et renvoyé devant une cour d’assises pour viols, tentative et agressions sexuelles aggravés. Cette juridiction l’a déclaré coupable et condamné à la peine de douze ans de réclusion criminelle et, par arrêt distinct, a prononcé sur les intérêts civils. L’intéressé et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
L’affaire a été portée devant la Chambre criminelle.
A hauteur de cassation. Le demandeur faisait valoir que selon les mentions du procès-verbal des débats, le président de la cour d’assises n’a donné lecture de trois questions spéciales supplémentaires auxquelles la cour et le jury ont eu à répondre qu’après le réquisitoire et les plaidoiries.
Décision. La Chambre criminelle prononce la censure de l’arrêt d’assises au visa des articles 6 § 3 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), 348 (N° Lexbase : L3748AZT) et 356 (N° Lexbase : L0266K7Y) du Code de procédure pénale. Selon elle, il résulte du texte conventionnel que tout accusé a droit à être informé, dans le plus court délai, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui et doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Selon les articles 348 et 356, s’il résulte des débats que les faits sont susceptibles de comporter une circonstance non prévue par la décision de mise en accusation, le président de la cour d’assises doit avertir le ministère public et les parties, avant les réquisitions et plaidoiries, qu’il envisage de poser une question spéciale, dont il est donné lecture, sauf si les parties y renoncent.
La lecture des questions. Rappelons qu’une fois les débats clos, le président donne lecture des questions auxquelles la cour et le jury doivent répondre. Cette lecture est obligatoire, à moins que l’accusé ou son avocat y renonce, ou encore que les questions posées soient les mêmes que celles figurant dans la décision de mise en accusation (C. proc. pén., art. 348). Il s’ensuit, par exemple, que la lecture est impérative lorsqu’est posée une question relative à une circonstance aggravante de minorité non visée dans la décision de mise en accusation (Cass. crim., 3 septembre 2008, n° 08-81.288, F-D N° Lexbase : A0436IRL). Il en va de même s’agissant d’une question retenant une qualification pénale des faits différente de celle figurant dans la décision de mise en accusation (Cass. crim., 18 octobre 2017, n° 16-84.706, F-D N° Lexbase : A4553WWK).
La lecture des questions par le président doit normalement intervenir après la clôture des débats. Toutefois, s’agissant des questions subsidiaires, il appartient au président, avant les plaidoiries et les réquisitions, de prévenir les parties de son intention de poser lesdites questions, sauf à méconnaitre les dispositions de l’article 6 § 3 de la CESDH imposant que l’accusé soit informé dans le plus court délai de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, mais aussi qu’il dispose du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense (Cass. crim., 5 janvier 2011, n° 10-82.179, F-D N° Lexbase : A3740GRX ; Cass. crim., 11 mai 2011, n° 10-85.638, F-D N° Lexbase : A5139HTI ; Cass. crim., 28 mai 2015, n° 14-82.559, FS-P+B N° Lexbase : A8171NIH).
Dans l’arrêt du 11 mars 2020, le procès-verbal des débats faisait apparaître, qu’après clôture de ceux-ci, et après avoir donné la parole au ministère public et aux parties, le président a donné lecture des questions posées dans les termes de la décision de renvoi et de trois questions spéciales, relatives au caractère incestueux des infractions, auxquelles la cour et le jury auraient à répondre, en application de l’article 348 du Code de procédure pénale.
La Chambre criminelle considère qu’en procédant ainsi, sans qu’il ressorte des énonciations du procès-verbal des débats que, pour permettre à l’accusé ou à son avocat de faire valoir toutes observations utiles à la défense, le président ait prévenu les parties, avant les plaidoiries et réquisitions, qu’il envisageait de poser, comme résultant des débats, lesdites questions spéciales, celui-ci a méconnu les textes et les principes susvisés.
Pour aller plus loin : Cf. l’Ouvrage « Procédure pénale » (dir. J.-B. Perrier), ETUDE : Le jugement des crimes, La lecture des questions, B. Fiorini et J. Boudot ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 55961440, "corpus": "encyclopedia"}, "_target": "_blank", "_class": "color-encyclopedia", "_title": "ETUDE : Le jugement des crimes", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: E3402Z9U"}}) |
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