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le 07 Octobre 2010
I - Les précisions relatives au régime de prévention et de réparation
Le décret, qui crée un titre VI à la partie réglementaire du Code de l'environnement, intitulé "Prévention et réparation de certains dommages causés à l'environnement", précise des points essentiels du régime mis en place par la loi du 1er août 2008 (codifiée aux articles L. 160-1 et suivants N° Lexbase : L2170IBY du Code de l'environnement), notamment la définition des dommages concernés (A), le champ d'application du régime de responsabilité sans faute (B) et l'autorité compétente pour sa mise en oeuvre (C).
A - Les précisions quant aux dommages concernés
Le décret apporte des précisions sur le champ d'application du régime de prévention et de réparation des dommages causés en raison de la pollution des sols, des dommages à la qualité des eaux de surface et souterraines, et des dommages aux espèces et habitats naturels protégés.
- Les dommages causés en raison de la pollution des sols
La gravité des risques créés pour la santé humaine par la contamination des sols est appréciée au moment de la manifestation du risque ou de la réalisation du dommage, au regard des caractéristiques et des propriétés du sol, ainsi que de la nature, de la concentration, de la dangerosité et des possibilités de dispersion des contaminants.
- Les dommages causés à la qualité des eaux de surface et souterraines
La notion de gravité des dommages causés à la qualité des eaux de surface et souterraines est précisée par le décret. Celle-ci s'apprécie au moment de la manifestation du risque ou de la réalisation du dommage, par rapport à l'état écologique, chimique ou quantitatif des eaux.
- Les dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés
L'article R. 161-3 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1275IEX) définit ce qu'est un état de conservation favorable, et, en fonction de cinq séries de données mesurables, ce qu'est une détérioration mesurable de l'état de conservation d'un habitat ou d'une espèce.
Toutefois, certaines détériorations mesurables, précisées à l'article R. 161-5 (N° Lexbase : L1273IEU), ne sont pas considérées comme étant des dommages affectant gravement le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable.
De surcroît, en vertu de l'article R. 161-4 (N° Lexbase : L1277IEZ), seuls les dommages aux espèces et habitats qui ont également des incidences démontrées sur la santé humaine sont qualifiés de grave.
B - Les précisions sur le champ d'application du régime de responsabilité sans faute
Le régime de prévention et de réparation des dommages environnementaux prévoit deux types de responsabilité :
- un régime de responsabilité sans faute pour les activités professionnelles dont l'impact environnemental est le plus fort ;
- un régime de responsabilité pour faute ou négligence, pour les autres activités professionnelles. La responsabilité pour faute est limitée aux dommages causés aux espèces et habitats (C. envir., art. L. 162-1, 2° N° Lexbase : L2195IBW).
Le décret vient préciser le champ d'application du régime de responsabilité sans faute de l'exploitant, qui est applicable aux dommages causés par les activités professionnelles dont la liste est fixée à l'article R. 162-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1282IE9). Ces activités correspondent à celles mentionnées à l'annexe 3 de la Directive communautaire du 21 avril 2004, à savoir notamment :
- l'exploitation des installations soumises à la Directive 2008/1/CE du 15 janvier 2008, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (version codifiée) (N° Lexbase : L7892H3P) ;
- les opérations de gestion des déchets et, notamment, les transferts transfrontaliers ;
- l'exploitation des installations soumises à la réglementation des installations, ouvrages et activités (IOTA) ;
- les opérations concernant les organismes génétiquement modifiés (OGM) ;
- le transport terrestre, maritime, aérien ou la manutention portuaire de matières dangereuses ou polluantes.
C - La définition de l'autorité compétente
L'autorité compétente pour la mise en oeuvre du régime de responsabilité est le préfet du département dans lequel le dommage menace de se réaliser ou s'est réalisé. Un préfet coordonnateur est désigné lorsque le dommage se réalise dans plusieurs départements.
Toutefois, pour les installations soumises aux dispositions relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ou aux installations, ouvrages et activités (IOTA), le préfet compétent est celui du lieu d'implantation de l'activité. Il convient de noter que pour les ICPE ou IOTA implantées à Paris, le préfet de police est compétent.
D'autres autorités que le préfet peuvent être compétentes dans certains cas, notamment :
- le ministre de la Défense en cas de menace de dommage ou de dommage émanant d'une installation relevant de sa compétence (par ex. d'une installation nucléaire de base secrète) ;
- le représentant de l'Etat en mer en cas de menace de dommage ou de dommage se manifestant à partir d'une zone relevant de sa compétence.
II - Les précisions relatives aux mesures de prévention et de réparation
Le décret précise les conditions de mise en oeuvre de la demande d'action (A), de l'information des Etats membres (B), des mesures en cas de menace (C) ou de réalisation d'un dommage (D) et des mesures prises sur le fondement de l'article L. 162-15 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L2132IBL), mises en oeuvre par une personne autre que l'exploitant (E).
A - La possibilité d'une demande d'action
Les associations de protection de l'environnement ainsi que toute personne directement concernée ou risquant de l'être par un dommage ou une menace de dommage peuvent être à l'origine du déclenchement de mesures de prévention ou de réparation.
En premier lieu, elles peuvent informer l'autorité compétente du dommage ou de la menace de dommage si elles disposent d'éléments sérieux en établissant l'existence.
Elles peuvent, également, demander à l'autorité compétente de mettre ou de faire mettre en oeuvre les mesures de prévention ou de réparation ; cette demande est accompagnée des informations et données pertinentes.
L'autorité administrative devra alors informer par écrit le demandeur, et de manière motivée, des suites apportées à sa demande d'action.
