Réf. : Cass. crim., 19 décembre 2018, n° 18-81.328, F-P+B (N° Lexbase : A6664YRA)
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par June Perot
le 09 Janvier 2019
► Un syndicat intercommunal à vocations multiples (SIVOM) a la qualité de personne chargée d’une mission de service public au sens des articles 432-10 (N° Lexbase : L9472IYH) et 432-14 (N° Lexbase : L7454LBP) du Code pénal dans la mesure où il a pour objet la réalisation et la gestion de l’alimentation en eau potable et du réseau d’assainissement d’une agglomération, de sorte qu’il est chargé directement ou indirectement d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général ;
toutefois, la cassation n’est pas encourue dès lors que les activités respectives de fixation d’une taxe et d’attribution d’un marché public, à l’occasion desquelles les délits de concussion et de favoritisme ont été commis, ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’une convention de délégation de service public au sens de l’article 121-2 du Code pénal (N° Lexbase : L3167HPY).
Telle est la solution énoncée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 19 décembre 2018 (Cass. crim., 19 décembre 2018, n° 18-81.328, F-P+B N° Lexbase : A6664YRA).
Au cas de l’espèce, un syndicat intercommunal à vocations multiples (SIVOM), ayant pour objet la réalisation et la gestion de l'alimentation en eau potable et du réseau d'assainissement d’une agglomération, a, le 22 juin 2006, signé avec une société X un contrat d'affermage fixant "les conditions d'exploitation par affermage du service public de l'assainissement comprenant la collecte, le pompage et le traitement des eaux usées", et ce jusqu'au 31 décembre 2017, le SIVOM continuant toujours pour sa part à gérer le service de l'eau. L'article 62.01 de la convention prévoyait que la rémunération du service comprenait, d'une part, la rémunération du fermier relative à la collecte et au traitement des eaux usées définie à la section 63.01 et fixée à 1,45 euros par m3 d'eau usée recouvrée par la société X à charge pour elle de restituer ces sommes au SIVOM, d'autre part, une surtaxe s'ajoutant au prix d'assainissement et revenant à la collectivité, recouvrée dans les mêmes conditions par la société, définie à l'article 64 et dont le montant devait, aux termes de ce texte, être fixé par la collectivité.
Par délibération du 20 mai 2008, le comité syndical, organe délibérant du SIVOM, a décidé que "le montant du tarif des eaux collectées reste fixé à 1 euro/m3 selon les termes de la délibération du 18 juin 2002". Le 7 juin 2011, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir constaté l'absence de toute délibération fixant le tarif de la surtaxe pour la période correspondant au second semestre 2006, à l'année 2007 et au premier trimestre 2008, alors même que la société avait émis des factures portant la mention d'un surcoût de 1 euro/m3 d'eau usée correspondant aux consommations constatées durant cette même période, ayant généré la perception d'une somme totale de 220 650,14 euros, a jugé que la décision du SIVOM d'opérer ce prélèvement du 22 mai 2006 au 20 mai 2008 était entachée d'illégalité.
Une association a dénoncé, outre le prix prohibitif de l’eau au sein du SIVOM, l’attribution irrégulière par celui-ci d'un marché d'un montant de 320 800 euros HT à la société X en vue de la réhabilitation de la station d'épuration, et d'un autre marché de mise en conformité d’un chemin à une autre entreprise. Le procureur de la République a alors ouvert une information des chefs d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et de concussion à l'issue de laquelle le juge d'instruction a ordonné le renvoi du SIVOM devant le tribunal correctionnel pour avoir, de juillet 2006 au 30 juin 2008, étant chargé d'une mission de service public, par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié en l'espèce en concluant d'une part, le 24 novembre 2008 avec la société X, un marché public de remise en état des équipements d'assainissement pour un montant de 320 800 euros et d'autre part, avec une autre entreprise, un contrat de marché public de mise en conformité du réseau d'approvisionnement en eau d’un chemin, marché en réalité attribué le 26 mars 2008, au mépris des règles édictées par le Code des marchés publics garantissant l'égalité des candidats, la transparence et la liberté d'accès à la commande publique et pour avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, étant chargé d'une mission de service public, reçu, exigé ou ordonné de percevoir à titre de droits, contributions, impôts ou taxes publiques, une somme qu'il savait ne pas être due ou excéder ce qui est dû, en l'espèce, la perception indue auprès des usagers d'une surtaxe pour un montant total de 220 650,14 euros correspondant à la somme de 1 euro/m3 d'eau usagée pour la période de juillet 2006 à juin 2008, la société X étant, pour sa part, renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef de complicité de ces deux délits et de recel du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics.
Le tribunal correctionnel a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite par jugement du 8 janvier 2016 à l'encontre duquel le procureur de la République a interjeté appel.
En cause d’appel, pour renvoyer le SIVOM des fins de la poursuite des chefs de concussion et d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, l’arrêt énonce que le SIVOM, qui est un organisme public, ne revêt pas les qualités de personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Les juges ont ajouté, concernant, d’une part, le délit de concussion, qu’il n’était pas démontré que le SIVOM ait eu conscience du caractère indu de la somme qu’il a exigé de percevoir et que, s’agissant d’une décision collective, elle n’aurait pu être imputée aux membres de l’organe collégial, à raison de leur seule participation à cette dernière ; d’autre part, le délit d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, s’agissant de la société X, qu’à supposer que l’infraction principale soit établie, l’avenant litigieux du 24 novembre 2008, conclu sans procédure de publicité ou de mise en concurrence et sans saisine pour avis de la commission de service public, n’avait pas été déféré par le préfet devant la juridiction administrative aux fins d’annulation et que la chambre régionale des comptes, qui en a pointé les insuffisances, n’avait pas conclu à son illégalité. Un pourvoi a été formé.
La Haute juridiction, reprenant la solution susvisée, ne censure toutefois pas l’arrêt dès lors que les activités respectives de fixation d’une taxe et d’attribution d’un marché public, à l’occasion desquelles les délits susvisés ont été commis, ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’une convention de délégation de service public au sens de l’article 121-2 du Code pénal (N° Lexbase : L3167HPY) (cf. l’Ouvrage «Droit pénal spécial», La concussion N° Lexbase : E9976EWE ; Les atteintes à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public N° Lexbase : E9979EWI et l’Ouvrage «Marchés publics» N° Lexbase : E2294EQZ).
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