Lexbase Fiscal n°627 du 1 octobre 2015 : Contrôle fiscal

[Chronique] Chronique de contrôle fiscal - Octobre 2015

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par Christian Lopez, Maître de conférences HDR à l'Université de Cergy-Pontoise

le 01 Octobre 2015

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver cette semaine la chronique de contrôle fiscal de Christian Lopez, Maître de conférences HDR à l'Université de Cergy-Pontoise. La présente chronique est donc dédiée à deux décisions importantes rendues par le Conseil d'Etat s'agissant de la procédure de visite et de saisie de l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L2641IX4). La première des affaires commentées concerne la contestation devant le juge de l'impôt d'une procédure de visite domiciliaire et de saisie ouverte devant la juridiction judiciaire (CE 9° et 10° s-s-r., 27 juillet 2015, n° 367151, mentionné aux tables du recueil Lebon). La seconde décision aborde la compétence juridictionnelle de la contestation par un tiers de la régularité des opérations de visite et de saisie (CE 9° et 10° s-s-r., 27 juillet 2015, n° 370443, mentionné aux tables du recueil Lebon).
  • La contestation devant le juge de l'impôt d'une procédure de visite domiciliaire et de saisie ouverte devant la juridiction judiciaire est inopérante (CE 9° et 10° s-s-r., 27 juillet 2015, n° 367151, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0740NNQ ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E0755EUI et le BoFip - Impôts N° Lexbase : X4705ALT)

Il résulte des dispositions des articles L. 16 B du LPF et 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR), d'une part, qu'une société, dûment informée par l'administration du recours ouvert devant la juridiction judiciaire, ne peut utilement critiquer devant le juge de l'impôt l'objectif et le déroulement des visites ayant donné lieu à une autorisation de l'autorité judiciaire et menées sous son contrôle, d'autre part, que la décision de recourir à la procédure de visite et de saisie prévue par les dispositions de l'article L. 16 B du LPF ne peut être utilement contestée devant le juge de l'impôt. Ainsi, le moyen tiré de ce que le recours à ces dispositions aurait reposé sur un détournement de procédure est inopérant. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans l'arrêt rendu le 27 juillet 2015.

Dans cette affaire, la société requérante avait porté en charges déductibles des dépenses de publicité et de communication, de 2002 à 2004, que lui avait refacturées une autre société. Il est reproché à l'arrêt de la cour administrative d'appel (CAA Paris, 24 janvier 2013, n° 11PA01556, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9065I8A) d'avoir commis une erreur de droit en maintenant les rehaussements motivés par l'utilisation de renseignements obtenus dans le cadre d'une visite domiciliaire, constituant, en l'espèce, un détournement de procédure.

L'application du dispositif des visites domiciliaire témoigne d'une stricte étanchéité des procédures d'investigation et de contrôle fiscal pour, dans un second temps, octroyer des pouvoirs exorbitants de droit commun dans le cadre du droit de vérification. L'article L. 16 B du LPF présente des caractéristiques propres à sa mise en oeuvre témoignant d'une indépendance entre les procédures d'investigation et de contrôle fiscal. L'extension des pouvoirs traditionnellement attribués dans le cadre des opérations de vérification de comptabilité ne risque-t-elle pas d'entraîner un déséquilibre entre les droits du contribuable et l'action de l'administration du fait de l'utilisation systématique des visites domiciliaires à des fins de contrôle ? L'utilisation d'une procédure de visite et de saisie en vue de réaliser des opérations de vérification de comptabilité constitue, en soi, un détournement de procédure qui se révèle, toutefois, rarement constaté par la jurisprudence. Le détournement de procédure consiste à utiliser une procédure dans un but différent de celui pour lequel elle avait été prévue. C'est "une procédure détournée de son but" (1). Le vice de procédure atteint le processus d'élaboration même de notre système fiscal. Le détournement de procédure apparaît alors comme une forme de fraude à la loi, d'abus de droit. La procédure est utilisée dans le but de porter atteinte aux garanties du contribuable encadrées par les textes. La finalité de la procédure n'est pas respectée volontairement par l'autorité chargée de l'appliquer. Certains auteurs ont précisé que la "conscience et volonté de ne pas suivre la procédure légalement indiquée" caractérisent "la volonté d'échapper à la procédure normale" (2). Les motifs d'un tel stratagème peuvent s'expliquer par la vacance des textes. C'est ainsi que l'administration fiscale a utilisé la procédure prévue par l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, relative à la constatation d'infractions à la législation économique, pour rechercher des manquements à la règle fiscale. A l'époque, les agents de la DGI agissaient officiellement, dans le cadre des missions octroyées par le texte au directeur général de la concurrence et de la consommation pour donner une apparence de légalité des perquisitions menées à des fins fiscales par les agents des impôts qui exploitaient ensuite les pièces saisies dans le cadre des vérifications de comptabilité. Il s'agissait d'une formidable illustration du détournement de procédure pour laquelle nos cours suprêmes mettront presque un demi-siècle pour constater l'irrégularité (3). En effet, lorsque les constatations faites lors de la perquisition avaient donné lieu à des poursuites pour infraction à la législation économique, le détournement de procédure n'était pas constaté même si, subsidiairement, l'administration fiscale exploitait ensuite ces mêmes informations à des fins fiscales.

