La lettre juridique n°203 du 23 février 2006 : Sociétés

[Textes] La gestion des dates dans les opérations de confusion de patrimoines

Réf. : Instruction du 30 décembre 2005, BOI 41-1-05 (N° Lexbase : X5010ADW)

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par Guy de Foresta, Avocat au Barreau de Lyon, Consultant auprès du cabinet Bignon, Lebray & Associés

le 07 Octobre 2010

Handicapée pendant longtemps par leur régime fiscal défavorable, les opérations de confusion de patrimoines, visées à l'article 1844-5 du Code civil (N° Lexbase : L2025ABM), ont acquis une place de choix dans la pratique des rapprochements d'entreprises. Depuis la loi de finances pour 2002 (loi n° 2001-1275, 28 décembre 2001 [LXB=L1042AWI ]), puis l'instruction administrative n° 41-1-03 du 7 juillet 2003 (N° Lexbase : X5337ABB), avec, en particulier, la possibilité sur le plan fiscal de donner un effet rétroactif à une telle opération, et le bénéfice du régime fiscal de faveur réservé aux opérations juridiquement qualifiées de fusion et de scission , le traitement fiscal, juridique et comptable des opérations de confusion de patrimoines, souvent appelés "TUP" présente en effet, pour l'essentiel, une sécurité et des avantages semblables à ceux d'une véritable opération de fusion soumise au régime simplifié (C. com., art. L. 236-11N° Lexbase : L6361AIG, art. L. 236-23 N° Lexbase : L6373AIU et art. L. 236-2 N° Lexbase : L6352AI4). Elles présentent même un degré de simplicité plus élevé puisqu'une confusion de patrimoines ne nécessite ni assemblée générale de la société confondante, ni rapport d'un commissaire aux apports désigné en justice, ni traité de fusion. Néanmoins, il demeure un point où les "TUP" pêchaient par un degré de complexité et de lourdeur plus élevé que les fusions : celui de la gestion des dates et de l'hétérogénéité de leur traitement fiscal, juridique, et comptable. Dans sa toute récente instruction du 30 décembre 2005, n° 41-1-2005, relative au traitement fiscal des restructurations, l'administration fiscale vient certes d'homogénéiser ce traitement mais, pour autant, un certain nombre de difficultés subsistent. Rappelons d'abord en quels termes se pose la problématique de la gestion des dates (I), avant de présenter les modifications qu'y apporte l'instruction du 30 décembre 2005 (II), puis d'analyser la nouvelle situation (III).

I - Le régime antérieur à l'instruction administrative n° 41-1-2005 du 30 décembre 2005

La prise en compte des dates d'une opération de dissolution-confusion est complexifiée par le décalage dans le temps de ses deux principaux effets juridiques :
- la dissolution de la société confondue ;
- la transmission universelle de son patrimoine à son associé unique, la société confondante.

Rappelons qu'une opération de confusion de patrimoines se caractérise par la dissolution de la société confondue suivie, à l'expiration d'une période minimale de trente jours à compter de sa publication légale, de la transmission universelle de son patrimoine à son associé unique, la société confondante.

En pratique, la réalisation d'une telle opération comporte, en ce qui concerne le positionnement des dates et la computation des délais, deux principaux types de difficultés :

- un plus grand nombre de dates à prendre en compte ;

- la dichotomie entre les dates d'effet fiscal, d'une part, et juridique et comptable, d'autre part.

A - Le nombre de dates à prendre en compte

Alors que, dans un régime de fusion, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée est, sauf pour certains éléments de son patrimoine (notamment, brevets, marques, etc.) concomitante à sa dissolution (sans préjudice bien évidemment d'un effet rétroactif ou différé) et intervient au jour des assemblées générales des sociétés participant à l'opération et appelées à adopter le projet de fusion-absorption, dans une TUP, la dissolution et la transmission du patrimoine interviennent nécessairement à des dates différentes.

Plusieurs dates sont à prendre en compte :

  • Date de décision de dissolution de la société confondue

La date de décision de dissolution prise par son associé unique qui constate "[...] la réunion de toutes ses parts sociales en une seule main" (C. civ., art. 1844-5, al. 3) et prend les engagements fiscaux requis par l'article 210 A du Code général des impôts pour bénéficier du régime fiscal de faveur des fusions.

