La lettre juridique n°235 du 9 novembre 2006 : Éditorial

Redistributions collectives et actionnariat : "l'important, c'est de participer"*

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


"La fin de l'espoir est le commencement de la mort". Si le "grand Charles" est à l'honneur cette semaine, c'est que la participation et l'intéressement des salariés reviennent sur le champ de bataille. Terrien parmi les terriens, le général-président pensait foncièrement qu'il était juste, en 1967, voire sain, que les salariés puissent percevoir une rétribution de leur travail, un peu à la manière des associés ou actionnaires des entreprises qui les emploient, avec tout l'aléa inhérent à la valorisation de ce travail. Car enfin, l'espoir de tout salarié n'est-il pas de bénéficier davantage des fruits de la croissance de l'entreprise, croissance à laquelle il participe ? Est-ce à dire que le projet de loi relatif au développement de la participation et de l'actionnariat salarié, adopté il y a peu par l'Assemblée nationale, suit la même logique que celle de son initiateur ? L'affaire commence pourtant bien : créer un "dividende du travail". L'expression, sans doute sortie d'un brain storming marketing et communication, est heureuse car elle réconcilie, enfin, l'antagonisme caricatural "capital" et "travail". Mais, à la lecture du projet de loi, l'affaire semble pour le moins "tarabiscotée" (pour les amateurs de dialogue social et de formules "abracadabrantesques"). Ainsi, le seul titre Ier du projet prévoit un "dividende du travail" que les entreprises pourront verser à leurs salariés et qui pourra prendre la forme d'un supplément de participation, d'intéressement ou d'une distribution collective d'actions gratuites. Il instaure la possibilité d'un intéressement pour un projet déterminé. Il généralise les plans d'épargne entreprise (PEE) dans les entreprises qui disposent d'un accord de participation. Il favorise la diffusion dans les PME des dispositifs de participation en prévoyant une obligation pour les branches de négocier des accords cadres dans les trois ans. Sur le papier, la formule fait mouche : qui s'opposerait à une distribution directe ou indirecte de revenus supplémentaires indexée sur la croissance ou la valorisation de l'entreprise ? Mais, à y regarder de plus près, trois remarques fondamentales peuvent d'ores et déjà être faites. D'abord, il s'agit là d'un "supplément" de participation ou d'intéressement ; l'accessoire suivant le principal, les entreprises dans lesquelles il n'est pas instauré de tels mécanismes de rétribution salariale sont hors champ obligatoire de cette "grande" nouveauté législative (en fait, la plupart des entreprises de moins de 50 salariés, c'est-à-dire la majorité d'entre-elles). A la fracture des "35 heures", celle des distributions collectives, déjà réelle, ne s'en trouve que ranimée. Ensuite, ce supplément laissé à l'initiative de l'entrepreneur ferait l'objet d'une décision de distribution  a posteriori ; c'est-à-dire à la clôture de l'exercice concerné. Il ne serait pas nécessaire de déterminer, a priori, pour ce supplément d'intéressement, une formule liée à une performance ou à un résultat, ni, pour le supplément de participation, l'atteinte d'un certain niveau nécessaire de résultats. L'aléa propre à la participation et à l'intéressement des salariés à la croissance de l'entreprise est donc ici obéré : l'accessoire n'aurait donc pas la même nature juridique que le principal ! Aussi, quid des charges sociales y afférentes ? L'aléa est, pourtant, l'une des conditions principales du régime d'exonération des produits de la participation et de l'intéressement, afin de ne pas tomber dans l'écueil du salaire déguisé -le seul aléa, en l'espèce, consisterait en la prise de décision ou non de l'entrepreneur de distribuer un tel supplément-. Enfin, puisque le but ultime de ce mécanisme est de répondre à une demande d'accroissement du pouvoir d'achat des salariés, et puisque l'aléa de cette distribution est, dans les faits, écarté -on imagine mal un chef d'entreprise revenant d'une année sur l'autre sur la distribution d'un tel revenu, sauf à avouer urbi et orbi que l'entreprise ne croît plus-, pourquoi ne pas adopter un simple mécanisme d'abaissement de charges sociales afférentes à la distribution de primes salariales exceptionnelles ? Sans doute pour conserver le caractère collectif des distributions en cause ; mais est-il plus égalitaire que tous les salariés d'une entreprise soient bénéficiaires des avantages d'une redistribution, quel que soit leur rôle ou leur investissement dans le projet de l'entreprise, ou que tous les salariés de toutes les entreprises puissent en espérer le gain ? D'ici à un an, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport décrivant l'état de la mise en oeuvre d'une politique d'intéressement dans la fonction publique et les entreprises publiques. Gageons que les salariés de ces secteurs ne soient pas, eux aussi, bien que la notion "d'intéressement dans la fonction publique" soit difficile à concevoir, faute d'objectif de croissance d'un service public, écartés de ce train de mesure, pour ne pas ajouter une nouvelle "fracture sociale" à celles déjà existantes. Mais, tous pourront éventuellement reprendre espoir en investissant au sein des sociétés anonymes à objet sportif faisant appel public à l'épargne (l'article 44 du projet de loi, "cavalier législatif", ayant été adopté), pour accroître leur pouvoir d'achat indexé sur les résultats du loto sportif ! Les éditions juridiques Lexbase vous invitent, cette semaine, à lire une présentation du projet de loi, par Nicolas MingantLa création d'un "dividende du travail" par le projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.

* Pierre de Coubertin

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