La lettre juridique n°198 du 19 janvier 2006 : Fiscalité des particuliers

[Textes] "Le bouclier fiscal" : une nouvelle étape dans l'appréciation récente du caractère confiscatoire de l'impôt

Réf. : Loi de finances pour 2006, n° 2005-1719, 30 décembre 2005, art. 74 (N° Lexbase : L6429HET)

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés

le 07 Octobre 2010

La loi de finances pour 2006 insère un nouvel article 1er avant la première partie du Livre Ier du Code général des impôts (CGI), aux termes duquel les impôts directs payés à compter du 1er janvier 2006 par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 60 % de ses revenus.
Ce même article renvoie, pour les conditions d'application de ce droit, aux dispositions de l'article 1649-0 A nouvellement créé et figurant au début du titre Ier de la troisième partie du CGI, au chapitre 01 intitulé "Plafonnement des impôts". Ainsi, aux termes du 1 du nouvel article 1649-0 A, le droit à restitution de la fraction des impositions, qui excède le seuil mentionné de 60 % des revenus , est acquis par le contribuable au 1er janvier suivant l'année du paiement des impositions dont il est redevable.
Le contribuable s'entend, bien entendu, du foyer fiscal défini à l'article 6 du CGI , fiscalement domicilié en France au sens de l'article 4 B du même code . 1. Les impositions prises en compte pour la détermination du droit à restitution

Les impositions à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution, aux termes du 2 de l'article 1649-0 A du CGI, sont :

a) l'impôt sur le revenu ;
b) l'impôt de solidarité sur la fortune ;
c) la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférentes à l'habitation principale du contribuable et perçues au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que les taxes additionnelles à ces taxes perçues au profit de la région d'Ile-de-France et d'autres établissements et organismes habilités à percevoir ces taxes additionnelles à l'exception de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ;
d) la taxe d'habitation perçue au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale afférente à l'habitation principale du contribuable, ainsi que les taxes additionnelles à cette taxe perçues au profit d'autres établissements et organismes habilités à percevoir ces taxes.

Ces impositions ne sont prises en considération, au sens du texte, que sous réserve qu'elles ne soient pas déductibles d'un revenu catégoriel de l'impôt sur le revenu et qu'elles aient été payées en France et, s'agissant des impositions sur le revenu et de solidarité sur la fortune (ISF), qu'elles aient été régulièrement déclarées.

Le 3 de l'article 1649-0 A du CGI précise que ces impositions sont, toutefois, diminuées des restitutions de l'impôt sur le revenu perçues ou des dégrèvements obtenus au cours de l'année du paiement de ces impositions.

Il est, en outre, précisé que, s'agissant des impositions foncières (CGI, art. 1649-0 A, 2, c) qui sont établies au nom des sociétés et groupements non soumis à l'impôt sur les sociétés dont le contribuable est membre, il est tenu compte de la fraction de ces impositions à proportion des droits du contribuable dans les bénéfices comptables de ces sociétés et groupements. En cas d'indivision, il est tenu compte de la fraction de ces impositions à proportion des droits du contribuable dans l'indivision.

De même, il est encore précisé que, s'agissant des impositions afférentes à la taxe d'habitation (CGI, art. 1649-0 A, 2, d) qui sont établies au nom de plusieurs contribuables, le montant des impositions à retenir pour la détermination du droit à restitution est égal, pour ces impositions, au montant de ces impositions divisé par le nombre de contribuables redevables et, pour les impositions à l'impôt sur le revenu et à l'ISF (CGI, art. 1649-0 A, 2, a et b), au montant des impositions correspondant à la fraction de la base d'imposition du contribuable qui demande la restitution.

2. Les revenus pris en compte pour la détermination du droit à restitution

Le revenu à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution, aux termes du 4 de l'article 1649-0 A du CGI, s'entend de celui réalisé par le contribuable au titre de l'année qui précède celle du paiement des impositions ; c'est-à-dire :

a) des revenus soumis à l'impôt sur le revenu, nets de frais professionnels. Les plus-values immobilières mentionnées aux articles 150 U à 150 UB du CGI sont retenues dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VE (après application de l'abattement pour durée de détention) ;
b) des produits soumis à un prélèvement libératoire ;
c) des revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France, à l'exception des plus-values mentionnées aux II et III de l'article 150 U du CGI (cession de la résidence principale, expropriation, remembrement, etc.) et des prestations mentionnées aux 2° et 2° bis de l'article 81 du même code (prestations familiales, allocation salaire unique, mère au foyer, etc.). Par revenus exonérés, il convient de comprendre, également, les produits et plus-values que procurent certains placements effectués dans le cadre d'un plan épargne-retraite, du gain constaté lors de la clôture d'un plan épargne en actions (PEA), des intérêts inscrits en compte sur les livrets des caisses d'épargne, les livrets d'épargne populaire ou encore les livrets jeunes.

