Le Quotidien du 16 avril 2002 : Social général

[Jurisprudence] Concurrence déloyale : précisions apportées par la Cour de cassation

Réf. : Cass. com., 26 mars 2002, n° 00-10.528, [lxb=A3987AYC]

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N2585AAY

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par Sonia Koleck-Desautel, Docteur en droit, Chargée d'enseignement à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

L'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 26 mars 2002 retient que le tiers qui se rend complice d'un acte de concurrence déloyale ne peut être condamné que si sa faute est avérée et qu'il agit en toute connaissance de cause. Cet arrêt est l'occasion de rappeler les règles régissant l'action en concurrence déloyale ; celle-ci est une action en responsabilité civile qui suppose notamment la preuve d'une faute commise par celui contre lequel l'action est exercée.

En l'espèce, deux salariés d'une société ayant pour activité l'organisation de prestations dans le domaine du spectacle et de l'événement, donnent leur démission et constituent une société concurrente. Une tierce société, qui s'était préalablement adressée à la société de laquelle les salariés avaient démissionné, pour étudier l'organisation d'une prestation, avait par la suite confié le marché à la société nouvellement créée. On devine aisément la suite : l'entreprise d'organisation de prestations assigne en paiement de dommages-intérêts la société créée par ses ex-salariés ainsi que la société cliente de cette dernière.

En appel, son action est accueillie en ce qui concerne la société créée par les salariés démissionnaires, qui est condamnée pour concurrence déloyale, mais est rejetée en ce qu'elle est dirigée contre la tierce société ; la cour d'appel de Paris estime que la tierce société n'avait pas commis de faute en décidant, postérieurement à la démission des deux salariés, de confier le marché en cause à la société concurrente créée par ces salariés.

La société victime de la concurrence décide par conséquent de se pourvoir en cassation. Au soutien de sa demande, elle prétend qu'un tiers qui se rend complice d'un acte de concurrence déloyale, en toute connaissance de cause, commet une faute. Or, d'une part, selon elle, la société concurrente nouvellement créée avait nécessairement profité et utilisé les informations recueillies par les deux salariés à l'époque où ils étaient au service de la première société. D'autre part, la cour d'appel avait établi que la tierce société avait été informée du fait que le projet soumis avait été conçu et initié par le demandeur. Par conséquent, la cour d'appel ne pouvait pas, sans violer l'article 1382 du Code civil, ([lxb=L1488ABQ]), dénier l'existence d'une faute commise par la tierce société.

Ces arguments ne sont pas retenus par la Cour de cassation qui estime que la société défenderesse n'avait pas nécessairement eu connaissance de l'utilisation fautive par la société nouvellement créée des informations recueillies par les salariés démissionnaires alors qu'ils étaient encore au service de la société demanderesse. La société ne pouvait donc être condamnée de ce fait.

En revanche, la Cour de cassation casse, au visa des articles 1382 et 1383 du Code civil, ([lxb=L1489ABR]), l'arrêt rendu par la cour d'appel en ce que cette dernière ne s'est pas expliquée sur la circonstance selon laquelle la société défenderesse avait été informée de ce que les deux salariés n'avaient pas accompli leur préavis lorsqu'ils ont commencé leurs activités concurrentes. Il en résultait que la société défenderesse "ne pouvait ignorer le préjudice qu'elle causait" à la société demanderesse. Sa responsabilité civile pouvait donc être mise en jeu.

Le régime de l'action en concurrence déloyale obéit à deux règles.

D'une part, il s'agit d'une action en responsabilité civile fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil (Cass. 1° civ., 3 avril 2001, [lxb=A1736ATH] ; Cass. com., 25 avril 2001, n° 98-21.559, [lxb=A2822ATP]). Cette action suppose donc, à ce titre, que celui qui se prétend victime d'une concurrence déloyale rapporte la preuve d'une faute commise par le concurrent, et la preuve d'un préjudice en résultant. La concurrence déloyale suppose une faute du salarié mais pas nécessairement une fraude ou des manoeuvres dolosives.

D'autre part, si la faute requise pour la mise en oeuvre de l'action en concurrence déloyale doit être constatée par les juges du fond, la qualification que ceux-ci effectuent des faits qui leur sont soumis relève du contrôle de la Cour de cassation. (Cass. com., 26 mai 1983, n° 81-14.433 ; Cass. 1° civ., 3 avril 2001, [lxb=A1736 ATH]). La faute, dans le domaine de l'action en concurrence déloyale, consiste dans la violation de devoirs traduisant des impératifs de loyauté et d'honnêteté en matière professionnelle, ces agissements entraînant la désorganisation de l'entreprise de l'ancien employeur, un trouble commercial causé à ce dernier, ou encore une confusion créée dans l'esprit de la clientèle.

Dans cette affaire, la cour d'appel de Paris avait naturellement condamné la société créée par les salariés démissionnaires pour concurrence déloyale. Au-delà d'une telle condamnation qui intervient après la rupture du contrat de travail, rappelons que le fait pour un salarié cadre, qui envisage de créer une société concurrente, de tenter de débaucher ses subordonnés, est constitutif d'une faute grave, voire d'une faute lourde justifiant son licenciement immédiat (Cass. soc., 25 mai 1994, n° 91-41 .581, [lxb=A8493AGN]). De la même manière, le simple fait d'engager des pourparlers avec d'autres salariés de l'entreprise en vue de la création d'une entreprise directement concurrente, effectivement créée après son licenciement, est constitutif d'une faute grave (Cass. soc., 15 novembre 1984, n° 83-43.278, [lxb=A2816AAK]).

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