Lexbase Fiscal n°561 du 6 mars 2014 : Fiscalité immobilière

[Evénement] Winter Real Estate Conference - Compte rendu de la conférence donnée par Arsene Taxand le 19 février 2014

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 06 Mars 2014

Le 19 février 2014, le cabinet d'avocats Arsene Taxand a tenu sa conférence annuelle, la "Winter Real Estate Conference", dans le somptueux hôtel Royal Monceau, voisin du parc Monceau. C'est dans ce superbe cadre que les intervenants ont informé le public de l'actualité fiscale en matière immobilière, et ont présenté les avantages et inconvénients des OPCI et des SIIC. Invité du cabinet, Gaël Beineix, directeur fiscal du Groupe Casino, a fait part de son expérience sur les problématiques soulevées lors de la conférence. Animée par François Lugand, associé, la conférence a retenu l'attention de l'auditoire, toujours plus nombreux. I - Actualité fiscale immobilière 2013/2014

Stéphanie Hamis et Driss Tof, avocats du cabinet Arsene Taxand, présentent, en quatre points, la riche actualité qui frappe le droit fiscal immobilier, nourrie de la loi de finances pour 2014 (loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 N° Lexbase : L7405IYW), de la loi de finances rectificative pour 2013 (loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 N° Lexbase : L7404IYU) et de la jurisprudence.

A - Déductibilité des charges financières (loi de finances pour 2014, art. 22)

C'est devenu la tradition de Noël. Tous les ans, une nouvelle mesure vient complexifier encore le régime de la déduction des charges financières. Le nouveau dispositif s'applique à toutes les entreprises, mais son importance justifie qu'il en soit fait mention en matière de fiscalité immobilière, d'autant plus que les sociétés oeuvrant dans le domaine de l'immobilier sont amenées à contracter des prêts importants pour acquérir des biens ou effectuer des travaux.

Le nouveau dispositif ajoute ainsi une condition à la déductibilité des charges financières chez l'emprunteuse : le prêteur doit être imposable sur les intérêts qu'il perçoit à hauteur de 25 % de l'impôt de l'IS français, c'est-à-dire 8,33 %. C'est sur l'emprunteuse que pèse la charge de la preuve. Toutefois, elle n'a pas à joindre les justificatifs de l'imposition de la prêteuse à sa déclaration de résultat, mais sur demande de l'administration fiscale.

Ce régime s'applique à toutes les sociétés emprunteuses soumises à l'IS en France, ce qui comprend les SCI détenues par ce type de sociétés, ainsi qu'aux établissements stables en France de sociétés étrangères. Toutefois, il ne s'étend qu'aux relations entre une emprunteuse et une prêteuse liées au sens des règles de sous-capitalisation françaises ou étrangères.

Les intérêts concernés sont ceux grevant toute créance.

La mesure entre en vigueur de manière rétroactive, pour les exercices clos à compter du 25 septembre 2013, qui correspond à la date de présentation du projet de loi en conseil des ministres.

Comment apprécie-t-on le niveau d'imposition des intérêts chez la société prêteuse ? La question est délicate. Le niveau d'imposition ne porte-t-il que sur les intérêts ou sur l'ensemble des résultats ? S'agit-il du niveau d'imposition théorique ou réel ? En effet, quid d'une société exonérée d'impôt en fonction, par exemple, de son lieu d'implantation ? Ou de son activité ? Quid de la société qui reporte en avant ses déficits fiscaux antérieurs ?
Heureusement, le législateur n'a pas perdu toute notion de réalité économique, et l'imposition des intérêts s'apprécie pour les seuls intérêts, et est théorique. Ainsi, les débats parlementaires relatifs à la loi précisent qu'"il s'agit bien d'apprécier le niveau d'imposition du seul flux d'intérêts chez la société prêteuse, et non son niveau global d'imposition" (Sénat, séance du 25 novembre 2013). La déduction demeure possible si l'entreprise créancière n'est pas effectivement imposable (régime d'intégration fiscale, situation déficitaire, situation de "back-to-back"...).

Concernant spécifiquement les SIIC, il est à noter qu'elles ne sont pas visées par le dispositif. Néanmoins, les intérêts perçus par une SIIC entrent en principe dans son secteur taxable, ce qui devrait permettre d'exclure l'application de ce nouveau dispositif (cette position se fonde sur les débats parlementaires, voir notamment séance du 25 novembre 2013 au Sénat, précitée).
Concernant le cas des OPCI, le texte précise que l'appréciation du taux d'imposition s'effectue au niveau des actionnaires.

Le nouveau texte n'a pas encore fait l'objet de commentaires de la part de l'administration fiscale, mais sa mise en oeuvre semble avoir une portée limitée. Toutefois, il est difficile d'estimer la part déductible des charges financières, tant les questions sur l'application du régime sont nombreuses (notamment, application aux filiales des OPCI ?).