Une fois sa décision prise, l'associé ne peut revenir dessus, celle-ci étant irrévocable, quel que soit le sort ultérieur de la procédure d'opposition réservée aux créanciers (CA Paris, 5 juillet 2002, 3ème ch., sect. C, RJDA, 12 février 2002, n° 1278).

Telle est la raison pour laquelle l'administration fiscale considérait jusqu'ici que la date de réalisation de la confusion de patrimoines devait s'entendre de cette première date, alors même que la transmission du patrimoine était postérieure.

  • Date de publication de la décision de dissolution dans un journal d'annonces légales

C'est cette date qui fait courir le délai de trente jours réservé aux créanciers pour exercer leur droit d'opposition.

Bien que, fiscalement, la date de réalisation s'entendait de la date précédente, c'est néanmoins cette date qui fait courir le délai ultime de deux mois octroyé à la société confondue pour déposer sa déclaration de cession d'activité .

  • Date d'expiration du délai d'opposition de 30 jours  

Aux termes des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1844-5 du Code civil, c'est à cette date qu'intervient, sous réserve d'opposition, la transmission universelle du patrimoine de la société confondue et sa disparition.

Malgré sa dissolution au jour de la décision l'ayant constaté, la société conserve son existence juridique jusqu'à cette date.

Bien logiquement, et sous les mêmes réserves, c'est à cette même date que les écritures comptables doivent enregistrer le transfert à la confondante de l'ensemble des éléments tant actifs que passifs composant le patrimoine social de la confondue, en arrêtant, en particulier :

- le "faux" mali (ou boni) de confusion représentant l'écart négatif (ou positif) entre l'actif net reçu par la société confondante et la valeur comptable de cette participation dans ses immobilisations ;

- le résultat, déficitaire ou bénéficiaire, de la société confondue.

Alors que la disparition de la société confondue et la transmission de son patrimoine interviennent, sous les réserves exprimées, à la date d'expiration de ce délai de 30 jours, sur le plan fiscal, ces deux événements étaient réalisés au jour de la décision de dissolution.

Selon l'administration, les opérations intervenues entre la date de décision de dissolution et celle de disparition juridique de la confondue étaient fiscalement réputées réalisées par la société confondante.

Seul le recours à une prise d'effet fiscal différée à la date de disparition juridique de la société confondue, permettait de faire coïncider les dates d'effet fiscal et comptable de la transmission de patrimoine et de neutraliser ainsi ce hiatus pénalisant obligeant à des retraitements extra comptables du résultat fiscal de la période intermédiaire.

Alors qu'en matière de fusions, cette dichotomie des dates n'existe pas, elle était, au contraire, centrale dans les opérations de confusion.

  • Date de règlement des éventuelles oppositions

Si les créanciers justifiant d'une créance certaine née antérieurement à la publication ont valablement formé opposition devant le tribunal de commerce compétent, la disparition de la société et la transmission de son patrimoine ne sont toutefois réalisées qu'à la date :

- soit de rejet de l'opposition en première instance (l'appel n'étant pas suspensif à cet égard) ;

- soit de remboursement des créances ou de constitutions des garanties offertes et considérées comme suffisantes par le tribunal.

Ainsi, alors qu'en matière de fusion, l'opposition des créances ne suspend ni la disparition de la société absorbée, ni la transmission de son patrimoine à l'absorbante, mais les rend simplement inopposables aux créanciers opposants (C. com., art. 236-14, al. 3 N° Lexbase : L6364AIK), dans une opération de confusion de patrimoine, la disparition même de la société et la transmission de la totalité de son patrimoine ne peuvent intervenir tant que le sort des oppositions n'a pas été réglé.

Dans cette hypothèse, dont les sociétés participant à l'opération prennent toutefois soin de réduire les risques de survenance, l'opération commencée au cours d'un exercice N peut ne s'achever qu'au cours de l'exercice N+1, aggravant ainsi les conséquences négatives de la dichotomie des dates d'effet fiscal et comptable.