Dans l'affaire qui nous occupe, il convient donc de s'interroger sur la finalité de cadre procédural utilisé. Il peut arriver que la mise en oeuvre d'opérations de vérification de comptabilité puisse être réalisée au moyen de deux procédures, celle relevant du contrôle fiscal traditionnel, juste contrepartie du système déclaratif, et celle d'investigation relevant notamment du droit de visite et de saisie. Bien qu'ayant leurs propres conditions d'application, la tentation pour l'administration d'utiliser l'une des procédures à la place de l'autre, indépendamment des conditions nécessaires à son déclenchement, est élevée en vue d'une recherche d'efficacité et de sauvegarde des intérêts du Trésor. Ce risque d'atteinte aux droits du contribuable vérifié est d'autant plus important que les voies de recours relatives à l'article L. 16 B du LPF sont à présent parfaitement encadrées. Par ailleurs, cette atteinte fondamentale des droits du contribuable se révèle particulièrement sensible au regard du déclin de la notion de détournement de procédure et de la jurisprudence peu favorable au contribuable lorsqu'il s'agit de constater un contrôle fiscal déguisé. Les visites domiciliaires ne sont pas des outils de confort des opérations de contrôle fiscal.

Il convient, dans un premier temps, de soulever l'interrogation relative au positionnement plus réservé du Conseil d'Etat dans la recherche du détournement de procédure. En effet, les arrêts constatant l'annulation pour détournement de pouvoir ou de procédure restent rares. Cette raréfaction s'inscrit dans la contestation même, par certains auteurs, du détournement de procédure envisagé comme une illégalité interne de l'acte. René Chapus n'hésite pas à remettre en cause l'expression "détournement de procédure" en précisant : "on doit estimer de deux choses l'une : ou bien l'autorité administrative a cru, à tort mais de bonne foi, qu'elle était en droit de mettre en oeuvre la procédure qu'elle a choisie et sa décision est entachée d'erreur de droit ; ou bien, elle a voulu, grâce à la procédure choisie, se soustraire à des contraintes auxquelles l'exposait la procédure qu'elle savait être la seule adéquate, et il y a détournement de pouvoir" (4). En l'espèce, l'acte apparent qui est déféré au juge ne porte que sur un contrôle de légalité interne, à savoir une erreur de droit ou un détournement de pouvoir (5). Or, l'appréciation limitée à l'apparence risque de porter atteinte aux droits du contribuable vérifié. C'est ainsi que le Conseil d'Etat a considéré que les agents d'un GIR ayant procédé dans une entreprise à des constatations portant sur les personnels, les produits, les encaissements et les stocks liés à l'activité n'ont pas effectué un contrôle inopiné au sens de l'article L. 47 du LPF (N° Lexbase : L3907ALB). De ce fait, la procédure d'imposition qui s'en est suivie n'était pas entachée d'un détournement de procédure. Toujours selon le Conseil d'Etat, "après avoir relevé que les constatations portant sur les personnels, les produits, les encaissements et les stocks liés à l'activité du requérant n'avaient pas excédé celles pour lesquelles les agents du groupement d'intervention régional avaient été requis par le procureur de la République afin de caractériser des infractions relatives à l'emploi de travailleurs clandestins", aucune erreur de droit n'avait été commise, le contrôle inopiné ne pouvant être retenu (6).

