La lettre juridique n°235 du 9 novembre 2006 : Conventions et accords collectifs

[Jurisprudence] Hôtellerie, cafés, restauration : retour aux 35 heures...

Réf. : CE, 1° et 6° s-s-r., 18 octobre 2006, n° 276359, Fédération des services CFDT et autres (N° Lexbase : A9526DRA)

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

Le secteur de l'hôtellerie, cafés, restauration, a provisoirement perdu sa durée du travail. Le Conseil d'Etat est, en effet, venu annuler, le 18 octobre 2006, le décret du 30 décembre 2004 (décret n° 2004-1536 relatif à la durée du travail dans les hôtels, cafés, restaurants N° Lexbase : L5243GUQ), reprenant les termes de l'accord collectif national du 13 juillet 2004, qui fixait à 39 heures par semaine la durée du travail hebdomadaire dans l'hôtellerie, les cafés et la restauration. Cette annulation a pour conséquence de fixer rétroactivement au 1er janvier 2005 la durée légale du travail dans ce secteur à 35 heures par semaine. Ce passage aux 35 heures ne sera toutefois que temporaire. Afin de pallier les conséquences "désastreuses" que peut avoir une telle décision, un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, reprenant le contenu de l'accord collectif de 2004, avec effet rétroactif au 1er janvier 2005 et, notamment, la durée hebdomadaire ainsi que ses contreparties en termes de congés et jours fériés, a été adopté en première lecture par les députés, dans l'attente d'une nouvelle négociation dans ce secteur. Cette intervention est heureuse d'un point de vue pratique car elle tend à éviter les difficultés liées à la rétroactivité de la décision du Conseil d'Etat. D'un point de vue théorique, en revanche, on ne peut que saluer la solution rendue par les juges de la Haute juridiction administrative.
Résumé

Est nul l'arrêté portant extension d'un accord collectif national visant à étendre à l'ensemble du secteur concerné par l'accord un régime d'équivalence en matière de durée du travail, dans la mesure où il ne limite pas cette équivalence aux professions et emplois comportant des périodes d'inaction.

Décision

CE, 1° et 6° s-s-r., 18 octobre 2006, n° 276359, Fédération des services CFDT et autres (N° Lexbase : A9526DRA)

Texte concerné : C. trav., art. L. 212-4 (N° Lexbase : L8959G7X)

Mots-clefs : avenant à un accord collectif national ; durée du travail ; équivalence ; secteur d'hôtellerie restauration ; arrêté d'extension ; annulation ; limitation de l'équivalence aux professions et emplois comportant des périodes d'inaction.

Lien bases :

Faits

Un avenant à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants du 13 juillet 2004 avait fixé la durée hebdomadaire de travail équivalente à la durée légale à 39 heures pour toutes les entreprises, à l'exception de celles qui avaient, à la date de l'accord, une durée collective de 37 heures. Ces dernières restaient soumises à cette durée.

La fédération des services CFDT, qui n'était pas signataire de cet avenant, avait demandé au Conseil d'Etat de prononcer l'annulation de l'arrêté ministériel du 30 décembre 2004, décidant son extension à l'ensemble des entreprises du secteur et du décret du même jour validant le régime d'équivalence à la durée légale du travail ainsi institué.

Solution

1. Annulation

Sur les conclusions dirigées contre le décret du 30 décembre 2004.

2. "Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 212-4 du Code du travail : 'Une durée équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat. Ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs' ; que ces dispositions ne sont susceptibles de recevoir application que s'agissant de professions comportant des périodes d'inaction, et pour des emplois déterminés ; que, sur le fondement de ce texte, le décret attaqué du 30 décembre 2004 a fixé, à la suite de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, la durée légale du travail à 39 heures dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, à l'exception des entreprises et unités économiques et sociales de plus de 20 salariés pour lesquelles la durée légale du travail a été fixée à 37 heures".

3. "Considérant que les requérants soutiennent, sans être sérieusement contredits, que l'ensemble des emplois que comporte l'ensemble des professions relevant du secteur des hôtels, cafés et restaurants ne sont pas de la nature de ceux pour lesquels les dispositions de l'article L. 212-4 du Code du travail ont prévu la possibilité d'établir un régime d'équivalence ; qu'ainsi, le décret litigieux, en fixant la durée légale du travail à 39 heures dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants pour l'ensemble des salariés de ce secteur sans limiter l'institution de ce régime d'équivalence à ceux des emplois de ces professions qui comportent des périodes d'inaction, a méconnu ces dispositions ; que, par suite, la fédération des services CFDT est fondée à en demander, pour ce motif, l'annulation".

