La lettre juridique n°302 du 24 avril 2008 : Éditorial

Pension de réversion : quelle nature pour quelle équité ?

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


Avec 3,8 millions de bénéficiaires, pour un montant de 17,7 milliards d'euros dont 7,7 milliards pour le seul régime général, le régime des pensions de réversion est l'un des piliers fondamental de la solidarité sociale, mais l'un des cadres juridiques les plus complexes du régime de retraite par répartition à appréhender. Car les questions suscitées par la nature même de ces pensions tendent à ressurgir à chaque fois qu'est évoquée la nécessité d'en améliorer et d'en étendre le régime.

En effet, rien de plus ambigu que le droit d'un conjoint survivant à se voir servir une partie de la pension de retraite d'un assuré décédé, surtout lorsque ce versement est conditionné à l'importance de ses ressources personnelles, de son âge et de la durée de son mariage. S'agit-il d'une restitution, à la communauté matrimoniale, d'une partie du capital non thésaurisé, car non thésaurisable dans le cadre d'un régime de retraite par répartition et non par capitalisation, sous forme de rente viagère ? Ou d'une prolongation du devoir de secours à l'adresse d'un conjoint dépendant financièrement, prenant également la forme d'une rente viagère ? Encore que le terme "rente viagère" soit à proscrire puisqu'il ne s'agit pas, du moins pour ce qui concerne le régime général des retraites et par métonymie celui des pensions de réversion, d'une rémunération, mais d'une prestation sociale relevant pleinement du régime de la Sécurité sociale. La première branche de l'alternative, si elle présente les vertus de théorie de l'apparence, en ce qu'il apparaît que le conjoint survivant est bien le bénéficiaire d'une pension au titre et aux droits de son conjoint décédé, parce que ce conjoint n'a pas pu exercer pleinement son droit au versement de sa retraite, alors qu'il avait bien cotisé tout au long de sa vie professionnelle, est, bien entendu, à bannir au sein d'un régime de retraite par répartition intergénérationnelle. La seconde branche pose, alors, la question des fondements d'une perduration du devoir de secours, surtout lorsque le conjoint survivant divorcé et remarié peut percevoir cette pension, depuis 2004, sous certaines conditions. Finalement, quelle que soit la branche de l'alternative, la notion de droit à un "capital" retraite semble régulièrement faire surface au grand dam de la philosophie actuelle du régime de retraite français fondée sur une solidarité intergénérationnelle déconnectée de toute capitalisation publique de la retraite.

Illustration de cette ambiguïté nous a été donnée à travers un contentieux sensible : celui du versement d'une pension de réversion à l'adresse du "partenaire de vie", dans le cadre d'une relation homosexuelle stable. Et une fois encore, c'est la Cour de justice des Communautés européennes qui surprend tout le monde en affirmant qu'un partenaire de même sexe peut bénéficier d'une pension de veuvage octroyée dans le cadre d'un régime de prévoyance professionnelle, dans un arrêt du 1er avril 2008, sur lequel revient, cette semaine, Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen. Est-ce à dire que la France, comme l'Allemagne dans le cas d'espèce, est condamnée à adapter sa législation et à étendre le régime de la réversion au partenaire survivant d'un Pacs ?

L'électrochoc serait pourtant de bon sens. Rappelons que la mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (Mecss) du Sénat n'avait pas manqué, le 22 mai 2007, dans son Rapport d'information n° 314, de souligner l'iniquité de la prise en charge des conjoints survivants, d'envisager des pistes de réflexion et d'ouvrir le débat sur certaines questions sensibles, voire taboues, telle l'harmonisation, à terme, des règles des différents régimes, l'extension de la réversion aux nouvelles formes de vie en couple ou le calcul plus juste des droits à accorder aux anciens conjoints divorcés. Certes, l'extension au partenaire survivant d'un Pacs du régime de la réversion constituait l'avant-dernière proposition de la Mecss (soulignée par elle dans son rapport, comme pour en dénier l'urgence) ; et cette décision, trop rapidement lue, laisserait penser que tous les pacsés pourraient demander à percevoir la pension de réversion de leur conjoint décédé. Ce serait mal interpréter le dispositif prononcé par la CJCE.

C'est dans le cadre d'une relation de travail, prévoyant un régime conventionnel de cotisations professionnelles de retraite que la Cour s'appuie sur la Directive relative à l'égalité salariale et à l'absence de discrimination fondée, notamment, sur l'orientation sexuelle. C'est-à-dire qu'en aucun cas le régime de base de la réversion n'est touché par cette décision. Cet arrêt est applicable à certains régimes complémentaires, et à toute prestation sociale qui dépend directement de l'entreprise ou des conventions collectives (prime de mariage au versement d'un capital décès pour le conjoint survivant, ou octroi d'une pension de réversion au titre des régimes complémentaires qui dépendent directement des entreprises).

En sept ans, le nombre de Pacs a plus que quintuplé, passant de 20 000 en 2001 à plus de 100 000 en 2007. Aussi, le régime de base des retraites ne pourra se passer, sans aucun doute, d'une réforme afin de garantir l'égalité des droits entre les pacsés et les mariés, dont le trait commun est l'assistance financière des conjoints. C'est ce que préconisent de plus en plus d'experts, dont la HALDE.

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