Finalement, aux deux dates essentielles de réalisation d'une opération de fusion -date de publication du traité de fusion qui fait courir le délai d'opposition d'un mois, et date des assemblées générales des sociétés participant à l'opération, marquant les dates de dissolution et de transmission de patrimoine- la réalisation d'une "TUP" ajoute la prise en compte de deux dates supplémentaires :

- la date de décision de dissolution ;

- la date de règlement des éventuelles oppositions.

A cette hétérogénéité des dates d'effet avec une première dichotomie entre le traitement fiscal et le traitement juridique et comptable, s'ajoute une seconde dichotomie de traitement en matière de rétroactivité.

B - Prise d'effet rétroactive ou différée - la dichotomie de traitement fiscal et comptable

1 - Rétroactivité fiscale

Depuis l'instruction précitée du 7 juillet 2003, l'administration a admis que, pour autant qu'il en fasse le choix exprès dans sa décision de dissolution sans liquidation, l'associé unique puisse donner un effet rétroactif ou différé à la date d'effet de l'opération.

Une telle clause s'impose à l'associé comme à l'administration fiscale en matière d'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle dans les mêmes conditions que celles applicables aux opérations de fusion, scissions et apports partiels d'actifs, la date d'effet ne pouvant remonter au-delà du jour d'ouverture de l'exercice en cours des deux sociétés, ni être différée postérieurement au jour de clôture de l'exercice en cours de la société confondante.

En pratique, et à défaut de précisions, toutefois, l'on ne voyait pas bien comment la date d'effet pouvait être différée au-delà de la date de réalisation juridique et comptable de l'opération (Confusion de patrimoine, Themexpress, Edition Francis Lefebvre, J. Toutté et E. Lourdeau, Morel, n° 32), voire même au-delà de la date de clôture de la société confondue sans entrer dans de singulières complications de traitement fiscal et comptable.

L'instruction précise que la portée d'une telle clause est uniquement fiscale et n'est opposable ni aux tiers, ni aux créanciers sociaux.

La rétroactivité et l'effet différé ne se présument pas, l'opération étant réputée, à défaut d'une telle clause, avoir effet au jour de sa réalisation.

Dans ce dernier cas, l'opération de dissolution confusion présentait, néanmoins, une "petite rétroactivité" sur le plan fiscal puisque sa date de réalisation juridique était nécessairement postérieure d'au moins trente jours à sa date de réalisation fiscale (R. Montfort, E. Nevière et P. Apremont, Une approche transversale de la transmission universelle de patrimoine (fiscale, sociale, comptable), Option Finance, n° 779 du 5 avril 2004).

L'intérêt de la rétroactivité fiscale est évident puisqu'il permet à la confondante de prendre en compte, dans ses résultats d'exercice en cours lors de la réalisation de l'opération, l'ensemble des résultats de la société confondue sans solliciter d'agrément en cas de déficit.

2- Non-rétroactivité juridique et comptable ?

La question a fait couler beaucoup d'encre mais elle semble pour l'instant résolue.

- Son enjeu est d'une réelle importance. Si l'on admet la rétroactivité comptable qui, le plus souvent en pratique, interviendra au jour d'ouverture de l'exercice en cours de la société confondue, cette dernière n'aura pas à arrêter de situation comptable au jour d'expiration du délai de trente jours, pour enregistrer toutes les opérations réalisées depuis cette date d'ouverture.

La société confondante reprendra directement ces opérations dans ses propres comptes en y intégrant le résultat de la période intercalaire à l'instar de ce qui est effectué en régime de fusion. 

Dans le cas contraire, une situation doit être arrêtée à l'issue du délai d'opposition enregistrant les valeurs d'actifs et de passifs arrêtées à cette date ainsi que le résultat de la période intermédiaire.

Les boni/mali de fusion comptables seront nécessairement différents des boni/mali fiscaux rétroactifs et un retraitement extra comptable du résultat fiscal sera nécessaire pour neutraliser le résultat intermédiaire.

- Alors qu'en matière de fusion, scission et apports partiels d'actifs, les dispositions de l'article L. 236-420 du Code de commerce ([LXB=L8352GQE ]) prévoient expressément la faculté de faire rétroagir (ou de différer) la date d'effet de l'opération, aucune disposition légale analogue n'existe en matière de confusion de patrimoines, les seules dispositions applicables du Code civil prévoyant même expressément une date d'effet calée sur l'absence ou la présence d'opposition.

- Motivé par l'intérêt pratique de pouvoir user d'une facilité de rétroactivité analogue à celle des fusions, le comité juridique de l'Association Nationale des Sociétés par Actions (ANSA) était d'abord allé assez loin en concluant dans sa séance du 3 avril 2002 que "tant sur le plan juridique, que sur le plan fiscal, la dissolution simplifiée par transmission universelle de patrimoine à l'associé unique produit les mêmes effets que la fusion : comme celle -ci, elle peut être assortie d'un effet rétroactif " et que l'effet différé "n'était pas limité aux seuls aspects comptables et fiscaux mais couvrait également le transfert de la propriété des biens concernés" (Communication ANSA n° 3166).

- Inversement, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) arguant de l'existence du délai d'opposition des créanciers et de l'absence de dispositions légales expresses conduit à l'impossibilité de la rétroactivité prévue en matière de fusions (Bulletin CNCC n° 129, mars 2003).

Sur la base des mêmes arguments et de ce que "[... ] la rétroactivité n'a qu'un caractère exceptionnel dans notre droit et ne se préjuge pas [...] et [...] qu'il n'y a pas de rétroactivité sans texte [...]", la Chancellerie a refusé la possibilité d'une rétroactivité autre que fiscale (lettres de la Chancellerie au Président de la CNCC du 10 avril 2003 et au délégué général de l'ANSA du 27 avril 2004).

- Le règlement comptable n° 3246 2004-01 précise, désormais, que "[...] dès lors que la rétroactivité des opérations de dissolution par confusion de patrimoines n'est pas prévue par le Code civil, les écritures comptables ne sont reprises chez l'associé unique qu'à l'issue du délai d'opposition des créanciers".

L'ANSA a finalement pris acte de ces positions reconnaissant qu'il était "[...] abusif de parler de véritable rétroactivité sur le plan comptable [...] les deux sociétés étant tenues, pendant la période intercalaire, de respecter leurs obligations légales respectives" (Comité juridique du 7 juillet 2004).

Sa formulation sur "la fusion des deux séries de comptes de façon extra-comptable", laisse, toutefois, planer un doute lorsqu'elle précise que "le résultat de la période intercalaire est bien transmis à la société bénéficiaire".

S'il n'y a pas de véritable rétroactivité comptable, le résultat de la période intercalaire reste nécessairement acquis à la confondue et ne peut être enregistré dans les comptes de la société confondante, ni pour augmenter ses propres résultats de fin d'exercice, ni pour les diminuer, en cas de déficit, la totalité du mali technique devant être inscrite à l'actif, dans un compte d'immobilisations incorporelles - compte 2007 - Fonds Commercial - Mali de Fusion (Avis du Conseil national de la comptabilité 2004-01 du 25 mars 2004).

- La réponse exprimée par la CNCC dans son Bulletin n° 134 du juin 2004, page 77 (BCF, 1/05 janvier 2005, page 17) paraît claire à cet égard.

Soulignant l'impossibilité de donner un effet rétroactif aux "TUP", le Bulletin rappelle "[...] qu'il appartient au Commissaire aux comptes de la personne morale confondante de s'assurer de la correcte comptabilisation de l'opération intervenue au cours de l'exercice [...]" et, en cas de comptabilisation avec un effet rétroactif, "[...] de signaler cette irrégularité au gouvernement d'entreprise [...] au regard de l'arrêté définitif des comptes " et, si elle présente "[...] un caractère significatif, d'en tirer les conséquences appropriées dans la formulation de son opinion sur les comptes dans la première partie de son rapport général".