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 décembre 2004 étendant l'avenant du 13 juillet 2004.

4. Annulation

5. "Considérant que si, en vertu de l'article L. 133-8 du Code du travail, les dispositions d'une convention de branche ou d'un accord professionnel peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans leur champ d'application par arrêté du ministre chargé du Travail, il résulte des dispositions citées plus haut de l'article L. 212-4 du même code que les dispositions d'une convention ou d'un accord prévoyant l'institution d'une durée équivalente à la durée légale du travail ne peuvent produire effet que s'il en est ainsi décidé par décret ; que, par suite, lorsque le ministre est saisi, dans les conditions prévues à l'article L. 133-8, en vue de l'extension d'une convention ou d'un accord comportant notamment des clauses relatives à l'institution d'un régime d'équivalence, il ne peut procéder à cette extension que sous réserve, en ce qui concerne ces clauses, de l'intervention du décret prévu à l'article L. 212-4".

6. "Considérant que si, en l'espèce, l'arrêté du 30 décembre 2004 pouvait en principe étendre les dispositions de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, y compris celles de son article 3 relatives au régime d'équivalence, dès lors que ce décret était intervenu le même jour, il résulte de l'annulation prononcée par la présente décision que ce décret est réputé n'être jamais intervenu ; que l'arrêté attaqué est, dès lors, entaché d'illégalité pour ce motif ; que, eu égard au lien existant, d'une part, entre les dispositions relatives au régime d'équivalence et les autres dispositions du titre II de cet avenant relatives au temps de travail et, d'autre part, entre ces dernières dispositions et celles des titres III, V et VI relatives respectivement aux congés, au compte d'épargne-temps et au travail de nuit, l'arrêté litigieux doit être annulé en tant qu'il porte extension des titres II, III, V et VI de l'avenant du 13 juillet 2004".

Commentaire

1. Rigueur entourant la mise en place d'un régime d'équivalence à la durée du travail

  • Conditions de l'équivalence

L'article L. 212-4, dernier alinéa, du Code du travail (N° Lexbase : L8959G7X) dispose qu'"une durée équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat. Ces périodes sont rémunérées conformément aux usages et aux conventions et accords collectifs".

Il faut un décret pour qu'un régime d'équivalence puisse être institué. Un usage comme une convention collective même agréée (Cass. soc., 24 avril 2001, n° 00-44.148, Terki c/ L'Association Etre enfant au Chesnay, publié N° Lexbase : A2993ATZ, D. 2001. Somm. 312, obs. Fadeuilhe) ne suffisent pas, en effet, à créer un tel système. Ce décret peut être soit un décret pris en Conseil d'Etat, soit un décret pris en application d'une convention ou d'un accord de branche.

Tel était bien le cas dans l'espèce commentée, puisque le décret du 30 décembre 2004 venait, sur le fondement de l'article L. 212-4, alinéa 4, du Code du travail, instituer la durée du travail à 39 heures dans le secteur de l'hôtellerie-restauration à la suite d'un avenant à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants en date du 13 juillet 2004 .

Le problème, ici, ne portait pas tant sur la forme mais sur le fond du décret. Ce dernier avait, en effet, pour objet, conformément à l'accord sur lequel il se fondait, de fixer et d'étendre le champ d'application de la durée légale du travail de 35 heures à "tous les employeurs et les salariés compris dans le champ d'application de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997". Aucune distinction n'était faite entre les emplois qui comportent ou ne comportent pas de périodes d'inaction. C'est cette omission que vient sanctionner le Conseil d'Etat dans la décision commentée.

  • Espèce

Dans cette espèce, l'arrêté portant extension d'un avenant à la convention collective nationale de l'hôtellerie, cafés, restaurants, avait pour objet de rendre obligatoire "pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d'application de l'accord". Un syndicat non-signataire de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 contestait la régularité de l'arrêté du 30 décembre 2004 (arrêté portant extension d'un avenant à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants N° Lexbase : L6748G4P) décidant son extension à l'ensemble des salariés du secteur et du décret du même jour validant le régime d'équivalence à la durée légale du travail ainsi instituée et demandait leur annulation.

