Le tiers détenteur d'un bien immobilier, poursuivi par le créancier titulaire d'une sûreté sur ce bien en vertu de son droit de suite, est une personne intéressée au sens des articles L. 624-3-1 (
N° Lexbase : L3517ICA) et R. 624-8 du Code de commerce (
N° Lexbase : L0908HZN) et est, en conséquence, recevable à former la réclamation prévue par ces textes pour contester la décision rendue par le juge-commissaire dans les rapports entre le créancier et le débiteur quant à l'existence et au montant de la créance assortie de la sûreté. Ainsi, dès lors qu'il n'est pas allégué que l'état des créances avait été déposé au greffe et qu'un avis de ce dépôt avait été inséré au BODACC, le tiers détenteur, à qui la décision d'admission n'est pas opposable, est recevable, à l'occasion des poursuites aux fins de saisie exercées contre lui, à contester l'existence de la créance du poursuivant et son caractère privilégié. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 avril 2016 (Cass. com., 5 avril 2016, n° 14-20.467, F-P+B
N° Lexbase : A1757RC3). En l'espèce, une banque a consenti à une société, en vue de financer l'acquisition et la rénovation d'un ensemble immobilier, un prêt remboursable
in fine et une ouverture de crédit, tous deux assortis d'un terme de deux ans et garantis, le premier, par un privilège de prêteur de deniers, le second, par une hypothèque conventionnelle. La société a cédé les lots de l'immeuble en l'état futur de rénovation à différents acquéreurs. La société n'a pas remboursé les sommes dues à leur échéance et a été mise en redressement puis liquidation judiciaires. La créance déclarée par la banque au passif de la procédure collective a été admise à titre privilégié. Elle a alors fait signifier des commandements de payer valant saisie immobilière tant au liquidateur qu'aux acquéreurs de lots puis a assigné ces derniers devant le juge de l'exécution aux fins de procéder à la saisie de leurs lots respectifs. Les acquéreurs de lots ont contesté la procédure de saisie et mis en cause le liquidateur. Par cinq arrêts, la cour d'appel a annulé la procédure de saisie immobilière. Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation rejette le moyen qui faisait valoir que les tiers détenteurs n'étaient pas recevables à contester la réalité comme le
quantum de la dette du débiteur principal. Toutefois, elle casse l'arrêt d'appel au visa de l'article 1134 du Code civil (
N° Lexbase : L1234ABC), retenant que la cour d'appel a donné à l'acte d'emprunt de la société, dont l'interprétation a fondé sa décision d'annulation des saisies immobilières pratiquées par la banque créancière, une portée qu'il n'avait pas (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté"
N° Lexbase : E0622EXC).
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