L'enjeu final de cette dichotomie de traitement fiscal et comptable, étant la prise en compte ou non, du résultat de la période intermédiaire dans les comptes de clôture de la société confondante, jusqu'où pourraient aller les formulations du commissaire aux comptes ? Observations, réserves, refus de certifications ? Une personne morale dont les comptes ne sont pas soumis à certification encourrait-elle un véritable risque de présentation de faux bilan ?

A moins que les sociétés participant à l'opération n'acceptent cette prise de risques embarrassante, même si elle est, en principe, effectuée dans de nombreux cas, la réalisation de la "TUP" sera alourdie par l'établissement d'une situation comptable supplémentaire avec retraitement du résultat fiscal intercalaire (Marie-Antoinette Coudert et Christian Meyer, Restructuration d'entreprises : Fusion simplifiée ou confusion de patrimoines ?- Actes Pratiques n° 75, mai-juin 2004, n° 35).

Même si elle présente un fondement juridique argumenté, on ne peut que regretter pour les opérateurs, que cette rétroactivité comptable n'ait pas été admise. Certains auteurs semblent dénoncer la "position restrictive" de la Chancellerie et des autorités comptables (MM. Toutée et Lourdeau-Morel, ouv.préc. n° 35), voire admettre la faculté d'une "rétroactivité juridique" (Mémento Francis Lefebvre  Sociétés Commerciales, 2006, n° 1 273) sur la base du dernier avis précité de la commission juridique de l'ANSA, ou considérer qu'en l'absence d'interdiction formelle, il est tout à fait possible d'assortir toute opération juridique d'un effet rétroactif (Jean-Patrice Storck, La rétroactivité des décisions sociales, Rev. Sociétés 1985, page 55).

II - L'instruction administrative 41-105 n° 213 du 30 décembre 2005

Dans le tout dernier chapitre de cette importante instruction sur les fusions de sociétés et opérations assimilées, l'administration vient de préciser que "[...] il convient désormais d'entendre sur le plan fiscal par date de réalisation de l'opération de dissolution sans liquidation, non plus la date de décision de la dissolution, mais la date de transmission du patrimoine [...]. Dans ces conditions, aucun effet différé ne peut plus désormais être donné par l'associé unique à l'opération de dissolution sans liquidation".

Les indications à ce sujet figurant dans l'instruction précitée du 4 juillet 2003 sont rapportées et cette nouvelle date fiscale de réalisation s'applique à compter de sa publication, le 30 décembre 2005 à toutes les opérations de dissolution-liquidation dont la publication est intervenue à compter du 30 décembre 2005.

Pour permettre de bénéficier pleinement de l'enregistrement dans les comptes de la confondante, du résultat de la période intercalaire de rétroactivité, l'instruction prévoit le cas de figure d'une dissolution-confusion décidée et publiée en fin d'un exercice N (27 décembre par exemple) et dont la date de réalisation interviendrait au cours de l'exercice N+1 (27 janvier).

Dans ce cas, la date de rétroactivité fiscale pourra être placée au choix au premier jour de l'exercice en cours de la confondante lors de la décision de dissolution (1er janvier de l'exercice N), aussi bien qu'au premier jour de son exercice en cours lors de l'expiration du délai de 30 jours (1er janvier de l'exercice N+1), sans pouvoir remonter au-delà de la date d'ouverture de l'exercice en cours de la confondue à la date de décision de la dissolution.

Les résultats de la société dissoute devront être pris en compte par la confondante, exercice par exercice.

III - La situation nouvelle depuis l'instruction du 30 décembre 2005 : unification des dates de réalisation juridique, comptable et fiscale de l'opération mais persistance des inconvénients de la rétroactivité partielle

A - Unification des dates de réalisation juridique, comptable et fiscale

Incontestablement, l'instruction va dans le sens d'une simplification du traitement des dates :

- L'administration fait coïncider la date de réalisation fiscale avec celle de réalisation juridique et comptable, fixée par les dispositions de l'article 1844-5, alinéa 3, du Code civil telles qu'interprétées par la Chancellerie, à l'expiration du délai de trente jours (sauf prolongation pour gestion des oppositions).