Ces demandes ont été accueillies par le Conseil d'Etat qui, après avoir rappelé que si l'article L. 212-4 du Code du travail permet d'instituer une durée équivalente à la durée légale du travail, cette faculté est limitée aux emplois et professions comportant des périodes d'inaction. Il annule le décret qui tendait à étendre le champ de l'accord à l'ensemble des salariés du secteur de l'hôtellerie-restauration sans distinction. Corrélativement, la Haute juridiction administrative vient annuler l'arrêté d'extension puisqu'il étendait le régime d'équivalence précédemment annulé.

Cette solution parfaitement conforme aux textes en vigueur doit, en tout point, être approuvée.

2. Sauvetage in extremis de l'équivalence dans le secteur de l'hôtellerie-restauration

  • Des précédents judiciaires

La solution rendue par le Conseil d'Etat n'est pas surprenante. L'interprétation stricte dont doit faire l'objet l'article L. 212-4, alinéa 4, du Code du travail, avait, en effet, déjà été retenue par les juridiction judiciaires.

Cet alinéa constitue une exception à la durée légale ; elle ne peut recevoir application que dans les hypothèses expressément autorisées par le législateur. La Cour de cassation, qui avait été amenée à se prononcer sur cette question, était venue affirmer que l'équivalence est une exception et ne saurait être appliquée en dehors des activités ou emplois visés par les textes réglementaires ou les conventions ou accords collectifs (Cass. soc., 16 juillet 997, n° 96-40.294, M. Malignacci et autres c/ Société niçoise d'exploitations balnéaires N° Lexbase : A2294ACX).

La solution retenue dans l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat ne peut donc qu'être saluée car, non seulement, elle rejoint la position prise par les juridictions judiciaires, mais encore, elle se montre strictement respectueuse des textes. D'un point de vue théorique donc, il ne pouvait en être autrement. D'un point de vue pratique, en revanche, la solution ne va pas sans poser de difficultés. Il est, en effet, difficile d'envisager, sur le plan pratique, les conséquences de l'annulation rétroactive de textes datant du 1er janvier 2005.

  • Des conséquences désastreuses

L'annulation par le Conseil d'Etat du décret et de l'arrêté d'extension emporte, à titre principal, le rétablissement rétroactif de la durée légale du travail dans le secteur de l'hôtellerie, cafés, restauration, à 35 heures par semaine, la perte pour les salariés de leur sixième semaine de congés payés ainsi que des deux jours fériés supplémentaires prévus par l'accord. Cette annulation étant rétroactive, les salariés du secteur seraient fondés à demander et, partant, à obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées depuis le 1er janvier 2005, date d'entrée en vigueur du décret. Les employeurs étaient, de leur côté, fondés à demander des comptes pour la sixième semaine prise. Les décomptes allaient s'avérer difficiles...

Afin d'éviter toute difficulté, un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale tendant à valider le contenu de l'accord collectif a été adopté.

  • Une équivalence provisoirement légale

Un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, adopté par les députés en première lecture, tend à valider l'accord collectif du 13 juillet 2004. Cet amendement fixe, dans l'attente d'une prochaine convention ou d'un accord collectif, au plus tard le 31 janvier 2007, la durée légale du travail dans le secteur de l'hôtellerie, cafés, restauration, à 39 heures hebdomadaires. En contrepartie, les salariés du secteur pourront continuer à bénéficier d'une semaine de congés payés supplémentaire et de deux jours fériés.

Cet amendement vient toutefois maintenir la durée du travail à 37 heures hebdomadaires dans les entreprises de plus de 20 salariés où la durée collective de présence au travail a été fixée par décret à 37 heures en 2002.

Afin d'éviter toute difficulté résultant, notamment, de l'annulation de l'arrêté d'extension, qui aurait emporté le paiement rétroactif des heures supplémentaires à compter du 1er janvier 2005, l'amendement prévoit son application rétroactive au 1er janvier 2005.

Le seul problème est que cet amendement encourt les mêmes critiques que celles qui avaient été soulevées à l'encontre du décret tendant à étendre l'accord à l'ensemble des employeurs et salariés du secteur de l'hôtellerie. Aucune distinction n'est faite entre les salariés occupant des emplois ou des professions comportant des périodes d'inaction, les seuls pouvant légalement être soumis à un régime d'équivalence et les autres (C. trav., art. L. 212-4).

Il faut espérer que l'accord prochain, qui devrait intervenir d'ici fin janvier 2007, règlera le problème et limitera le champ de l'équivalence aux seuls emplois et professions comportant des périodes d'inaction. A défaut, le risque est grand que les problèmes recommencent en raison de la persistance de l'accord à être illégal.

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