Le Quotidien du 5 août 2025 : Droits d'enregistrement

[Dépêches] Quelle imputation des droits de mutation à titre gratuit sur les droits payés en France ?

Réf. : CA Paris, 26 mai 2025, n° 22/17216 N° Lexbase : B9735ADW

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N2748B38

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par Jérôme Mazeres, Fiscaliste - Diplômé en gestion de patrimoine, Les fourmis du patrimoine

le 28 Juillet 2025

Mots-clés : droits de mutation à titre gratuit • imputation • convention fiscale • impôt français • impôt étranger

1.- Aux termes de l’actuel article 784 A du Code général des impôts N° Lexbase : L8193HLZ : « Dans les cas définis aux 1° et 3° de l'article 750 ter, le montant des droits de mutation à titre gratuit acquitté, le cas échéant, hors de France est imputable sur l'impôt exigible en France. Cette imputation est limitée à l'impôt acquitté sur les biens meubles et immeubles situés hors de France ».


 

2.- Les commentaires administratifs visés au BOI-ENR-DMTG-10-50-60 [1] apportent quelques précisions concernant l’application de ce mécanisme. Si ceux-ci n’apportent pas de précisions directes sur l’assiette d’imputation des droits de mutation à titre gratuit payés dans un autre État, le paragraphe n° 50 précise : « Il est précisé, toutefois, que les pièces produites doivent permettre d'établir :

  • d'une part, que les droits de mutation à titre gratuit dont l'imputation est demandée ont bien été effectivement acquittés dans le territoire ou le pays concerné ;
  • d'autre part, que le montant de ces mêmes droits se rapporte aux seuls biens meubles ou immeubles situés hors de France compris dans l'assiette de l'impôt français ;
  • enfin, que l'impôt effectivement acquitté est définitivement dû, c'est-à-dire n'est pas susceptible d'une restitution éventuelle ».

3.- On croit ainsi comprendre que ce mécanisme qui s’applique en l’absence de convention fiscale entre la France et un autre pays apporte une double limite :

  • d’une part, l’imputation est limitée à l’impôt français ;
  • d’autre part, il s’agit de l’impôt français payé sur les biens meubles ou immeubles situés hors de France.

4.- En revanche, les rédactions du Code général des impôts et de la doctrine administrative n’apportent pas de précisions concernant une éventuelle obligation de redéterminer le montant de l’impôt payé à l’étranger par rapport à l’assiette prise en compte pour le calcul de l’impôt français qui servira de base à l’imputation de l’impôt sur les droits de mutation à titre gratuit.

C’est à cette question que vient de répondre directement la cour d’appel de Paris dans le cadre d’un arrêt en date du 26 mai 2025.

5.- Dans le cadre de cette affaire, un couple, domicilié en Suisse, a consenti une donation-partage de la nue-propriété de titres de sociétés avec réserve d’usufruit d’action d’une société de droit luxembourgeois le 19 avril 2019, au profit de leurs trois enfants situés en France.

L’acte de donation a été enregistré le 16 mai 2019, en France. Il a été fait application du pacte Dutreil.

La mère, en tant que résidente fiscale suisse, a acquitté des droits de mutation auprès des autorités fiscales du canton de Vaud, le 5 juillet 2019. Le montant des droits en Suisse s’élève à 183 897 euros.

Le montant des droits acquittés en France s’est élevé à 244 425 euros.

6.- Celle-ci a déposé une réclamation précontentieuse en France afin d’obtenir la restitution des droits de mutation payés en Suisse.

Celle-ci a bénéficié d’une acceptation partielle à hauteur de 110 179€.

Elle a déposé une requête introductive d’instance devant le tribunal judiciaire de Paris afin d’obtenir la restitution du reliquat des droits de mutation payé en Suisse.

Dans le cadre d’un jugement en date du 20 mai 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

La contribuable a ainsi interjeté l’appel devant la Cour d’appel de Paris.

7.- Deux positions radicalement différentes s’affrontaient :

  • d’une part, celle de l’administration fiscale limitant le montant imputable. La loi prévoit que l'impôt porte sur l'impôt qui aurait été effectivement versé à l'étranger sur les biens en question. Le canton de Vaud a appliqué les DMTG sur la valeur en pleine propriété, là où en France, seule la valeur en nue-propriété a été imposée. L’administration fiscale, appliquant une règle de droit a redéterminé le montant des droits de mutation helvétiques en leur appliquant le rapport suivant : valeur en nue-propriété/valeur en pleine propriété.
  • d’autre part, celle de la contribuable considérant que l’administration fiscale procédait à une mauvaise lecture de l’article 784 A du Code général des impôts. Selon elle, cet article ne poserait que deux limites au montant de la restitution de l’impôt payé à l’étranger :
  • une restitution limitée au montant de l’impôt payé en France ;
  • celle-ci est limitée à l’impôt payé sur les biens donnés situés en France.

Pour cette dernière, le texte ne fait aucune référence à l’assiette de calcul des droits étrangers pour la détermination du montant de la restitution.

Il n’est pas possible d’imposer une identité d’assiette, puisqu’il faudrait prendre en compte les différents abattements fiscaux en France comme à l’étranger.

8.- Au final, la Cour d’appel de Paris a dû répondre à la question suivante :

L'imputation des droits de mutation à titre gratuit étrangers prévue par l'article 784 A du CGI doit-elle être limitée proportionnellement en fonction de la différence d'assiette entre l'impôt français et l'impôt étranger, ou doit-elle porter sur l'intégralité de l'impôt effectivement acquitté à l'étranger au titre des mêmes biens ?

9.- Dans le cadre d’une lecture stricte de l’article 784 A du Code général des impôts, la Cour d’appel de Paris indique : « Ledit texte se réfère uniquement à " l'impôt acquitté sur les biens meubles et immeubles situés hors de France ". C'est donc à juste titre qu'elle souligne que le texte limite le droit à restitution au montant de l'impôt payé en France. […] Contrairement à ce qu'a retenu l'administration fiscale, compte tenu du texte des dispositions de l'article 784 A précité et de l'objectif de limiter les cas de doubles impositions qu'il poursuit, l'application de ce texte justifie de prendre en compte, pour l'imputation, le montant de l'impôt acquitté en raison même de la mutation des biens situés à l'étranger indépendamment de ses modalités de calcul ».

10.- C’est donc le montant de l’impôt étranger qui est pris en compte pour l’imputation. Il n’est pas tenu compte des modalités de calcul de ce dernier.

 

[1] BOI-ENR-DMTG-10-50-60 n° 50 [en ligne]

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