Le Quotidien du 2 janvier 2020 : Procédure pénale

[Brèves] Maintien en détention provisoire et charge de la preuve de l’existence de circonstances nouvelles justifiant une remise en liberté

Réf. : CJUE, 28 novembre 2019, aff. C-653/19 PPU, DK (N° Lexbase : A8605Z34)

Lecture: 4 min

N1524BY4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Maintien en détention provisoire et charge de la preuve de l’existence de circonstances nouvelles justifiant une remise en liberté. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/55516340-breves-maintien-en-detention-provisoire-et-charge-de-la-preuve-de-lexistence-de-circonstances-nouvel
Copier

par June Perot

le 02 Janvier 2020

► L’article 6 de la Directive (UE) 2016/343 du 9 mars 2016 (N° Lexbase : L0018K7S), relatif à la charge de la preuve visant à établir la culpabilité des suspects et des personnes poursuivies, qui incombe à l’accusation, ainsi que les articles 6 et 47 de la Charte des droits fondamentaux (N° Lexbase : L0230LGM) de l’Union européenne, ne sont pas applicables à une législation nationale qui subordonne la remise en liberté d’une personne placée en détention provisoire à l’établissement, par cette personne, de l’existence de circonstances nouvelles justifiant cette remise en liberté ;

► La Cour précise également que la décision judiciaire ayant pour seul objet l’éventuel maintien en détention provisoire d’une personne ne peut être qualifiée de décision judiciaire statuant sur la culpabilité au sens de cette Directive.

C’est ainsi que statue la CJUE dans un arrêt rendu le 28 novembre 2019 (CJUE, 28 novembre 2019, aff. C-653/19 PPU, DK N° Lexbase : A8605Z34).

Le litige. Une personne soupçonnée d’appartenir à un groupe criminel et d’avoir commis un assassinat a été placée en détention provisoire. L’intéressé a été renvoyé devant le tribunal spécialisé de Bulgarie en vue d’être jugé. Il a présenté sept demandes de remise en liberté, lesquelles ont toutes été rejetées, en première instance ou en appel, au motif que les arguments qu’il avait présentés n’étaient pas suffisamment convaincants au regard des exigences du droit national. Lors de l’audience tenue par le tribunal pénal spécialisé, l’intéressé a présenté une nouvelle demande de remise en liberté. La juridiction de renvoi a relevé qu’il résulte de la législation bulgare que, à la suite du renvoi devant un tribunal d’une personne placée en détention provisoire en vue d’être jugée, ce tribunal doit effectuer, au préalable, un contrôle du bien-fondé de cette détention. Si ledit tribunal juge que ladite détention est légale, cette dernière se poursuit sans limitation de durée et n’est pas réexaminée d’office par la suite. La remise en liberté de la personne détenue ne peut être accordée que si cette dernière en formule la demande et prouve l’existence de circonstances nouvelles justifiant sa libération

En conséquence, le tribunal pénal a estimé qu’au regard des exigences de la législation bulgare, il était improbable que l’intéressé parvienne à apporter une telle preuve.

Question préjudicielle. Ayant des doutes quant à la compatibilité de la législation bulgare avec l’article 6 et le considérant 22 de la Directive 2016/343, en tant que ces dispositions pourraient être interprétées comme imposant de faire supporter à l’accusation la charge de la preuve du bien-fondé du maintien de la personne concernée en détention provisoire, ainsi que comme ne permettant d’admettre des présomptions en faveur de ce bien-fondé que si ces dernières sont raisonnablement proportionnées au but poursuivi et prennent en compte les droits de la défense, a décidé de surseoir à statuer et poser à la CJUE la question préjudicielle formulée comme suit :

« Une législation nationale, qui, lors de la phase judiciaire de la procédure pénale, érige en condition l’existence d’un changement de circonstances pour qu’il soit fait droit à une demande de la défense tendant à la levée de la détention de la personne poursuivie, est-elle conforme à l’article 6 et au considérant 22 de la Directive 2016/343 ainsi qu’aux articles 6 et 47 de la [Charte] ? »

Reprenant la solution visée plus haut, la Cour de justice conclut que ces articles ne s’appliquent pas au cas présent d’une demande de remise en liberté.

Que faut-il comprendre ? L’article 6 de la Directive 2016/343 concerne la question de la charge de la preuve en vue de l’établissement de la culpabilité de la personne poursuivie. La question de la détermination de la charge de la preuve en vue de la remise en cause d’une décision de maintien en détention provisoire étant une question différente, elle n’est pas régie par l’article 6 de la Directive.

Il est à noter que l’Avocat général, M. Giovanni Pitruzella, rappelait avec inquiétude, dans ses conclusions, qu’une personne poursuivie « est une personne qui ne peut pas être encore considérée comme coupable et qui est même potentiellement innocente. Pouvons-nous nous sentir tout à fait à l’aise avec l’idée que sa détention soit illimitée dans le temps ? N’y at-il pas un abus de langage à continuer de parler de détention provisoire ? Ainsi, s’il ne m’appartient certes pas de revenir sur le choix qu’ont fait les États membres d’opter pour des régimes qui recourent massivement à la détention provisoire, il me semble que toute analyse relative à cette thématique doit garder à l’esprit que ce sont de potentiels non coupables qui attendent, dans des conditions généralement plutôt miteuses, que leur sort pénal soit fixé ».

newsid:471524

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus