La lettre juridique n°273 du 20 septembre 2007 : Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de procédures fiscales

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N4727BC3

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en procédures fiscales réalisée par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris. Cette première chronique en la matière nous donne l'occasion d'aborder les thèmes classiques du secret professionnel de l'avocat confronté au pouvoir de vérification de l'administration fiscale, des règles de prescription, de la procédure de redressement, ou encore de l'abus de droit.


  • Secret professionnel et pouvoir de vérification : CAA Lyon, plénière, 26 juin 2007, n° 05LY01861, M. Christian Godefrin (N° Lexbase : A2251DXN)

La procédure d'imposition est irrégulière lorsque le service des impôts utilise les renseignements contenus dans une consultation d'avocat pour déceler des redressements.

Ayant eu connaissance d'une consultation fiscale, émanant d'un avocat, qui préconisait un montage permettant à un contribuable de rapatrier, en franchise d'impôts, des fonds non déclarés à l'étranger, le vérificateur avait remis en cause l'opération réalisée sur le fondement de l'abus de droit. La cour administrative d'appel de Lyon a jugé la procédure irrégulière au motif que la consultation en cause était couverte par le secret professionnel. Cette décision est particulièrement intéressante à un double point de vue. D'une part, elle confirme l'opposabilité du secret professionnel au fisc, d'autre part, elle le fait dans une hypothèse où la consultation rédigée par l'avocat était adressée au comptable du contribuable, sans mention expresse de ce dernier.

1. Opposabilité du secret professionnel

En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci sont couvertes par le secret professionnel (loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, art. 66-5 N° Lexbase : L6343AGZ). Ainsi, ce secret pose, en matière fiscale, le problème du conflit entre deux impératifs, un contrôle fiscal efficace et le respect de ce secret. A cet égard, deux points sont à préciser : la connaissance par le service vérificateur d'une information couverte par le secret au cours du contrôle d'un professionnel qui y est astreint, la possibilité de s'opposer à l'exercice du droit de communication au nom de ce même secret. La seule exception au secret vise l'hypothèse où l'avocat aurait participé à la fraude présumée. Dans cette hypothèse, le service est autorisé à saisir les documents de nature à établir la preuve de sa culpabilité (Cass. com., 5 mai 1998, n° 96-30.116, Directeur général des Impôts c/ Société Value Investing Partnerset autres N° Lexbase : A2855ACQ).

1.1. Préservation du secret et contrôle des contribuables qui y sont tenus

Le législateur a harmonisé les obligations comptables des titulaires de bénéfices non commerciaux tout en veillant à concilier les pouvoirs légitimes de l'administration fiscale dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale avec la nécessaire préservation du secret professionnel. Ainsi, les professionnels libéraux adhérents d'une association agréée, astreints au secret sont dispensés de mentionner l'identité de leurs clients sur les documents comptables, sous réserve que ces noms figurent dans un fichier spécifique, couvert, lui, par le secret (instruction du 23 mars 2000, BOI 13 L-3-00 N° Lexbase : X7861AAE).

1.2. Droit de communication de l'administration

L'article 13-0 A du LPF (N° Lexbase : L2551DAQ), concernant les contribuables soumis au secret, précise les limites des demandes d'informations qui peuvent leur être adressées. Ainsi, les agents de l'administration peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues. Cependant, ces interrogations ne peuvent porter ni sur l'identité déclarée par le client, ni sur la nature de la prestation.

2. La nature des documents couverts par le secret et le destinataire

Il s'agit des consultations juridiques émanant de l'avocat, destinées à ses clients, de l'ensemble des correspondances échangées entre le client et son conseil et même des notes manuscrites de la main de l'avocat destinées à la préparation de la défense de ses clients. La protection est assurée quand bien même les documents protégés seraient saisis en dehors du cabinet de l'avocat (Cass. com., 15 décembre 1998, n° 96-30.082, Directeur général des Impôts c/ M. Hugh Ardoin et autres N° Lexbase : A0156AUC). En revanche, les pièces comptables relatives aux notes d'honoraires peuvent êtres saisies (Cass. com., 20 octobre 1998, n° 96-30.117, Direction nationale des enquêtes fiscales c/ M. André Ardoin et autres N° Lexbase : A0157AUD). Au cas particulier de l'affaire examinée par la cour administrative d'appel de Lyon, la note saisie chez le contribuable était formellement adressée à son comptable et le nom du contribuable n'y était pas mentionné. Cependant, c'est en raison de la coïncidence de la situation familiale du contribuable avec la teneur de la note que le service entendait déceler un abus de droit dans l'opération effectivement réalisée. La cour a considéré, qu'eu égard à cette coïncidence, la note, même adressée au comptable, devait être considérée comme une consultation rédigée par un avocat et destinée en réalité au contribuable. La note en cause était, donc, couverte par le secret professionnel.

  • Prescription

1. Abandon de la prescription décennale : loi n° 2007-1223, du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (N° Lexbase : L2417HY8), publiée au Journal officiel du 22 août 2007

Un amendement, adopté, déposé par le sénateur Marini, prévoit que, dans les cas où il n'est pas prévu un délai de prescription plus court, la durée d'exercice du droit de reprise de l'administration s'exercera jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt. De même, lorsque qu'une succession non déclarée ne relève pas de la prescription abrégée, il ne pourra en résulter une prolongation du délai de six ans mentionné ci-dessus. Les articles L. 186 (N° Lexbase : L8360AED) et L. 181 (N° Lexbase : L8364AEI) du LPF ont donc été modifiés en ce sens. L'article L. 186 est, désormais, ainsi rédigé "Dans tous les cas où il n'est pas prévu un délai de prescription plus court, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt". La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 181 est ainsi rédigée "En aucun cas il ne peut résulter une prolongation du délai fixé par l'article L. 186". On rappellera que la prescription décennale, dite "prescription longue", s'applique aux droits d'enregistrement et à l'ISF pour l'essentiel, d'une part, en cas d'omission de biens, d'absence de déclaration et, d'autre part, malgré le dépôt de la déclaration, lorsque des recherches sont nécessaires pour déterminer la matière taxable. Par ailleurs, on sait que le fait générateur, c'est-à-dire l'événement qui donne naissance à la créance d'impôt au profit de l'administration, est, soit la date de décès pour les droits de succession, soit la date de l'acte pour les autres droits d'enregistrement, soit le 1er janvier de l'année d'imposition pour l'ISF, soit la date de réalisation de la condition pour les actes affectés d'une telle condition. L'entrée en vigueur de ce nouveau délai est repoussée aux procédures de contrôle engagées à compter du 1er juin 2008. Point d'effet d'aubaine, donc, pour ceux qui avaient négligé leurs obligations déclaratives, déclaration de succession par exemple, entre mai 1998 et décembre 2001.

2. Prescription et redressement de valeur : Cass. com., 30 mai 2007, n° 06-14.236, M. Jean Buffat, F-D (N° Lexbase : A5147DWK)

La Haute juridiction casse et annule une décision de la cour d'appel de Paris qui avait ouvert la voie à l'application de la prescription décennale en matière de contrôle de valeur de biens déclarés, au motif que des recherches étaient nécessaires.

2.1. Prescription décennale et "recherches ultérieures"

La courte prescription (LPF, art. L. 180 N° Lexbase : L8488AE4), dite prescription abrégée, n'est imposée à l'administration que dans l'hypothèse où, au vu du seul acte enregistré ou de la déclaration déposée, sans avoir à effectuer de recherches ultérieures, le service peut constater l'existence du fait juridique imposable.