Les dates de décision de dissolution par l'associé unique, puis de publication, n'emportent plus de véritables effets fiscaux autonomes, contrairement à la situation antérieure (et sauf pour l'applicabilité de la rétroactivité en cas d'opération à cheval sur deux exercices).

- Dans la gestion de son calendrier opérationnel, le praticien n'aura plus qu'une seule date importante à prendre en compte, et non plus trois : celle de l'expiration de la période de trente jours qui réalisera la disparition de la confondue et la transmission de son patrimoine sur le plan fiscal aussi bien que sur les plans juridique et comptable (sous réserves, bien évidemment, en cas d'opposition, de la date de leur règlement).

- Le recours à l'effet différé qui, en pratique, consistait souvent à différer la date de réalisation fiscale à celle d'expiration du délai de trente jours, devient non seulement inutile, mais prohibé par l'instruction.

- Il n'existe plus de "petite rétroactivité" puisque, même en l'absence de clause expresse de rétroactivité fiscale, la date de réalisation fiscale de l'opération n'est plus antérieure d'un mois à la date juridique et comptable de disparition de la confondue et de transmission de son patrimoine, mais concomitante.

- Enfin, il faut souligner que la période de rétroactivité fiscale d'une confusion de patrimoines pourra être nettement plus longue que celle applicable à une fusion encadrée par les dates des exercices en cours au jour des Assemblées générales décidant la fusion et produisant ses effets. Elle pourra s'étendre sur deux exercices, voire sur trois si, dans l'exemple analysé plus haut, le sort des oppositions venait à n'être réglé qu'en N+2.

B - Persistance des inconvénients de la rétroactivité limitée

Comme elle le souligne en début du chapitre (cf. point 64), la position de l'administration fiscale est distincte de celle de la réglementation comptable.

La non-rétroactivité comptable demeure, plaçant les opérateurs devant l'alternative suivante pour la réalisation de l'opération :

- Choisir une date unique de réalisation juridique, comptable et fiscale en faisant coïncider l'expiration du délai de 30 jours avec la fin d'un mois civil, qui pourra être aussi le dernier de l'exercice de la confondue.

L'opération sera sans effet sur le résultat de la confondante (autre que celui du jeu du faux boni/mali de confusion) mais le transfert des éléments du patrimoine, des contrats de travail et des éléments hors bilan en sera simplifié, les comptes de cessation d'activité couvrant la même période comptable et fiscale.

- Donner un effet fiscal rétroactif à la "TUP", ce qui permettra alors à la confondante d'intégrer le résultat de la période intercalaire, et de pouvoir imputer l'éventuel déficit de cette période sans procédure d'agrément.

Même s'il sera toujours plus simple de faire coïncider la date d'expiration du délai de trente jours avec la fin d'un mois civil, l'on ne pourra pas éviter l'établissement d'une situation comptable à ce dernier jour qui devra de plus s'alourdir du retraitement extra-comptable nécessaire à la neutralisation du résultat fiscal.

Pour marquer la rétroactivité fiscale, la liasse de cessation d'activité, à déposer dans les soixante jours de réalisation de l'opération (CGI, art. 201-1), mentionnera à zéro les opérations de résultat tout en reprenant les valeurs bilantielles du précédent exercice clos.

Pour autant, conscients de la simplification de traitement qu'elle présente, les praticiens doivent-ils se résoudre à chasser définitivement toute rétroactivité comptable de leurs esprits, comme de leurs actes ?

Les arguments juridiques ne manquent pas en faveur de la validité d'une option pour la rétroactivité comptable prise par l'associé unique dans sa décision de dissolution.

- L'étude précitée de J.-P. Storck montre bien qu'en l'absence de dispositions impératives de la loi, comme de nullités expressément prévues par le Code de commerce, une telle décision n'intervenant qu'entre associés, ne devrait pas pouvoir être annulée pourvu qu'elle ne soit pas opposable aux tiers et qu'elle soit, par ailleurs, conforme au droit des contrats.

Une telle décision sociale non susceptible d'annulation pourrait valablement suppléer à l'absence de texte légal ou réglementaire sur laquelle s'appuie la position de règlement comptable n° 2004-1.

