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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
"On est de son enfance comme on est d'un pays", écrivait Antoine de Saint-Exupéry. Si l'auteur du Petit Prince nous conta le plus philosophique et poétique récit sur la confrontation de l'enfance à l'absurdité du monde adulte, l'aviateur postal aurait dû, même en 1943, dissocier la condition de l'enfance de l'attachement, légal ou sentimental, à un pays, à une Nation. Car, ce n'est pas un hasard si les premiers textes afférents aux droits et à la protection de l'enfance ont une vocation originelle universelle. En effet, c'est le 20 novembre 1959 que l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies proclame la Déclaration des droits de l'enfant, dans sa résolution 1387(XIV). Et, c'est bien évidemment la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, qui irrigua le droit des 195 pays membres (à l'exception des Etats-Unis et de la Somalie) pour, désormais, protéger l'enfance au même titre que la Déclaration universelle des droits de l'Homme entendait protéger l'Homme et le Citoyen -c'est-à-dire l'adulte-.
Il n'est donc guère étonnant que la Cour de cassation et, plus particulièrement, sa première chambre civile, ne commette pas l'erreur d'une nationalisation de la question de la protection de l'enfance, et singulièrement, de celle de l'application des mesures des articles 375 à 375-9 du Code civil -il ne faudrait pas oublier, non plus, la vocation universelle de notre Code de 1804 !-. Ainsi, un arrêt du 25 mars 2009, marqué du plus haut sceau de la médiatisation, et sur lequel revient Frédéric Dieu, Rapporteur public près la cour administrative d'appel de Marseille, retient que les mineurs étrangers placés en zone d'attente peuvent faire l'objet de mesures d'assistance éducative, rejetant, ainsi, les prétentions du procureur général de la cour d'appel, du préfet et du ministre de l'Intérieur, pour lesquels "cette mesure de protection ne peut être mise en oeuvre que sur le territoire national, ce qui n'est pas le cas de l'espèce, le mineur iraquien n'ayant pas pour l'instant été autorisé à séjourner en France". Rattacher l'assistance éducative à la question de la nationalité, eut été, à n'en pas douter, oublier l'origine même des textes qui régissent la protection de l'enfance.
Cette assistance regroupe un ensemble de mesures pouvant être prises par le juge des enfants, lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé est en danger ; ou lorsque les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises. Le juge des enfants peut prononcer deux types de mesures. Il peut maintenir l'enfant dans sa famille. Il désigne, alors, une personne ou un service chargé d'aider ou de conseiller le mineur ou sa famille. Le juge peut subordonner le maintien de l'enfant dans son milieu à des obligations particulières (par exemple, fréquenter régulièrement un établissement sanitaire ou d'éducation). Le juge peut également, si la situation le justifie, placer l'enfant soit chez l'autre parent (si les parents sont divorcés ou séparés) ; chez un autre membre de la famille ou une tierce personne digne de confiance ; dans un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ; dans un établissement habilité pour l'accueil à la journée ; ou dans un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé (par exemple un foyer).
Chacun voit que la santé physique ou mentale de l'enfant, comme son développement, ne sont pas affaire de nationalité, et plus particulièrement, ne peuvent dépendre de l'application du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il avait fallu deux Guerres mondiales pour faire primer l'enfant sur la Nation ; il ne s'agissait donc pas d'une simple question de droit, même si la Cour suprême prend bien soin de rappeler qu'en statuant contre l'application des mesures de protection, alors que la zone d'attente se trouve sur le territoire français et donc sous contrôle administratif et juridictionnel national, le premier président de la cour d'appel avait méconnu les articles L. 221-1 et suivants du Code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile.
Mais, ce fondement proprement juridique n'est évidemment pas inutile, l'intérêt supérieur de l'enfant ne suffisant pas toujours à obtenir gain de cause. Pour preuve, un arrêt rendu le 26 février 2009 par la cour d'appel de Paris, sur lequel revient Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, aux termes duquel la transcription des actes de naissance étranger consécutifs à une gestation pour autrui est annulée, jugée contraire à l'ordre public international et, ce, malgré l'intérêt supérieur de l'enfant.
"Je remontais dans ma mémoire jusqu'à l'enfance, pour retrouver le sentiment d'une protection souveraine. Il n'est point de protection pour les hommes. Une fois homme on vous laisse aller", nous relate Saint-Ex' dans Pilote de guerre. Il sera donc bien temps de discuter des zones d'attente et autres entraves juridiques à l'application des droits... de l'Homme.
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