2.2. Application au contrôle de valeur

Le contrôle de valeur est, en principe, enfermé dans le délai de prescription abrégée puisqu'il ne vise qu'à déceler une éventuelle insuffisance de taxation. Il ne porte que sur la liquidation des droits et non sur l'exigibilité même des droits ou leur nature. Pourtant, la frontière n'est pas solidement établie. Dans cette hypothèse, pour déterminer le montant exact d'un compte bancaire mentionné dans une déclaration de succession, l'administration est en droit d'invoquer la prescription décennale. En effet, le service doit interroger l'établissement bancaire qui tient le compte pour vérifier le montant exact (Cass. com., 9 mars 1993, n° 91-11.303, Mlle Carrère-Bourdou c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A5541ABT). Plus récemment un arrêt de la cour d'appel de Paris est venu confirmer la "porosité" de la frontière entre liquidation et exigibilité des droits. A défaut d'avoir indiqué, dans une déclaration d'ISF, la méthode retenue pour justifier la valeur de titres de sociétés non cotées, le juge a estimé que la prescription décennale était applicable (CA Paris, 1ère ch., sect. B, 3 mars 2006, n° 04/03456, M. Jean Buffat et autres N° Lexbase : A6128DPN). C'est cet arrêt qui a été cassé et annulé par la Cour de cassation. En effet, le contribuable invoquait, sur le fondement de l'article L. 80 A du LPF (N° Lexbase : L8568AE3), une réponse ministérielle selon laquelle, en matière d'évaluation des biens, le droit de reprise de l'administration est de trois ans, c'est-à-dire la prescription abrégée (RM Charles JO du 2 octobre 1989, n° 12799). Au cas particulier, la réponse, qui visait, au regard de l'ISF, des avoirs non déclarés détenus à l'étranger, précisait, sans ambiguïté, que "le délai de reprise de l'administration s'exerce, notamment en ce qui concerne les éventuelles insuffisances d'évaluation, jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de la déclaration", soit le délai de courte prescription.

  • Procédure de redressement

1. Motivation des redressements : Cass. com., 10 juillet 2007, n° 06-16.860, Directeur général des impôts (N° Lexbase : A3066DXT)

Seuls doivent êtres visés dans la proposition de rectification les textes concernant la cause et les conséquences des redressements.

Contrairement au Conseil d'Etat, la Cour de cassation exige la mention des articles du CGI sur lesquels se fondent les redressements. En effet, on sait que la loi impose aux services des impôts de motiver leurs propositions de rectification de façon à permettre au redevable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Alors que le Conseil d'Etat privilégie la "compréhension" des redressements par le contribuable, la Haute juridiction vérifie que sont cités les textes qui concernent la cause et les conséquences des rappels d'impôts.

1.1. Mention des textes

En matière de droits d'enregistrement, domaine de compétence de la Cour de cassation, il est fait obligation à l'administration de citer expressément le ou les textes qui fondent les redressements (Cass. com., 15 décembre 1987, n° 86-15.872, Société Strugo et Cie - Résidence Le grand lièvre N° Lexbase : A3005AXL). En revanche, il n'est point imposé aux services de préciser la teneur complète du texte.

1.2. Mention des textes qui concernent la cause et les conséquences des redressements

La mention des textes vise uniquement ceux qui concernent la cause et les conséquences des redressements. Cette définition vise uniquement les textes sur lesquels s'appuient les redressements. Ainsi, par exemple, en cas de litige sur la valeur d'un dépendant d'une succession, l'article L. 17 du LPF (N° Lexbase : L5557G4L), relatif au pouvoir de rectifier les évaluations, doit être impérativement cité. En revanche, celui qui concerne l'assiette des droits de succession, c'est-à-dire l'article 761 du CGI (N° Lexbase : L8122HLE), n'a pas besoin d'être mentionné dans la proposition de rectification. En revanche, lorsque l'administration entend contester la répartition par parts viriles d'un compte joint entre époux à la suite du décès de l'un d'eux, au motif que seul le défunt aurait alimenté le compte et qu'il dépendrait donc de sa succession pour sa valeur en totalité, elle doit nécessairement citer l'article 753 du CGI (N° Lexbase : L8091HLA). C'est cette notion de cause et conséquence des redressements qui vient d'être invoquée par le juge suprême pour casser une décision de cour d'appel. Au cas particulier, le service contestait la valeur retenue pour la moitié indivise d'un immeuble dépendant d'une succession. Pour déclarer nulle la notification de redressement reçue par l'héritier, la cour d'appel avait considéré que le service aurait dû citer l'article 762 du CGI (N° Lexbase : L8123HLG), concernant la détermination de la valeur de la nue-propriété par rapport à la pleine propriété en fonction de l'âge de l'usufruitier. Pour annuler cette décision, la Cour de cassation a précisé que, dans la mesure où la valeur de la nue-propriété par rapport à la valeur de pleine propriété n'avait pas été remise en cause, ce texte ne concernait ni la cause, ni la conséquence des redressements (Cass. com., 10 juillet 2007, n° 06-16.860, Directeur général des impôts N° Lexbase : A3066DXT).

