Le Quotidien du 26 novembre 2019 : Avocats/Procédure

[Brèves] Révocation d’un mandat délivré à un avocat par le liquidateur d’un établissement de crédit : quels effets devant le juge de l’Union ?

Réf. : CJUE, 5 novembre 2019, aff. C-663/17 P (N° Lexbase : A7795ZTU)

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N1271BYQ

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par Marie Le Guerroué

le 21 Novembre 2019

► Le fait que le liquidateur d’un établissement de crédit disposait, en vertu du droit d’un Etat membre, du pouvoir de révoquer le mandat délivré à l’avocat de cet établissement aux fins de l’introduction d’un recours devant le juge de l’Union contre la décision litigieuse ne suffit pas pour justifier la reconnaissance d’une telle révocation par le juge de l’Union, si celle-ci porte atteinte, au droit de l’établissement, consacré à l’article  47 de la Charte, à une protection juridictionnelle effective. 

 

Ainsi statue la Cour de justice de l’Union européenne dans une décision du 5 novembre 2019 (CJUE, 5 novembre 2019, aff. C-663/17 P N° Lexbase : A7795ZTU). 

Procédure. Par leurs pourvois, la Banque centrale européenne et, la Commission européenne notamment demandaient l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 12  septembre  2017 (TUE, 12 septembre 2017,  aff. 247/16, non publiée) par laquelle celui-ci a, d’une part, jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours tendant à l’annulation de la décision de la Banque centrale européenne (BCE) portant retrait d’un agrément accordé à un établissement de crédit letton et, d’autre part, rejeté l’exception d’irrecevabilité de la BCE en tant qu’elle concernait le recours formé par plusieurs actionnaires d’un établissement de crédit letton tendant à l’annulation de cette décision. L’établissement et ses actionnaires contestaient le motif selon lesquels le mandat délivré à leur avocat par la direction de l’établissement avait été valablement révoqué par le liquidateur et la conséquence qui en a été tirée par le Tribunal, selon laquelle il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours introduit par elle. 

Protection juridictionnelle effective. La CJUE rappelle que la protection juridictionnelle effective d’une personne morale telle que l’établissement de crédit letton, dont l’agrément a été retiré par une décision d’une institution de l’Union telle que la BCE est assurée par le droit dont dispose cette personne d’introduire devant le juge de l’Union un recours en annulation contre ladite décision.  Pour qu’un tel recours soit recevable, il est nécessaire de démontrer que la personne concernée a réellement pris la décision d’introduire le recours et que les avocats qui prétendent la représenter ont effectivement été mandatés à cette fin (voir, en ce sens, CJCE, 18 janvier 2007, aff. C-229/05 N° Lexbase : A5724DT8). C’est précisément en vue de s’assurer que tel est bien le cas que l’article  51, paragraphe  3, du règlement de procédure du Tribunal requiert des avocats, lorsque la partie qu’ils représentent est une personne morale de droit privé, de déposer au greffe du Tribunal un mandat délivré par ladite partie, le défaut de production dudit mandat pouvant entraîner, conformément au paragraphe  4 de cet article, l’irrecevabilité formelle de la requête. 

Etablissement de crédit/ Personne morale. S’agissant d’un établissement de crédit constitué sous la forme d’une personne morale régie par le droit d’un Etat membre, c’est, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, conformément à ce droit qu’il y a lieu de déterminer les organes de cette personne morale habilités à prendre ces décisions. Or, il serait porté atteinte au droit d’une personne morale, telle que l’établissement letton, à un recours juridictionnel effectif devant les juridictions de l’Union si, en application du droit de l’Etat membre concerné, un liquidateur compétent pour prendre de telles décisions était désigné sur proposition d’une autorité nationale qui a participé à l’adoption de l’acte faisant grief à la personne morale concernée et ayant conduit à sa mise en liquidation. En effet, eu égard au lien de confiance qu’implique une telle procédure de désignation entre cette autorité et le liquidateur désigné ainsi qu’au fait qu’un liquidateur a pour mission de procéder à la liquidation définitive de la personne morale mise en liquidation, le risque existe que ce liquidateur évite toute remise en cause, dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, d’un acte que ladite autorité a elle-même adopté ou qui a été adopté avec son concours et qui a conduit à la mise en liquidation de la personne morale concernée. Ces situations dès lors qu’elles impliquent un conflit d’intérêts, sont susceptibles de porter atteinte au droit de la personne morale concernée à un recours effectif (voir, en ce sens, CEDH, 24  novembre 2005, Req. 49429/99, §§ 117 et 118). 

Application.   En l’espèce, le mandat produit par l’avocat qui a introduit le recours devant le Tribunal au nom de l’établissement a été délivré par une personne qui, à la date de délivrance du mandat, était habilitée à cette fin. Toutefois, la juridiction compétente lettone a ordonné la liquidation de l’établissement après la délivrance de ce mandat et désigné le liquidateur. Ladite juridiction a, en outre, rejeté la demande de l’établissement visant au maintien des pouvoirs de représentation de son ancien organe de direction en ce qui concernait, notamment, l’introduction d’un recours contre la décision litigieuse devant le juge de l’Union. Par ailleurs, à la suite de sa nomination, le liquidateur de l’établissement a révoqué l’ensemble des mandats émis par cette société, y compris celui de l’avocat qui avait introduit le recours devant le Tribunal, révocation dont ce dernier a eu connaissance au plus tard le 28 octobre 2016, date à partir de laquelle la révocation doit être considérée comme effective.    Le Tribunal a, dès lors, considéré, que cet avocat ne disposait plus de mandat régulièrement établi par cette société, et que, par conséquent, il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours de celle-ci. Le Tribunal a écarté, à cette fin, l’argument de l’établissement, tiré d’un conflit d’intérêts du liquidateur, en estimant que, dans la mesure où la juridiction lettone compétente avait rejeté la demande de l’établissement visant au maintien des pouvoirs de représentation de son organe de direction, cet argument n’était pas susceptible de remettre en cause l’existence, en vertu du droit letton, du pouvoir du liquidateur de l’établissement de révoquer le mandat délivré antérieurement à l’avocat de celle-ci. Le Tribunal a ajouté que, «en tout état de cause [...] l’application du droit letton n’abouti[ssait] pas [...] à la violation du droit de l’Union et, en particulier, du droit à une protection juridictionnelle effective», dès lors que cette application conduisait non pas à priver d’un recours les banques dont l’agrément avait été retiré, mais à confier la responsabilité de ce recours à un liquidateur. 

Erreur de droit. Les motifs avancés par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée sont donc entachés d’une erreur de droit. La CJUE énonce la solution susvisée et estime que, dès lors que la mise en liquidation de l’établissement de crédit est, conformément aux dispositions lettones applicables, une conséquence du retrait de son agrément opéré par la décision litigieuse, l’annulation de celle-ci consécutive au recours de l’établissement peut conduire au retrait de la décision ordonnant la liquidation de celle-ci et, par voie de conséquence, à celui de la décision de nomination du liquidateur (cf. l'Ouvrage “La profession d’avocat” N° Lexbase : E9557ET7). 

 

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