Traditionnellement, le juge n'hésite pas à procéder à une requalification des situations pour parvenir à déterminer l'acte réellement passé. Il doit vérifier si la finalité des investigations menées a en réalité un objectif fiscal. Cette approche téléologique au regard des opérations matérielles doit permettre d'établir si la notion de détournement de procédure est atteinte. L'administration dissimule alors le contenu réel d'un acte sous une fausse apparence. Elle recourt à une procédure réservée par la loi à des fins autres que celles qu'elle poursuit, afin d'éluder, de supprimer certaines garanties ou certaines formalités. C'est justement pour déjouer ce genre de stratagème que "l'aspect extérieur d'une mesure ne traduit pas nécessairement sa réalité profonde, et il convient [...] de vérifier la nature et l'objet de l'opération" (7). La procédure de visite domiciliaire utilisée permet alors d'être, certes, plus efficace pour motiver les rehaussements envisagés mais si la finalité de l'opération ne peut se justifier autrement que par des opérations de contrôle fiscal, l'irrégularité aurait pour conséquence d'entacher de nullité absolue la procédure d'imposition, sans possibilité de rectification de l'erreur en raison de l'atteinte portée au droit du contribuable vérifié. Ce constat est exacerbé du fait de l'extension des pouvoirs de l'administration fiscale dans le cadre de la procédure de contrôle fiscal.

Toutefois, dans l'affaire qui nous occupe, indépendamment des circonstances de l'espèce, c'est à bon droit que le Conseil d'Etat a considéré que la société visée n'était pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué. En effet, les dispositions de l'article L. 16 B du LPF, telles qu'elles ressortent au lendemain de la loi de modernisation de l'économie, ouvrent aux personnes soumises à des visites domiciliaires la faculté de saisir le premier président de la cour d'appel d'un appel de l'ordonnance autorisant la visite des agents de l'administration fiscale, ainsi que d'un recours contre le déroulement de ces opérations. Par ailleurs, l'article 164 de la loi du 4 août 2008 comporte des dispositions transitoires destinées à ouvrir un recours similaire contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rendue dans des procédures de visite et de saisie achevées avant l'entrée en vigueur de cette loi. Par conséquent, au cas présent, selon les termes de la solution dégagée par les Hauts magistrats, le moyen tiré de ce que le recours à ces dispositions aurait reposé sur un détournement de procédure est inopérant.

La CEDH avait jugé les dispositions de l'article L. 16 B du LPF contraires à l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) protégeant le droit à un procès équitable (CEDH, 21 février 2008 Req. 18497 /03 N° Lexbase : A9979D4D). L'article 164 de la loi de modernisation de l'économie a modifié en conséquence l'article L. 16 B du LPF de façon à renforcer les droits de la défense du contribuable et à assurer la conformité de ce dispositif, indispensable à la lutte contre la fraude, à la Convention européenne. Il a institué pour l'avenir des recours de plein contentieux sur l'autorisation de visite domiciliaire et sur son exécution. Le nouveau dispositif des voies de recours est applicable aux visites et saisies pour lesquelles l'ordonnance d'autorisation a été notifiée ou signifiée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008. Toutefois, des mesures transitoires ont été mises en oeuvre pour éviter à certaines affaires en cours d'être frappées de nullité sur le fondement de la jurisprudence de 2008. Alors même que, sous l'empire du dispositif antérieur, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention a fait l'objet d'un pourvoi en cassation, en attente d'une décision de la cour ou ayant donné lieu à une décision de rejet, à la date du 6 août 2008, les contribuables peuvent faire appel contre cette ordonnance. Ils peuvent également exercer un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours s'effectuent devant le premier président de la cour d'appel selon des règles identiques au recours postérieur à la promulgation du texte. En l'espèce, la cour d'appel n'a commis aucune erreur de droit puisque la société requérante avait été informée par l'administration du recours ouvert devant la juridiction judiciaire. Elle ne pouvait donc critiquer devant le juge de l'impôt le bien fondé de l'ordonnance et de déroulement des visites dont le contentieux ne peut être ouvert que devant les juridictions judiciaires selon le dispositif issu de l'article 164 de la loi du 4 août 2008. En l'espèce, le bien fondé du détournement de procédure relatif à l'utilisation de l'article L. 16 B du LFP ne pouvait donc être invoqué devant le juge de l'impôt.

  • La régularité des opérations de visite et de saisie effectuées sur le fondement de l'article L. 16 B du LPF peut être contestée également par un tiers, non devant le juge de l'impôt mais devant le premier président de la cour d'appel (CE 9° et 10° s-s-r., 27 juillet 2015, n° 370443, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0770NNT ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E2699AG3 et le BoFip - Impôts N° Lexbase : X4705ALT)

L'affaire commentée est relative aux voies de recours susceptibles d'être engagées en cas de contestation de la régularité des opérations matérielles de visite de saisie sur le fondement de l'article L. 16 B du LPF.