Il est précisé au 6 de l'article 1649-0 A du CGI que les revenus des comptes d'épargne-logement mentionnés aux articles L. 315-1 (N° Lexbase : L1876DKP) à L. 315-6 (N° Lexbase : L7421ABH) du Code de la construction et de l'habitation, des plans d'épargne populaire mentionnés au 22° de l'article 157 du CGI , ainsi que des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, autres que ceux en unités de compte, sont réalisés, pour leur prise en compte dans l'assiette desdits revenus, à la date de leur inscription en compte.

Au 7 du même article, il est encore précisé que les gains retirés de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés qui n'excèdent pas le seuil fixé par le 1 du I de l'article 150-0 A (soit 15 000 euros) ne sont pas pris en compte pour la détermination du droit à restitution.

Ce revenu (CGI, art. 1649-0 A, 5) est diminué :

a) des déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée par le I de l'article 156 du CGI ;
b) du montant des pensions alimentaires déduit en application du 2° du II de l'article 156 du CGI ;
c) des cotisations ou primes déduites en application de l'article 163 quatervicies du CGI (versées aux plans d'épargne retraite populaire ou dans le cadre de certains régimes de retraite supplémentaire obligatoires ou complémentaire facultatifs).

On notera que les déficits reportables sur les revenus de même nature, ainsi que les autres charges imputables sur le revenu global ne sont pas pris en compte pour la détermination du droit à restitution.

3. La demande de restitution

Le 8 de l'article 1649-0 A du CGI prévoit que les demandes de restitution doivent être déposées avant le 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des impositions susvisées (CGI, art. 1649-0 A, 2).

Aucune restitution ne sera effectuée pour un montant inférieur à 8 euros .

Par ailleurs, le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu, même lorsque les revenus rectifiés ayant servi de base à ces impositions sont issus d'une période prescrite.

Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôt sur le revenu. Un décret fixera les conditions d'application des conditions d'application de l'article 1649-0 A du CGI et précisera, notamment, les obligations déclaratives du contribuable et les modalités d'instruction de la demande de restitution.

3. La vertu non confiscatoire du plafonnement dans son principe

Si cette vertu est largement reconnue par la jurisprudence des Communautés européennes, restait à en avoir la confirmation par une décision même du Conseil constitutionnel et, plus particulièrement, sur le point de savoir si la limitation de la participation de certains contribuables et la définition des capacités contributives par rapport aux seuls revenus, méconnaissaient ou non le principe d'égalité devant les charges publiques.

Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 2005 (Cons. const., décision n° 2005-530 DC, du 29 décembre 2005, loi de finances pour 2006 N° Lexbase : A1204DMK) a rappelé, à cet effet, que si l'article 13 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1360A9A) dispose que pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable, celle-ci elle doit être, également, répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés et que cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.

Il en a déduit que le plafonnement ne revêtait pas un caractère confiscatoire, dès lors que "dans son principe, l'article contesté, loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques".

Selon la Haute cour, les modalités adoptées pour la mise en oeuvre de ce principe sont appropriées à la réalisation de l'objectif que s'est fixé le législateur qu'il s'agisse :

- de la fixation de la part des revenus au-delà de laquelle le paiement d'impôts directs ouvre droit à restitution ;
- de la définition des revenus entrant dans le champ de calcul ;
- de la détermination des impôts directs pris en compte ;
- des mesures retenues pour opérer la restitution.

Il a cru bon, par ailleurs, d'ajouter que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement et qu'il ne lui revient donc pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies.

C'est en se fondant sur ce même article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 que le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 30 décembre 1981 (Cons. const., décision n ° 81-133 DC, 30 décembre 1981, loi de finances pour 1982 N° Lexbase : A8033ACI), instituant l'impôt sur les grandes fortunes, considéré que "le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèce ou en nature procurés périodiquement par ces biens, qu'ils soient ou non soumis, par ailleurs, à l'impôt sur le revenu ; qu'en effet, en raison de son taux et de son caractère annuel, l'impôt sur les grandes fortune est appelé normalement à être acquitté sur les revenus des biens imposables".

On observera, qu'avec son article 58, la loi de finances pour 2006 place au coeur du débat fiscal la question récente du plafonnement de l'impôt, dont aucun texte jusqu'en 1998 n'avait introduit l'existence visant à "définir le maximum d'imposition auquel la collectivité nationale entendait soumettre les redevables".

En effet, il est rappelé que c'est avec l'apparition d'un impôt annuel sur le capital instauré par l'article 2 de la loi de finances pour 1982 n° 81-1160 du 30 décembre 1981, et restauré, après sa suppression, par l'article 26 de la loi de finances pour 1989, n° 88-1149 du 23 décembre 1988, que s'est posée, pour la première fois, la question du plafonnement de l'impôt ayant donné lieu à la codification d'une disposition spécifique .

Si cette question, à l'origine, s'est posée en termes de justice fiscale, ses développements ont suivi l'évolution liée à l'abolition du contrôle des changes et l'ouverture des frontières, puis à l'optimisation économique face à l'expatriation des contribuables et des capitaux et, enfin, à l'attractivité du territoire national pour les investissements étrangers.

Elle a rebondi ces dernières années au niveau du juge de l'impôt à la suite des actions de deux contribuables assujettis à l'ISF (Cass. com., 13 novembre 2003, n° 01-15.611, F-D N° Lexbase : A1255DAQ ; Cass. com., 25 janvier 2005, n° 03-10.068, FS-P+B+I N° Lexbase : A1245DG9), qui soutenaient que l'impôt était confiscatoire au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1364A9E) et à l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives à la protection de la propriété.

Sont contraires, en effet, à ladite Convention "toutes les obligations financières résultant de la levée d'impôt et de cotisations qui font peser un fardeau excessif sur la personne concernée ou portent atteinte substantiellement à sa situation financière".

Ces mêmes contribuables s'attachaient, par ailleurs, à citer, à l'appui de leur argumentaire, l'exemple allemand sur "le principe du partage des revenus entre l'état et le contribuable" consacré par la Cour constitutionnelle de Karslruhe du 22 juin 1995 (2 BVL 37/91) et selon lequel au nom "de la liberté générale d'action", les contribuables doivent disposer de façon illimitée de 50 % minimum de leur revenus.

La Cour de cassation, dans les deux affaires précitées, si elle n'a pas donné raison aux contribuables, elle a, néanmoins, accepté de contrôler le caractère éventuellement confiscatoire de l'ISF à la fois sous l'angle de "l'aliénation forcée du patrimoine et celui de l'absorption intégrale des revenus".

C'est, donc, dans ce contexte qu'intervient le nouveau texte français sur le plafonnement de l'impôt lequel, s'il semble respecter les principes fondamentaux précités, paraît encore assez éloigné du plafonnement allemand.

En effet, on notera que sont exclus la fiscalité immobilière sur les résidences secondaires, ainsi que sur les immeubles donnés en location (taxe d'habitation et taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties) et les prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvement de 2 %), aux motifs tirés de ce que, pour les premiers, les revenus fictifs ne sont pas déclarés par les propriétaires se réservant la jouissance de leurs résidences et, pour les seconds, les taxes afférentes aux immeubles loués ont été déduites des revenus catégoriels et enfin, pour les troisièmes, de ce qu'elles donnent lieu à une contrepartie spécifique résidant dans le financement de la protection sociale.

Enfin, on observera que, si le mécanisme plus restreint du plafonnement de la cotisation d'ISF (CGI, art. 885 V bis, limitant le montant de l'ISF lui-même et les impôts sur les revenus à 85 % de ces derniers) ne se trouve en rien affecté par les nouvelles dispositions sur le plafonnement des impôts directs , la combinaison des deux dispositifs conduit à niveler, en premier lieu, une fraction de l'ISF par l'application d'un plafonnement spécifique et, en second lieu, une fraction des impôts directs par l'application du droit à restitution instauré par l'article 74 de la loi de finances pour 2006.

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