La lettre juridique n°294 du 28 février 2008 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] Délai de rétractation du Code de la construction et de l'habitation et clause pénale

Réf. : Cass. civ. 3, 30 janvier 2008, n° 06-21.145, M. Mehmet Erdogan, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1712D48)

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 07 Octobre 2010

Le 30 janvier dernier, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un fort important arrêt, dont la Haute juridiction a, d'ailleurs, entendu assurer une diffusion maximale puisque la décision, en ligne sur le site de la Cour et à paraître au Bulletin officiel des arrêts civils, figurera dans le prochain Rapport annuel. Il faut dire qu'il tranche une question incertaine tenant au domaine exact d'application de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1988HPC), issu de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 (N° Lexbase : L2053A4S), prévoyant une faculté de rétractation et un délai de réflexion au profit de l'acquéreur non professionnel d'un immeuble à usage d'habitation. Concrètement, en effet, dans le silence de la loi, la question était discutée de savoir si les dispositions du texte pouvaient s'appliquer non pas seulement aux immeubles à usage d'habitation exclusivement, mais aussi aux immeubles à usage mixte (usage d'habitation et professionnel ou commercial). L'arrêt présente, en outre, l'intérêt de revenir sur les modalités de mise en oeuvre de la clause pénale même si, sur ce point, il ne fait que confirmer des solutions assez classiques. En l'espèce une société civile immobilière (SCI) avait vendu un immeuble sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt par les acquéreurs. Ceux-ci, n'ayant finalement pas obtenu leur financement, avaient alors assigné la société venderesse en annulation de l'acte de vente pour absence de mention du délai de rétractation prévu par l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation d'une part et, d'autre part, en restitution de l'acompte versé. La SCI demandait, elle, l'exécution de la clause pénale stipulée au contrat.

S'agissant de l'application des dispositions du Code de la construction et de l'habitation d'abord, les premiers juges avaient rejeté la prétention des acquéreurs qui faisaient valoir que sont assimilés aux immeubles à usage d'habitation visés par le texte les locaux mixtes, d'habitation et professionnel, si bien que l'article L. 271-1 devait ici s'appliquer, le compromis de vente signé entre les parties portant, précisément, sur un immeuble destiné à l'habitation et au commerce. Cette argumentation, qui n'avait pas emporté l'adhésion des juges du fond, n'a pas davantage convaincu la Cour de cassation qui, pour rejeter le pourvoi, décide, dans un attendu manifestement de principe, que "l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation ne mentionnant dans son champ d'application que les immeubles à usage d'habitation, ses dispositions ne sont pas applicables aux immeubles à usage mixte". Il en résulte "qu'ayant constaté que la promesse de vente portait sur un immeuble destiné non seulement à l'habitation mais aussi au commerce, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle n'était pas soumise au délai de rétractation prévu par ce texte". L'arrêt a, ainsi, le mérite de délimiter nettement le champ d'application du texte et de mettre fin aux hésitations en la matière, dans un sens à vrai dire assez prévisible, d'autant qu'une réponse ministérielle avait exclu l'application des dispositions du Code de la construction et de l'habitation au cas d'un local (en l'occurrence un garage) annexe à un immeuble d'habitation (QE n° 23425 de M. Schreiner Bernard, JOANQ 11 août 2003 p. 6240, min. Equip. Trans. et Log., réponse publ. 3 novembre 2003 p. 8463, 12ème législature N° Lexbase : L8195H3W).

S'agissant, ensuite, de l'application de la clause pénale prévue au contrat, les acquéreurs reprochaient aux premiers juges d'avoir réduit le montant de la peine, aux motifs que la pénalité contractuelle était manifestement excessive au sens de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1253ABZ), sans pour autant, selon le moyen, s'expliquer sur la disproportion manifeste de la clause qui doit s'apprécier en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi par le créancier. En clair, les acquéreurs contestaient le caractère prétendument manifestement excessif de la pénalité alors que le vendeur avait finalement rapidement trouvé un acquéreur et pour un bon prix. On peut même se demander si l'argumentation ne contestait pas, au moins implicitement, le maintien de la pénalité, fût-elle réduite, laissant penser que le créancier n'avait en définitive pas véritablement subi de préjudice du fait de l'inexécution contractuelle imputable au débiteur. Toujours est-il que, logiquement d'ailleurs, la Cour de cassation rejette le moyen en prenant soin de bien mettre en évidence les fautes du débiteur dans l'exécution de sa mission contractuelle pour finalement approuver la cour d'appel d'avoir caractérisé la disproportion excessive entre la pénalité forfaitaire mise à la charge de la partie responsable de la non-réalisation de la vente et le préjudice effectivement subi par le créancier. En effet, "en constatant que l'immeuble avait ensuite rapidement trouvé acquéreur et pour un bon prix, [la cour d'appel] a souverainement fixé le montant de la condamnation prononcée au titre de la clause pénale aux sommes séquestrées par les acquéreurs à la signature de la promesse et a légalement justifié sa décision de ce chef". On retrouve là les principes directeurs de la matière, suffisamment connus pour qu'il soit inutile d'y insister davantage : pouvoir souverain des juges du fond dans l'appréciation de l'excès manifeste tiré d'une comparaison de la pénalité et du préjudice subi par le créancier (Cass. civ. 1, 24 juillet 1978, n° 77-11.170, SA Locafrance c/ Vassali N° Lexbase : A0055AYP, Bull. civ. I, n° 280 ; Cass. civ. 1, 10 mars 1998, n° 96-13.458, Monsieur Bonneau et autres c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre-Ouest N° Lexbase : A2241ACY, Bull. civ. I, n° 98) et maintien d'une pénalité même dans l'hypothèse dans laquelle le préjudice du créancier s'avérerait faible, voire inexistant (Cass. civ. 3, 12 janvier 1994, n° 91-19.540, Epoux Siégel c/ Commune de Metz N° Lexbase : A6543ABX, Bull. civ. III, n° 5, Defrénois, 1994, p. 804, obs. D. Mazeaud et Cass. civ. 3, 20 décembre 2006, n° 05-20.065, FS-P+B N° Lexbase : A1023DT3, Bull. civ. III, n° 256, et nos obs., La seule inexécution imputable au débiteur suffit à mettre en oeuvre la clause pénale, Lexbase Hebdo n° 244 du 18 janvier 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N7429A9Z, et nos obs. in JCP éd. G, 2007, II, 10024).

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