En l'espèce, la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie dans les locaux d'une SAS allait donner lieu à des rehaussements de la base d'imposition de l'impôt sur le revenu du requérant dans la catégorie des BNC, à raison de sommes perçues et non déclarées par lui dans le cadre d'une activité de prestations de services d'aide et d'assistance exercée auprès d'une société de droit luxembourgeois. C'est sur la base des documents saisis dans les locaux de la SAS et d'un contrôle sur pièces que les services fiscaux avaient rehaussé la base imposable de l'intéressé. Le problème de droit soulevé par cette décision concerne donc la régularité des voies de recours engagées pour contester les opérations matérielles d'une visite domiciliaire. Sur l'appel formé par le ministre du Budget, la cour administrative d'appel de Versailles (CAA Versailles, 21 mars 2013, n° 11VE02357, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0721MR7) a annulé le jugement qui avait prononcé la décharge des impositions du requérant. Le Conseil d'Etat a, quant à lui, donné raison au requérant. En effet, en examinant au fond le moyen tiré de l'irrégularité de la saisie par l'administration fiscale, dans le cadre d'une opération de visite et de saisie autorisée sur le fondement des dispositions de l'article L. 16 B du LPF, de documents concernant le requérant personnellement, alors qu'une telle contestation relevait, y compris pour les tiers par rapport à l'objet de la visite, de la voie de recours ouverte devant le premier président de la cour d'appel par la loi du 4 août 2008, la cour administrative d'appel de Versailles a méconnu le champ d'application de la loi et la compétence de la juridiction administrative.

A ce stade, il ne semble pas inutile de rappeler le cadre des voies de recours ouvertes antérieurement aux modifications intervenues au lendemain de l'arrêt de 2008 précité rendu par la CEDH.

Dans sa version antérieure aux modifications de l'article 164 de la loi de modernisation de l'économie, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'était susceptible que d'un pourvoi en cassation, non suspensif. Les pourvois formés contre les ordonnances des présidents des tribunaux de grande instance et des juges des libertés et de la détention autorisant l'exercice d'un droit de visite et de saisie étaient attribués à la chambre criminelle depuis le 1er novembre 2000 (8). Ces pourvois étaient jusque-là traités par la chambre commerciale, financière et économique. L'article 164 de la loi modifiant en profondeur le régime des voies de recours, a eu pour conséquence de réattribuer ce contentieux à la chambre commerciale qui ouvrira au tiers les possibilités de recours à l'encontre des visites domiciliaires lorsque les informations recueillies sont susceptibles de motiver des rehaussements.

Près de 25 ans après l'instauration de l'article L. 16 B du LPF, la CEDH a condamné la France, en 2008, en concluant à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention. En réaction, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie, a modifié considérablement les voies de recours contre les ordonnances autorisant les visites domiciliaires, qui peuvent désormais faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel, dans un délai de 15 jours à compter de la notification ou de la signification de l'ordonnance. Après l'arrêt de la CEDH, les juges doivent tirer toutes les conséquences de la réforme opérée par la loi no 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Le juge du second degré doit établir un débat de fond complet conformément à l'article 561 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6714H7S) selon lequel l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. C'est ainsi qu'a été cassée la décision d'un président de cour d'appel qui s'était borné à apprécier si le juge des libertés et de la détention avait correctement rempli son office (9). Il est à rappeler que si le juge d'appel doit apprécier les présomptions alléguées par l'administration, il doit également examiner la régularité des opérations matérielles lors de l'intervention des agents et notamment la saisie des pièces exploitées ultérieurement pour motiver des rehaussements à l'encontre du contribuable visé mais également des tiers.

Les voies de recours contre l'exécution des mesures de visites sont à présent plus largement ouvertes. En effet, au-delà du recours contre l'ordonnance d'autorisation, la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a instauré un recours spécifique contre le déroulement des opérations de visite et de saisie qui donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement des opérations d'investigation. Ce recours légalisé soulève des problèmes au niveau de l'intérêt à agir, mais également sur l'exercice du recours durant les opérations menées par les agents de l'administration. A notre sens, le contentieux de l'exécution adopte une notion plus large de l'intérêt à agir que celle de l'autorisation. Toute personne est donc en droit d'intenter un recours, y compris un tiers non désigné dans l'ordonnance, à partir du moment où la visite est susceptible de faire grief. Dans cette hypothèse, il a déjà été jugé sous l'empire de l'ancien texte que le tiers doit alors justifier d'un intérêt distinct de la personne nommément visée dans le cadre du droit de visite et de saisie (10). Ainsi, une personne destinataire d'une correspondance saisie en vertu de l'article L. 16 B du LPF, fût-ce dans les locaux d'un tiers, a qualité et intérêt pour contester la régularité de cette saisie (11). Précisons que le recours formé par une société qui n'est pas celle dont les locaux ont été visités en vertu d'une autorisation judiciaire antérieure à la loi du 4 août 2008, est néanmoins recevable dès lors que des pièces saisies à l'occasion de la visite avaient été utilisées par l'administration à son encontre (12). Par contre, sans répondre sur le fond, un moyen a été déclaré irrecevable au motif que la société auteur du recours n'est pas recevable à se prévaloir du fait qu'un tiers n'aurait pas été informé des modalités par lesquelles il pouvait saisir le juge, ni avisé de sa faculté de se faire assister par un avocat.

