Constitue une discrimination fondée sur le sexe le licenciement d'une salariée ne remplissant pas les conditions suivantes : "
être un homme" et "
avoir effectué le service militaire" pour occuper un poste d'agent de sécurité dans la succursale d'une entreprise publique. Telle est la solution dégagée par la Cour européenne des droits de l'Homme dans un arrêt de chambre le 2 décembre 2014 (CEDH, 2 décembre 2014, Req. 61960/08,
arrêt disponible uniquement en anglais)
Ayant réussi un concours de la fonction publique en 1999, Mme B., ressortissante turque, se vit attribuer un poste d'agent de sécurité dans la succursale d'une entreprise publique. Elle fut cependant informée qu'elle ne serait pas nommée parce qu'elle ne remplissait pas les conditions suivantes : "
être un homme" et "
avoir effectué le service militaire". N'ayant pas obtenu gain de cause devant les juridictions turques et le Conseil d'Etat, Mme B. fut licenciée.
Invoquant l'article 14 de la CESDH (
N° Lexbase : L4747AQU) relatif à l'interdiction de la discrimination devant la Cour européenne des droits de l'Homme, Mme B. estimait que les décisions rendues à son égard dans le cadre de la procédure interne s'analysaient en une discrimination fondée sur le sexe.
La CEDH estime qu'une mesure aussi radicale qu'un licenciement décidé sur le seul fondement du sexe a des effets néfastes sur l'identité d'une personne, sa perception et son respect de soi, et donc sur sa vie privée. La Cour estime dès lors que le licenciement de Mme B. sur le seul fondement de son sexe s'analyse en une atteinte à son droit au respect de sa vie privée, compte tenu également des conséquences de cette mesure sur sa famille et sur sa capacité à exercer un métier correspondant à ses qualifications. Elle ajoute que le poste d'agent de sécurité étant réservé aux hommes, il y a là, pour la Cour, une "différence de traitement", fondée sur le sexe, entre des personnes placées dans une situation comparable. Enfin, elle termine en déclarant que le simple fait que les agents de sécurité doivent travailler de nuit dans des zones rurales et puissent être amenés à utiliser des armes à feu et la force physique ne saurait en soi justifier une différence de traitement entre les hommes et les femmes. De plus, les raisons du licenciement de Mme B. ne tenaient pas à son incapacité à assumer pareils risques ou responsabilités, puisque rien n'indiquait qu'elle eût manqué à ses obligations à son poste, mais aux décisions des juridictions administratives turques. Dès lors, la Cour conclut que la différence de traitement dont la requérante a été victime ne poursuivait pas un but légitime et qu'elle s'analyse en une discrimination fondée sur le sexe (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5348EXD).
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