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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 22 Septembre 2016
Fin août, les esprits s'échauffaient à nouveau, et pas uniquement au sujet de la tenue de bain républicaine adéquate. Les esprits s'échauffaient face aux conditions de sécurités de plus en plus déplorables au sein des prisons françaises ; conditions de sécurité intimement liées aux conditions de vie, tout simplement, de ces détenus en surnombre.
La solution de fin de quinquennat béni-oui-oui ne s'est pas faite attendre : il manque 10 000 places en prison ? Qu'à cela ne tienne, construisions ces 10 000 (voire 15 000) places... dans les 10 années à venir. Cela ne mange pas de pain... tout juste le budget de la Chancellerie qui, bien qu'en augmentation, reste accaparé par une dépense carcérale incapable de résorber le mal-vivre, le mal-être des prisons depuis plus de trente ans.
Et pour cause : la seule réponse apportée par les gouvernements successifs fut inexorablement de construire toujours plus de place en prison. Plus de 60 % du parc pénitentiaire en 30 ans, avec les résultats et l'efficacité que l'on sait.
Une énième loi vient d'être présentée en conseil des ministres par un Garde des Sceaux fier que son plan soit "concret et précis", et surtout "financé"... certainement à coup de partenariats publics-privés, de manière à accélérer le financement et la construction des prisons ou antennes manquantes.
68 819 détenus au 1er août pour 58 507 places : l'équation est pourtant simple nous dit-on. Et toute la stratégie de l'Etat se résume à un parcours personnalisé vers la prison adéquate : une classification des établissements plus adaptée aux besoins ; de la prison de haute sécurité pour détenus dangereux, jusqu'aux établissements ouverts pour les condamnés en semi-liberté ou les détenus qui, en fin de peine, entrent dans des programmes de réinsertion, nous livre le Monde daté du 20 septembre 2016.
Sauf que la durée moyenne des peines de prison ferme est de onze mois ; sauf que le surnombre carcéral ne concerne que les détentions provisoires (28 % des détenus aujourd'hui).
La voilà l'équation à deux inconnues qu'il faut résoudre plutôt que de sempiternellement s'attacher à l'équation immobilière en matière de politique pénitentiaire. Bien évidemment, évitons la mixité entre détenus provisoires et détenus condamnés, bien que cette dernière population ne soit pas en surnombre carcéral -dans les établissements réservés aux condamnés, maison centrale ou centre de détention, la densité est inférieure à 100 %- : "être en prison pour un crime n'empêche pas de commencer un autre crime" écrivait élégamment Victor Hugo dans ses Misérables. Le meilleur moyen d'encourager la récidive, c'est bien encore de se faire côtoyer apprentis délinquants et maîtres de l'art.
Onze mois pour favoriser une réinsertion, alors que les sorties sont aujourd'hui sèches ! 10 000 détenus provisoires dans l'attente de la tenue de leur procès... sur fond d'échec patent de la contrainte pénale.
Peut-être qu'une politique de suivi et d'accompagnement des détenus pour faciliter leur réinsertion pourrait être envisagée ? Peut-être qu'accroître le nombre de magistrats pour accélérer les procédures pénales en cours pourrait être évoqué ?
En attendant, plus de prisons, soit ; mais qui va garder ces bâtiments trop vite occupés, quand les sous-effectifs chroniques de l'administration pénitentiaire font la une des journaux trop régulièrement ?
Il y a deux ans, nous évoquions la pénitence carcérale comme objectif premier de la prison, aujourd'hui elle constitue une peine à part entière et non plus un sas avant les galères, le bagne ou la mort. Mais "lorsque les mains sont liées, la rage monte au cerveau" nous livre l'injustement condamné Oskar Panizza, les conditions carcérales actuelles sont peu propices à l'examen de conscience, au repentir pour être finalement libre.... Véritablement libre, en dehors de toute question de murs et de préjugés...
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