B - Régime SIIC (loi de finances rectificative pour 2013, art. 33)

L'article 33 de la loi de finances rectificative pour 2013 prévoit trois aménagements majeurs du régime SIIC.

En premier lieu, les obligations de distribution pour bénéficier d'une exonération d'impôt sont augmentées, passant de 85 % à 95 % des bénéfices provenant de la location ou de la sous-location d'immeubles ou actifs assimilés. Ces bénéfices doivent être distribués avant la fin de l'exercice suivant celui de leur réalisation. Dans le même sens, 60 % des plus-values de cession d'immeubles ou d'actifs assimilés doivent faire l'objet d'une distribution dans les deux ans de leur réalisation, contre 50 % auparavant. Ces nouveaux taux de distribution s'appliquent aux exercices clos à compter du 31 décembre 2013. A noter que ce régime n'est pas applicable aux OPCI, mais aux filiales SIIC (imposées à l'IS) de ces organismes.

En deuxième lieu, l'exonération de la contribution de 3 % sur les revenus distribués (CGI, art. 235 ter ZCA N° Lexbase : L1480IZT) est pérennisée. Cette mesure résulte d'un débat houleux. En principe, l'exonération des SIIC était temporaire, et limitée à l'année 2013, alors que l'administration avait précisé, dans sa doctrine, que les OPCI et leurs filiales, pour leurs distributions de dividendes à l'organisme, sont hors champ du dispositif. En réalité, l'allongement de l'exonération a été acquis en contrepartie du durcissement des conditions de distribution. L'exonération de la contribution de 3 % n'opère qu'à hauteur de ces obligations. Elle s'applique aux distributions allant plus loin que les obligations légales, ainsi qu'aux revenus tirés du secteur taxable.

En troisième lieu, l'article 33 de la loi de finances rectificative pour 2013 a modifié l'article 115 quinquies du CGI (N° Lexbase : L1692IZP), relatif à la retenue à la source sur les SIIC. La modification apportée est présentée comme un ajustement. Si elle ne vise pas directement les SIIC, elle a une incidence sur les sociétés étrangères disposant d'un établissement stable en France ayant opté pour le régime SIIC. Alors qu'auparavant la retenue à la source ne s'appliquait pas aux résultats de ce type d'établissement stable, désormais, les revenus réputés distribués via cet établissement stable ayant opté pour le régime SIIC sont soumis à la retenue à la source de 30 %, sous réserve de l'application des conventions internationales. Cette mesure s'applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2013. Toutefois, la France étant particulièrement bien dotée en conventions fiscales internationales, notamment avec des Etats avec lesquels les entrepreneurs et investisseurs traitent couramment, la mesure a un effet nul, dans la majorité des cas.

C - Déductibilité fiscale obligatoire d'une provision comptable

La problématique soulevée par l'arrêt du Conseil d'Etat "Société foncière du Rond-point", rendu le 23 décembre 2013 (CE 3°, 8°, 9° et 10° s-s-r., 23 décembre 2013, n° 346018, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9156KSW), porte sur le parallélisme du traitement fiscal sur le traitement comptable des provisions. La déductibilité fiscale est-elle rendue obligatoire, dès lors que la provision remplit les conditions légales ?

Le débat doctrinal sur cette question fut enflammé. Le Conseil d'Etat tranche la question, décidant que les entreprises ne disposent pas d'une option leur permettant de choisir de déduire fiscalement une provision comptable éligible. Si une entreprise ne déduit pas la provision et que l'administration fiscale opère un contrôle au moment de la reprise, elle taxera la provision reprise, alors qu'elle n'a jamais été déduite. Pourquoi une provision ne serait-elle pas déduite pas une entreprise ? Tout simplement au regard des règles de limitation de l'imputation des déficits. Une entreprise peut estimer qu'il n'est pas opportun de creuser ses pertes alors qu'elle pourrait se retrouver limitée dans l'imputation ultérieure de ces mêmes déficits sur ses bénéfices.

Le problème, c'est que la décision de l'entreprise de ne pas déduire la provision peut être qualifiée d'omission délibérée, opposable au contribuable. Pour le futur, l'entreprise ne doit pas refuser de déduire une provision déductible fiscalement. Concernant le passé, dans la mesure où l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 9ème ch., 18 novembre 2010, n° 09PA04821, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3912GN9), censurée par la Haute juridiction administrative, avait retenu une solution laissant le choix à l'entreprise, ne peut-on pas considérer que l'omission délibérée n'était pas caractérisée ?

Il est conseillé aux entreprises de procéder à un inventaire des provisions, afin de déterminer si elles sont fiscalement déductibles ou non. Il est intéressant de noter que la déductibilité fiscale d'une provision relative à la perte de valeur d'un immeuble est refusée si cette perte n'a pas été constatée par des experts indépendants. Si l'évaluation a été effectuée en interne, comme c'est parfois le cas, la provision n'est pas déductible (voir le BoFip - Impôts, BOI-BIC-PROV-40-10-10-20130225 N° Lexbase : X7690ALE).