B - L'information des Etats membres
Aux termes de l'article R. 162-5 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1283IEA), lorsqu'un dommage affecte ou est susceptible d'affecter le territoire d'autres Etats membres, l'autorité administrative compétente en informe le ministre des Affaires étrangères et, en cas d'urgence, les autorités compétentes des Etats concernés.
Cette information précise, notamment, les mesures de prévention ou de réparation envisagées ou déjà réalisées.
C - Les mesures en cas de menace de dommage
L'article L. 162-3 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L2123IBA) prévoit qu'en cas de menace imminente de dommage, l'exploitant prenne sans délai et à ses frais des mesures de prévention afin d'en empêcher la réalisation ou d'en limiter les effets et, en cas de persistance de la menace, communique à l'autorité compétente certaines informations.
Ces informations comprennent, notamment, aux termes de l'article R. 162-6 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1285IEC) :
- l'origine et l'importance de la menace ;
- l'identification des dommages susceptibles d'affecter la santé humaine et l'environnement ;
- les mesures prises par l'exploitant pour écarter ou limiter la menace ;
- l'évolution prévisible de la menace compte tenu des mesures prises par l'exploitant ;
- les éléments qui permettent à celui-ci de considérer que ces mesures ne sont pas de nature à prévenir le dommage.
Le défaut de communication de ces informations est passible d'une amende de 1 500 euros.
D - Les mesures en cas de réalisation du dommage
La procédure de mise en oeuvre des mesures en cas de réalisation d'un dommage fait l'objet des articles R. 162-8 (N° Lexbase : L1276IEY) à R. 162-19 du Code de l'environnement, dans lesquels sont abordés successivement les paragraphes suivants : information de l'administration, détermination des mesures de réparation, instruction des dossiers de réparation, mesures de publicité et exécution des mesures de réparation.
- Information de l'administration
En cas de réalisation d'un dommage, les informations communiquées par l'exploitant à l'autorité administrative compétente comprennent notamment, en fonction de la nature des dommages :
- l'origine et l'importance du dommage ;
- l'identification des dommages affectant ou susceptibles d'affecter la santé humaine et l'environnement ;
- l'évolution prévisible du dommage et de ses conséquences sur la santé humaine et l'environnement ;
- les mesures prises.
Le défaut de communication de ces informations est passible d'une amende de 1 500 euros.
- Détermination des mesures de réparation
La détermination et l'évaluation des mesures de réparation se font à l'aide des meilleures techniques et technologies disponibles.
Les mesures de réparation doivent, en outre, tenir compte de l'usage du site endommagé, défini par les documents d'urbanisme en vigueur au moment de la réalisation du dommage. A défaut, elles sont fixées en fonction de l'usage du sol au moment de la réalisation du dommage. Concernant les ICPE, l'usage futur qui a été déterminé conformément à la réglementation les concernant, est pris en compte pour la détermination des mesures de réparation du dommage.
- Instruction des dossiers de réparation
L'exploitant soumet à l'approbation de l'autorité compétente les mesures de réparation qu'il juge appropriées, selon un délai fixé par celle-ci.
Les mesures proposées puis le projet de décision de l'autorité compétente font, ensuite, l'objet de consultations, notamment des comités départementaux de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques.
A l'issue de ces consultations et dans un délai de trois mois à compter de la réception des mesures proposées par l'exploitant -un nouveau délai peut toutefois être fixé-, l'autorité compétente prescrit à l'exploitant les mesures de réparation par arrêté motivé, avec un délai de réalisation.
- Mesures de publicité
L'arrêté prescrivant les mesures de réparation est notifié à l'exploitant et une copie est déposée en mairie pour y être affichée pendant une durée au minimum d'un mois. Une ampliation de l'arrêté est adressée à chaque collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales ayant été consulté.
- Exécution des mesures de réparation
L'exploitant doit informer l'autorité compétente de l'exécution des travaux, qui sera constatée par un agent placé sous l'autorité compétente.
Le fait de ne pas mettre en oeuvre les mesures de réparation des dommages est passible d'une amende de 1 500 euros.
Il convient de noter que des mesures complémentaires peuvent être prescrites à l'exploitant pour parvenir à la réparation des dommages.
E - Les mesures prises sur le fondement de l'article L. 162-15 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L2132IBL)
En cas d'urgence et lorsque l'exploitant ne peut être immédiatement identifié, d'autres personnes physiques ou morales peuvent proposer à l'autorité compétente de réaliser eux-mêmes des mesures de prévention ou de réparation.
Il s'agit des collectivités territoriales ou leurs groupements, des établissements publics, des groupements d'intérêt public, des associations de protection de l'environnement, des syndicats professionnels, des fondations, et des propriétaires de biens affectés par les dommages ou leurs associations.
Si l'autorité compétente donne une suite favorable à cette proposition d'intervention, elle fixe par arrêté les conditions de cette intervention, notamment en ce qui concerne les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des biens et des personnes concernés.
En conclusion, la mise en oeuvre d'un régime spécifique de prévention et de réparation des dommages environnementaux, dans le respect du principe pollueur-payeur et à un coût raisonnable pour la société, constitue une nouveauté dans notre droit. Le décret, s'il apporte des précisions sur les conditions d'application de ce régime, ne permet pas d'en appréhender complètement les contours. La prochaine étape sera maintenant l'application concrète par la jurisprudence du régime de la responsabilité environnementale.
Savin Martinet Associés - www.smaparis.com - Cabinet d'avocats-conseils
Contacts :
Patricia Savin (savin@smaparis.com)
Yvon Martinet (martinet@smaparis.com)
(1) CJCE, 11 décembre 2008, aff. C-330/08, Commission des Communautés européennes c/ République française (N° Lexbase : A6954EB8).
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