2. Méthode de reconstitution et renseignements recueillis auprès de tiers : CE 3° et 8° s-s-r., 20 juillet 2007, n° 288145, M. et Mme Desille (N° Lexbase : A4708DXN)

Si l'administration est tenue de mettre à la disposition du contribuable la teneur des renseignements le concernant provenant de tiers qui lui ont permis de reconstituer son chiffre d'affaires, cette obligation ne vise pas les données, utilisées par elle, concernant d'autres personnes.

2.1. Renseignements recueillis auprès de tiers

L'administration subit la double obligation, codifiée à l'article L. 76 B du LPF (N° Lexbase : L7606HEG), d'informer le contribuable sur la teneur et l'origine des renseignements et documents obtenus auprès de tiers et utilisés dans le cadre d'une procédure de rectification, d'une part, et de lui communiquer, sur demande, lesdits documents avant la mise en recouvrement des impositions, d'autre part. Au titre de l'obligation d'information, l'administration doit porter à la connaissance du contribuable la procédure qui lui a permis d'obtenir les renseignements, l'identité des tiers concernés et la nature du document. A cet égard, si l'enquête réalisée auprès des tiers est irrégulière, comme par exemple des renseignements recueillis auprès de particuliers en se prévalant du droit de communication, alors que de simples particuliers n'y sont pas soumis, l'irrégularité de l'enquête entraîne l'annulation des redressements (CE Contentieux, 1er juillet 1987, n° 54222, Marcantetti N° Lexbase : A2364APA). Au titre de l'obligation de communication, elle doit répondre à toute demande expresse écrite formulée par le contribuable (instruction du 21 septembre 2006, BOI 13 L-6-06 N° Lexbase : X7347ADH).

2.2. Reconstitution du chiffre d'affaires

Lorsque l'administration est en droit de rejeter la comptabilité d'une entreprise comme dénuée de caractère probant, le chiffre d'affaires est reconstitué au moyen d'une méthode qui utilise les conditions concrètes de fonctionnement de cette entreprise, et non des éléments étrangers à la gestion de celle-ci. Bien entendu, les pourcentages tirés de monographies professionnelles peuvent êtres utilisés à condition d'être confortés par les constatations faites au sein de l'entreprise. Au cas particulier de l'affaire soumise aux sages du Palais-Royal, pour reconstituer le chiffre d'une entreprise de bar-brasserie, le vérificateur avait relevé les quantités de viandes acquises et, les divisant par celles qui sont utilisées pour la confection des différents plats individuels proposés aux clients, en avait déduit le nombre de plats servis ; ce qui lui permettait de déterminer les recettes réalisées. Pour déterminer les quantités de viandes utilisées pour la confection des plats, le vérificateur s'était fondé, pour la majorité d'entre eux, sur les valeurs ou fourchettes de valeurs fournies par le contribuable lui-même. Cependant, pour certains plats, il a estimé que les quantités étaient trop importantes comparées à celles habituellement appliquées à la profession et à celles qui sont pratiquées par la boucherie. Il avait donc retenu des quantités inférieures. Le contribuable contestait la validité de la notification au motif que le service aurait dû lui indiquer l'origine de tels renseignements. Le juge a décidé que l'obligation faite à l'administration, quand il s'agit de renseignements provenant de tiers et relatifs au contribuable vérifié, ne s'étend pas aux données utilisées par l'administration lorsqu'elle assoit ses redressements "en procédant à une comparaison entre, d'une part, la situation du contribuable et, d'autre part, celle d'une ou plusieurs personnes, celle du secteur d'activité dont le contribuable relève ou encore celle d'un secteur d'activité voisin ou analogue".

Dès lors que la création d'une société ne répond pas au seul objectif de bénéficier du régime d'exonération des entreprises nouvelles, l'abus de droit ne peut être invoqué par le service pour remettre en cause l'absence d'imposition des bénéfices réalisés.