Il convient également de préciser que la Cour de cassation distingue les demandeurs en cassation et les personnes critiquant l'ordonnance. Les demandeurs en cassation, s'ils ne sont pas visés par l'ordonnance autorisant la visite, ne peuvent pas être considérés comme "personnes intéressées" par cette décision. Le pourvoi ne leur est donc pas ouvert. Par contre, les personnes tierces peuvent critiquer l'ordonnance au motif qu'elle leur fait grief, dès lors que les opérations d'exécution les ont concernées, par exemple, en leur qualité de dirigeants ou de cadres de l'entreprise dont les bureaux avaient été visités. En effet, tout intéressé peut contester devant le juge la régularité des opérations matérielles. Pour contester la régularité des opérations à leur égard, les personnes non visées par l'ordonnance doivent justifier d'un intérêt personnel, c'est-à-dire d'un intérêt distinct de celui des personnes visées par l'autorisation (personnes visitées ou recherchées) (13).

La décision commentée en conclut qu'il résulte d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation que cette contestation peut également être formée par des tiers à l'objet de la visite, dès lors que des impositions ont été établies, ou des rectifications effectuées à leur encontre, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une telle opération. Il appartient ainsi à un tiers à l'objet de la visite, s'il s'y croit fondé et en cas d'absence d'information de la part de l'administration quant à l'existence de ces voies de recours, sans condition de délai, de saisir le premier président de la cour d'appel. Le juge administratif n'est, en revanche, pas compétent pour examiner un moyen tiré de l'irrégularité d'une saisie par l'administration fiscale, dans le cadre d'une opération de visite et de saisie autorisée sur le fondement des dispositions de l'article L. 16 B du LPF, même lorsque les documents saisis concernent un tiers.


(1) M. Hauriou, note sous : CE, 14 février 1902, S., 1903, III, p. 98.
(2) R. Goy, La notion de détournement de procédure, Mél. Eisenmann, p. 321.
(3) CE ass. plén. 11 février 1987 n° 40565, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2333AP4), Dr. fisc., 1987, n° 44, comm. 1985, conl. Guillenchmidt ; Cass. crim., 2 juin 1986, n° 86-90.975, Cassation (N° Lexbase : A5242AAE), RJF, 12/86, n° 1143.
(4) R. Chapus, Droit administratif général, tome 1, Montchrestien, coll. Domat droit public, 2001, 15ème éd., p. 1504.
(5) Sur la notion, voir O. de David Beauregard-Berthier, La notion de détournement de procédure en droit administratif, Dt. adm., 2006, n° 1, étude 2.
(6) CE 9° et 10° s-s-r., 13 novembre 2013, n° 340350, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6307KPB), Dr. fisc., 2014, n° 9, comm. 189.
(7) CE ass. plén., 24 juin 1960, n° 42289, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6697B8K), concl. Heumann ; RD publ., 1960.815 ; JCP, 1960, II 11743, note Gour ; S., 1960.348, note Ch. Debrasch.
(8) Ordonnance du Premier président de la Cour de cassation du 13 juillet 2000 et du 24 juillet 2000, RJF, 1/01, n° 53.
(9) Cass. com., 18 décembre 2012, n° 11-28.786, F-D (N° Lexbase : A1538IZY), RJF, 04 /13, n° 415.
(10) Cass. com., 4 juin 1991, n° 90-10.586, publié au bulletin, Rejet (N° Lexbase : A4074ABI), Bull. civ. IV, n° 200, RJF, 8-9/91, n° 1108.
(11) Cass. com., 15 octobre 1996, n° 94-12.383, publié au bulletin, Rejet (N° Lexbase : A2424ABE), Bull. civ. IV, n° 240, RJF, 1/97, n° 45.
(12) Cass. com., 7 décembre 2010, n° 09-70.996, FS-P+B (N° Lexbase : A9175GMR), Bull. civ. IV, n° 190 ; B. Hatoux, Commentaire de la loi du 4 août 2008, Fr. Lefebvre, 39/08, p. 5.
(13) Cass. com., 4 juin 1991, n° 90-10.586 publié au bulletin, Rejet, préc., Bull. civ. IV, n° 200 ; JCP G, 1991, n° 33-27, IV, p. 305.

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