- A défaut d'une disposition légale, c'est donc un acte unilatéral de volonté qui permettrait l'enregistrement comptable de l'opération à la date retenue, comme pour une autre convention.

Certes, la lettre de la Chancellerie précitée, du 27 avril 2004, déduit des dispositions du Code civil que "[...] la fixation de la date de réalisation de l'opération échappe ainsi à la volonté des parties" mais c'est pour en conclure que "[...] un tel mécanisme s'oppose à toute clause de rétroactivité opposable aux tiers".

Ne pourrait-on pas admettre a contrario que, dès lors qu'elle n'est pas opposable aux tiers, une telle rétroactivité serait acceptable ?

Ces derniers seraient ainsi placés dans la même situation que les créanciers opposants d'une fusion : ils conserveraient tous leurs droits sur le patrimoine de la société confondue/absorbée qui n'a pas disparu, mais qui a été seulement transférée, sans que la réalisation de l'ensemble de l'opération soit suspendue pour autant.

Le respect des droits des tiers, préoccupation centrale des opposants à la rétroactivité, étant ainsi assuré, la décision de dissolution avec effet rétroactif pourrait prendre tous ses effets et recevoir sa traduction comptable.

- L'effet rétroactif prohibé par les dispositions de l'article 2 du Code civil ([LXB=L2227AB4 ]) ne s'applique qu'à la loi et ne concerne pas la volonté des parties, qu'elle soit unilatérale ou bien conventionnelle (cf. études précitées, J.-P. Storck n° 3 ; M.-A. Coudert et Ch. Meyer, n° 35).

- Dès lors que toute rétroactivité est le plus souvent une fiction, qu'elle soit fiscale, comptable ou juridique, pourquoi ne pas accepter une rétroactivité comptable en laissant subsister la date d'effet juridique à la transmission effective de patrimoine à l'issue du règlement des oppositions ?

Dans son avis du 7 juillet 2004, l'ANSA semble finalement laisser une place pour la rétroactivité juridique alors qu'elle semble plus circonspecte pour la rétroactivité comptable. C'est, du moins, ainsi que l'interprète le Mémento Francis Lefebvre, Sociétés Commerciales, 2006, n° 1 273, en admettant la faculté de rétroactivité juridique.
Mais du point de vue de l'expertise comptable, le véritable problème n'est-il pas plutôt de différencier les deux ? D'enregistrer une écriture à une date distincte de la date juridique ?
Mais si la rétroactivité juridique peut être admise, l'expertise comptable devrait être moins gênée et, sur un plan pratique, l'on "discerne mal [...] les risques que comporterait la traduction dans les comptes de la société confondante d'une telle clause" (MM. Toutée et Lourdeau-Morel, ouv. préc. n° 35).

La mention requise dans le rapport général du commissaire aux comptes de la confondante pourrait être formulée en évitant une connotation négative, sachant qu'en toute hypothèse, et même si elle n'a pas de commissaire, la société aura à justifier son option comptable dans l'annexe de ses comptes.

L'histoire de la rétroactivité des opérations de fusion-absorption a commencé avec une jurisprudence, toujours confirmée par la suite, acceptant que la société absorbante puisse prendre à sa charge les conséquences de la gestion de la société absorbée durant la période intermédiaire, tant au plan fiscal qu'au plan comptable (Conseil d'Etat, 12 juillet 1974, n° 81753, SA X. N° Lexbase : A7621AYW), jusqu'à ce qu'un texte de loi intervienne en 1988.

En attendant l'intervention du législateur pour la "TUP", le risque d'une option comptable pour la rétroactivité ne peut-il être tenté, pour que cette opération de confusion de patrimoines, traitée comme une véritable fusion par l'administration fiscale, assimilée aux opérations de fusion par les Directives européennes (Directive 2005/56, du Parlement européen et du Conseil, 26 octobre 2005, sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux N° Lexbase : L3532HD8), et de plus en plus utilisée comme telle par les praticiens, puisse valablement être considérée, à coté de la fusion-absorption "classique", de la fusion simplifiée, comme une fusion "super-simplifiée" ?

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