La gérante et associée à 90 % de deux SCI avait créé une EURL pour surmonter l'opposition des autres associés à la réalisation d'opérations commerciales d'achat revente et afin que les deux SCI conservent leur objet civil. A la suite d'une vérification de comptabilité de cette EURL, le service des impôts avait remis l'application de l'exonération prévue à l'article 44 quater du CGI (N° Lexbase : L1509HLH), alors en vigueur. En effet, le vérificateur considérait qu'une telle création constituait un abus de droit, ayant permis l'exonération du bénéfice réalisé lors de la cession d'actifs des deux SCI. On sait que le deuxième alinéa de l'article 44 quater autorise l'administration fiscale à faire usage de la procédure de répression des abus de droit à l'encontre des personnes physiques ou morales qui, par le biais d'une cessation, d'une cession ou d'une mise en location-gérance d'entreprise, auraient établi l'apparence d'une création d'entreprise, cette opération étant principalement inspirée par le désir de bénéficier des dispositions dudit article. Une première analyse pouvait emporter une telle conviction. Cependant, elle ne résistait pas aux conditions requises pour caractériser l'abus de droit.

1. Une "apparence" d'abus de droit

Au cas particulier, une des deux SCI bénéficiait, au moment de la création de l'EURL, société commerciale, d'une promesse de vente portant sur un immeuble entier. Or, cette société civile avait cédé gratuitement cette promesse à la société commerciale. De surcroît, la seconde SCI avait cédé à l'EURL un immeuble qu'elle détenait. Dans la première opération, la société commerciale avait réalisé, en 1987, après avoir acquis l'immeuble objet de la promesse le 14 janvier et l'avoir revendu le 28 août, un profit de 836 000 francs (soit environ 127 000 euros) en moins de 8 mois. Dans la seconde opération, l'immeuble acquis de la SCI le 22 décembre 1987 et revendu le 3 juin 1988, lui avait procuré un profit de 3 700 000 francs (soit environ 564 000 euros). Il était effectivement tentant pour le service vérificateur d'invoquer un abus de droit puisque la création de l'EURL, qui plus est, par la gérante majoritaire des deux sociétés civiles, avait permis de faire échapper à tout impôt un bénéfice très important. L'une des conditions requises pour invoquer l'abus de droit, semblant être remplie. En effet, il pouvait être considéré que la création de la société n'avait été inspirée par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer l'impôt.

2. L'absence de but exclusivement fiscal

L'analyse du service pouvait paraître hâtive. En effet, contrairement à certaines législations européennes qui autorisent la mise en oeuvre de la procédure spécifique lorsque l'économie fiscale est l'un des objectifs de l'opération, l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L5565G4U) ne peut être invoqué avec succès que si aucun autre motif que l'économie fiscale ne justifie l'opération. Le but poursuivi doit être exclusivement fiscal. Or, au cas particulier, deux motifs, autres que celui de bénéficier du régime des entreprises nouvelles, pouvaient êtres invoqués. D'une part, les associés minoritaires s'opposaient aux opérations envisagées par la gérante. La création de l'EURL était un moyen de surmonter cette opposition. D'autre part, et cet argument pouvait paraître essentiel, la création envisagée, et réalisée, pour effectuer les actes d'achat revente permettait de faire échapper les deux SCI à une imposition à l'IS. En effet, on sait que tout acte de commerce réalisé par une société civile lui fait perdre son régime fiscal de transparence et la soumet, avec toutes les contraintes inhérentes, à l'impôt sur les sociétés.

Le Conseil d'Etat a donc considéré que l'abus de droit ne pouvait pas être invoqué. Il aurait peut-être été plus judicieux pour l'administration de se placer sur le terrain de la cession à vil prix dans le cas de la cession gratuite de la promesse de vente. Mais, là encore, outre un éventuel problème de prescription, il était difficile de se placer sur le terrain de l'acte anormal de gestion, qui, on le sait, ne concerne que les entreprises commerciales et n'a pas été, à ce jour, transposé à l'impôt sur le revenu dû par de simples particuliers gérant leur patrimoine privé. De surcroît, on remarquera que le Conseil d'Etat a posé le principe selon lequel les contestations d'impositions établies sur le fondement de la méconnaissance des conditions légales d'application du dispositif de faveur des entreprises nouvelles ne relèvent pas de l'abus de droit, quand bien même le deuxième alinéa de l'article 44 quater réserve, de façon superfétatoire, l'application de l'article L. 64 du LPF.

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