D - Autres points : TVA, CVAE, droits d'enregistrement

1 - La franchise de TVA

Concernant l'application de la franchise des loyers de TVA, la position de l'administration n'est pas fixée. Elle ne serait applicable qu'en présence d'une contrepartie, mais la doctrine fiscale reste muette sur le sujet. Dans le doute, il vaut mieux bien faire attention à la rédaction des contrats, afin de mettre en lumière les contreparties apportées. Toutefois, l'insécurité juridique sur ce point est forte.

2 - La CVAE

Les foncières sont-elles pleinement imposables à la CVAE ? Aujourd'hui oui, sur la base de la valeur ajoutée résultant de leurs revenus locatifs. Toutefois, les contrôleurs fiscaux ont parfois observé une certaine habitude des foncières en termes de revente d'immeubles, et ont qualifié les produits des ventes immobilières en produits opérationnels, et non plus exceptionnels. En conséquence, ces produits entrent dans la base imposable à la CVAE. Les montants sont conséquents.

3 - Les droits d'enregistrement

La détermination de la base taxable aux droits d'enregistrement fait l'objet de discussions sans fin. La réforme des droits sur les cessions de titres de société (CGI, art. 726 N° Lexbase : L4619ISU) aurait dû entrer dans la loi de finances rectificative pour 2013, mais son inclusion a été repoussée. Il est permis de croire qu'elle se réalisera dans le prochain projet de loi de finances, et qu'elle irait vers une simplification du régime.

II - OPCI/SIIC : y a-t-il aujourd'hui une alternative ?

Stéphanie Hamis et Steven Guthknecht, avocats managers du cabinet Arsene Taxand, présentent une étude intéressante relative aux véhicules immobiliers dont peuvent user leurs clients, à leur adaptabilité à tel ou tel projet.

Quatre structures méritent d'être comparées : les SCI, les SAS, les SIIC et les SPPICAV.

Au niveau de la typologie des investissements, chacune de ces quatre structures peut exercer une activité de foncière (achat pour la location). Si, en principe, une SPPICAV ne peut pas obtenir le statut de marchand de biens (mais peut faire du développement), ce régime est ouvert aux SAS et aux SIIC sous certaines conditions. Ces dernières peuvent également faire de la promotion immobilière (sous conditions pour les SIIC). En conclusion, le régime le plus ouvert est celui des SAS.

Le taux effectif d'imposition de ces structures les divise en deux groupes : les SCI et les SAS, imposées à 35 %, et les SIIC et les SPPICAV, imposées à 5 %. Ce taux d'imposition se révèle imbattable. Au regard des droits d'enregistrement, la base d'imposition de cession des titres est, pour les SCI, les SAS et les SIIC, égale à la valeur des actifs diminuée de la dette d'acquisition. Pour les SPPICAV, les share deals sont imposés à hauteur de 5 % sur la valeur vénale des titres. Le régime de TVA est identique pour toutes les structures.

Afin de gérer la problématique dite de "cash trap", question systématiquement posée en cas d'investissement, qui signifie le blocage d'un excédent de trésorerie (et donc une impossibilité de distribution), il est possible de mettre en place une clause d'intérêts statutaire dans les SCI. Les intérêts ne seront toutefois pas déductibles en France. Pour les SAS et les SIIC, la problématique du cash trap est réelle, car il est impossible de mettre en place une clause d'intérêts statutaires au titre des dividendes fictifs. Enfin, dans les SPPICAV, un plan comptable spécifique s'applique, et il peut alors être possible de ne pas amortir.

Enfin, concernant les contraintes juridiques liées à la gestion de ces structures, on remarque qu'elles sont faibles pour les SCI et les SAS, mais que la SIIC est une société cotée, et la SPPICAV une société réglementée. Les contraintes juridiques sont donc plus marquées pour ces dernières.

Qu'en conclure ? Que, comme c'est souvent le cas en droit, plus les avantages fiscaux sont importants, plus la structure est lourde à gérer juridiquement.

Pour terminer, un point est fait sur les négociations visant à modifier la Convention franco-luxembourgeoise (N° Lexbase : L6716BH9). En effet, cette dernière est aujourd'hui favorable aux opérations mettant en scène une des quatre structures françaises et une holding au Luxembourg. En effet, par application du Traité, les cessions de parts de SCI ou de SAS, ou encore de SPPICAV ou de SIIC (pour ces deux dernières sociétés, attention à l'obligation de distribution) française par la holding ne sont pas imposées en France. De même, les sommes distribuées par une SPPICAV ou une SIIC à la holding ne sont soumises qu'à la retenue à la source conventionnelle, au taux de 5 %. Elles sont complètement exonérées lorsque la société française est une SAS. En revanche, les loyers versés à la SCI transparentes sont imposable à l'IS en France au nom de la holding.

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